conscience (Orígenes)

Celse a cité comme une expression courante chez les chrétiens : La sagesse dans le cours de cette vie est un mal, et la folie un bien. Il faut répondre qu’il calomnie la doctrine, puisqu’il n’a pas cité le texte même qui se trouve chez Paul et que voici : « Si quelqu’un parmi vous se croit sage, qu’il devienne fou dans ce siècle pour devenir sage, car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. » L’Apôtre n’affirme donc pas simplement : « la sagesse est folie devant Dieu », mais : « la sagesse de ce monde… » ; ni non plus : « si quelqu’un parmi vous se croit sage, qu’il devienne fou » en général, mais : « qu’il devienne fou dans ce siècle pour devenir sage ». Donc, nous appelons « sagesse de ce siècle » toute philosophie remplie d’opinions fausses, qui est périmée d’après les Ecritures ; et nous disons : « la folie est un bien », non point absolument, mais quand on devient fou pour ce siècle. Autant dire du Platonicien, parce qu’il croit à l’immortalité de l’âme et à ce qu’on dit de sa métensomatose, qu’il se couvre de folie aux yeux des Stoïciens qui tournent en ridicule l’adhésion à ces doctrines, des Péripatéticiens qui jasent des « fredonnements » de Platon, des Epicuriens qui crient à la superstition de ceux qui admettent une providence et posent un dieu au-dessus de l’univers ! Ajoutons qu’au sentiment de l’Ecriture, il vaut bien mieux donner son adhésion aux doctrines avec réflexion et sagesse qu’avec la foi simple ; et qu’en certaines circonstances, le Logos veut aussi cette dernière pour ne pas laisser les hommes entièrement désemparés. C’est ce que montre Paul, le véritable disciple de Jésus, quand il dit : « Car, puisque dans la sagesse de Dieu le monde n’a pas connu Dieu avec la sagesse, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication » D’où il ressort donc clairement que c’est dans la sagesse de Dieu que Dieu devait être connu. Et puisqu’il n’en fut rien, Dieu a jugé bon ensuite de sauver les croyants, non pas simplement par la folie, mais par la folie relative à la prédication. De là vient que la proclamation de Jésus-Christ crucifié est la folie de la prédication, comme le dit encore Paul qui en avait pris conscience et déclare « Mais nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Gentils, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » LIVRE I

Or, la loi et les prophètes sont remplis de traits aussi miraculeux que celui qu’on raconte de la colombe et de la voix céleste au baptême de Jésus. Et la preuve, à mon avis, que le Saint-Esprit est alors apparu sous la forme d’une colombe, ce sont les miracles accomplis par Jésus, en dépit des affirmations mensongères de Celse, que Jésus avait appris en Egypte l’art de les faire. Et même je ne tirerai point parti seulement de ceux-là, mais encore, comme il convient, des miracles qu’accomplirent les apôtres de Jésus. Car sans miracles et sans prodiges, ils n’auraient pas poussé ceux qui entendaient de nouvelles doctrines et des enseignements nouveaux à laisser leurs croyances ancestrales et accepter, au péril de leur vie, les enseignements qu’ils donnaient. Et de cet Esprit Saint alors apparu sous la forme d’une colombe, il subsiste encore des traces chez les chrétiens : ils chassent les démons, guérissent maintes maladies, et ont, au gré du Logos, certaines visions de l’avenir. Dussé-je provoquer les railleries de Celse ou du Juif son porte-parole par ce que je vais dire, j’affirmerai néanmoins : beaucoup sont venus au christianisme comme malgré eux, un certain esprit ayant soudain tourné leur coeur de la haine de la doctrine à la résolution de mourir pour elle, en leur présentant une vision ou un songe. J’en ai connu bien des exemples. Si je les mettais par écrit, tout témoin oculaire que j’en aie été, j’offrirais une vaste cible à la risée des incroyants qui penseraient que moi aussi, comme ceux qu’ils suspectent d’avoir forgé de telles fictions, je leur en conte. Mais Dieu est témoin de ma conscience et de son désir de confirmer, non par des récits mensongers, mais dans une évidence riche d’aspects, l’enseignement divin de Jésus. LIVRE I

Mais comment n’est-ce pas un mensonge flagrant que l’assertion du Juif de Celse : ” De toute sa vie, n’ayant persuadé personne, pas même ses disciples, il fut châtié et endura ces souffrances ! ” Car d’où vient la haine excitée contre lui par les grands-prêtres, les anciens et les scribes, sinon de ce que les foules étaient persuadées de le suivre jusqu’aux déserts, conquises non seulement par la logique de ses discours, toujours adaptés à ses auditeurs, mais encore par ses miracles qui frappaient d’étonnement ceux qui ne croyaient pas à la logique de son discours ? Comment n’est-ce pas un mensonge flagrant de dire qu’il ne persuada pas même ses disciples. Ils ont bien ressenti alors une lâcheté tout humaine, car ils n’étaient pas encore d’un courage éprouvé, mais sans toutefois se départir de leur conviction qu’il était le Christ. Car Pierre, aussitôt après son reniement, eut conscience de la gravité de sa chute, et «sortant dehors, il pleura amèrement» » ; les autres, bien que frappés de découragement à son sujet, car ils l’admiraient encore, furent affermis par son apparition à croire qu’il était Fils de Dieu d’une foi encore plus vive et plus ferme qu’auparavant. Par un sentiment indigne d’un philosophe, Celse imagine que la supériorité de Jésus sur les hommes ne consistait pas dans sa doctrine du salut et la pureté de ses moers. Il aurait dû agir contrairement au caractère du rôle qu’il avait assumé : ayant assumé une nature mortelle, il aurait dû ne pas mourir ; ou il devait mourir, mais non d’une mort qui pût servir d’exemple aux hommes : car cet acte leur apprendrait à mourir pour la religion, et à en faire hardiment profession en face de ceux qui sont dans l’erreur en matière de piété et d’impiété et qui tiennent les gens pieux pour très impies, et pour très pieux ceux qui, fourvoyés dans leurs idées sur Dieu, appliquent à tout plutôt qu’à Dieu la juste notion qu’ils ont de lui ; et leur erreur est au comble quand ils massacrent avec fureur ceux qui, saisis par l’évidence de l’unique Dieu suprême, se sont consacrés de toute leur âme jusqu’à la mort. Celse met dans la bouche du Juif un autre reproche contre Jésus :” Il ne s’est pas montré pur de tout mal.” De quel mal Jésus ne s’est-il pas montré pur ? Que le lettré de Celse le dise ! S’il entend que Jésus ne s’est pas montré pur du mal au sens strict, qu’il fasse clairement la preuve d’un acte mauvais accompli par lui ! Si, au contraire, il entend par mal la pauvreté, la croix, la conspiration d’hommes insensés, il est évident qu’on peut dire que du mal est arrivé aussi à Socrate, qui n’a pas pu prouver qu’il était pur de ce mal. Mais qu’il est nombreux chez les Grecs le choer des philosophes qui furent pauvres et d’une pauvreté volontairement choisie ! La plupart des Grecs le connaissent par leurs histoires : Démocrite laissa son bien abandonné en pâturage aux brebis ; Cratès se libéra en gratifiant les Thébains de l’argent que lui avait procuré la vente de tout ce qu’il possédait ; de plus, Diogène, par exagération de pauvreté, vivait dans un tonneau, et nulle personne d’intelligence même modérée n’en conclut que Diogène vivait dans le mal. De plus, puisque Celse veut que ” Jésus n’ait pas même été irréprochable,” c’est à lui de montrer lequel de ceux qui ont adhéré à sa doctrine a rapporté de Jésus quoi que ce soit de vraiment répréhensible. Ou bien, si ce n’est pas d’après eux qu’il l’accuse d’être répréhensible, qu’il montre d’après quelle source il a pu dire qu’il n’était pas irréprochable. Jésus a tenu ses promesses en faisant du bien à ceux qui se sont attachés à lui. Et en voyant sans cesse accomplis les événements qu’il avait prédits avant qu’ils arrivent, l’Évangile prêché dans le monde entier, ses disciples partis annoncer sa doctrine à toutes les nations, en outre, leur procès devant gouverneurs et rois sans autre motif que son enseignement, nous sommes remplis d’admiration pour lui et nous fortifions chaque jour notre foi en lui. Mais je ne sais pas de quelles preuves plus fortes et plus évidentes Celse voudrait qu’il ait confirmé ses prédictions ; à moins peut-être qu’ignorant, à ce qu’il semble, que le Logos est devenu l’homme Jésus, il eût voulu qu’il n’éprouvât rien d’humain et ne devînt pas pour les hommes un noble exemple de la manière de supporter l’adversité. Mais peut-être celle-ci apparaît-elle à Celse lamentable et des plus répréhensibles, puisqu’il regarde la peine comme le plus grand des maux et le plaisir comme le bien parfait : ce qui n’est accepté par aucun des philosophes qui admettent la Providence, et qui conviennent que le courage est une vertu ainsi que l’endurance et la grandeur d’âme. Ainsi, par les souffrances qu’il a supportées, Jésus n’a pas discrédité la foi en sa personne, mais il l’a fortifiée plutôt dans ceux qui veulent admettre le courage, et dans ceux qui ont appris de lui que la vie heureuse au sens propre et véritable n’est point ici-bas, mais dans ce qu’il appelle « le siècle à venir », tandis que la vie dans « le siècle présent » est un malheur, la première et la plus grande lutte à mener par l’âme. LIVRE II

De nouveau, lorsqu’on dit d’Asclépios qu’une grande foule d’hommes, Grecs et barbares, reconnaît l’avoir vu souvent et le voir encore, non comme un fantôme, mais en train de guérir, de faire du bien, de prédire l’avenir, Celse nous demande de le croire, et il ne nous blâme pas comme fidèles de Jésus quand nous croyons à ces témoignages. Mais quand c’est aux disciples de Jésus, témoins de ses prodiges, qui ont manifesté clairement la pureté de leur conscience, que nous accordons notre foi parce que nous voyons leur franchise, autant qu’il est possible de juger d’une conscience d’après des écrits, Celse nous traite de sots. Il est d’ailleurs bien incapable de montrer, comme il dit, l’innombrable foule d’hommes, Grecs et barbares, qui reconnaissent Asclépios. Nous pouvons, nous, s’il y attache de l’importance, montrer clairement la foule innombrable d’hommes, Grecs et barbares, qui reconnaissent Jésus. Et certains manifestent, dans les guérisons qu’ils opèrent, le signe qu’ils ont reçu, grâce à leur foi, un pouvoir miraculeux, vu qu’ils n’invoquent sur ceux qui demandent la guérison que le Dieu suprême et le nom de Jésus en y joignant son histoire. Par eux, moi aussi j’ai vu bien des gens délivrés de graves maladies, d’égarements d’esprit, de démences et d’une infinité d’autres maux que ni hommes ni démons n’avaient pu guérir. LIVRE III

Il en vient ensuite au mignon d’Adrien – je parle de l’adolescent Antinoos – , et aux honneurs qui lui sont rendus dans la ville d’Egypte Antinoopolis, et il pense qu’ils ne diffèrent en rien de notre culte pour Jésus. Eh bien ! réfutons cette objection dictée par la haine. Quel rapport peut-il y avoir entre Jésus que nous vénérons et la vie du mignon d’Adrien qui n’avait pas même su garder sa virilité d’un attrait féminin morbide ? Contre Jésus, ceux mêmes qui ont porté mille accusations et débité tant de mensonges, n’ont pas pu alléguer la moindre action licencieuse. De plus, si on soumettait à une étude sincère et impartiale le cas d’Antinoos, on découvrirait des incantations égyptiennes et des sortilèges à l’origine de ses prétendus prodiges à Antinoopolis, même après sa mort. On rapporte que c’est la conduite, dans d’autres temples, suivie par les Égyptiens et autres gens experts en sorcellerie : ils fixent en certains lieux des démons pour rendre des oracles, guérir, et souvent mettre à mal ceux qui ont paru transgresser les interdits concernant les aliments impurs ou le contact du cadavre d’un homme ; ils veulent effrayer ainsi la foule des gens incultes. Voilà celui qui passe pour dieu à Antinoopolis d’Egypte : ses vertus sont des inventions mensongères de gens qui vivent de fourberies, tandis que d’autres, bernés par le démon qui habite en ce lieu, et d’autres, victimes de leur conscience faible, s’imaginent acquitter une rançon divinement voulue par Antinoos ! Voilà les mystères qu’ils célèbrent et leurs prétendus oracles ! Quelle différence du tout au tout avec ceux de Jésus ! Non, ce n’est pas une réunion de sorciers qui, pour complaire à l’ordre d’un roi ou à la prescription d’un gouverneur, ont décidé de faire de lui un dieu. Mais le Créateur même de l’univers, par l’effet de la puissance persuasive de sa miraculeuse parole, l’a constitué digne du culte non seulement de tout homme qui cherche la sagesse, mais encore des démons et autres puissances invisibles. Jusqu’à ce jour, celles-ci montrent ou qu’elles craignent le nom de Jésus comme celui d’un être supérieur, ou qu’elles lui obéissent avec respect, comme à leur chef légitime. S’il n’avait pas été ainsi constitué par la faveur de Dieu, les démons à la seule invocation de son nom ne se retireraient pas sans résistance de leurs victimes. LIVRE III

La foi en Antinoos ou l’un de est, si j’ose dire, due à la malchance. La foi en Jésus, elle, paraît soit due à la chance, soit la conclusion d’une étude sérieuse. Elle est due à la chance pour la multitude, elle est la conclusion d’une étude sérieuse pour le tout petit nombre. En disant qu’une foi est, à parler vulgairement, due à la chance, je n’en rapporte pas moins la raison à Dieu qui sait les causes du sort assigné à tous ceux qui viennent à l’existence humaine. D’ailleurs les Grecs diront que même pour ceux qu’on tient pour les plus sages, c’est à la chance qu’ils doivent le plus souvent par exemple d’avoir eu tels maîtres et rencontré les meilleurs, quand d’autres enseignaient les doctrines opposées, et d’avoir reçu leur éducation parmi l’élite. Car beaucoup ont leur éducation dans un tel milieu qu’il ne leur est pas même donné de recevoir une représentation des biens véritables, mais ils restent dès leur prime enfance avec les mignons d’hommes ou de maîtres licencieux, ou dans une autre condition misérable qui empêche leur âme de regarder vers le haut. Il est certes probable que la Providence a ses raisons pour permettre ces inégalités et il n’est guère facile de les mettre à la portée du commun. Voilà ce que j’ai cru devoir répondre dans l’intervalle en digression au reproche : Telle est la puissance de la foi qu’elle préjuge n’importe quoi. Il fallait, en effet, souligner que la différence d’éducation explique la diversité de la foi chez les hommes : leur foi est due à la chance ou à la malchance ; et conclure de là qu’il peut sembler que même pour les gens à l’esprit vif, ce qu’on nomme la chance et ce qu’on appelle la malchance contribuent à les faire paraître plus raisonnables et à leur faire donner aux doctrines une adhésion d’ordinaire plus raisonnable. Mais en voilà assez sur ce point. Il faut considérer les paroles suivantes où Celse dit que notre foi, s’emparant de notre âme, crée une telle adhésion à Jésus. Il est bien vrai que notre foi crée une telle adhésion. Mais vois si cette foi ne s’avère pas louable quand nous nous confions au Dieu suprême, en exprimant notre reconnaissance à Celui qui nous a conduits à une telle foi, en affirmant que ce n’est pas sans l’aide de Dieu qu’il a osé et accompli une telle entreprise. Nous croyons aussi à la sincérité des Evangélistes, que nous devinons à la piété et à la conscience manifestées dans leurs écrits, où il n’est trace d’inauthenticité, de tromperie, de fiction ou d’imposture. Car nous en avons l’assurance : des âmes qui n’ont point appris les procédés enseignés chez les Grecs par la sophistique artificieuse, fort spécieuse et subtile, et l’art oratoire en usage aux tribunaux, n’auraient pas été capables d’inventer des histoires pouvant d’elles-mêmes conduire à la foi et à la vie conforme à cette foi. Je pense aussi que Jésus a voulu avoir de tels hommes comme maîtres de doctrine pour ne pas donner lieu d’y soupçonner de spécieux sophismes1, mais faire éclater aux yeux des gens capables de comprendre que la sincérité d’intention des écrivains unie, pour ainsi dire, à tant de simplicité, avait mérité une vertu divine bien plus efficace que ne semblent pouvoir être l’abondance oratoire, la composition des périodes, la fidélité aux divisions et aux règles de l’art grec. LIVRE III

Puis, sentant bien qu’il nous avait injuriés avec trop d’aigreur, et comme pour s’excuser, il poursuit : Je n’accuse pas avec plus d’aigreur que la vérité ne m’y contraint, qu’on veuille bien en accepter cette preuve. Ceux qui appellent aux autres initiations proclament: « Quiconque a les mains pures et la langue avisée », et d’autres encore : « Quiconque est pur de toute souillure, dont l’âme n’a conscience d’aucun mal, et qui a bien et justement vécu »: voilà ce que proclament ceux qui promettent la purification des péchés. Ecoulons, au contraire, quels hommes appellent ces chrétiens : « Quiconque est pécheur, quiconque faible d’esprit, quiconque petit enfant, bref quiconque est malheureux, le Royaume de Dieu le recevra. » Or, par pécheur, n’entendez-vous pas l’injuste, le voleur, le perceur de murailles, l’empoisonneur, le pilleur de temples, le violateur de tombeaux ? Quels autres un brigand appellerait-il dans sa proclamation ? Voici notre réponse : ce n’est pas la même chose d’appeler les malades de l’âme à la santé, et les bien portants à la connaissance et à la science de choses divines. Nous aussi, nous savons établir cette distinction. Au début, invitant les hommes à la guérison, nous exhortons les pécheurs à venir aux doctrines qui enseignent à éviter le péché, les faibles d’esprit aux doctrines qui affinent l’intelligence, les petits enfants à s’élever jusqu’à des sentiments virils, bref, les malheureux au bonheur, plus précisément à la béatitude. Et quand, parmi ceux que nous exhortons, les progressants se montrent purifiés par le Logos, menant autant que possible une vie meilleure, alors nous les appelons à l’initiation parfaite, « car nous parlons sagesse parmi les parfaits ». LIVRE III

Comme nous enseignons : « La sagesse n’entrera pas dans une âme perverse, et n’habitera pas dans un corps tributaire du péché », nous disons aussi : « Quiconque a les mains pures » et, pour cette raison, élève vers Dieu « des mains innocentes », et parce qu’offrant des sacrifices sublimes et célestes, peut dire : « L’élévation de mes mains est un sacrifice du soir » : qu’il vienne à nous ! Quiconque a la langue avisée, parce qu’il médite « jour et nuit » la loi du Seigneur, et que « ses facultés ont été formées par la pratique au discernement du bien et du mal », qu’il ne craigne pas d’en venir aux solides nourritures spirituelles qui conviennent aux athlètes de la piété et de toutes les vertus. Et comme « la grâce de Dieu est avec tous ceux qui aiment d’un amour incorruptible » le Maître qui enseigne l’immortalité, quiconque a les mains pures, non seulement de toute souillure, mais encore des fautes regardées comme plus légères, qu’il se fasse hardiment initier aux mystères de la religion de Jésus, qui ne sont raisonnablement transmis qu’aux saints et aux purs. Le myste de Celse peut dire : Que celui dont l’âme n’a conscience d’aucun mal vienne ; mais celui qui, selon Jésus, conduit les initiés à Dieu, dira à ceux dont l’âme est purifiée : Celui dont l’âme n’a conscience d’aucun mal depuis longtemps, et surtout depuis qu’il est venu se faire guérir par le Logos, que celui-là entende aussi ce que Jésus a découvert en particulier à ses véritables disciples. Ainsi donc, dans le contraste qu’il établit entre l’initiation des Grecs et celle que donnent les maîtres de la doctrine de Jésus, Celse n’a pas vu la différence entre l’appel des méchants à la guérison de leurs âmes et l’appel des hommes déjà très purs à de plus profonds mystères. LIVRE III

Puisqu’il continue : Pourquoi donc celte préférence accordée aux pécheurs ? et qu’il ajoute des propos de même sorte, je répondrai : le pécheur n’est pas absolument préféré à qui n’aurait pas péché. Il arrive qu’un pécheur qui a pris conscience de sa faute, et à cause de cela s’avance vers la conversion en s’humiliant de ses péchés, soit préféré à celui qu’on regarde comme moins pécheur, et qui, loin de se croire pécheur, s’exalte d’orgueil pour certaines qualités supérieures qu’il croit posséder. C’est ce que montre à qui veut lire loyalement l’Évangile, la parabole sur le publicain qui dit : « Aie pitié du pécheur que je suis », quand le pharisien s’était glorifié avec une suffisance perverse en disant : « Je te rends grâce de n’être pas comme le reste des hommes, rapaces, injustes, adultères, ni même comme ce publicain. » Jésus, en effet, conclut les paroles sur les deux hommes : « Il descendit à sa maison justifié, et non pas l’autre, car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé». » Aussi sommes-nous loin de blasphémer Dieu et de mentir, en enseignant à tout homme quel qu’il soit à prendre conscience de la petitesse humaine comparée à la grandeur de Dieu, et à réclamer sans cesse ce qui fait défaut à notre nature à Celui qui seul peut combler pour nous ces insuffisances. LIVRE III

Il croit que nous disons cela pour encourager les pécheurs, dans l’impuissance où nous serions d’attirer aucun homme réellement honnête et juste et que, pour cette raison, nous ouvrons les portes aux plus impies et aux plus dépravés. Mais nous, à considérer loyalement notre assemblée, nous pouvons présenter un plus grand nombre de gens convertis d’une vie non totalement misérable que de gens convertis des péchés les plus dépravés. Et en effet, il est tout naturel que ceux qui ont conscience de vivre une vie meilleure, souhaitent que notre prédication sur la récompense que Dieu réserve aux meilleurs soit véridique, s’empressent d’adhérer à nos paroles, plus que ceux dont la vie fut tout à fait désordonnée ; ces derniers sont empêchés par leur conscience même d’admettre qu’ils seront châtiés par le juge suprême, d’un châtiment proportionné à leurs crimes, et infligé selon la droite raison par le juge suprême. Mais il arrive parfois que même des gens fort dépravés, désireux d’admettre la doctrine du châtiment, à cause de l’espérance promise au repentir, soient retenus par l’habitude du péché : comme imbibés par le vice, ils ne peuvent plus s’en défaire aisément pour mener une vie réglée conforme à la droite raison. Cela, Celse même l’a compris quand, je ne sais pourquoi, il ajoute : Certes, il est bien clair à chacun que ceux qui sont naturellement enclins à pécher et qui en ont l’habitude, personne ne pourrait totalement les changer, même par le châtiment, encore moins par la pitié. Il est très difficile de changer radicalement la nature. Ceux qui sont sans péché ont en partage une vie meilleure. LIVRE III

Après cela, par acquit de conscience, mais d’une manière fort obscure, il fait mention des songes du grand échanson et du grand panetier, du Pharaon, de leur explication grâce à laquelle Joseph fut tiré de la prison pour se voir confier par le Pharaon le deuxième trône d’Egypte. LIVRE IV

Mais je ne sais pourquoi, joignant deux sentiments incompatibles qui ne peuvent se trouver ensemble dans une nature humaine, il dit que ce livre mérite la pitié et la haine. Car on conviendra que celui dont on a pitié n’éveille pas la haine en même temps que la pitié, et que celui qui est haï n’éveille pas la pitié en même temps que la haine. Et la raison pour laquelle Celse dit n’avoir pas le propos d’en réfuter les inepties, c’est, croit-il, qu’il saute aux yeux de tous que, même avant une réfutation rationnellement conduite, le livre est nul et mérite la pitié et la haine. Mais j’invite le lecteur de cette apologie réfutant l’accusation de Celse, à supporter la lecture de nos livres, et autant que possible à rechercher l’intention, la conscience, et l’état d’esprit des écrivains : il y verra des hommes qui défendent avec ardeur ce qu’on leur a transmis, et que certains écrivent manifestement une histoire dont ils furent témoins et qu’ils considèrent comme miraculeuse et digne d’être rapportée pour le bien de ceux qui l’entendraient. Ou bien qu’on ose nier que la source et le principe de tout bien pour l’âme est de croire au Dieu de l’univers, d’accomplir toutes les actions en vue de lui plaire en quoi que ce soit, sans même garder une pensée qui lui déplaise, puisque non seulement les paroles et les actions mais les pensées mêmes seront jugées par lui ! Et quelle autre doctrine serait plus efficace pour convertir et amener la nature humaine à une vie vertueuse que la foi ou la persuasion que le Dieu suprême voit toutes nos paroles, nos actions et même nos pensées ? Présente qui voudra une autre méthode qui à la fois convertisse et améliore non pas un ou deux individus seulement, mais encore autant que possible un très grand nombre ; alors la comparaison des deux méthodes fera comprendre exactement quelle doctrine dispose à la vie vertueuse. LIVRE IV

J’aborde maintenant un cinquième livre contre le traité de Celse, pieux Ambroise : non pour me livrer à un bavardage injustifiable puisqu’il n’irait pas sans péché, mais je fais de mon mieux pour ne laisser sans examen aucun de ses propos, notamment là où d’aucuns pourraient croire qu’il a dirigé des critiques pertinentes contre nous ou contre les Juifs. S’il m’était possible, par ce discours, de pénétrer la conscience de chaque lecteur de son ouvrage, d’en arracher tout trait blessant une âme que ne protège pas entièrement l’armure de Dieu, d’appliquer un remède spirituel guérissant la blessure causée par Celse, blessure empêchant qui se fie à ses arguments d’être robuste dans la foi, c’est bien ce que j’aurais fait. Mais c’est l’oeuvre de Dieu d’habiter invisiblement par son Esprit et l’Esprit du Christ ceux qu’il juge devoir habiter. Pour moi, en tâchant, par des discours et des traités, de raffermir les hommes dans la foi, je dois faire tous mes efforts pour mériter le titre d’ouvrier qui n’a pas à rougir, de fidèle dispensateur de «la parole de la vérité». Et l’un de ces efforts me semble être de réfuter de mon mieux les arguments plausibles de Celse, exécutant avec confiance le mandat que tu m’as donné. Je vais donc citer les arguments de Celse qui suivent ceux auxquels j’ai déjà répondu – au lecteur de juger si je les ai renversés -, je vais leur opposer mes réfutations. Que Dieu m’accorde de ne point aborder mon sujet en laissant mon esprit et ma raison purement humains et vides d’inspiration divine, « pour que la foi » de ceux que je désire aider « ne repose pas sur la sagesse des hommes », mais que je reçoive de son Père qui seul peut l’accorder « la pensée du Christ » et la grâce de participer au Logos de Dieu, et qu’ainsi je puisse détruire « toute puissance altière qui s’élève contre la connaissance de Dieu » et la suffisance de Celse qui s’élève contre nous et contre notre Jésus, et encore contre Moïse et les prophètes. Et que celui qui donne « aux messagers son Logos avec une grande puissance » me l’accorde à moi aussi et me fasse don de cette grande puissance, et que naisse chez les lecteurs la foi fondée sur le Logos et la puissance de Dieu ! LIVRE V

Celse poursuit : ” Qu’on n’aille pas imaginer que je l’ignore: certains d’entre eux conviendront qu’ils ont le même Dieu que les Juifs, mais les autres pensent qu’il y a un dieu différent auquel le premier est opposé, et de qui est venu le Fils “. S’il croit que l’existence de plusieurs sectes parmi les chrétiens constitue un grief contre le christianisme, pourquoi ne verrait-on pas un grief analogue contre la philosophie dans le désaccord entre les écoles philosophiques, non pas sur des matières légères sans importance mais sur les questions capitales ? Il faudrait aussi accuser la médecine à cause des écoles qu’elle présente. Admettons que certains d’entre nous nient que notre Dieu soit le même que le Dieu des Juifs : ce n’est pourtant pas une raison d’accuser ceux qui prouvent par les mêmes Écritures qu’il y a un seul et même Dieu pour les Juifs et les Gentils. Paul le dit clairement, lui qui est passé du judaïsme au christianisme : « Je rends grâces à mon Dieu que je sers comme mes ancêtres avec une conscience pure. » Admettons encore qu’il y ait une troisième espèce, ceux qui nomment les uns psychiques, les autres pneumatiques. Je pense qu’il veut parler des disciples de Valentin. Quelle conclusion en tirer contre nous qui appartenons à l’Église, et condamnons ceux qui imaginent des natures sauvées en vertu de leur constitution ou perdues en vertu de leur constitution ? Admettons même que certains se proclament Gnostiques, à la façon dont les Epicuriens se targuent d’être philosophes. Mais ceux qui nient la Providence ne peuvent être véritablement philosophes, ni ceux qui introduisent ces fictions étranges désavouées par les disciples de Jésus être des chrétiens. Admettons enfin que certains acceptent Jésus, et c’est pour cela qu’ils se vantent d’être chrétiens, mais ils veulent encore vivre selon la loi des Juifs comme la foule des Juifs. Ce sont les deux sortes d’Ébionites : ceux qui admettent comme nous que Jésus est né d’une vierge, ceux qui ne le croient pas né de cette manière mais comme le reste des hommes. Quel grief tirer de tout cela contre les membres de l’Église que Celse a nommés ceux de la foule ? Il ajoute : Parmi eux, il y a encore des Sibyllistes, peut-être pour avoir compris de travers des gens qui blâment ceux qui croient au don prophétique de la Sibylle et les ont appelés Sibyllistes. Puis, déversant sur nous une masse de noms, il déclare connaître encore certains Simoniens qui vénèrent Hélène ou Hélénos leur maître et sont appelés Héléniens. Celse ignore que les Simoniens refusent absolument de reconnaître Jésus comme Fils de Dieu : ils affirment que Simon est une puissance de Dieu et racontent les prodiges de cet homme qui, en simulant les prodiges analogues à ceux que Jésus avait simulés, selon lui, avait cru qu’il aurait autant de pouvoir sur les hommes que Jésus parmi la foule. Mais il était impossible à Celse comme à Simon de comprendre la manière dont Jésus a pu ensemencer, en bon « laboureur » de la parole de Dieu, la majeure partie de la Grèce et la majeure partie de la barbarie, et remplir ces pays des paroles qui détournent l’âme de tout mal et la font monter au Créateur de l’univers. Celse connaît encore les Marcelliniens disciples de Marcellina, les Harpocratiens disciples de Salomé, d’autres disciples de Mariamme et d’autres disciples de Marthe. Malgré mon zèle à l’étude, non seulement pour scruter le contenu de notre doctrine dans la variété de ses aspects, mais encore, autant que possible, pour m’enquérir sincèrement des opinions des philosophes, je n’ai jamais rencontré ces gens-là. Celse mentionne encore les Marcionites qui mettent à leur tête Marcion. Ensuite, pour donner l’apparence qu’il en connaît encore d’autres que ceux qu’il a nommés, il généralise à son habitude : Certains ont trouvé comme maître un chef et un démon, d’autres un autre, et ils errent misérablement et se roulent dans d’épaisses ténèbres à perpétrer plus d’impiétés et de souillures que les thyases d’Egypte. En effleurant le sujet, il me paraît bien avoir dit quelque chose de vrai : certains ont trouvé comme chef un démon, et d’autres un autre, et ils errent misérablement et se roulent dans les épaisses ténèbres de l’ignorance. Mais j’ai déjà parlé d’Antinoos qu’il compare à notre Jésus et je n’y reviendrai pas. LIVRE V

Celse a mal compris, me semble-t-il, cette parole de l’Apôtre : « Dans les derniers temps, certains s’écarteront de la foi pour s’attacher à des esprits trompeurs et à des doctrines diaboliques, séduits par des menteurs hypocrites marqués au fer rouge dans leur conscience : ils interdisent le mariage et l’usage d’aliments que Dieu a créés pour être pris avec actions de grâce par les croyants. » Il a mal compris encore les gens qui citent ces paroles de l’Apôtre contre ceux qui altèrent les vérités du christianisme ; aussi dit-il que, parmi les chrétiens, certains sont appelés les cautères de l’oreille. Il ajoute que d’autres sont nommés énigmes, chose dont je ne sais rien. Il est vrai que l’expression pierre de scandale est fréquente dans les Écritures : on a coutume de l’appliquer à ceux qui détournent de la saine doctrine les esprits simples et faciles à berner. Ce que désigne les Sirènes danseuses et séductrices qui scellent à la cire les oreilles de ceux qui leur obéissent et changent leurs télés en têtes de porc, je ne le sais, pas plus que personne, j’imagine, parmi ceux de notre doctrine ni ceux des sectes. LIVRE V

J’ai fait ces remarques pour justifier, contre les critiques de Celse et d’autres auteurs, la simplicité d’expression des Écritures qui paraît éclipsée par le brillant de la composition littéraire. Nos prophètes, Jésus et ses apôtres se proposaient une méthode de prédication qui non seulement contient les vérités, mais encore a la puissance d’entraîner les esprits de la multitude : alors convertis et initiés, ils s’élèveraient chacun selon ses forces aux vérités voilées sous des expressions apparemment simples. Et même, s’il faut oser dire, c’est à un petit nombre qu’a été utile, si toutefois il l’a été, le style élégant et raffiné de Platon et de ses imitateurs ; mais ceux qui ont enseigné et écrit dans un style plus simple d’une manière pratique et populaire ont été utiles à un grand nombre. Ainsi on ne peut voir Platon qu’aux mains de ceux qui passent pour lettrés, tandis qu’Epictète est admiré même des gens du commun, inclinés à en recevoir l’influence bienfaisante, car ils ont conscience que ses discours les rendent meilleurs. LIVRE VI

Il dit donc : Des oracles prononcés par la Pythie, les prêtresses de Dodone, le dieu de Claros, chez les Branchides, au temple d’Ammon, et par mille autres devins, sous l’impulsion desquels sans doute toute la terre a été colonisée, ils ne tiennent aucun compte. Au contraire, les prédictions des habitants de la Judée, faites à leur manière, dites réellement ou non, et suivant un usage encore en vigueur aujourd’hui chez les gens de Phénicie et de Palestine, voilà ce qui leur paraît merveilleux et irréfragable ! A propos des oracles énumérés, disons qu’on pourrait tirer d’Aristote et des Péripatéticiens bien des arguments pour ruiner son estime de la Pythie et des autres oracles. On pourrait aussi, en citant les paroles d’Épicure et de ceux qui ont embrassé sa doctrine sur ce point, montrer que même des Grecs rejettent les oracles reçus et admirés dans toute la Grèce. Mais accordons que les réponses de la Pythie et des autres oracles ne sont pas l’invention de gens qui simulent l’inspiration divine. Et voyons si, même dans ce cas, à l’examen sincère des faits, on ne peut pas montrer que, tout en acceptant ces oracles, on n’est pas contraint d’y reconnaître la présence de certains dieux. Ce sont au contraire des mauvais démons et des esprits hostiles au genre humain qui empêchent l’âme de s’élever, de marcher sur le chemin de la vertu et de rétablir la piété véritable envers Dieu. Ainsi on rapporte de la Pythie, dont l’éclat semble éclipser tous les oracles, qu’assise auprès de la crevasse de Castalie, la prophétesse d’Apollon en reçoit un esprit par ses organes féminins ; et quand elle en est remplie, elle débite ce qu’on regarde comme de vénérables oracles divins. Ne voilà-t-il point la preuve du caractère impur et vicié de cet esprit ? Il s’insinue dans l’âme de la devineresse non par des pores clairsemés et imperceptibles, bien plus purs que les organes féminins, mais par ce qu’il n’est point permis à l’homme chaste de regarder et encore moins de toucher. Et cela non pas une ou deux fois, ce qui peut-être eût paru admissible, mais autant de fois qu’on croit qu’elle prophétise sous l’influence d’Apollon. Bien plus, ce passage à l’extase et à la frénésie de la prétendue prophétesse, allant jusqu’à la perte de toute conscience d’elle-même, n’est pas l’?uvre de l’Esprit divin. La personne que saisit l’Esprit divin devrait en effet, bien avant quiconque, apprendre de ses oracles ce qui sert à mener une vie modérée et conforme à la nature, en retirer la première de l’aide pour son utilité ou son avantage et se trouver plus perspicace, surtout au moment où la divinité s’unit à elle. LIVRE VI

Si la Pythie est hors d’elle-même et sans conscience lorsqu’elle rend des oracles, quelle nature faut-il attribuer à l’esprit qui répand la nuit sur son intelligence et ses pensées ? N’est-ce pas ce genre de démons que beaucoup de chrétiens chassent des malades à l’aide non point d’un procédé magique, incantatoire ou médical, mais par la seule prière, de simples adjurations et des paroles à la portée de l’homme le plus simple ? Car ce sont généralement des gens simples qui l’opèrent. La grâce contenue dans la parole du Christ a prouvé la faiblesse et l’impuissance des démons : pour qu’ils soient vaincus et se retirent sans résistance de l’âme et du corps de l’homme, il n’est pas besoin d’un savant capable de fournir des démonstrations rationnelles de la foi. LIVRE VI

Ensuite, il déclare que nous évitons a édifier des autels, des statues et des temples; car il croit que c’est le mot d’ordre convenu de notre association secrète et mystérieuse. C’est ignorer que pour nous le coeur de chaque juste forme l’autel d’où montent en vérité et en esprit, parfums d’agréable odeur, les prières d’une conscience pure. Aussi est-il dit chez Jean dans l’Apocalypse : « Les parfums sont les prières des saints », et chez le Psalmiste : « Que ma prière soit comme un encens devant toi. » LIVRE VIII

Tout cela, les démons l’exécutent d’eux-mêmes ; sorte de bourreaux, ils ont reçu par quelque décision divine le pouvoir de produire ces fléaux pour convertir les hommes abandonnés à la dérive du flot du vice ou pour exercer la race des êtres raisonnables : pour permettre à ceux qui restent pieux même dans ces calamités et sans rien perdre de leur vertu de se manifester ainsi aux spectateurs visibles et invisibles, qui jusque-là ne voyaient pas l’éclat de leur âme, et afin que les autres, dont les dispositions sont contraires, mais qui se gardent de montrer leur vice, sous l’épreuve démasquent leur être véritable, eux-mêmes en prennent conscience et se dévoilent pour ainsi dire aux spectateurs. LIVRE VIII

Celse a beau dire : Il faut donc rendre des honneurs religieux à ces êtres dans la mesure où c’est notre intérêt, car la raison n’exige pas de le faire sans réserve. Non, il ne faut pas rendre des honneurs aux démons rivés au fumet de graisse et au sang, mais tout faire pour éviter de profaner la divinité en la rabaissant jusqu’aux démons pervers. S’il avait eu une notion exacte de notre intérêt et vu que notre intérêt au sens propre c’est la vertu et l’action conforme à la vertu, Celse n’eût point usé de l’expression « dans la mesure où c’est notre intérêt » à propos de tels êtres en qui lui-même voit des démons. Pour nous, même si le culte de tels démons nous octroie la santé et la réussite temporelle, nous préférons subir la maladie et l’échec temporel avec la conscience d’une religion pure envers le Dieu de l’univers, plutôt que jouir de la santé du corps et de la réussite temporelle dues à la séparation et à la chute loin de Dieu, et finalement la maladie et la misère de l’âme. En somme, c’est à Celui qui n’éprouve nul besoin de rien sinon du salut des hommes et de tout être raisonnable, de préférence à ceux qui aspirent au fumet de graisse et au sang, qu’on doit s’attacher. LIVRE VIII