Schuon: les sens de l’Écriture

Original

« Le Saint-Esprit enseigne toute vérité; il est vrai qu’il y a un, sens littéral que l’auteur avait en vue, mais comme Dieu est l’auteur de l’Ecriture sainte, tout sens vrai est en même temps sens littéral; car tout ce qui est vrai provient de la Vérité elle-même, est contenu en elle, dérive d’elle et est voulu par elle. » (Maître Eckhart.) D’après maître Eckhart encore, les apôtres symbolisent respectivement les douze puissances de l’âme, à savoir cinq sens internes, cinq externes, la raison et la volonté; quand, par exemple, il est dit dans l’Ecriture que les apôtres Pierre et Jean « courent ensemble vers le tombeau » (du Christ), cela signifie que la raison et la volonté (ou la doctrine et l’amour) se pénètrent réciproquement dans l’âme spirituelle afin d’atteindre l’essence des choses. – Rappelons également ce passage de Dante : « Les Ecritures peuvent être comprises et doivent être exposées selon quatre sens (littéral, allégorique, moral, anagogique)… Le quatrième est appelé anagogique, c’est-à-dire qui surpasse le sens. C’est ce qui arrive lorsqu’on expose spirituellement une Ecriture qui, tout en étant vraie dans le sens littéral, signifie en outre les choses supérieures de la Gloire éternelle, ainsi qu’on peut le voir dans le psaume du Prophète où il est dit que lorsque le peuple d’Israël sortit d’Egypte, la Judée fut rendue sainte et libre. Bien qu’il soit manifestement vrai qu’il en fut ainsi selon la lettre, ce qui s’entend spirituellement n’est pas moins vrai, à savoir que lorsque l’âme sort du péché, elle est rendue sainte et libre dans sa puissance. » (Convivio, II, 1.) D’après Maïmonide, c’est l’obscurité même de nombreux passages scripturaux qui indique d’une manière providentielle la pluralité de sens dans l’Ecriture. « Malheur, dit le Zohar, à l’homme qui prétend que l’Ecriture ne nous apprend que de simples histoires… S’il en était ainsi, nous pourrions, nous aussi, faire une Ecriture, qui serait même supérieure à l’Ecriture sainte, étant donné que les livres profanes peuvent renfermer des idées transcendantes. » – « C’est aussi une forme de silence dit saint Basile – que l’obscurité dont se sert l’Ecriture, pour rendre difficile à saisir l’intelligence des doctrines, au profit des lecteurs. » (Frithjof Schuon, Perspectives spirituelles et faits humains)


Cutsinger

“The Holy Spirit teaches all truth: it is true there is a literal meaning the author had in view, but since God is the author of holy Scripture, every true meaning is at the same time the literal meaning; for all that is true comes from the Truth itself, is contained in it, is derived from it, and is willed by it” (Meister Eckhart). Again, according to Meister Eckhart, the Apostles respectively symbolize the twelve powers of the soul, namely, five inner senses, five outer senses, the reason, and the will; when, for example, it is said in Scripture that the Apostles Peter and John “ran together to the tomb” (of Christ) this means that reason and will (or doctrine and method) penetrate one another reciprocally in the spiritual soul in order to attain to the essence of things. We may also recall this passage of Dante: “The Scriptures can be understood and must be explained according to four meanings (the literal, the allegorical, the moral, and the anagogic). The fourth is called the anagogic, which refers to what surpasses the meaning. . . . This is what comes about when one gives a spiritual interpretation to a Scripture which, while true in its literal meaning, further signifies the higher things of eternal Glory, even as can be seen in the Psalm of the Prophet where it is said that when the people of Israel came out of the land of Egypt, Judea was made holy and free. While it is manifestly true according to the letter, what is to be spiritually understood is no less true, namely, that when the soul comes out of sin it is rendered holy and free in its power” (Convivio, 2,1). According to Maimonides, it is the very obscurity of numerous scriptural passages that indicates in a providential manner the plurality of meanings in Scripture. The Zohar says, “Woe to the man who pretends that Scripture teaches us only simple stories. . . . If it were thus we also could make a Scripture that would be even better than Holy Scripture, since profane books can include transcendent ideas.” “This also is a form of silence,” says Saint Basil, “that the obscurity of which Scripture avails itself in making doctrines difficult to understand is for the benefit of its readers.”

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