O homem no centro do mundo [HPAS]

La pensée d’Angelus Silesius prolonge dans le XVIIe siècle celle des mystiques médiévaux, elle-même en rapports constants avec la scolastique; nulle part cette place qu’il occupe comme héritier d’une tradition n’apparaît plus nettement que dans sa conception du monde. Comme Jakob Boehme, il voit en lui des forces antithétiques, la lutte de la lumière et des ténèbres; comme lui aussi, il place en son centre la volonté humaine, possibilité d’un choix entre le retour à Dieu et l’enfer intérieur, faite de temps et d’éternité et pouvant se « revêtir » de l’un ou l’autre principe1. Mais leur ressemblance se borne à ce schéma général. Boehme est installé au cœur de son siècle : son monde a été bouleversé par la récente philosophie de la nature, les idées de Paracelse, des spéculations sur le macrocosme et le microcosme; il intègre à l’image qu’il en donne aussi bien les premiers essais tâtonnants de la chimie que les découvertes astronomiques. Surtout, on reconnaît dans son œuvre, sans peine, le monde du XVIIe siècle stylisé : même quand il n’en dépeint pas l’évolution dans le temps, comme il le fait dans la préface de l’Aurora, il montre en lui, sous le nom de lumière et ténèbres, Dieu et le Démon, le Bien et le Mal; une angoisse morale est à la base de sa spéculation; il cherche avant tout à expliquer les contrastes du péché et de la grâce qu’il voit chaque jour aux prises, comme le Oui et le Non en lesquels « consistent » toutes choses. Il est impossible de le concevoir hors de son époque. Pour Silesius, les problèmes que pose le monde sont moins moraux qu’ontologiques : Dieu y est moins le Bien que l’Être, l’Essence dont il déduit la procession comme le faisait la scolastique. Le péché, qui pour Boehme était une réalité centrale, est défini par Silesius comme un non-être, comparé à la soif qui torture sans avoir de réalité (I, 213); « le mal n’a pas d’essence » (II, 166), dit-il; et, en fait, tout se traduira chez lui en termes de métaphysique essentielle : « les ténèbres » et « la lumière » représentent « l’accident et l’essence » (Zufall und Wesen), dont l’un passe, tandis que l’autre demeure éternellement en Dieu. Nous avons relevé au passage quelques allusions à des doctrines de son temps; mais la ligne générale de sa pensée est résolument inactuelle; ni la guerre, ni le nouveau savoir, ni même les luttes confessionnelles n’ont altéré son image du monde, qui est sensiblement celle d’Eckhart; et les difficultés intérieures de sa pensée tiennent bien plus au passage d’un plan de l’Être à un autre qu’aux doutes soulevés dans l’âme humaine par le spectacle d’un monde fait de bien et de mal, œuvre pourtant d’un Dieu d’amour. La création l’intéresse comme élément d’un ensemble qui comprend aussi Dieu et l’âme humaine; mais dans ces deux réalités centrales s’épuise ce qu’elle peut contenir de réalité; elle n’existe au sens plein du terme que dans la mesure où, procédant de Dieu, elle revient en Dieu par l’homme. Nulle part on ne relèverait dans sa pensée la trace d’un intérêt profond pour le monde concret ou le Cosmos. Et ses solutions sont conformes à la bonne tradition médiévale de la mystique eckhartienne.

Dieu se crée en même temps que le monde, c’est-à-dire le Verbe : c’est une des idées fondamentales d’Angelus Silesius. Étant en lui-même pure « déité », sans déterminations, il ne devient « Dieu » personnel qu’en se dédoublant en connaissant et connu, en créant donc en lui le Verbe. Angélus Silesius pousse cette doctrine à l’extrême et affirme que Dieu crée le monde pour prendre connaissance de lui-même, ce qui fait du devenir éternel de Dieu, de l’homme et du monde, un vaste processus intérieur à la conscience divine. C’est une question délicate, dépendant d’une connaissance de Dieu qu’on atteint seulement au terme de la perfection mystique, et que nous examinerons en son lieu. Qu’il nous suffise ici de savoir que ce dédoublement de Dieu en Père et Fils — le Père connaissant, le Fils objet de connaissance — contient implicitement en lui l’existence de toutes les créatures. En tant que connaissant, il reste en lui-même; en tant que connu, il « s’écoule » dans la créature, étant le Verbe divin, en qui toutes les créatures ont leur essence; ainsi est fondé le double caractère de Dieu, sa transcendance au monde et son immanence aux essences créées2, donc aux choses3. Ainsi est réalisé le passage de l’Un au Multiple, par le moyen terme de la Dualité (Anderheit) qui est également le stade où l’homme doit ramener le multiple du monde avant de le réduire à l’Un de Dieu, le stade du « toi et moi » qui précède l’engloutissement dans l’Un sans distinction de Dieu et de l’Homme4; et cet Autre qu’est le Verbe contient en lui les Essences, est une unité des substances du monde, conformément à l’interprétation médiévale du Logos johannique (Joan., I, 3, 4). Il s’agit là d’un acte au-dessus du temps, d’un processus éternel, et comme ce processus crée le monde, le monde ne peut être que coéternel à Dieu.

Angélus Silesius affirme donc parallèlement que « la naissance de Dieu dure toujours », car Dieu engendre son fils hors du temps, donc pour l’éternité (V, 251), et que le monde existe de toute éternité : le monde a été créé hors du temps, donc est évidemment éternel (V, 146), dit-il, en lui appliquant exactement les termes qu’il employait pour le Fils. L’année où Dieu créa le monde fut la première de sa naissance; sous cette forme paradoxale et un peu ironique — car comment parler d’années pour Dieu?5 — Angélus Silesius veut dire que tous deux sont liés : en fait, il ne s’agit pas de temps pour le monde, dans la mesure où il est en Dieu, mais d’une éternité supérieure à toute distinction temporelle; ce qui est dans le monde et s’écoule dans le temps n’est que ténèbres, non-être, état de créature séparée de Dieu (II, 109; V, 4). Lorsque le Christ s’incarna, toutes choses, ciel et terre, ont reposé dans son berceau6, le monde entier est réellement compris en lui, dans le Verbe, seconde personne de la Trinité, aussi bien dans son incarnation que dans sa transcendance; et sa naissance en l’homme, comprise spirituellement, rendra possible un retour du monde à Dieu.

Des quelques distiques où Silesius définit la nature de ces essences contenues dans le Verbe, on peut tirer une pensée précise et, encore un fois, proche de la pensée médiévale. Un des plus connus du livre est le suivant :

La Rose

La Rose, qu’ici voit ton œil extérieur
Fleurit ainsi en Dieu depuis l’éternité.

Die Rose.

Die Rose, welche hier dein aüssres Auge siht,
Die hat von Ewigkeit in Gott also geblüht Idealiter. (I, 108.)

La note indique bien quelle est l’origine de cette notion. La rose dont il s’agit est, certes, cette rose que je contemple en ce monde, mais elle a « fleuri en Dieu depuis l’éternité » en tant que son essence est contenue dans le Mundus ydealis, selon l’expression d’Eckhart, qu’est le Verbe divin. Ainsi, comme elle, toutes les créatures sont contenues en Dieu, et en même temps émanées de lui (I, 107, 109) ; elles sont fondées dans le Verbe de Dieu, et en même temps elles périssent. C’est que Dieu est Être et que les choses ne sont que par communication de son Être : dans la mesure où elles sont en Dieu, il leur confère son éternité, dans la mesure où elles sont hors de Dieu, leur splendeur passe (IV, 96). Chaque chose a son être véritable en Dieu et son existence apparente en ce monde : Silesius dira qu’elles sont plus en Dieu qu’elles ne sont en elles (I, 193), puisque le devenir qui les détruit ici-bas n’atteint pas ce qu’elles sont en Dieu. Silesius définit avec précision la nature de ces essences : conformément à la doctrine que les scolastiques ont reçue d’Aristote, ce sont des essences individuelles et non des archétypes. Platon considère les Idées comme les modèles d’après lesquels le démiurge fabrique les créatures sensibles; elles restent donc toujours typiques, extérieures et transcendantes à leur reproduction en ce monde. Pour la scolastique thomiste, au contraire, il n’y a d’essence que particulière, incarnée dans une existence et immanente à elle. C’est aussi la doctrine de Silesius : la rose dont il parle fleurit « ainsi » (also) en Dieu depuis l’éternité, et sa fleur n’est pas une participation platonicienne à l’idée de Rose, mais bien un épanouissement en Dieu de son essence propre; en termes modernes, elle a en Dieu non seulement son « Da-Sein », mais aussi son « So-Sein ». Les essences sont toutes Dieu en Dieu, et par là d’égale valeur, mais sans cesser d’être elles-mêmes : le caillou vaut le rubis, la grenouille est aussi belle que le séraphin (V, 61); et toutes sont parfaites puisque toutes contiennent la plénitude de l’être; mais elles restent distinctes. En outre, elles ont en Dieu leur cause totale : non seulement il est leur substrat, mais aussi leur forme; Dieu, dit Angélus Silesius d’une façon imagée, est à la fois l’artisan des choses et leur modèle — ainsi nulle n’est sans valeur (V, 51); il est donc leur cause efficiente et leur cause formelle, selon la terminologie scolastique; il est enfin leur cause finale, puisque c’est lui que cherchent les créatures depuis leur création (I, 110). Au moins en un passage (III, 199), il semblerait que les diverses formes que prend la causalité de Dieu à l’égard des essences correspondrait à sa différenciation dans la Trinité : il serait leur base, leur matière en tant que Père, leur « direction », ou forme en tant que Fils, et bénirait Je monde par son amour en tant qu’Esprit. Quoi qu’il en soit, les choses apparaissent dans le monde comme formées à son image, et le révèlent donc en tant que leur essence transparaît en elles : nous avons vu plus haut que le moindre brin d’herbe prouve que Dieu est Trinité, et nombreux sont les passages où les créatures sont définies comme la voix du Verbe éternel (I, 264, 270; IV, 193), le chemin vers Dieu (II, 114; III, 102), son image (IV, 64; V, 86; II, 48). Ainsi s’explique aussi que Dieu soit en toutes choses, et en aucune en même temps: il doit être nécessairement immanent aux démons eux-mêmes (V, 261; cf. II, 132), selon l’idée de l’Aréopagite, puisque ce qui est n’est que par participation à son Être; mais il est en même temps transcendant à toutes les créatures, puisqu’il les crée, transcendant en tant que Créateur, immanent en tant que Verbe. Cette position implique un optimisme « radical » au sens propre du mot, en face du monde : le monde est beau et bon puisqu’il a part à la Beauté et à la Bonté suprêmes, et c’est un point de vue humain que d’y discerner un objet laid ou sans valeur : tout y est parfait (IV, 160; V, 51, 61) dans l’échelle des êtres. Tout y est aussi révélation de Dieu où, comme disait Maître Eckhart, « toutes choses sont pleines de Dieu et sont un livre »7. Telle est dans sa permanence la première création, celle du « Mundus ydealis ».

Mais Silesius joint à cet optimisme de l’essence un pessimisme de l’existence qui l’oppose à saint Thomas d’Aquin, par exemple, pour qui la valeur la plus haute de chaque créature lui vient de son existence concrète posée par Dieu. Il semble presque, chez Silesius, que le passage de l’essence à l’existence est une chute; il n’a en tout cas pas cherché à l’expliquer, et avoue franchement que nous ignorons la cause de cette seconde création, celle du monde réel (IV, 126) : nous ne savons pas pourquoi Dieu est sorti de lui-même, c’est-à-dire du cycle de connaissant et connu qui englobait le « mundus ydealis », pour créer les choses dans le temps. Par là est entrée dans le monde une part de non-être, qui d’ailleurs n’altère pas son existence en Dieu, et ne l’atteint même pas; car elle s’écoule dans le temps et avec le temps et s’anéantit finalement pour ne plus laisser de place qu’à l’Être :

Le Monde ne passe pas.

Ce monde est passager. Quoi? il ne passe pas,
Ce n’est que les ténèbres que Dieu brise en lui.

Die Welt vergehet nicht.

Schau, dise Welt vergeht. Was? sie vergeht auch nicht
Es ist nur Finsternuss was Gott ai jhr zerbricht (II, 109).

Mais il n’y a plus de choses pures de ce néant, et, en cette mesure, le monde est mauvais — puisque le mal est, dans la pensée de Silesius, comme dans celle de ses auteurs, une privation d’être, du moins en ce qui concerne la nature. Sa fausse splendeur entraîne l’homme dans le temps et le détourne de Dieu : sa beauté devient un danger pour lui s’il s’attache à elle et ne sait pas en faire une voie vers Dieu (II, 114; III, 102). L’apparence actuelle du monde est donc équivoque : elle est faite de lumière et de ténèbres :

Les heures du jour.

Dans le ciel est le jour, dans l’abîme est la nuit,
Ici le crépuscule : heureux qui sait le voir!

Die Tageszeiten.

Im Himmel ist der Tag, im Abgrund ist die Nacht,
Hier ist die Demmerung : wol dem ders recht betrachtl (IV, 92.)

C’est à l’homme, doué de discernement, de séparer la lumière des ténèbres, de trouver Dieu dans le monde, de purifier l’essence du hasard : « Il faut que le hasard s’en aille » (I, 274), aussi bien en lui que dans le monde, et si le monde est obscurité, nuit, l’homme y verra resplendir encore la divine lumière :

Un œil qui veille voit.

L’éclat de la splendeur brille au sein de la nuit.
Qui peut le voir? un cœur qui a des yeux et veille.

Ein wachendes Auge stehet.

Dass Hecht der Herrligkeit scheint mitten in der Nacht.
Wer kan es sehn? Ein Hertz dass Augen hat und wacht. (V, 12; à rapprocher de V, 129.)

Dans la dualité de son apparence actuelle, la création est donc pour l’homme « un carrefour de l’éternité » (V, 27), et de sa réponse à la question de Silesius : « Où te dirigeras-tu ? » dépend en quelque mesure le sort du monde dont il peut être le sauveur, ou qu’il peut au contraire affermir dans sa séparation d’avec Dieu. Cette dernière idée du rôle cosmique de la volonté humaine peut nous étonner, mais Eckhart la partageait. Nous aurons à voir comment l’homme peut sauver le monde; mais sans même le rattacher à la question de sa volonté et de la grâce divine, nous en avons un exemple frappant dans ses rapports avec ce qui est le milieu même du monde réel : le temps. Il semble que le monde s’écoule en lui; et cependant Silesius lui dénie toute réalité substantielle, et maintient paradoxalement que l’homme crée le temps et l’espace :

L’homme fait le temps.

C’est toi qui fais le temps; tes sens en sont l’horloge;
Arrête l’inquiétude, et le temps prend sa fin.

Der Mcnsch der macht die Zeit

Du selber machst die Zeit; dass Uhrwerk sind die Sinnen;
Hemstu die Unruh nur, so ist die Zeit von hinnen. (I, 189; cf. I, 185.)

Plutôt qu’une forme de sa perception, le temps apparaît ici comme une forme de son désir. C’est que la durée où se trouve l’homme n’a de sens que comme possibilité de deux rapports opposés de l’âme et du temps : ou bien l’âme convertira le temps en éternité; et, en fait, ce n’est même pas une transformation, car temps et éternité sont la même chose, à moins que la fièvre de l’homme n’introduise une différence entre eux; elle peut les interchanger au moment où elle le veut8. Ou bien, au contraire, elle les séparera et créera en la désirant une différence réelle entre eux. Il est significatif que le même mot : « Unterscheid » — distinction — désigne la valeur de peine ou de joie que les choses ont pour l’homme, et l’acte par lequel il distingue le temps de l’éternité. Car la « distinction » est le début de la volonté propre, qui entraîne l’homme à se chercher toujours lui-même, dans une éternité d’insatisfaction, un temps prolongé à l’infini, qui est l’enfer dès ce monde9. Le monde n’est donc mauvais que quand la volonté de l’homme donne une réalité à son non-être; et la vie est bonne, finalement, non en elle-même, mais parce qu’elle est pour l’homme une possibilité de surmonter la vie même et d’atteindre Dieu; et le temps est « plus noble que mille éternités », car je puis m’y préparer à Dieu (IV, 97, 132; V, 125). C’est en l’homme, si l’on va au fond des choses, qu’est le centre moral du monde, de son temps, de son espace et de sort salut.

L’homme a, comme toutes les autres créatures, Sort essence fondée dans le Verbe divin (I, 73, 89) ; et en ceci il ne diffère nullement d’elles : il est égal dans l’être à la pierre comme au Séraphin, ayant en lui une « éternité innée », indépendante de sa volonté (V, 235). Comme le reste du monde aussi, il est sorti de Dieu : « intellige creaturaliter » (II, 158) — et vit dans le temps. Mais aussitôt après avoir constaté que « l’âme vient de Dieu », donc n’est pas entièrement en lui, Silesius ajoute : « Ne devrait-elle donc pas retourner en Lui? » (II, 158.) Ainsi pénètre dans sa pensée la liberté de la volonté humaine, moteur de toute sa mystique, début du mouvement qui ramène l’homme et le monde à Dieu, faculté qui ferme le cycle de la création, en fait un retour de la puissance divine sur elle-même, et non une sorte de rayon qui se perdrait de plus en plus dans les ténèbres, toujours plus loin, comme elle l’est dans les doctrines néo-platoniciennes de l’émanation10 ; elle applique à l’âme humaine cette catégorie du possible qui domine la pensée religieuse d’Angelus Silesius. L’homme est libre; ainsi s’expliquent les surprenants distiques où Angelus Silesius affirme qu’il est supérieur aux anges (II, 44; III, 121, 203) comme, à propos du monde, il affirmait que le temps est supérieur à l’éternité : car le temps est la possibilité d’un retour à Dieu, et l’homme peut devenir « sur terre même, un roi, un empereur, un Dieu, et ce que je veux »; c’est là sa « noblesse suprême » (IV, 146). L’Ange est comme figé dans son essence; les Trônes dans le repos, les Chérubins dans la contemplation, les Séraphins dans l’amour; l’homme peut être les trois à la fois (IV, 108) et bien plus encore : il pénètre en esprit jusqu’à un inconnu insondable au Chérubin, il peut devenir ce que sont les Séraphins, alors que ceux-ci ne seront jamais ce qu’il est (I, 284; IV, 145). Sa noblesse n’est donc pas dans son être réel, mais dans son être possible; et son choix est entièrement libre : il est placé au « carrefour » du monde, attiré par deux volontés contraires, celle du bien et celle du mal, plongé dans une bête dont il peut sortir (I, 225), ayant en lui aussi bien le ciel que l’enfer (I, 145; III, 92) :

L’homme

La plus grande merveille est pourtant l’homme seul,
Il peut, comme il le fait, être Dieu ou Démon.

Der Mensch

Das s grôste Wunderding ist doch der Mensch allein :
Er kan, nach dent ers macht, Gott oder Teufel sein (IV, 70).

Silesius appelle « élire » (erkiesen) l’acte par lequel l’homme se transforme en Enfer ou en Ciel dès sa vie terrestre; acte absolument volontaire, qui fonde l’exhortation constante de sa mystique : sois éternité, reviens à ton essence, deviens Dieu; acte sur lequel Dieu n’a aucun pouvoir déterminant; car s’il faut sa grâce pour que l’âme revienne à lui, Dieu n’a aucune puissance pour forcer l’homme à sa nouvelle naissance, ni pour lui échapper (III, 80, 146; V, 98). Non seulement le ciel et l’enfer sont intérieurs à l’homme (I, 82, 295, 298; V, 52), mais il peut les « actualiser » (herfürwürken; IV, 183) à chaque moment de sa vie; il lui suffit de se décider sérieusement pour être aussi saint et juste que son Créateur (II, 210; cf. II, 128, 155; IV, 33). Il repose en quelque sorte dans un état d’équilibre parfait que le moindre mouvement peut rompre pour une chute ou pour une ascension; et même, il semble que Silesius ait hésité quelquefois à ce sujet, et considéré la possibilité du salut comme plus accessible à l’homme que celle de la damnation (I, 230). Mais il s’agit aussi d’un choix nécessaire, inéluctable : ne pas sortir de moi est déjà se transformer en « une Babel », « la demeure où le diable fait son sabbat pour l’éternité » (I, 226) : tout est ramené à la seule puissance de la volonté humaine, que Silesius glorifie en des termes qui conviendraient presque à la Toute-Puissance : et, de fait, n’est-elle pas plus forte que la Toute-Puissance, la tenant en échec si elle le veut, quoi qu’elle ait « créé le monde et puisse le replonger dans le néant » (III, 80)?

La volonté perd.

La volonté te fait et perdu, et trouvé.
Ton vouloir te libère, et t’enchaîne et te lie.

Der Wille macht verlohren seyn.

Der Will macht dich verlohrn, der Will macht dich gefunden,
Der Will der macht dich frey, gefässelt und gebunden. (VI, 82.)

Il semble que Dieu assiste sans intervenir — Angélus Silesius dira même indifférent (V, 16, 56) — à la damnation de la créature qui est son oeuvre propre. Il ne se détourne nullement du pécheur : il est comme le soleil dont les rayons éclairent également tous les êtres; ainsi la grâce de Dieu atteint toutes les créatures, même les démons (VI, 40, 41; I, 112; V, 72); nul ne peut dire qu’elle lui a manqué, car « Dieu ne se détourne pas, mais le pécheur se détourne de Dieu » (V, 94). Silesius prend ici le péché en un sens essentiel, puisqu’il dit paradoxalement ailleurs que « Dieu ne peut damner au tourment éternel et à la mort le pécheur qui ne se détourne pas de Dieu » (V, 138). Le péché dont il parle est donc un mouvement total de la volonté humaine libre, qu’il définit en termes presque secs à force de précision1 : « rien d’autre,que le fait pour un homme de détourner son visage de Dieu et de s’orienter vers la mort » (IV, 69) (V. 72. 94. 138; cf. I, 129). Mais ce n’est pas un mouvement purement négatif. Quelles que soient les formes terrestres de ce péché, sa racine est toujours la même : « die Ichheit », le moi haïssable, « die Eigenheit », cause de tout mal (V, 186). L’homme refuse de se reconnaître lié à Dieu, ce qui implique l’humble conscience que sa perfection n’est pas de ce monde, et se pose comme son propre Dieu. Silesius le compare en une belle image au feu-follet qui brûle par lui-même, alors que l’homme bon, tel une étoile, reçoit sa lumière du Seigneur; il le compare encore à Narcisse qui se noie par amour de soi-même (IV, III; V, 69). Telle est la puissance de cette volonté propre, que le Christ, n’en eût-il eu que la plus petite partie, aurait été aussi entraîné dans la chute, et qu’inversement, si le diable pouvait sortir de son moi, on le verrait aussitôt près du trône de Dieu (V, 32; I, 143). C’est elle, et non les démons, qui précipite l’homme dans l’abîme (V, 144). Elle est d’autant plus dangereuse qu’elle est habile à se déguiser : l’homme ne sait pas que c’est lui-même qu’il cherche; mais l’amour du monde, l’amour du déterminé, du « quelque chose », l’idée même du « tien » et du « mien »11 sont des masques de sa damnation. La pensée de Silesius à ce sujet est aussi profonde d’un point de vue théologique que d’un point de vue philosophique : « Ton désir est ton idole » (I, 75); alors que tu crois aimer autre chose que toi, c’est ton désir que tu adores, et c’est pour cette raison que l’homme, si saint qu’il puisse être, est encore un idolâtre s’il désire autre chose que Dieu. Peut-être cela permet-il d’expliquer l’idée, déjà signalée, que l’amour d’un Dieu défini est encore imparfait : il risque toujours de garder l’amour de l’homme pour soi-même, source de toute chute.

De même que Dieu ne provoque pas la chute, ni même ne se détourne du pécheur, de même il n’est pas non plus celui qui le châtie. L’homme qui s’est posé comme Dieu en face de Dieu subit simplement le destin qu’il s’est fait : en ce monde, et dans sa vie intérieure, c’est l’inquiétude constante : les choses ne sont qu’un prétexte à son trouble intérieur, il est la roue qui tourne d’elle-même et n’a pas de repos, il se crée un monde dont il est prisonnier (II, 25; I, 37; II, 85). Les choses ne peuvent toucher l’âme qui repose en Dieu hors du temps, mais bien la volonté qui se tourne vers elles en tant que créatures de néant : elles prennent alors une réalité nouvelle, négative, qui n’est plus un simple non-être : c’est un monde soumis au temps, condamné à un « temps éternel », un monde dont la vie est en fait une mort éternelle, salaire du péché et dont ne fleurit aucune vie nouvelle (I, 29; II, 29; V, II). C’est en ce sens que l’homme tombé dans le péché essentiel est l’Antéchrist : en face du Sauveur des hommes et du monde, il court à la perdition avec le monde. De telles idées font, de l’enfer ou du ciel, des notions qui n’ont de réalité qu’à l’intérieur de l’homme, et comme formes de. sa volonté. Silesius insiste à plusieurs reprises sur l’inutilité de tout acte du pécheur : ses œuvres bonnes, ses prières sont perdues, et un damné au septième ciel serait toujours plongé dans les tourments de l’enfer (V, 15, 168) : c’est la « damnation essentielle » dont rien ne peut délivrer l’homme puisqu’il la porte en lui-même.

C’est par l’effort inverse que l’homme revient à Dieu. Si le péché est la vie à soi-même, indépendante de Dieu, le salut de l’homme sera la mort à soi-même; et là aussi, l’abandon du temps et du monde n’a aucune valeur tant que l’homme ne s’est pas abandonné. L’homme doit sortir de lui-même, se perdre à lui-même, et c’est alors seulement qu’il aura trouvé Dieu Ce n’est qu’en étant sourd à tout que l’homme entend la Parole éternelle (II, 63). Dieu entre quand l’homme sort, il vit quand l’homme meurt, il est quand l’homme n’est pas; ces affirmations dialectiques ont toutes le même contenu : la mort mystique, car Dieu est mort à lui-même quand il a voulu vivre pour l’homme (II, 2; V, 270), et c’est ce que manifeste la croix du Christ : elle est dressée devant l’homme comme image de l’exigence divine : c’est de la mort que sort la vie, il faut mourir pour Dieu si l’on veut vivre pour Lui (I, 27, 31; V, 182).

Ne pas vouloir mourir, ne pas vouloir vivre.

Si tu ne veux mourir, tu ne veux pas ta vie;
La vie ne te sera donnée que par la mort.

Nicht sterben wollen, nicht leben wotten.

Mensch stirbestu nicht gern, so wiltu nicht dein Leben :
Das Leben wird dir nicht als durch den Tod gegeben. (VI, 121.)

Ici encore, le dogme chrétien est transporté en l’âme humaine. Ce qui t’est extérieur ne te damne pas, disait Silesius au pécheur; il peut dire, inversement, au croyant : « Ce qui t’est extérieur ne t’aide pas » (I, 62). Le sacrifice du Christ ne prend son efficace que répété dans l’homme : la Mort est dans la vie mystique la porte étroite par où doit passer l’homme (I, 34, 35; IV, 104, 214; V, 126, 233.); car sans elle il est précisément livré à la mort éternelle. « Periissem nisi periissem » : Silesius reprend cette pensée de sainte Thérèse avec moins de sobriété, et sous la forme paradoxale qu’il aime, quand il écrit :

La mort spirituelle.

Meurs avant de mourir, pour éviter la mort
Quand tu devras mourir; ou tu pourrais périr.

Dass geistliche Sterben.

Stirb ehe du noch stirbst, damit du nicht darffst sterben
Wenn du nu sterben solst; sonst môchtestu verderben. (IV, 77)

Ainsi la mort est une victoire sur la mort et le début d’une vie nouvelle; Angélus Silesius dessine sans relâche à nouveau la courbe de cette pensée, dont la marche dialectique et la rigueur ascétique plaisaient à son être piofond : tous les éléments du stoïcisme et du mépris de la mort (IV, 81; I, 29, 30, 36; IV, 102), de l’engendrement des contraires s’unissent en une impression funèbre et triomphale, et l’on ne peut douter que Johann Scheffler ait vécu en lui cette mort et cette résurrection, lui qui, au début de sa vie spirituelle, souhaitait d’être le Phénix et de se consumer en Dieu, afin que rien désormais ne pût l’en séparer (II, 172).

« Il faut qu’Adam meure et que Christ vive en nous »; ce principe était courant dès les cercles böhmistes, mais Angélus Silesius semble lui avoir attribué une signification particulièrement profonde; cet aboutissement de sa pensée n’apparaît que relativement tard dans son œuvre, vers la fin du livre V. En effet, ce que nous avons défini comme la mort mystique n’est encore qu’un seuil et prépare seulement l’homme à la naissance de Dieu en lui. Toute mort amène à une vie nouvelle : ainsi, mourir à l’humain est naître au divin, ou, comme il le dit, mourir à soi est se préparer à concevoir Christ. Telle est en effet la forme que prend ce thème dans les premiers livres : il est lié à la mystique de Noël, dont nous avons précédemment parlé, et l’âme est alors comparée à la crèche (I, 53) ; Silesius regrette de ne pas avoir été le foin et la paille où l’on déposât l’Enfant à sa naissance (III, 4; cf. I, 61) : et il y a, à n’en pas douter, une part de jeu d’esprit dans ces comparaisons, comme souvent dans la symbolique de la vie du Christ, expression de celle de l’âme, telle que Silesius la développe. Le quatrain III, 8, marque déjà un approfondissement de ce thème : ici, l’âme n’est plus comparée à une crèche ou à la paille, objets qui ne peuvent guère la représenter que superficiellement — mais à la nuit de Noël, et la nuit y a nettement le sens que donne Eckhart à ce mot :

Le bienheureux calme de la nuit.

Vois, dans la calme nuit Dieu naît comme un enfant;
Ainsi est regagné ce qu’Adam a perdu;
Que ton âme soit calme, et nuit aux créatures,
Dieu devient homme en toi, et tout est rétabli.

Die Seelige Nachtstille.

Merk, in der stillen Nacht wird Gott ein Kind gebohrn,
Und widerumb ersetzt, was Adam hat verlohrn :
Ist deine Seele still, und dem Geschöpffe Nacht,
So wird Gott in dir Mensch, und ailes wiederbracht (III, 8).

Souvent aussi le rapport nuptial de l’âme et de Dieu est évoqué pour expliquer la naissance du Christ en elle : pure servante de Dieu, vierge de tout contact avec la créature, comme la Vierge Marie, elle est touchée par l’essence de Dieu et conçoit « l’enfant de l’éternité » en elle; c’est ce que Silesius nomme « la conception spirituelle », et il y réunit l’exigence d’une ascèse purificatrice, l’union avec Dieu et la naissance de Dieu dans l’âme, les trois moments importants de la vie mystique (II, 101-105; II, 112; III, 23, 33). Mais c’est seulement dans quatre distiques du livre V12 que cette idée de la naissance spirituelle du Christ reçoit toute sa portée. Avec cette rigueur dans le paradoxe qui caractérise son esprit, Silesius a poussé aussi loin que possible son idée; de symbolique, la naissance du Christ dans l’âme devient littérale; c’est bien le Fils, la seconde personne de la Trinité, le Verbe du monde, qui naît en moi; il aboutit ainsi à la conception d’une « triple naissance » de Dieu : l’une est charnelle, dans le temps, en la Vierge Marie; l’autre intérieure à l’homme et spirituelle; la troisième en Dieu lui-même, et éternelle. Mais pour qu’on ne soit pas tenté de concevoir la seconde et la troisième naissances comme se succédant dans le temps, il indique nettement, d’une part, que la naissance du Christ — en Dieu et en moi — est hors du temps, donc dure éternellement; d’autre part, que la naissance spirituelle est un seul et même acte de Dieu avec la naissance éternelle. La symétrie est parfaite entre elles : l’une crée le monde et l’homme, l’autre ramène le monde et l’homme à Dieu. Car l’homme divinisé est le Sauveur du monde, et sa vie nouvelle prend une valeur cosmique de rédemption : « Tout accourt à toi, pour parvenir à Dieu », dit-il en des termes qui rappellent ceux d’Eckhart13. La naissance spirituelle permet de comprendre comment l’homme peut être « le sauveur des autres choses » (II, 66), ou au moins d’entrevoir que le cycle de la création se referme ainsi. Il faut d’ailleurs’dire que ces distiques du livre V sont le seul passage où une telle conception apparaisse clairement, mais l’idée du retour de tout en Dieu domine le livre entier, sans être expliquée partout.

Une expression du distique V, 252, est encore à relever : c’est la condition de cette naissance : « Homme, si tu t’y prêtes… » Elle soulève la difficile question de la part de la grâce dans cette rédemption cosmique14. Silesius dit quelque part que Dieu se dissimule quand il laisse croire au saint que son salut est son œuvre propre : « parce que Dieu lui en a donné la force et la grâce, ou parce qu’il l’a fait lui-même par son esprit, en lui, l’homme » (II, 199); il semblerait y avoir ici action unique de Dieu; mais l’appel constant à la volonté, le rôle éminent qu’elle joue dans le livre, d’autres distiques aussi contredisent cette idée. Silesius s’est arrêté finalement au synergisme :

L’un ne le peut sans l’autre.

Deux doivent l’accomplir : je ne le peux sans Dieu,
Dieu ne le peut sans moi : que j’échappe à la mort.

Eine kans nicht ohn dass andre

Zwey müssen es vollziehn : ich kans nicht ohne Gott,
Und Gott nicht ohne tnich : Dass ich entgeh dem Todt. (V, 48.)

Dieu a créé le premier Adam seul, le second Adam — c’est-à-dire Christ, la nouvelle créature, dans la terminologie paulinienne — avec l’aide de l’homme. Mais de quel ordre est sa grâce sanctifiante ? Nous avons dit que le pécheur est entièrement responsable de sa chute, puisqu’il se détourne de Dieu, et qu’inversement le salut consiste à se tourner vers Dieu. A sa période la plus orthodoxe, celle du livre VI, Silesius applique à la grâce l’image du soleil15; il rayonne sa grâce comme le soleil sa lumière; celui qui reste dans les ténèbres est coupable, c’est lui qui tourne le dos à Dieu. La grâce de Dieu est chez Silesius le contraire d’une vocation personnelle; aux doutes sur l’élection, il répond par l’invitation à renaître de Dieu, donc par un appel à la volonté humaine. Dieu répand sa grâce sur toutes les créatures, même sur les démons; mais l’homme, s’il ne peut rien sans elle, est cependant libre de s’ouvrir ou de se fermer aux rayons divins. Ainsi, Dieu n’est pas sans prendre une part essentielle au processus de rédemption qui ramène à lui l’homme et le monde; c’est lui qui engendre Christ dans l’âme, est à l’origine de la « naissance spirituelle », rend possible par son action la divinisation de l’homme. Mais sa grâce est une condition permanente et invariable du salut, dont l’actualité dépend de la volonté humaine; si Dieu est au centre de la création du monde, l’homme, « autre Moi »16 de Dieu, est au centre de son retour, et de la mystique d’Angélus Silesius.


  1. « Mais parce que l’homme a un penchant vers ces deux forces, il peut saisir celle qu’il veut; car il vit en ce monde entre les deux, et les deux qualités, bien et mal, sont en lui; celle où l’homme se rend, il en est revêtu, que ce soit de force sainte ou infernale » (préface d’Aurora). 

  2. « Dieu, l’Un, est partout dans les choses » (V, 3). Cf. aussi V, 2, 4. 

  3. II, 132. C’est « l’émanation » de Dieu dans les créatures dont il est question ici. Cf. V, 261. 

  4. Le schéma de la « rémanation » en Dieu est multiplicité, dualité, unité. Cf. IV, 224, 181. 

  5. « En Dieu, il n’y a pas d’années » (V, 63). A rapprocher de V, 91. 

  6. III, 29; cf. III, 12, 28. La création dure encore (IV, 165). 

  7. Sermon Quasi Stella matutina (Büttner, p. 143). Même image chez Silesius, V, 86. 

  8. I, 47; cf. la dernière strophe de l’Ehrengedächtniss, et I, 177. 

  9. « Unterscheid ». Rapprocher I, 38, de I, 47. Le temps créé par cet acte est désigné comme « un temps éternel en enfer, chez le diable », par opposition à l’éternité : V, 74. 

  10. Heinz Heimsoeth, Die sechs grossen Themen der abendländischen Metaphysik., Berlin, 1924, p. 25. 

  11. Amour du monde (IV, 94), du « quelque chose » (I, 44), du « tien » et du « mien » (V, 138). 

  12. V, 249-252; cf. déjà II, 188. L’idée est classique chez les scolastiques : cf. Nicolas de Cues, Dies sanctificatus, et saint Thomas, Sertno in Nativ. Dom. : « Triplex est Christi Nativitas : eternalis in patre, temporalis ex matre, spiritualis in corde. » 

  13. Cf. encore II, 66, et Eckhart : « Toutes les créatures se portent en ma raison pour être rationnelles en moi. Moi seul je prépare de nouveau toutes les créatures à Dieu » (Pfeiffer, p. 180, 1. 23). « Il les éleva dans sa raison et rendit gloire à Dieu en elles, et les remit à Dieu en sa nature insondable, et soi-même avec elles, dans la mesure où il est un être créé » (Bùttner, p. 105). 

  14. Dans le distique II, 125, le verbe « seyn angeglommen », appliqué à la vie de Dieu en l’homme, indique bien qu’il y a là un processus en son début. Et le titre de II, 126 : « La Grâce devient Nature », est conforme à la scolastique la plus classique. Cf. aussi V, 35. 

  15. VI, 38, 42, 87, et supra, la doctrine de Silesius sur les démons et les causes de la damnation. Cf. I, 52. 

  16. I, 278; II, 45; II. 201 ; « L’homme et l’autre Dieu. »