Crouzel (Origène Philosophie:19-27) – Qu’y a-t-il de commun entre Abimélech et Isaac? (1)

Extrait do Chapitre I, d’ « Origène et la philosophie », par Henri Crouzel. Aubier, 1962


Le but de ce chapitre est d’étudier l’opinion explicite d’Origène sur les doctrines des philosophes et les idées qu’il leur attribue. Il n’entre pas dans notre intention de rechercher les éléments philosophiques nombreux qu’il utilise, platoniciens, stoïciens, aristotéliciens, bien que leur usage suppose une approbation implicite : les rapprochements faits par E. de Faye et Hal Koch restent en bonne partie valables, même si leur jugement final est à rejeter [[Voir aussi A. von Harnack, Der kirchengeschichtliche Ertrag der exegetischen Arbeiten des Origenes, Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, XLII, 3 et 4, Leipzig, 1918-1919.]].

Généralités

Au chapitre xx de la Genèse un roitelet philistin, Abimélech, veut épouser Sara, qu’il ignore être la femme d’Abraham : averti en songe, il la renvoie à son mari. Une scène analogue se passe plus loin (Gen. xxvi) entre Abimélech et Isaac, au sujet de Rébecca. Enfin le même personnage, accompagné de deux officiers, va faire alliance avec Isaac. Origène voit en lui la figure du philosophe et donne du dernier épisode l’interprétation suivante :

Cet Abimélech, à ce que je vois, n’est pas toujours en paix avec Isaac : tantôt il est en désaccord, tantôt il demande la paix. Vous vous souvenez, nous l’avons dit plus haut, qu’Abimélech tient ici le rôle des savants et des sages du siècle, qui, par leur érudition philosophique, ont compris une bonne part de la vérité : vous pouvez donc comprendre qu’il ne peut être toujours en désaccord, ni toujours en paix, avec Isaac, figure du Verbe de Dieu tel qu’il est dans la loi [[Le Verbe est le Révélateur de Dieu, dans chaque Testament; l’Écriture est Parole de Dieu comme lui, parce qu’elle s’identifie d’une certaine façon à lui.]]. Car la philosophie n’est pas entièrement opposée à la loi de Dieu, ni entièrement d’accord avec elle. Bien des philosophes professent l’existence d’un Dieu unique qui a tout créé : en cela ils pensent comme la loi de Dieu. Quelques-uns même ont ajouté que c’est par son Verbe que Dieu a créé l’univers et le régit, qu’il y a un Verbe de Dieu qui gouverne tout. Sur ce point ils s’accordent non seulement avec la loi, mais avec les évangiles. Sur la morale et la physique la philosophie pense à peu près comme nous. Elle s’éloigne de nous lorsqu’elle déclare la matière coéternelle à Dieu; lorsqu’elle refuse d’admettre que Dieu s’occupe des mortels et qu’elle limite sa Providence aux espaces supralunaires ; lorsqu’elle fait dépendre les destinées des nouveau-nés du cours des astres; lorsqu’elle dit que ce monde durera à jamais sans connaître de fin. Et il y a encore bien d’autres points de rencontre et de désaccord [[Hom. in Gen. xiv, 3 (G. C. S. VI, p. 123,1. 23).]].

Selon Rom. I, 18 sq. les philosophes ont connu Dieu à partir de ses œuvres, par suite d’une révélation divine, puisque les êtres célestes doivent se révéler pour être connus [[Dieu s’est révélé aux païens selon Rom. 1, 19 : Hom. in Gen. vi, 2-3; XIV, 3 (G. C. S. VI, p. 68, 1. 2; p. 124. I. 19); C. Cels. III, 47; IV, 30; VII, 46 (G. C. S. I, p. 244,1. i ; p. 300,1. 26; II, p. 198,1. 20); Corn, in Rom. 1, 16 (P. G. XIV, col. 861-864). Un être céleste n’est vu que lorsque volontairement il se fait voir : Hom. in Luc. m (G. C. S. IX, 1 éd. p. 20, 1. 8; 2 éd. p. 19, 1. 4); C. Cels. VII, 42 (G. C. 5. II, p. 193,1. 16).]]. « Tous ceux qui croient en quelque façon à l’existence d’une Providence reconnaissent qu’il y a un Dieu inengendré, qui a tout créé et gouverné, et ils le déclarent Père de l’univers [[P. Arch. I, 3, 1 (G. C. S. V, p. 48,1. 18).]]. » Quelques-uns pensent même qu’il a un Fils, « lorsqu’ils professent que tout a été créé par le Verbe de Dieu et par sa Raison [[Ibid. p. 49, 1. 1 : Rufin traduit par Verbum et Ratio les deux sens de Logos.]] » : il doit s’agir de la seconde hypostase du Moyen Platonisme (Albinos et Nouménios) et Origène l’attribue à Platon lui-même sur la foi de la Lettre VI [[Voir infra. p. 52.]]. Si Aristote, selon Origène, limite aux sphères supralunaires l’action de la Providence, beaucoup croient qu’elle a fait le monde dans l’intérêt des êtres raisonnables [[C. Cels. IV, 81 (G. C. S. I, p. 350, 1. 20) : pour ce texte et les suivants voir les références d’auteurs que P. Koetschau signale dans les notes.]], doués de libre arbitre [[Ibid. IV, 3 (I, p. 276, 1. 19).]] : les bêtes féroces elles-mêmes ont été créées pour exercer l’homme [[Ibid. IV, 75 (I, p. 34s, 1. 20).]]. Des philosophes ont professé le jugement à venir, l’immortalité de l’âme, la rémunération [[Hom. in Lev. vu, 6 (G. C. S. VI, p. 390,1. 1).]] : certains ont mis le bien suprême, but de la nature raisonnable, dans la ressemblance avec Dieu [[P. Arch. III, 6, 1 (G. C. S. V, p. 280, 1. 2).]]. Suivant bien des sages grecs des daimones, au sens grec de déités intermédiaires, non au sens chrétien de démons, ont reçu en partage les âmes humaines dès leur naissance : Origène rapproche cette opinion de la doctrine de l’ange gardien suivant Matth. xviii, 10 [[C. Cels. VIII, 34 (G. C. S. II, p. 249, 1. 28).]].

Dès que l’enfant distingue le bien du mal et perçoit la loi naturelle, apparaît, suivant certains philosophes, une malice originelle, que l’éducation doit transformer en vertu [[Com. in Rom. m, 2 (P. G. XIV, col. 931 B).]]. Mais la plupart ne conçoivent pas correctement le péché, car ils confondent le pécheur et l’ignorent : « La plupart des sages eux-mêmes pensent que tout genre de péché… a pour origine des jugements mauvais [[Com. in Jo. xx, 40 (32) (G. C. S. IV, p. 382, 1. 35)]]. » Une bonne part de leur morale est acceptée par Origène, qui n’hésite pas à admirer ce qu’ils ont dit de bien : « Une fête, comme l’a dit fort bien un des sages grecs, ce n’est rien d’autre que de faire son devoir [[C. Cels. VIII, 21 (G. C. S. II, p. 239, 1. 3) : Thucydide, I, 70, 8 (C. U. F. I, Paris, 1953, p. 46).]]. »

Le pain epiousios du Pater est l’occasion d’une petite dissertation sur l’ousia. Cet hapax, que l’on fait venir habituellement de he epiousa hemera, le lendemain, Origène, tout en mentionnant cette étymologie, préfère le tirer de ousia avec le suffixe epi et lui donner le sens de « suressentiel », « supersubstantiel », en bannissant toute signification matérielle [[Matth. vi, 11; Luc. xi, 3 : voir Origène et la « connaissance mystique », pp. 170-171.]]. Il expose d’abord la conception spiritualiste de la substance, celle des platoniciens :

L’ousia proprement dite est conçue selon les incorporels par ceux qui disent que la substance (hypostasis) des incorporels est la principale à (hypoegoumenon). Ils sont stables et ne souffrent ni addition ni soustraction. En effet l’addition et la soustraction sont propres au corps, sujets à la croissance et à la corruption, parce qu’ils sont fluides (reusta) et qu’ils ont besoin d’un apport extérieur pour les soutenir et les nourrir. Si à un moment donné cet apport extérieur l’emporte sur ce qu’ils perdent, il y a croissance; dans le cas contraire diminution. Il peut arriver aussi que certains corps ne reçoivent aucun apport extérieur et se trouvent, pour ainsi dire, en pure diminution.

Cette substance spirituelle, immuable et indivisible, est en opposition avec la matière, constamment changeante et indigente. Mais d’autres, les Stoïciens, font au contraire de l’ousia le substrat des corps.

Mais il y en a qui pensent que la substance des incorporels n’est que secondaire, que la principale est celle des corps. Ils donnent alors de l’ouata les définitions suivantes : la matière prime des êtres, d’où dérivent les êtres; la matière des corps, d’où dérivent les corps; la matière des êtres nommés, d’où dérivent les êtres nommés; le premier subsistant (hypostaton) qui est sans qualité; ce qui préexiste (hypouphistamenon) aux êtres; ce qui reçoit les changements et altérations, tout en restant inaltérable selon sa propre nature (legon) ; ce qui supporte tout changement et altération. Selon eux l’ousia est sans qualité et sans figure suivant sa propre nature, elle n’a pas de grandeur fixe, mais elle se prête à toute qualité comme un lieu disposé à les recevoir. Ils appellent qualités (poiotetas) au sens strict (diataktikos ?) les énergies et les actions en général, auxquelles s’ajoutent les mouvements et les manières d’être. Selon eux l’ousia ne participe selon sa nature propre à aucune de ces qualités, mais elle est toujours inséparable de l’une d’entre elles qu’elle subit, néanmoins elle est susceptible de recevoir toutes les énergies de l’agent, selon que celui-ci agit sur elle et la transforme. Car la tension (tonos) qui est en elle est entièrement séparée de toute qualité et serait cause de toutes les situations où elle pourrait se trouver. Ils disent donc que l’ouata est entièrement transformable et entièrement divisible et que toute ouata peut être mélangée, et par conséquent unie, à toute autre [[P. Euch. XXVII, 8 (G. C. S. II, p. 367,1. 13) : voir les références de P. Koetschau; de même R. Cadiou, Dictionnaires antiques dans l’œuvre d’Origène, Revue des Études grecques, XLV, 1932, pp. 276 sq.]].

Origène ne se prononce pas ici clairement entre ces deux conceptions [[Voir H. Cornélis, Les fondements cosmologiques de l’eschatologie d’Origène, Revue des Sciences philosophiques et théologiques, XLIII, 1959, p. 53, note 72.]]. Cependant, dans le Péri Archon, il refuse de voir dans l’intelligence « un accident ou une conséquence des corps [[P. Arch. I, 1, 7 (G. C. S. V, p. 24, 1. 12).]] », une sorte d’épiphénomène, et il a constamment combattu pour la pure incorporéité de Dieu et de l’âme humaine contre les tendances anthropomorphites de certains chrétiens : il croit donc que les substances « principales » sont spirituelles, comme les Platoniciens. Mais la conception stoïcienne correspond à son idée de la matière, qui inspire par exemple sa théorie des corps glorieux : la « forme corporelle » ou le logos spermatique qui assurent l’identité du corps terrestre et du céleste, semblables à la graine et à la plante, sont ce substrat, cette « matière prime », susceptible de recevoir toutes les qualités et ne s’identifiant à aucune.

Divisions de la philosophie

Abimélech et ses deux officiers, Ochozath et Phicol, représentent respectivement la logique ou philosophie rationnelle, la physique ou philosophie naturelle, l’éthique ou philosophie morale :

La philosophie rationnelle est celle qui confesse Dieu Père de l’univers, et qu’est Abimélech. La philosophie naturelle est celle qui est fixe et tient toutes choses, comme si elle s’appuyait sur les forces de la nature elle-même : elle est professée par Ochozath, qui signifie : Celui qui tient. La philosophie morale est celle qui est dans la bouche de tous, qui concerne tout le monde… à la manière des préceptes généraux : Phicol la représente qu’on peut interpréter : Bouche de tous.

La logique semble désigner ici à peu près notre métaphysique. Ce texte indique les divisions de la philosophie qu’Origène trouve autour de lui. En effet Abimélech et ses officiers « représentent à mon avis toute la philosophie qui est divisée chez eux (les philosophes) en trois parties, logique, physique et éthique ».

Légèrement différentes sont les divisions qu’Origène donne à la « divine philosophie » du Christianisme. A l’éthique et à la physique le Commentaire du Cantique ajoute l’énoptique que Rufin traduit par inspectiva. La logique ou philosophie rationnelle est citée en quatrième lieu d’après certains.

D’autres ne considèrent pas cette discipline séparément; mais ils la disent étroitement liée aux trois précédentes et s’insérant dans tout le corps des doctrines. Cette logique ou philosophie rationnelle comprend les manières de parler, les termes propres et impropres, elle enseigne les espèces et les genres, ainsi que les figures des différents modes de langage : on ne peut la séparer des autres, car elle leur est intérieure. La morale nous prépare des mœurs honnêtes et des habitudes qui favorisent la vertu La philosophie naturelle discute la nature de chaque chose, pour qu’on ne fasse rien contre nature et qu’on se serve de tout selon l’intention du Créateur. La philosophie inspective nous fait dépasser les êtres visibles pour contempler le divin et le céleste et voir par le moyen de l’esprit seul ce qui dépasse nos regards corporels.

Salomon est l’origine de cette distinction : il a enseigné l’éthique dans ses Proverbes, la physique dans l’Ecclésiaste, l’énoptique dans le Cantique des Cantiques. Les trois branches sont encore figurées — exégèse d’inspiration philonienne — par les trois patriarches : la morale par Abraham et son obéissance; la physique par Isaac qui « creuse des puits et fouille les profondeurs des choses », ce grand symbole origénien de la connaissance; l’inspective par Jacob « qui fut appelé Israël parce qu’il contemplait les choses divines, voyait les camps du ciel, la maison de Dieu, les allées et venues des anges, et des échelles tendues entre terre et ciel ». Les explications données ensuite montrent que cette « divine philosophie » est principalement d’ordre mystique : la logique est la science du caractère allégorique de l’Écriture qui livre des mystères sous des images; la morale est l’ascèse nécessaire à la contemplation; la physique enseigne la vanité du sensible auquel il ne faut pas s’attacher, son rôle de symbole, de poteau indicateur, qui met dans la direction des réalités célestes; l’énoptique est la science suprême de l’union divine, la perfection de la connaissance et de l’amour. Cette division, qui n’est pas sans analogue chez Clément, sera utilisée par Evagre le Pontique sous une terminologie différente et elle pourrait être à l’origine de la doctrine des trois voies, purgative, illuminative, unitive.

On la retrouve ailleurs chez Origène. Les différentes voies de la « Sion contemplative » sont les « doctrines mystiques, physiques et éthiques, peut-être aussi logiques ». Les « doctrines mystiques » correspondent à l’énoptique et la logique a le même caractère secondaire que dans le Commentaire du Cantique. La vigne des vignerons homicides est la physiologia selon l’Écriture, ce que la Bible apprend du monde; ou bien le « royaume de Dieu et ses mystères dans la Loi et les prophètes et te alle physiologia », expression qui semble désigner la science du monde en dehors de l’Écriture. Le fruit de la vigne symbolise la vie selon cette vraie physiologia, dans la vertu et les bonnes œuvres, la morale. La haie est le logikos topos et la lettre de l’Écriture. Le pressoir représente le sens profond, la science des mystères.

Les différentes écoles

La diversité des écoles ou sectes (aireseis) n’inspire pas à Origène le scepticisme : elle lui semble inévitable. « Dans toute matière d’étude qui a un fondement sérieux et est utile à l’existence, on trouve des sectes. » Telle est la médecine, telle est aussi la philosophie :

Puisque le but de la philosophie est d’enseigner la vérité et la connaissance des êtres, puisqu’elle expose comment vivre et qu’elle essaie de nous apprendre ce qui est utile à notre race, puisque les questions qu’elle pose permettent une grande diversité d’opinions, elle donne naissance à un nombre considérable de sectes, dont les unes sont célèbres et les autres moins.

Le Judaïsme lui aussi connaît diverses écoles rabbiniques.

Mais personne ne refuse la médecine à cause des sectes qui sont en elles : de même il n’est pas concevable que, recherchant ce qui convient, on haïsse la philosophie, en donnant pour prétexte la multiplicité des sectes.

On peut en effet appliquer à la philosophie aussi bien qu’au Christianisme la remarque de saint Paul, I Cor. XI, 19 : « Il faut qu’il y ait des sectes parmi vous afin qu’elles manifestent ceux dont la vertu est éprouvée » :

Si on peut considérer comme compétent le médecin qui s’est exercé dans différentes sectes, les a examinées avec sagesse et a choisi la meilleure, celui qui est compétent en philosophie a pareillement connu beaucoup de doctrines, s’est exercé en chacune d’elles et a donné son assentiment à celle qui l’emporte.

C’est pourquoi dans son école de Césarée, suivant le témoignage de saint Grégoire le Thaumaturge, Origène faisait lire des philosophes de toute école, pour développer le sens critique de ses élèves et les empêcher de s’attacher idolâtriquement à un système en le prenant pour la vérité absolue. Le chrétien n’adhère ainsi qu’à la Parole de Dieu : chez les philosophes il prend son bien où il le trouve. Ces divergences ne portent pas d’ailleurs sur des points mineurs.

Il y a une hiérarchie à mettre parmi ces sectes. Origène interdisait à ses élèves la lecture des athées. On aurait tort, pense-t-il, d’accuser la philosophie à cause des sophistes, Epicuriens et Péripatéticiens, de tous ceux qui pensent mal. Certaines écoles sont supérieures aux autres et participent un peu au Logos; d’autres, Epicuriens ou Péripatéticiens, prononcent des paroles perverses et athées, suppriment la Providence et donnent à l’homme un autre but que la recherche du bien.

La sagesse de Dieu, distinguée suivant I Cor. II, 6-7, de celle du monde et de celle des princes de ce monde, englobe, selon un passage du Contre Celse, contrairement à l’interprétation habituelle d’Origène, certaines écoles philosophiques : la démarcation se situe alors entre les doctrines matérialistes et les spiritualistes, même si ces dernières n’ont pas, comme Abimélech, « atteint pleinement et parfaitement la règle de la religion ». Les sages de ce monde ne s’occupent pas « des réalités intelligibles, invisibles et éternelles », mais seulement des sensibles, qui seules ont pour eux de l’importance : leurs doctrines « sont favorables à la matière et aux corps, ils disent que les substances primordiales sont les corps et que rien n’existe de ce qu’on nomme invisible ou incorporel ». Les matérialismes épicurien et stoïcien sont visés par cette condamnation.

Mais les doctrines qui font monter l’âme des réalités d’ici-bas jusqu’à la béatitude qui l’attend près de Dieu, dans ce qu’on nomme son royaume, celles qui enseignent à mépriser comme transitoire le sensible et le visible, pour qu’on se hâte vers l’invisible et qu’on contemple ce qui ne se voit pas, (la Parole divine) les appelle « Sagesse de Dieu ».

Tel est surtout le platonisme.

Un autre passage du même livre donne l’ordre des préférences philosophiques d’Origène en matière d’écoles en commençant par le pire : c’est le défilé des mauvais médecins à qui Celse fait confiance pour guérir les blessures des âmes. En tête marchent Epicure et les siens, négateurs de la Providence, partisans du plaisir. Viennent ensuite les Péripatéticiens, eux aussi négateurs de la Providence, supprimant toute relation entre l’homme et Dieu. En troisième lieu les Stoïciens et leur dieu matériel, corruptible et changeant. Enfin ceux qui professent « la stupidité de la métensomatose ». Les Pythagoriciens sont ici directement visés, qui veulent que les âmes passent dans des corps d’animaux et même dans des êtres « sans imagination » (aphantaston), allusion vraisemblable aux fèves. Mais les Platoniciens sont aussi atteints, car Origène leur adresse souvent le même reproche. Tel est l’ordre que nous allons suivre.