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Em um certo sentido, toda teologia é mística, na medida em que manifesta o mistério divino, os dados da revelação. Por outro lado, o misticismo é frequentemente contrastado com a teologia, como um domínio inacessível ao conhecimento, como um mistério inexprimível, um pano de fundo oculto que pode ser experimentado em vez de conhecido, entregando-se a uma experiência específica que ultrapassa nossas faculdades de compreensão, em vez de qualquer apreensão por nossos sentidos ou nossa inteligência. Se adotássemos essa última concepção sem reservas, opondo resolutamente o misticismo à teologia, acabaríamos com a tese de Bergson, que em As duas fontes da moralidade e da religião distingue entre a “religião estática” das igrejas, uma religião social e conservadora, e a “religião dinâmica” dos místicos, uma religião pessoal e renovadora. Até que ponto Bergson estava certo ao afirmar essa oposição? A pergunta é difícil de responder, especialmente porque, para Bergson, os dois termos que ele opõe na esfera religiosa baseiam-se nos dois polos de sua visão filosófica do universo – a natureza e o élan vital. Mas, independentemente da atitude bergsoniana, muitas vezes é expressa a opinião de que o misticismo é um domínio reservado a poucos, uma exceção à regra comum, um privilégio concedido a algumas almas que desfrutam da experiência da verdade, enquanto as outras devem se contentar com uma submissão mais ou menos cega ao dogma imposto externamente, como uma autoridade coercitiva. Ao acentuar essa oposição, às vezes vamos longe demais, especialmente se forçarmos um pouco a realidade histórica; acabamos, assim, colocando em conflito místicos e teólogos, espirituais e prelados, santos e a Igreja. Basta lembrar muitas passagens de Harnack, La Vie de saint François, de Paul Sabatier, e outras obras, em sua maioria de historiadores protestantes.
original
En un certain sens, toute théologie est mystique, en tant qu’elle manifeste le mystère divin, les données de la révélation. D’autre part, on oppose souvent la mystique à la théologie, comme un domaine inaccessible à la connaissance, comme le mystère inexprimable, un fond caché qui peut être vécu plutôt que connu, se livrant à une expérience spécifique qui dépasse nos facultés d’entendement, plutôt qu’à une appréhension quelconque de nos sens ou de notre intelligence. Si l’on adoptait sans réserve cette dernière conception, en opposant résolument la mystique à la théologie, on aboutirait finalement à la thèse de Bergson qui distingue dans Les Deux Sources de la morale et de la religion la « religion statique » des Églises, religion sociale et conservatrice, et la « religion dynamique » des mystiques, religion personnelle et rénovatrice. Dans quelle mesure Bergson avait-il raison en affirmant cette opposition ? La question est malaisée à résoudre, d’autant plus que, pour Bergson, les deux termes qu’il oppose dans le domaine religieux se fondent sur les deux pôles de sa vision philosophique de l’univers, – la nature et l’élan vital. Mais, indépendamment, de l’attitude bergsonienne, on exprime souvent l’opinion qui veut voir dans la mystique un domaine réservé à quelques-uns, une exception à la règle commune, un privilège accordé à quelques âmes jouissant de l’expérience de la vérité, tandis que les autres doivent se contenter d’une soumission plus ou moins aveugle au dogme s’imposant extérieurement, comme une autorité coercitive. En accentuant cette opposition, on va parfois trop loin, surtout si l’on force quelque peu la réalité historique ; on arrive ainsi à mettre en conflit les mystiques et les théologiens, les spirituels et les prélats, les saints et l’Église. Il suffit de rappeler maints passages de Harnack, La Vie de saint François de Paul Sabatier et d’autres ouvrages, dus le plus souvent à des historiens protestants.
La tradition orientale n’a jamais distingué nettement entre mystique et théologie, entre l’expérience personnelle des mystères divins et le dogme affirmé par l’Église. Les paroles dites il y a un siècle par un grand théologien orthodoxe, le métropolite Philarète de Moscou, expriment parfaitement cette attitude : « Aucun des mystères de la sagesse de Dieu la plus secrète ne doit nous paraître étranger ou totalement transcendant, mais en toute humilité nous devons adapter notre esprit à la contemplation des choses divines9. » Autrement dit, le dogme exprimant une vérité révélée, qui nous apparaît comme un mystère insondable, doit être vécu par nous dans un processus au cours duquel, au lieu d’assimiler le mystère à notre mode d’entendement, il faudra, au contraire, que nous veillions à un changement profond, à une transformation intérieure de notre esprit, pour nous rendre aptes à l’expérience mystique. Loin de s’opposer, la théologie et la mystique se soutiennent et se complètent mutuellement. L’une est impossible sans l’autre : si l’expérience mystique est une mise en valeur personnelle du contenu de la foi commune, la théologie est une expression, pour l’utilité de tous, de ce qui peut être expérimenté par chacun. En dehors de la vérité gardée par l’ensemble de l’Église, l’expérience personnelle serait privée de toute certitude, de toute objectivité ; ce serait un mélange du vrai et du faux, de la réalité et de l’illusion, le « mysticisme » dans le sens péjoratif de ce mot. D’autre part, l’enseignement de l’Église n’aurait aucune emprise sur les âmes, s’il n’exprimait en quelque sorte une expérience intime de la vérité donnée, dans une mesure différente, à chacun des fidèles. Il n’y a donc pas de mystique chrétienne sans théologie, mais surtout, il n’y a pas de théologie sans mystique. Ce n’est pas par hasard que la tradition de l’Église d’Orient a spécialement réservé le nom de « théologien » à trois écrivains sacrés, dont le premier est saint Jean, le plus « mystique » des quatre évangélistes, le second saint Grégoire de Nazianze, auteur de poèmes contemplatifs, le troisième saint Syméon, dit « le Nouveau Théologien », chantre de l’union avec Dieu. La mystique est donc considérée ici comme la perfection, le sommet de toute théologie, comme une théologie par excellence.