C’était un homme d’une éminente sainteté et remarquable entre tous. Après qu’on l’eut arraché du milieu des anachorètes, pour le faire évêque de Panephysis, il ne laissa pas de demeurer strictement fidèle, toute sa vie durant, à l’idéal de la vie solitaire. On ne le vit jamais relâcher rien de sa première humilité, ni se complaire à la dignité dont il avait été honoré. Si on l’avait appelé à cette charge, ce n’était pas, à l’en croire, qu’il y fût propre mais plutôt il gémissait d’avoir été chassé du désert, comme indigne de la vie que l’on y mène, parce que, en trente-sept années qu’il y était demeuré, il n’avait pas su parvenir à la pureté d’âme que réclame une profession si haute. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON
Un homme n’éteint en soi les flammes du vice que par peur de la géhenne ou l’espoir de la rétribution future. Cet autre se détourne avec horreur du mal et de l’impureté mêmes dans le sentiment de la divine charité. Il possède le bien de la pureté par le seul amour et désir de la chasteté. Ses yeux ne cherchent pas dans l’avenir la récompense promise, mais la conscience qu’il a du bien déjà présent lui est un profond délice. Il n’a jamais égard au châtiment, et n’agit que pour le bonheur qu’il trouve en la vertu. Entre les deux, la différence est grande. Le second, quand bien même il serait sans témoin, n’abusera pas de l’occasion, non plus qu’il ne laissera profaner son âme par les complaisances secrètes des pensées mauvaises. L’amour de la vertu a pénétré ses moelles; et loin qu’il donne accueil en son âme aux influences contraires, tout son être se soulève pour les rejeter. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON
Tout d’abord, qu’en pense au juste le bienheureux Apôtre ? «Mortifiez, dit-il, les membres de l’homme terrestre.» (Col 3,5). Mais, avant de pousser plus loin, quels sont ces membres qu’il ordonne de mortifier ? Son dessein n’est pas de nous porter à quelque mutilation barbare. Ce qu’il désire, c’est que le zèle de la sainteté parfaite détruise au plus tôt le corps de péché, lequel naturellement est formé de membres divers. «Afin que soit détruit le corps de péchés,» dit-il en un autre endroit, puis, il explique en quoi consiste cette destruction : «Pour que nous ne soyons, plus esclaves du péché.» (Rom 6,6). C’est aussi de ce corps qu’il demande avec gémissement d’être délivré : «Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ?» (Ibid.) Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Or, nous voyons que beaucoup pour le Christ ont abdiqué leur fortune; et l’expérience témoigne qu’ils n’ont pas seulement renoncé à la possession de l’argent, mais qu’ils en ont encore retranché le désir de leur coeur. Ne devons-nous pas croire que l’on peut de la même manière éteindre le feu de la fornication ? L’Apôtre n’aurait pas joint le possible à l’impossible. S’il commande de mortifier pareillement l’un et l’autre vice, c’est qu’il savait la chose faisable pour tous deux. Il a tant de confiance que nous pouvons extirper de nos membres la fornication et l’impureté, que ce n’est pas assez, à ses yeux, de les mortifier; notre devoir va plus loin, jusqu’à ne pas même les nommer : «Que l’on n’entende pas seulement parler parmi vous, déclare-t-il, de fornication, ni de quelque impureté que ce soit, ni de convoitise. Qu’on n’y entende point de paroles déshonnêtes, ni de folles, ni de bouffonnes, toutes choses qui sont malséantes.» (Eph 5,3-4). Toutes choses aussi qui sont pareillement funestes et nous excluent au même titre du royaume de Dieu, comme il l’enseigne encore : «Sachez-le bien : nul fornicateur, nul impudique, nul homme adonné à l’avarice, ce qui est une idolâtrie, n’a d’héritage dans le royaume du Christ et de Dieu»; (Ibid. 5) «Ne vous y trompez point : ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les rapaces ne posséderont le royaume de Dieu.» (1 Cor 6,9-10). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Au contraire, celui qui reste sujet dans sa chair aux guerres de la concupiscence, ne jouira point de cette paix d’une façon stable : Fatalement, les démons ne cesseront de lui livrer les plus cruels assauts, et blessé des traits enflammés de la luxure, il perdra la possession de sa terre, jusqu’au jour où le Seigneur «fera cesser les guerres jusqu’aux extrémités du monde, brisera l’arc et rompra les armes, et consumera par le feu les boucliers.» (Ps 45,10). Ce feu est celui que le Seigneur est venu apporter sur la terre. Les arcs et les armes qu’il brisera, sont ceux dont les puissances du mal se servaient contre cet homme dans une guerre incessante du jour et de la nuit, pour percer son coeur avec les traits des passions. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Je ne parle pas de ces conduites secrètes et cachées dont l’âme des saints se voit l’objet à toute heure; de cette infusion céleste de la joie spirituelle qui relève l’esprit abattu et lui rend l’allégresse; de ces transports brûlants, de ces consolations enivrantes que la bouche ne peut dire et que l’oreille n’a pas entendues, qui souvent nous éveillent d’une torpeur inerte et stupide, comme d’un profond sommeil, pour nous faire passer à la prière la plus fervente. C’est bien là cette joie dont le bienheureux Apôtre dit : «L’oeil de l’homme n’a pas vu, son oreille n’a pas entendu, le secret pressentiment de son coeur n’a point deviné.» (1 Cor 2,9). Mais il parle de celui qui, rendu stupide par les vices terrestres, est resté homme, rivé aux passions humaines et incapable de rien apercevoir de ces divines largesses. De lui-même, au contraire, et de ceux qui, d’ores et déjà étrangers à la manière de vivre des hommes lui sont devenus semblables, il dit aussitôt : «Mais à nous, Dieu l’a révélé par son Esprit.» (Ibid. 10). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Je suppose un homme qui n’ait jamais goûté rien de doux. On veut lui faire saisir avec des paroles la douceur du miel. Mais les mots qui entrent par ses oreilles ne lui donnent pas le sentiment d’une suavité que son palais n’a point éprouvée. D’autre part, les paroles manqueront à celui qui veut expliquer la douceur que le plaisir du goût lui a révélée; et charmé par un agrément qu’il est seul à connaître, il sera réduit à admirer silencieusement en soi-même la saveur exquise dont il a fait l’expérience. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Oui, c’est bien là le grand miracle de Dieu, qu’un homme de chair et vivant dans la chair ait rejeté tout penchant charnel, que parmi tant de circonstances diverses, tant d’assauts qui lui sont livrés, il garde son âme dans la même disposition et demeure immobile au milieu du flux incessant des événements. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Peut-on rappeler, sans frémir, cette parole de Diogène ? Ce que les philosophes de ce monde n’ont pas eu honte de publier comme un fait digne de mémoire, nous ne pouvons le dire ni l’entendre, sans que la rougeur nous monte au front. Un homme allait être puni pour crime d’adultère. Diogène, à ce qu’on rapporte, lui tint ce propos : «N’achetez pas de votre vie ce qui se vend gratis.» Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Si nous attribuons à notre libre arbitre la gloire de nous conduire à la vertu parfaite et l’accomplissement des commandements de Dieu, comment pouvons-nous demander : «Affermis, ô Dieu, ce que tu as accompli en nous !» (ps 57,29); «Dirigez pour nous les oeuvres de nos mains !» (ps 89,17) ? — Balaam est payé pour maudire Israël, et nous voyons qu’il ne lui fut pas permis de remplir son désir. (cf. Nb 22,5 et ss.) — Dieu garde Abimélech, de peur qu’il ne touche Rebecca, et ne pèche contre lui (cf. Gn 20,6). — La jalousie de ses frères fait emmener Joseph au loin (cf. Ibid. 37, 28), pour ménager la descente des fils d’Israël en Égypte; ils méditaient un fratricide, et le secours va leur être préparé pour les jours de famine. C’est ce que Joseph lui-même leur découvre, après avoir été reconnu par eux : «N’ayez point peur, et ne vous affligez pas de m’avoir vendu, pour être conduit dans ce pays. C’est pour votre salut que Dieu m’a envoyé devant vous» (Gn 45,5); et un peu après : «Dieu m’a envoyé devant vous, afin que vous soyez gardés sur la terre, et que vous ayez de la nourriture pour vivre. Ce n’est point par votre conseil, mais par la volonté de Dieu que j’ai été envoyé. Il m’a fait comme le père du Pharaon, le seigneur de toute sa maison et le prince de toute la terre d’Égypte» (Ibid. 7,8). Et comme, après la mort de leur père, ils étaient en proie à la terreur, pour leur ôter tout soupçon de crainte, il leur dit : «N’ayez point peur. Est-ce que nous pouvons résister à la volonté de Dieu ? Vous avez médité de me faire du mal; mais Dieu l’a changé en bien, pour m’exalter, comme vous le voyez présentement, afin de sauver des peuples nombreux» (Ibid. 50,19-20). Pareillement, le bienheureux David déclare, dans le psaume 104, que toutes ces choses arrivaient par une conduite spéciale de Dieu : «Il appela la famine sur le pays, et il les priva de tout le pain qui les soutenait. Il envoya devant eux un homme; Joseph fut vendu comme esclave» (ps 104,16-17). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Il ne faut pas croire que Dieu ait fait l’homme tel qu’il ne veuille ni ne puisse jamais faire le bien. Ou l’on ne pourra plus dire qu’il lui ait accordé le libre arbitre, s’il lui a seulement donné de vouloir et de pouvoir le mal, non de vouloir ni de pouvoir par lui-même le bien. Puis, comment cette parole du Seigneur après la chute du premier homme demeurera-t-elle vraie : «Voici qu’Adam est devenu comme l’un d’entre nous, sachant le bien et le mal» (Gn 3,22) ? Que signifie-t-elle, en effet ? D’abord, ne pensez pas que l’homme, dans l’état qui précéda la chute, ait ignoré totalement le bien. Autrement, il faudrait avouer qu’il à été créé comme un animal privé de sens et de raison, ce qui est passablement absurde et tout à fait incompatible avec la foi catholique. Que dis-je ? Selon la parole du sage Salomon,, «Dieu a créé l’homme droit» (Eccl 7,29), c’est-à-dire pour jouir uniquement et sans cesse de la science du bien; mais «les hommes eux-mêmes se sont embarrassés dans une multitude de pensées,» ils sont devenus, comme il a été dit, sachant le bien et le mal. Adam obtint donc, après sa prévarication, la science du mal, qu’il n’avait pas; mais il n’a pas perdu la science du bien qu’il avait reçue. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Vue admirable sur les choses divines, qui jetait dans une sorte d’effroi un homme tel que l’Apôtre des nations ! Celui-là tente de la réduire à néant, qui croit pouvoir mesurer avec sa raison humaine la profondeur de cet abîme insondable. Oui, quiconque se fait fort de comprendre ou d’expliquer parfaitement les conduites divines, nie la parole de l’Apôtre; et son audace sacrilège prononce, à l’encontre, que les jugements de Dieu sont pénétrables au regard, ses voies possibles à découvrir. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
L’ordre que j’ai promis de garder, la suite même de notre voyage m’obligent de rapporter maintenant les enseignements de l’abbé Nesteros, qui fut un homme remarquable en toutes manières et d’une science consommée. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
D’autres se plaisent au service de charité qui se rend aux étrangers dans les hôpitaux. C’est par cette vertu de l’hospitalité qu’autrefois déjà le patriarche Abraham et Loth plurent au Seigneur, et récemment le bienheureux Macaire. Cet homme, d’une mansuétude et d’une patience singulières, dirigea un hospice à Alexandrie. Il le fit de telle manière, qu’on ne doit le regarder comme inférieur à aucun des amants de la solitude. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Mais c’est trop demander à l’humaine fragilité. Les efforts dépensés en pareille rencontre demeurent nécessairement vains. Il est impossible, en effet, qu’un seul homme brille à la fois dans toutes les vertus énumérées plus haut. Avec une pareille ambition, voici ce qui arrive : tandis que l’on court après toutes, on n’en atteint parfaitement aucune; et de ce changement et de cette inconstance, on a plus de dommage que de profit. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Pour donner un exemple, c’est comme si l’on voulait imiter la vertu de cet homme que l’abbé Jean cite volontiers, mais seulement afin d’exciter l’admiration, non comme un modèle à suivre. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Quelqu’un lui vint un jour en habit de séculier, portant certaines prémices de ses récoltes. Il trouve là un possédé, que tourmentait un démon des plus cruels. Celui-ci, plein de mépris pour les ordres et les adjurations de l’abbé Jean, témoignait qu’il ne quitterait jamais sa victime à son commandement. Mais, saisi de frayeur à l’arrivée de notre homme, il cria son nom avec grande révérence, et s’enfuit. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Devant tant d’instances, une crainte respectueuse enchaîne le brave homme. Il avoue que, douze ans écoulés, son intention était de se faire moine. La contrainte exercée par ses parents, jointe à leur autorité, l’ayant déterminé à prendre femme, il a regardé celle-ci comme une soeur et respecté sa virginité, sans que personne ait encore jusqu’ici partagé son secret. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
À cette nouvelle, le vieillard se sent ému d’une vive admiration. Devant le pauvre laboureur, il ne peut se retenir de proclamer publiquement son sentiment : Ce n’est pas sans raison que le démon qui l’avait méprisé, n’a pu tolérer la présence d’un tel homme. Il n’essayerait pas, quant à lui, d’imiter sa vertu, sans craindre pour sa chasteté ; et cela, non seulement dans le feu de la jeunesse, mais à l’âge qu’il a aujourd’hui. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Soyez donc en tout «prompt à écouter, lent à parler,» (Jac 1,19) de peur que la remarque de Salomon ne se vérifie à votre sujet. «Si tu vois un homme prompt en paroles, sache qu’il y a plus d’espérance dans l’insensé qu’en lui.» (Pro 28,20). N’ayez point la présomption d’enseigner rien à personne, que vous ne l’ayez d’abord pratiqué vous-même. C’est l’ordre que notre Seigneur nous apprend à suivre par son exemple : «Il faisait, puis il enseignait.» (Ac 1,1). Prenez garde, en vous précipitant à enseigner avant d’avoir pratiqué, d’être mis au nombre de ceux dont le Seigneur déclare à ses disciples, dans l’Évangile : «Observez et faites ce qu’ils disent, mais ne faites pas ce qu’ils font. Ils lient des fardeaux pesants et impossibles à porter, et les mettent sur les épaules des hommes; mais ils ne veulent pas les remuer du bout du doigt.» (Mt 23,3-4). «Celui qui viole l’un des moindres commandements et se mêle d’enseigner les hommes, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux.» (Mt 5,19). Mais alors, que serait-il fait de celui qui ose enseigner les préceptes nombreux et graves qu’il néglige ? Ce n’est plus assez de dire qu’il est le dernier dans le royaume des cieux; il gagne la première place au supplice de la géhenne. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
La troisième sorte de guérisons est un jeu et une ruse des démons. Un homme est engagé dans des crimes manifestes, mais on admire ses miracles, et on le croit serviteur de Dieu : c’est pour les esprits malins le moyen de persuader aux autres d’imiter jusqu’à ses vices. De plus, la porte est ouverte à la critique, et la sainteté de la religion elle-même discréditée. À tout le moins peuvent-ils s’attendre que celui qui se croit ainsi le don de guérison, le coeur enflé de superbe, tombera d’une chute plus terrible. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Le bienheureux Macaire s’arrête donc près d’une tombe des plus anciennes : «Ô homme, s’écrie-t-il, si cet hérétique, ce fils de perdition fût venu ici avec moi; et qu’en sa présence, invoquant le nom du Christ, mon Dieu, je t’eusse appelé : dis-moi si tu te serais levé devant tout ce monde que son imposture a failli conduire à la ruine.» Le mort se leva, et répondit que oui. L’abbé Macaire lui demanda ce qu’il avait été durant sa vie, en quel temps il avait vécu et s’il avait alors connu le nom du Christ. Il répondit qu’il avait vécu sous les plus anciens rois, et qu’il n’avait pas même entendu prononcer le nom du Christ à cette époque. «Dors en paix, reprit l’abbé Macaire, en attendant que le Christ te ressuscite en ton rang avec tous les autres, à la fin des temps.» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Le même abbé s’en allait à certain bourg, lorsqu’il fut entouré par une troupe de gens qui s’amusaient de lui. Par dérision, ils lui montraient un homme à qui son genou tout contracté rendait depuis longues années la marche impossible, et réduit à ramper par un mal désormais invétéré. «Abbé Abraham, disaient-ils pour le tenter, montre si tu es le serviteur de Dieu, et rends à cet homme sa santé d’autrefois, afin que nous croyions que le nom du Christ que tu adores, n’est pas un nom qui soit vain.» Sur-le-champ, il invoque le nom du Christ, se penche et, prenant le pied desséché, le tire. Au contact de sa main, le genou desséché et courbé se redresse soudain; le malade recouvre l’usage de ses jambes, qu’il avait depuis longtemps oublié, et s’en va tout comblé de joie. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
L’on ne doit pas estimer le mérite d’un homme d’après les miracles qu’il fait. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Ces grands hommes ne se prévalaient donc aucunement du pouvoir qu’ils avaient d’opérer de telles merveilles. Ils confessaient que leur propre mérite n’était pour rien, mais que la Miséricorde du Seigneur avait tout fait. Admirait-on leurs miracles, ils repoussaient la gloire humaine avec ces paroles empruntées des apôtres : «Frères, pourquoi vous étonner de cela ? Pourquoi tenir les yeux fixés sur nous, comme si c’était par notre puissance on par notre piété que nous eussions fait marcher cet homme ?» (Ac 3,12). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
C’est de quoi les apôtres se plaignaient un jour : «Maître, disaient-ils, nous avons vu un homme qui chasse les démons en votre Nom, et nous l’avons empêché, parce qu’il ne va pas avec nous.» (Lc 9,49). Sur l’heure, le Christ répondit : «Ne l’empêchez pas, car celui qui n’est pas contre vous est pour vous.» (Mt 9,50). Mais, lorsque, à la fin des temps, ces gens diront : «Seigneur, Seigneur, n’avons-nous point prophétisé en votre Nom ? n’avons-nous pas en votre Nom, chassé les démons ? et en votre Nom, n’avons-nous pas fait quantité de miracles ?» (Mt 7,22) Il atteste qu’il répliquera : «Je ne vous ai jamais connus. Retirez-vous de Moi, ouvriers d’iniquité.» (Mt 7,23). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Comme si la patience n’était due qu’aux infidèles et aux sacrilèges, et non à tous communément ! Comme si la colère, nuisible contre un païen, devenait bonne contre un frère ! Un esprit troublé qui s’obstine dans son irritation, se fait un tort égal, quel que soit celui qui en est l’objet. Quel entêtement, ou plutôt quelle démence ! Ces gens ont perdu toute raison et demeurent stupides, incapables de discerner le sens propre des mots. Car il n’est pas dit : Quiconque se met en colère contre un étranger, méritera d’être puni par les juges. Ceci peut-être eût pu donner lieu à une exception pour ceux qui nous sont unis par la communauté de foi et de vie, comme ils veulent l’entendre. Mais l’Évangile s’est exprimé de la façon la plus claire : «Quiconque se met en colère contre son frère, méritera d’être puni par les juges.» Et sans doute, la vérité nous fait une loi de tenir tout homme pour notre frère; cependant, le nom même de frère, dans ce passage, désigne tout d’abord les fidèles et ceux qui partagent votre vie, plutôt que les païens. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH
Le Seigneur désire donc extirper complètement des plus profondes retraites de l’âme le foyer de la colère. Il veut que l’homme extérieur se voyant frapper sur la joue droite par un injuste agresseur, votre homme intérieur présente aussi à frapper sa joue droite, en consentant humblement à l’affront; qu’il prenne part à la souffrance de l’homme extérieur, soumettant et abandonnant en quelque sorte son propre corps à l’injure. Car il ne faut pas que l’homme intérieur s’émeuve, même silencieusement, du coup reçu par l’homme extérieur. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH
Il faut bien se le persuader: celui-là montre le plus de force, qui soumet sa volonté à celle de son frère, et non celui qui est le plus opiniâtre à défendre et garder son sentiment. Par le support et la patience, le premier mérite de compter parmi les trempes saines et robustes; le second, au contraire, se range parmi les faibles et, si l’on peut dire, les malades, C’est un homme à qui l’on doit prodiguer caresses et douceurs. Parfois même, il sera bon de prendre quelque relâche dans les choses nécessaires, afin qu’il demeure tranquille et en paix. Que l’on ne croie pas, du reste, ôter, ce faisant, à sa propre perfection. Tant s’en faut : le bien de la longanimité et de la patience fait qu’on a profité beaucoup plus. C’est, en effet, le précepte de l’Apôtre : «Vous qui êtes forts, supportez les faiblesses de ceux qui sont infirmes.» (Rom 15,1). Il dit encore : «Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ.» (Gal 6,2). Jamais le faible ne supportera le faible, ni le malade ne pourra endurer ou guérir le malade. Mais celui-là peut apporter le remède au faible, qui n’est pas lui-même soumis à la faiblesse. Autrement, on aurait sujet de dire : «Médecin, guéris-toi toi même.» (Lc 4,23). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH
Il existe un moyen, fis-je alors, de couper court à nos angoisses ; c’est de recourir aux conseils, ou plutôt à l’autorité du vieillard. Soumettons-lui nos inquiétudes; et, quoi qu’il décide, que sa parole mette fin à toutes nos perplexités, comme si c’était la réponse du ciel même. Le Seigneur nous fera cette faveur par l’entremise de ce saint homme, n’en doutons pas, en considération de son mérite, et aussi de notre foi. Par une grâce de sa munificence, il est fréquemment arrivé que la foi obtint un conseil salutaire de la part d’hommes sans vertu, et l’incrédulité, de la part des saints. Il le veut ainsi, pour récompenser le mérite de ceux qui répondent ou la foi de ceux qui interrogent. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Se pouvait-il procurer à l’univers rien de meilleur et de plus utile que le remède salutaire de la Passion du Seigneur ? Cependant, loin de profiter au traître qui en fut l’instrument, elle lui a nui à tel point, qu’il est dit de lui simplement : «Mieux eût valu pour cet homme qu’il ne fût pas né !» (Mt 26,24). Le prix de son acte ne s’estime pas d’après ce qui en est résulté, mais selon ce qu’il voulu ou pensé faire. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Tel ce trait, que vous avez rappelé, du roi David, lorsque, fuyant l’injuste persécution de Saül, il use auprès d’Achimélech de paroles mensongères, non par esprit de lucre ou dans le dessein de nuire à personne, mais seulement pour se sauver d’une poursuite si impie. C’étaient bien là, en effet, les sentiments d’un homme qui ne voulut pas souiller ses mains du sang d’un roi, son ennemi, et que Dieu Lui-même lui livra tant de fois : «Que Dieu me préserve, s’écriait-il, de faire à mon Seigneur, à l’oint du Seigneur, une chose telle que de porter la main sur lui, car il est l’oint du Seigneur.» (1 Roi 24,7). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Instruits par les faits que nous avons rappelés, le bienheureux apôtre Jacques et tous les principaux chefs de la primitive Église exhortent l’apôtre Paul à descendre jusqu’aux artifices et à la simulation, afin de ménager la pusillanimité des faibles. Ils l’engagent à se soumettre aux purifications d’usage sous la loi, à se raser la tête et à offrir des voeux. Le préjudice inhérent à cette feinte ne compte pas à leurs yeux; ils n’ont égard qu’aux avantages qui résulteront du long apostolat d’un tel homme. Il n’aurait pas tant gagné, en effet, à se retrancher dans la stricte rigueur des principes, que sa mort immédiate n’eût causé de tort aux Gentils. Tort qui frappait infailliblement toute l’Église, si cette feinte utile et salutaire ne l’eût conservé pour la prédication de l’Évangile. On est excusable de consentir au dommage qui résulte du mensonge, il y a même nécessité de le faire, lorsque, comme nous l’avons dit, la vérité en causerait elle-même un plus grand, sans que, l’avantage qu’elle comporte suffise à le compenser. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
L’autorité du docteur des nations nous enseigne à suivre ce chemin; car, ayant à parler de la grandeur de ses révélations, il a voulu le faire sous le nom d’un autre : «Je connais un homme dans le Christ qui — fût-ce dans son corps ou hors de son corps, je l’ignore, Dieu le sait, — a été ravi jusqu’au troisième ciel. Et je sais que cet homme fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de dire.» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Le bienheureux David prend sa résolution, et s’engage par serment : «Que Dieu traite dans toute sa rigueur les ennemis de David ! D’ici au matin, je ne laisserai pas subsister un seul homme de tout ce qui appartient à Nabal.» Mais l’épouse de celui-ci, Abigaïl, s’interpose, et implore la grâce de son mari. David aussitôt de suspendre ses menaces et de fléchir ses résolutions. Il aime mieux paraître manquer à son dessein, plutôt que de garder la foi du serment au prix d’une cruauté : «Aussi vrai, dit-il, que le Seigneur est vivant, si tu n’étais venue en hâte à ma rencontre, pas un homme ne fût resté a Nabal d’ici au lever du jour.» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Mes enfants, lorsqu’un homme veut se rendre habile dans un art, il faut qu’il se dévoue, de tout le soin et la vigilance dont il est capable, aux exercices particuliers de la profession qu’il souhaite de connaître; il faut qu’il observe les préceptes et les avis des maîtres les plus consommés dans ce métier ou cette science. Autrement, c’est s’agiter de vains désirs; et l’on n’atteindra pas à la ressemblance de ceux dont on refuse d’imiter l’application et le zèle. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Un visiteur lui survient avec un extérieur et des paroles qui exprimaient la plus profonde abjection de soi-même. Le vieillard l’invite, selon l’usage, à réciter la prière. Toutes les instances demeurent impuissantes à vaincre ses refus. «Un homme comme lui ! couvert de toutes les hontes ! Non, en vérité, il n’est pas digne de l’air qu’il respire !» Il ne consent même point à s’asseoir sur une natte; la terre nue est bien bonne pour lui. Bien moins encore se prête-t-il au lavement des pieds. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
À ces mots, le jeune homme s’attriste et se courrouce; son visage ne parvient pas a dissimuler l’amertume de son coeur. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
C’est alors que la même passion qui jadis avait excité contre le patriarche Joseph l’esprit de ses frères, brûla d’un feu jaloux le coeur de l’un des nôtres. Possédé d’un malheureux désir de flétrir par une tache déshonorante l’éclat d’une telle, beauté, sa malice invente ce stratagème. Un dimanche, saisissant le moment où Paphnuce était parti de sa cellule pour aller à l’église, il y entre furtivement, et, sans être vu, cache son manuscrit parmi les tresses que le jeune solitaire s’occupait a faire avec des feuilles de palmier; puis, assuré du succès d’une ruse si bien concertée, en homme qui a la conscience pure et innocente, il se rend à l’église avec les autres. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Secondement, tenons pour bien assuré que nous ne pouvons être en sûreté contre les orages des tentations et les attaques du démon, si nous plaçons la sauvegarde et l’espoir de notre patience, non dans la vigueur de notre homme intérieur, mais dans la clôture d’une cellule, l’éloignement de la solitude, la compagnie des saints, ou quelque autre soutien extérieur à nous. Si Celui qui a dit dans l’Évangile : «Le règne de Dieu est au-dedans de vous,» (Lc 17,21) ne fortifie notre âme par la vertu de sa protection, c’est en vain que nous nous flattons de vaincre les embûches des puissances de l’air, ou de les éviter par la distance des lieux, ou de leur fermer toute approche par le rempart d’une cellule. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Soyons vigilants, et nos ennemis intérieurs ne pourront plus nous blesser. Les gens de notre maison cessant de nous combattre, notre âme pacifiée possédera le royaume de Dieu. À bien prendre les choses, un autre homme ne saurait m’atteindre, quelque malice qu’il déploie, si mon coeur inapaisé ne me met en guerre contre moi-même. Suis-je blessé ? La faute n’en est pas à l’attaque d’autrui, mais à mon impatience. Ainsi en va-t-il de la nourriture forte et solide, bonne à qui est en santé, pernicieuse au malade. Elle ne peut faire mal à qui la prend, à moins qu’elle ne trouve dans sa faiblesse la force de nuire. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
C’est donc une vérité certaine, que, de tous les vices, l’envie est le plus dangereux et le plus difficile à guérir : puisque les remèdes qui amortissent les autres, l’excitent davantage. Tel se plaint d’avoir souffert quelque dommage : la libéralité lui offre une compensation, et le voilà content. Cet autre se révolte de injure qu’on lui fait : une humble satisfaction l’apaise. Mais que faire avec un homme qui s’offense précisément de vous voir et plus humble et plus doux ? Si c’était la cupidité, qui allumât sa colère, les présents l’adouciraient; si c’était une blessure d’amour-propre ou le désir de la vengeance, les caresses et les prévenances sauraient en venir à bout. Mais c’est uniquement le succès, la félicité d’autrui qui l’irrite. Qui donc, pour satisfaire un envieux, souhaitera de déchoir de son bonheur, de ne plus connaître la prospérité, d’être la victime de quelque calamité ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Et je dis qu’elle détruit la religion et la foi, parce que ce n’est pas contre l’homme que l’envieux s’élève, mais contre Dieu. Oui, ne trouvant rien à reprendre chez son frère, que sa félicité, il blâme, non la faute d’un homme, mais les jugements divins. C’est bien là cette «racine d’amertume qui pousse ses rejetons», (Heb 12,15) et qui ne s’élève que pour porter l’outrage à Celui de qui viennent à l’homme tous les biens. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Son dessein, en agissant de la sorte, fut de manifester à tous ceux qui étaient présents la patience de ce frère, et de les instruire par l’exemple d’une si rare modestie. En effet, le jeune homme, dont la patience mérite de rester dans la mémoire des hommes, reçut cet affront avec tant de douceur, que pas une parole ne s’échappa de sa bouche, ni le plus léger murmure ne se laissa deviner au frémissement silencieux de ses lèvres; davantage, son air modeste, sa tranquillité, la couleur même de son visage n’en furent pas le moins du monde altérés. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
JEAN. — Un seul et même homme parfait en ces deux professions ! Je pourrais décider simplement que cela ne se peut pas, si quelques exemples bien rares ne me retenaient. C’est grande merveille déjà d’être consommé, en l’une ou en l’autre. Combien plus sera-t-il malaisé, j’oserais presque dire impossible aux forces humaines, de réunir sans amoindrissement la perfection des deux ! Cela éclate aux yeux. Si pourtant le cas se rencontre, ce n’est pas une raison, pour l’ériger aussitôt en loi générale. Une règle universelle ne se fonde pas sur une minorité infime, ni par la considération de quelques unités, mais sur ce qui est au pouvoir du grand nombre, et, pour mieux dire, de tous. Le rare succès de quelques privilégiés, et qui excède les possibilités d’une vertu commune, doit être écarté des préceptes généraux, comme une faveur supérieure à notre condition d’hommes et à la fragilité de notre nature. On le citera, non pas tant comme un exemple, que comme un miracle. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
Quelque jour, une invitation l’appellera à l’assemblée des frères : ce qui ne peut manquer d’arriver aux solitaires même les plus stricts. S’il s’aperçoit que son âme s’est émue dans cette circonstance, et pour des riens, qu’il se fasse le censeur impitoyable de ses mouvements secrets. Il se remontrera sur-le-champ les injures extrêmes par lesquelles il s’exerçait tous les jours à la parfaite patience, et il ira se gourmandant et s’invectivant soi-même : «Est-ce toi, ô grand homme de bien, qui, durant que tu t’exerçais dans ta solitude, te flattais de vaincre tous les maux par ta constance; qui naguère, lorsque tu te représentais à l’esprit les plus âpres invectives et, mieux encore, des supplices intolérables, te croyais assez fort pour demeurer inébranlable à toutes les tempêtes ? Comment la plus légère parole, te frôlant de son aile, a-t-elle confondu cette patience invincible ? Ta maison était, à ce qu’il te semblait, puissamment assise sur le roc solide : comment le moindre souffle l’a-t-il fait trembler ? Rempli d’une vaine assurance, tu appelais la guerre au milieu de la paix : où sont les belles paroles que tu redisais si haut : «Je suis prêt, et je ne me suis point troublé »? (Ps 118,60). Avec le prophète, souvent tu t’écriais : «Éprouvez-moi, Seigneur, et sondez-moi; faites passer au creuset mes reins et mon coeur»; (Ps 25,2). «Éprouvez-moi, Seigneur, et connaissez mon coeur; interrogez-moi, et connaissez mes sentiers, et voyez s’il est en moi une voie d’iniquité .» (Ps 138,23-24). Cet appareil de combat si formidable, comment une ombre d’ennemi l’a-t-elle mis en déroute ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
Au surplus, si l’on veut parvenir à une perpétuelle et ferme patience, il est un principe qu’il faut tenir avec une constance inébranlable. Nous n’avons pas le droit, nous à qui la loi divine interdit, non seulement de venger nos injures, mais encore de nous en souvenir, nous n’avons pas le droit de nous abandonner à la colère pour quelque tort ou contrariété que ce soit. Quel plus grave dommage peut-il advenir à l’âme, que d’être privée par l’aveuglement subit où son trouble la jette, de la clarté de la vraie et éternelle lumière, et de se retirer de la contemplation de Celui qui est «doux et humble de coeur »? (Mt 11,29) Qu’y a-t-il, je vous le demande, de plus pernicieux, qu’y a-t-il de plus laid que de voir un homme perdre le sentiment des bienséances, oublier les règles et les principes du juste discernement, et commettre, sain d’esprit et à jeun, ce qu’on ne lui pardonnerait pas en état d’ivresse et privé de sens ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
Au moment où je me dispose à rapporter les enseignements de l’abbé Pinufe sur la fin de la pénitence, ce serait, me semble-t-il, faire grand tort à mon sujet, si je manquais à célébrer l’humilité de cet homme illustre et vraiment unique. Il est vrai, j’y ai touché d’un mot au quatrième livre des Institutions, qui a pour titre : De la manière de former ceux qui renoncent au monde. Toutefois, le souci d’éviter l’ennui à mes lecteurs ne doit pas m’imposer silence aujourd’hui : d’autant que beaucoup peut-être auront l’occasion de lire cette conférence, qui ne connaissent pas l’ouvrage dont je parle; et l’autorité de la doctrine serait compromise, à cacher le mérite de celui qui la donne. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Près de trois années s’écoulèrent dans ce labeur et cette humiliante sujétion après lesquels il avait soupiré, trois années de joie; lorsque survint d’aventure un frère de sa connaissance, parti de la même contrée de l’Égypte qu’il avait lui-même quittée. Celui-ci le reconnut sans peine et sur-le-champ; mais les vêtements dont il le voyait couvert, un office si bas le firent hésiter longtemps. Après l’avoir bien observé, tous ses doutes s’évanouirent, et incontinent il tomba à ses genoux. De prime abord, ce fut parmi les frères une grande stupeur; mais, lorsqu’il eut dit le nom de celui qu’il vénérait ainsi, nom que le bruit d’une sainteté si éminente avait publié jusque chez eux, l’étonnement fit place à la douleur. Ils ne pouvaient assez regretter d’avoir appliqué à des emplois si vils un homme de ce mérite, et de plus, honoré du sacerdoce. Pinufe, cependant, versait d’abondantes larmes, et imputait à la jalousie du démon la disgrâce de cette trahison. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Donnez-moi un homme tout entier dans la pensée de satisfaire et dans les gémissements de la pénitence. Aussi longtemps que l’idée des fautes commises, ou d’autres fautes semblables, vient se jouer devant ses regards; tant que, je ne dis pas la délectation, mais seulement le souvenir continue d’infester les retraites profondes de son âme : à ces marques, il peut reconnaître qu’il n’est point délivré parfaitement. Ainsi, l’âme que je désir de faire satisfaction pour ses péchés tient sans cesse en éveil, saura son acquittement et son pardon à ce signe, que leur séduction ni leur image même ne l’effleureront plus. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Dès que le souvenir de nos vices passés a frappé notre esprit, fuyons-le, comme, sur la voie publique, un homme vertueux et grave se sauve de la courtisane impudente et effrontée qui s’approche pour le tenter. S’il ne s’arrache en toute hâte à son déshonorant contact, et s’arrête à l’entretenir l’espace d’un moment : lors même qu’il refuserait tout consentement au mal, son bon renom ne sera pas sans en souffrir dans le jugement des passants, et l’on ne manquera, pas de le blâmer. Ainsi devons-nous, lorsqu’un souvenir malsain nous entraîne vers des pensées de cette nature, nous écarter d’elles au plus vite. Nous remplirons de la sorte le précepte de Salomon, qui dit : «Sortez vite, ne vous attardez pas où demeure la femme insensée et ne jetez point les yeux sur elle.» (Pro 9,8). Autrement, les anges, nous voyant occupés, d’idées impures et honteuses, ne pourraient dire de nous, en passant : «La bénédiction de Dieu soit sur vous !» (Ps 128,8) Il est tellement impossible que l’âme s’attache à de bonnes pensées, lorsque, par la partie principale d’elle-même, elle se dégrade à des considérations indignes et terrestres ! La parole de Salomon est véritable : «Si tes yeux voient l’étrangère, ta bouche dira des paroles perverses, et tu seras comme un homme couché au coeur de la mer, comme un pilote au milieu d’une grande tempête. Tu diras : On me frappe, mais je ne l’ai pas senti; on m’a joué, et je ne m’en suis pas aperçu.» (Pro 23,33-35). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
C’est pour des fautes de cette nature que David implore d’être purifié, et pardonné, lorsqu’il prie le Seigneur en ces termes : «Qui connaît ses manquements ? De ceux que j’ignore, purifiez-moi; faites grâce à votre serviteur de ceux que je ne connais pas.» (Ps 18,13-14). Et l’Apôtre à son tour : «Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas.» (Rom 7,19). Toujours pour le même sujet, il s’écrie avec un sanglot : «Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ?» (Ibid. 24). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Avant d’entreprendre le développement de la présente conférence, que nous eûmes avec l’illustre abbé Théonas, un rapide récit des origines de sa conversion me semble nécessaire. Le mérite et la grâce de ce grand homme se découvriront ainsi au lecteur avec plus d’évidence. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Si j’ai conté le fait, qu’on le croie, ce n’est pas que j’aie dessein de provoquer des séparations entre époux. Je suis bien éloigné de condamner les noces; mais, au contraire, je redis après l’Apôtre : Le mariage est honorable en tout, et le lit conjugal sans souillure. (Heb 13,4). Je n’ai voulu que présenter fidèlement au lecteur le principe de la conversion qui donna à Dieu un si grand homme. En retour, et comme témoignage de sa bienveillance, je le prie avant tout, que le trait lui, agrée ou non, de vouloir bien me mettre hors de cause, et de réserver ses louanges ou ses critiques pour le héros lui-même. Quant à moi, qui n’ai point prétendu exprimer une opinion personnelle en cette affaire, mais me suis borné au rôle de simple narrateur, il est juste que, ne revendiquant point de part aux éloges qu’on en pourra faire, je ne sois pas non plus en butte aux censures de ceux qui désapprouveront. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Il commence par se faire à lui-même une objection, comme parlant en leur nom : Pourquoi avons-nous jeûné, sans que vous regardiez ? Pourquoi avons-nous humilié nos âmes, sans que vous y preniez garde ? (Is 58,3). Il reprend aussitôt, et fait connaître les raisons pour lesquelles ils ne méritent pas d’être exaucés : C’est, dit-Il, que votre volonté propre se trouve au jour de votre jeûne, et redemandez vs créances à tous vos débiteurs. Voici : vous jeûnes, pour faire des procès et des querelles; et vous frappez du poing méchamment. Ne jeûnez plus comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour, si vous voulez que votre cri soit entendu là-haut. Est-ce là un jeûne qui me plaise, que l’homme afflige son âme durant un jour ? Courber la tête comme un cercle, se coucher sur le sac et la cendre : est-ce là ce que vous appelez un jeune, un jour agréable au Seigneur ? (Is 87,3-5). Puis, il enseigne la manière, pour celui qui jeûne, de rendre agréable son abstinence, et prononce évidemment que le jeûne, par soi-même, n’est utile à rien, à moins de s’entourer des conditions suivantes : Le jeûne qui m’agrée, n’est-ce pas celui-ci ? Dénouez les chaînes d’impiété, déliez les fardeaux qui accablent, renvoyez libres les opprimés, brisez tous les jougs. Rompez votre pain à celui qui a faim, faites entrer dans votre maison les pauvres et les sans-abri. Si vous voyez un homme nu, couvrez-le, et ne méprisez point votre propre chair. Alors, votre lumière éclatera comme un matin, et la santé vous viendra promptement; la justice marchera devant votre face, et la Gloire du Seigneur sera votre arrière-garde. Alors, vous appellerez, et le Seigneur vous entendra; vous crierez, et il vous dira : Me voici. (Is 57,6-9) Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Comme chez le partisan du mariage, le péché est également en celui qui se contente de payer la redevance de la dîme et des prémices. Il est fatal qu’il manque, soit par retard, soit par négligence, sur la qualité ou sur la quantité, ou enfin dans la distribution quotidienne qu’il en fait. Représentez-vous un homme obligé à servir infatigablement son bien aux indigents : si grandes que puissent être sa foi et sa dévotion dans cette charité, comme il est difficile qu’il ne tombe maintes fois dans les filets du péché ! Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Si donc il est un homme qui s’efforce de suivre la perfection de la doctrine évangélique, celui-là demeure sous la grâce, et la domination du péché ne pèse plus sur lui : être sous la grâce, c’est accomplir ce que la grâce commande. Mais, si l’on refuse d’embrasser la plénitude de la perfection évangélique, vainement on se flatte d’être baptisé et moine; qu’on le sache, on n’est pas sous la grâce, mais embarrassé encore dans les chaînes de la Loi et fléchissant sous le faix du péché. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Le Lévitique nous fait, en termes évidents, un commandement identique à celui de l’Apôtre : Quiconque, sera pur, pourra manger de la chair du sacrifice. Mais, celui qui, se trouvant en état d’impureté, aura mangé de la chair du sacrifice salutaire appartenant au Seigneur, périra devant le Seigneur (Lév 7,19-20). Nous voyons aussi dans le Deutéronome que l’homme impur est mystiquement séparé du camp spirituel : S’il se trouve un homme parmi vous qui ait souffert quelque impureté durant la nuit, il sortira du camp, et ne reviendra pas, avant de s’être baigné vers le soir; et après le coucher du soleil, il pourra rentrer dans le camp (Dt 23, 10-11). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Quant à nous, pour être délivrés de toute illusion regrettable, il faut tendre de toute notre force : premièrement, à triompher du vice impur, afin que, selon la parole du bienheureux Apôtre, le péché ne règne plus dans notre corps mortel par notre obéissance à ses convoitises; deuxièmement, à calmer et endormir la puissance de la chair, de manière à ne pas livrer nos membres au péché, comme des instruments d’iniquité; troisièmement, à mortifier jusque dans les moelles, notre homme intérieur tout instinct de concupiscence, nous offrant à Dieu comme vivants, de morts que nous étions. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Puis, quelle circonspection évitera, dans la mêlée de ce inonde, que les traits du mal ne nous atteignent, au moins par intervalles, au moins d’une blessure légère ? C’est chose impossible de ne pécher point, par ignorance, négligence ou surprise, par pensée, par impulsion, par oubli. Un homme s’est élevé sur de telles cimes de vertu, qu’il peut, sans jactance, s’écrier avec l’Apôtre : Pour moi, il m’importe fort peu d’être jugé par vous ou par un tribunal humain; je ne me juge pas moi-même, car ma conscience ne me reproche rien (1 Cor 4,3-4). Soit ! Cet homme doit savoir pourtant qu’il ne saurait être sans péché. Ce n’est pas en vain que le grand docteur ajoute : Mais je ne suis pas justifié pour cela (Ibid., 4). C’est-à-dire : Si moi je me crois juste, je ne posséderai pas du même coup la gloire de la vraie justice; ou : De ce que le remords de ma conscience ne me reprend d’aucune faute, il ne suit pas que je sois net de toute souillure; il est bien des choses qui échappent à ma conscience, mais, inconnues et cachées pour moi, elle sont connues et manifestes pour Dieu. Aussi, continue-t-il : Mon juge, c’est le Seigneur (Ibid.). C’est-à-dire : Celui-là seul qui pénètre le secret des coeurs, porte sur moi un jugement véritable. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Il avait la ressemblance de la chair du péché, lorsque, tel un homme ignorant et inquiet pour sa nourriture, Il demandait : Combien avez-vous de pains ? (Mc 6,38) Mais, comme sa Chair n’était point sujette au péché, son Esprit ne l’était pas non plus à l’ignorance. Aussi, l’Évangéliste ajoute-t-il aussitôt : Il dit cela pour l’éprouver, car Il savait, Lui, ce qu’Il devait faire (Jn 6,6). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Il avait une chair semblable à la chair pécheresse, lorsque, comme un homme qui souffre de la soif, Il demandait à boire à la femme de Samarie. Mais sa Chair n’était pas souillée de la tache du péché, car, voyez le contraste ! C’est Lui qui invite la Samaritaine à solliciter l’eau vive qui l’empêcherait d’avoir soif à jamais, et deviendrait en elle une source d’eau jaillissant jusqu’à la vie éternelle (cf. Jn 4,7 et ss). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Il semblait assujetti au péché, selon le sort commun de tous, lorsqu’on disait de Lui : Si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui touche ses pieds, et de quelle condition (Lc 7,39). Mais Il n’avait pas la vérité du péché; car aussitôt, Il confond la pensée blasphématrice du pharisien, et remet ses péchés à cette femme. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Mais Il en avait la ressemblance. Et c’est pourquoi les Pharisiens, qui pouvaient si bien pourtant se rappeler ce qui est écrit de Lui dans le prophète Isaïe : Il n’a point commis le péché, et sa Bouche ignora la ruse (Is 53,9), se laissèrent néanmoins abuser par les apparences, au point de dire : Voici un homme de bonne chère et un buveur de vin, un ami des publicains et des pécheurs (Mt 11,19); et à l’aveugle qui avait recouvré la lumière : Rends gloire à Dieu, nous savons que cet homme est un pécheur (Jn 9,24); à Pilate enfin : Si cet homme n’était un pécheur, nous ne te l’aurions pas livré (Ibid. 18,30). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
C’est de lui et des saints qui lui ressemblent, que nous devons entendre ce que chante David : Le Seigneur affermit les pas de l’homme, et Il prend plaisir à sa voie. Si le juste tombe, il ne se brisera pas, parce que le Seigneur le soutient de sa Main (Ps 36,23-24). Celui dont les pas sont affermis par le Seigneur, peut-il ne pas être juste ? Et pourtant, c’est de lui qu’il est dit : S’il tombe, il ne se brisera pas. Que signifie : S’il tombe, sinon : S’il tombe en quelque péché ? Il ne se brisera pas, est-il dit. Qu’est-ce là ? Que les assauts du péché ne l’accableront pas longtemps. Sur l’heure, il peut bien paraître brisé; mais, relevé par le Secours divin, qu’il implore, sa promptitude à se remettre debout fait qu’il ne perd point l’immobile rectitude de la justice, ou du moins, s’il la perd un instant par la fragilité de la chair, la Main du Seigneur, en le soutenant, la lui rend. Un homme pourrait-il cesser d’être saint après sa chute, lorsque, reconnaissant qu’il ne saurait être justifié par la confiance en ses propres oeuvres, et persuadé que la seule Grâce du Seigneur le délivrera des innombrables liens du péché, il ne cesse de proclamer avec l’Apôtre : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur (Rm 24,25) ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Il a donc vu le fond de sa propre fragilité, de la fragilité humaine; et, saisi d’effroi devant cet incommensurable abîme, il cherche un refuge au port assuré du Secours divin. Désespérant, si je puis ainsi dire, de sa frêle embarcation, qu’il voit toujours près de sombrer sous le fardeau de la mortalité, il supplie Celui à qui rien n’est impossible, de le sauver du naufrage, et pousse ce cri pathétique : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? Et la délivrance qu’il n’attendait plus de la faiblesse de la nature, il se la promet aussitôt de la Bonté divine : il poursuit, plein de confiance : La Grâce de Dieu, par Jésus Christ notre Seigneur (Rm 7,19-25). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Que de choses, dans l’Évangile, sont qualifiées de bonnes ! Un bon arbre, un homme bon, un bon serviteur : Un bon arbre, est-il dit, ne peut porter de mauvais fruits (Mt 7,18); L’homme bon tire du bon trésor de son coeur des choses bonnes (Ibid., 12,35) C’est bien, bon et fidèle serviteur (Ibid., 25,21). Et il n’est certes pas douteux qu’il ne s’agisse, en tous ces cas, d’une bonté réelle. Néanmoins, le mot bon ne s’y pourra plus employer, si nous levons les yeux vers la bonté divine : Personne n’est bon que Dieu (Lc 18,19) dit le Seigneur. Au prix de lui, les apôtres eux-mêmes, qui surpassaient de tant de manières la bonté commune des hommes par le mérite de leur élection, sont déclarés mauvais. C’est à eux que s’adresse, en effet, ce discours du Seigneur : Si donc, méchants comme vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-Il les vrais biens à ceux qui les Lui demandent (Mt 7,11) ! Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Or, les funambules, qui jouent leur vie sur un passage aussi étroit, savent que la mort les attend, cruelle, instantanée, si le moindre défaut d’équilibre vient à les faire dévier et quitter la direction d’où dépend leur salut. Tandis qu’avec une habileté merveilleuse, ils dirigent péniblement leur marche aérienne, quelle prudence, quel soin ne leur faut-il pas, à tenir ce sentier plus étroit que le pas d’un homme ! Autrement, la terre, qui est pour tous la base naturelle, le fondement solide et sûr, devient leur perte immédiate et manifeste. Non qu’elle change de nature; mais parce qu’ils y sont précipités par le poids de leur corps. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
De même la Bonté infatigable et l’immuable Substance de Dieu ne blessent personne. C’est nous qui nous donnons la mort, en nous écartant des cimes du ciel, pour tendre vers les bassesses de la terre. Que dis-je ? l’écart lui-même est notre mort : Malheur à eux, est-il dit, parce qu’ils se sont retirés de Moi; ils seront la proie des dévastateurs, parce qu’ils ont prévariqué contre Moi (Os 7,13); Malheur à eux lorsque Je Me serai retiré d’eux (Ibid., 9,12). Il est dit encore : Ta malice t’accusera, et ton infidélité te reprendra. Sache donc et comprends quel mal c’est pour toi, quelle amertume, d’avoir abandonné le Seigneur (Jér 2,19). C’est qu’en effet, tout homme est prisonnier dans les liens de ses péchés (Prov 5,22). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Conscients désormais de l’inanité des forces humaines, pour atteindre, malgré le fardeau de la chair, à la fin désirée, de leur impuissance à s’unir selon le désir de leur coeur au Bien incomparable et souverain; des distractions qui les mènent captifs vers les choses de ce monde, loin de la contemplation divine : ils recourent à la Grâce de Dieu, qui justifie les impies (Rm 4,5), et protestent avec l’Apôtre : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La Grâce de Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. Ils sentent, en effet, qu’ils ne peuvent accomplir le bien qu’ils veulent; mais qu’ils tombent sans cesse dans le mal qu’ils ne veulent pas, qu’ils détestent, je veux dire dans l’agitation des pensées ou le souci des choses temporelles. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Car, quelles sortes de péchés pourraient-ils commettre, selon vous, dont la Grâce quotidienne du Christ dût les délivrer, s’ils s’y engageaient après le baptême ? De quel corps de mort faut-il penser que l’Apôtre a dit : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ? N’est-il pas manifeste, comme la vérité vous a contraints de l’avouer à votre tour, qu’il ne s’agit point ici des péchés mortels, dont le prix est la mort éternelle : homicide, fornication, adultère, ivresse, vol, rapine; mais du corps de péché dont nous avons précédemment parlé, et auquel porte remède la Grâce quotidienne du Christ ? Tel, après avoir reçu le baptême et la science de Dieu, s’abandonne-t-il à l’autre corps de mort, celui des péchés graves : qu’il le sache, son crime ne sera pas effacé par la Grâce quotidienne du Christ, c’est-à-dire le pardon facile que le Seigneur accorde à notre prière, pour des erreurs sans conséquences; mais il devra subir les longues afflictions de la pénitence et de grandes peines expiatoires, à moins qu’il ne soit voué, dans la vie future, aux supplices du feu éternel. C’est le même apôtre qui le déclare : Ne vous y trompez point : ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les rapaces ne posséderont le royaume de Dieu (1 Co 6,9-10). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Qu’est-ce que servir la loi du péché, sinon accomplir ce que le péché commande ? Mais quel est le péché, dont une sainteté aussi achevée que celle de l’Apôtre peut se sentir captive, sans douter pourtant que la Grâce du Christ ne la délivre ! Car il dit : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur. Quelle sera, dis-je, à votre sens, cette loi dans nos membres, qui, en nous arrachant à la Loi de Dieu, pour nous captiver sous la loi du péché, fait de nous des malheureux, plutôt que des coupables ? Tellement, qu’au lieu d’être voués aux éternels supplices, nous soupirons seulement de voir s’interrompre la joie de notre béatitude, et nous écrions avec l’Apôtre, en quête d’un secours qui nous y rétablisse : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? Être emmené captif sous la loi du péché, qu’est-ce autre chose que demeurer dans les actes du péché ? Or, quel est le bien par excellence que les saints ne peuvent accomplir, sinon celui au prix de quoi tous les autres cessent d’être des biens ? Certes, il existe, nous le savons, des biens multiples en ce monde, et avant tout, la chasteté, la continence, la sobriété, l’humilité, la justice, la miséricorde, la tempérance, la piété. Mais ils ne sauraient aller de pair avec ce bien souverain. D’autre part, ils sont à la portée, je ne dirai pas des apôtres, mais des âmes médiocres. Aussi bien, si ou ne les accomplit, on sera puni de l’éternel supplice on des labeurs d’une longue pénitence; mais il ne faut point espérer sa délivrance de la Grâce quotidienne du Christ. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Supposons un instant que, par cette loi des membres, ils se sentissent engagés en des crimes quotidiens : ce n’est pas la félicité qu’ils se plaindraient d’avoir perdue, mais l’innocence. L’Apôtre Paul ne dirait pas : Malheureux homme que je suis ! mais : Homme impur, scélérat que je suis ! Il ne souhaiterait pas la délivrance de ce corps de mort, c’est-à-dire de la condition mortelle, mais des hontes et des crimes de la chair. Or, au contraire, se voyant, de par l’humaine fragilité, tenu captif et entraîné vers les sollicitudes et les soins charnels, fruits de la loi du péché et de la mort, il gémit sur cette loi à laquelle il est soumis malgré lui et recourt sur-le-champ au Christ, dont la Grâce le sauve par une prompte délivrance. Tout ce que la loi du péché, racine féconde en épines et chardons de pensées et de soucis terrestres, vient à produire de sollicitudes au coeur de l’Apôtre, la Loi de la Grâce l’arrache sans tarder : Car, dit-il lui-même, la Loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus m’a délivré de la loi du péché et de la mort (Rm 8,2). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Voici que la Parole de Dieu a dissipé les iniquités et les péchés de l’un d’eux, avec un charbon de feu pris sur l’autel. Or, après sa vision merveilleuse de la Divinité, après avoir contemplé les chérubins sublimes et reçu la révélation des mystères du ciel, il s’écrie : Malheur à moi ! je suis un homme aux lèvres impures, et j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures (Is 6,5). Et je crois, quant à moi, qu’il n’eût pas senti, même alors, l’impureté de ses lèvres, s’il n’avait appris, par la contemplation de Dieu, la vraie et entière pureté de la perfection. Mais à cette vue, il connut soudain la souillure qui lui demeurait auparavant cachée. Car c’est bien de la souillure de ses propres lèvres qu’il parle, et non de la souillure du peuple, lorsqu’il dit : Malheur à moi ! je suis un homme aux lèvres impures. La preuve en est dans ce qui suit : Et j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Je rapprocherais cette parole : Voici que Tu T’es irrité, et nous avons péché, de celle de l’Apôtre : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? – Ce que le prophète ajoute : Nous fûmes toujours dans nos péchés, mais nous serons sauvés, s’accorde bien aussi à la suite de saint Paul : La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur. De même, ce passage du prophète : Malheur à moi ! Je suis un homme aux lèvres impures et j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures, paraît comme un écho de ce que nous avons entendu tout à l’heure : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? – Enfin, quand le prophète continue : Et voici que l’un des séraphins vola vers moi, et dans sa main était un charbon (ou une pierre) de feu, qu’il avait prise avec des pinces sur l’autel; et il en toucha ma bouche, et il dit : Vois, avec ceci j’ai touché tes lèvres, et ton iniquité va être ôtée, ton péché effacé (Is 6,6-7); lorsque, dis-je, le prophète parle de la sorte, ne croirait-on pas entendre saint Paul, qui dit de son côté : La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ? Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Si cette prière est véritable sur les lèvres des saints, comme il faut le croire sans l’ombre d’un doute, se rencontrera-t-il un homme assez entêté et présomptueux, assez enflé de la folle superbe du démon, pour se déclarer sans péché ? Ne serait-ce pas se croire plus grand que les apôtres ? Que dis-je ? Ce serait accuser le Sauveur Lui-même d’ignorance ou de légèreté. Car, ou bien Il ne savait pas qu’il pouvait y avoir des hommes exempts de dettes, ou Il a donné un vain enseignement à des gens qu’Il connaissait pour n’avoir nul besoin de ce remède. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Je le compare à un homme qui voudrait élever et fermer dans les airs la voûte d’une abside. Celui-ci doit tracer toute sa circonférence d’après le centre, qui est un point extrêmement délicat, et calculer, en se guidant sur cette norme infaillible, l’exacte rotondité et le dessin de la construction. Qui tenterait de mener l’oeuvre à bien sans l’épreuve de ce point central, quelque confiance qu’il ait en son habileté ou en son génie, se mettrait dans l’impossibilité d’obtenir une forme régulière et sans défaut. Il ne pourrait non plus s’apercevoir, au seul regard, dans quelle mesure son erreur a nui à la beauté qui résulte d’une rondeur parfaite. Mais il lui faut, pour cela, se référer constamment a l’indice qui lui permet d’apprécier la justesse de ses mesures; et, selon la lumière qu’il reçoit de là, déterminer exactement le pourtour intérieur et extérieur de l’ouvrage. Un seul point sera le noeud d’une si imposante construction. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
C’est ce qui serait arrivé sans aucun doute à David, malgré sa bravoure, dans sa lutte contre le terrible géant Goliath, s’il avait revêtu la puissante armure de Saül, qui était faite pour un homme. Par elle, un âge plus robuste avait couché dans la poussière des bataillons entiers, mais David adolescent trouvait une perte assurée. Cependant, sa prudente discrétion sut choisir ce qui convenait à sa jeunesse. Pour marcher contre son redoutable adversaire, il se munit des armes avec lesquelles il se sentait capable de combattre, au lieu de la cuirasse et du bouclier dont il voyait les autres couverts. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
Comparez donc les coutumes de votre pays avec celles du nôtre; puis, considérez séparément, de part et d’autre, le degré de vigueur morale des habitants, résultat de la persévérance dans la vertu ou le vice. Ce qui est dur et impossible à un homme de telle contrée, une habitude invétérée a pu en faire pour d’autres comme une seconde nature. Il existe des peuples, séparés par une grande diversité de climat, qui savent endurer, sans vêtements qui les protègent, l’extrême rigueur du froid ou les ardeurs brûlantes du soleil. Mais ceux qui n’ont pas l’expérience d’un ciel aussi inclément, demeurent incapables de supporter ces températures excessives, quelque robustes qu’ils soient. Votre cas n’est-il pas tout pareil ? Vous mettez, ici, la dernière énergie, physique et morale, à combattre en bien des points le naturel, si je puis dire, de votre patrie. Mais examinez si, dans vos régions, roidies dans une torpeur d’hiver, à ce qu’on dit, et comme glacées par le froid d’une excessive infidélité, vous pourrez supporter l’espèce de nudité que vous voyez chez nous. Car, pour ce pays, l’ancienneté de la vie monastique lui a rendu de quelque façon naturelle cette force dans le saint propos. Si vous découvrez en vous une constance égale et une même vertu, vous n’êtes pas obligés non plus à fuir vos parents ni vos frères. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
Pourquoi, fait alors Apollon, n’avoir pas demandé notre frère cadet, qui était plus proche que moi sur votre chemin ? L’autre pensa : Il a oublié que ce frère est mort et enterré depuis longtemps. Trop d’abstinence et de solitude lui aura fait perdre le sens. Comment, réplique-t-il, pouvais-je appeler de son tombeau un homme mort depuis quinze ans ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
Ainsi parla le bienheureux Antoine en réponse à ce frère. Cet exemple nous instruit nous-mêmes à fuir les pernicieuses complaisances de nos parents et de tous ceux dont la charité pourrait fournir à notre entretien, comme aussi les agréments d’un séjour délicieux. Il nous apprend encore à mettre au-dessus de toutes les richesses de ce monde, des sables naturellement amers et stériles, des régions brûlées par l’inondation marine et sur lesquelles aucun homme vivant n’exerce droit ni domaine : cela, dans la vue, sans doute, d’éviter les foules humaines à l’abri d’une retraite inaccessible; mais aussi pour que la fécondité du sol ne nous sollicite point a quelque culture absorbante, par où l’âme, distraite de son objet essentiel, se condamnerait au vide et à la stérilité spirituelle. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
Il y avait dans une ville un barbier des plus habiles. Pour trois deniers de cuivre, il rasait son homme; mais, si mince et misérable que fût son salaire, il trouvait le moyen, après en avoir pris ce qu’il fallait pour son entretien, de mettre chaque jour dans sa bourse cent deniers bien comptés. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
Cependant, les faibles sont nécessairement victimes de ces illusions ruineuses. Mal assurés de leur salut, et ayant encore besoin de se former eux-mêmes à l’école d’autrui, l’artifice du diable les pousse à convertir et gouverner les autres. Mais réussiraient-ils à faire quelque profit, en en gagnant plusieurs, leur impatience et leur conduite mal réglée ne tarderont pas à l’anéantir. Et il leur arrivera ce que dit le prophète Aggée : Celui qui amasse des richesses, les met dans une bourse trouée (Ag 1,6). C’est, en vérité, mettre son gain dans une bourse trouée, que de perdre par son coeur intempérant et une continuelle distraction d’esprit, ce que l’on semblait avoir acquis dans la conversion d’autrui. Finalement, tandis qu’ils s’imaginent gagner davantage en instruisant les autres, ils ruinent tout le travail de leur propre réforme : Tels font les riches, qui n’ont rien, dit le Sage; et tels s’abaissent, qui possèdent de grands biens (Pro 13,7). Et encore : Mieux vaut un homme de condition vile, mais qui se suffit, que celui qui est dans les honneurs, et manque de pain (Pro 12,9). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
C’est aussi de cette méthode que la malignité perfide des puissances spirituelles s’emploie à nous tenter. Elles tendent principalement leurs pièges insidieux par les côtés de l’âme où elles la sentent malade. Voient-elles, par exemple, que la partie raisonnable est viciée en nous, elles s’efforcent de nous tromper par le même procédé qui servit jadis aux Syriens pour le roi Achab, selon que l’Écriture nous le raconte : Nous savons, dirent les Syriens, que les rois d’Israël sont cléments. Mettons donc des sacs sur nos reins et des cordes à notre cou; sortons vers le roi d’Israël, et nous lui dirons : Ton serviteur Benadab dit : Je t’en prie, que mon âme vive ! (3 Rois 20,31-32) Et Achab, ému du vain éloge que l’on faisait de sa miséricorde, plutôt que de vraie clémence : S’il vit encore, dit-il, il est mon frère. (Ibid.,32) Ainsi les démons s’efforcent-ils de nous abuser quant à la partie raisonnable, afin de nous faire offenser Dieu par où nous penserions obtenir une récompense et recevoir le prix de la clémence. Mais alors, nous entendrions à notre tour le reproche fait à Achab : Parce que tu as laissé échapper de tes mains un homme digne de mort, ta vie répondra pour sa vie, et ton peuple pour son peuple (Ibid., 42) Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
On raconte que le bienheureux Jean caressait doucement une perdrix. Soudain, il voit venir à soi certain philosophe dans l’appareil d’un chasseur. Celui-ci s’étonne qu’un homme d’une si grande réputation et renommée s’abaisse à des divertissements si petits et si peu relevés. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
– Eh ! ne vous étonnez pas non plus, jeune homme, que j’accorde à mon esprit cette innocente et brève récréation. Si, de temps à autre, je ne le reposais de sa tension, en lui donnant quelque relâche, la continuité même de l’effort l’amollirait, et il ne pourrait plus obéir à la vertu de la partie spirituelle, lorsque besoin serait. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
Quelle privation pourra bien attrister celui qui reconnaît que tout ce que les autres peuvent lui ravir, ne lui appartient pas, et proclame avec un courage invincible : Nous n’avons rien apporté en ce monde; il n’est pas douteux que nous ne puissions non plus rien emporter. (1Tm 6,7) ? Quelle indigence abattra la force d’un homme qui ne veut avoir, ni sac pour le chemin, ni argent dans sa ceinture (cf. Mt 10,9-10; Mc 6,8-9), mais se glorifie avec l’Apôtre dans les jeûnes multipliés, dans la faim et la soif, dans le froid et la nudité. (2 Co 9,27) ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
C’est que tout homme est prisonnier dans les liens de ses péchés (Prov 5,22); et le prophète lui dit : Voici : vous tous qui allumez un feu et vous environnez de flammes, marchez dans l’ardeur de votre feu et dans les flammes que vous avez allumées (Is 50,11). Salomon aussi nous en est témoin : On est toujours puni par où l’on a péché (Sag 11,17). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM