démon (Orígenes)

Qu’ils répondent alors, ceux qui refusent de croire que Jésus est mort sur la croix pour les hommes. Est-ce qu’ils rejetteront aussi les multiples histoires, grecques et barbares, de personnes mortes pour le bien public, afin de détruire les maux qui s’étaient emparés des villes et des peuples ? Ou bien diront-ils ces faits réels, mais absolument invraisemblable la mort de cet homme — ainsi le jugent-ils — pour la destruction du grand démon, prince des démons, qui avait asservi toutes les âmes humaines venues sur terre ? Mais les disciples de Jésus en sont témoins, ainsi que d’autres choses en plus grand nombre qu’ils ont probablement apprises de Jésus en secret, en outre, ils furent remplis d’une certaine puissance, lorsque leur donna « fougue et courage », non la vierge dont parle le poète, mais la véritable prudence et sagesse de Dieu, « pour qu’ils se distinguent entre tous », non seulement « les Argiens », mais tous les Grecs ensemble avec les barbares, et « remportent une noble gloire ». LIVRE I

J’ai ainsi répondu à l’objection : ” Comment donc est-il croyable qu’il l’ait prédit ? ” Quant à cette autre : “Comment un mort est-il immortel ? ” apprenne qui voudra que ce n’est pas le mort qui est immortel, mais le ressuscité des morts. Non seulement donc le mort n’était pas immortel, mais Jésus lui-même, qui était un être composé, avant sa mort n’était pas immortel. Nul homme destiné à mourir n’est immortel ; il est immortel quand il ne doit plus mourir. « Le Christ ressuscité des morts ne meurt plus ; sur lui la mort n’a plus d’empire », quoi que veuillent les gens incapables de comprendre le sens de ces paroles. Voici une autre rare insanité : ” Quel dieu, quel démon, quel homme sensé, prévoyant que de tels malheurs lui arriveraient, ne les auraient pas évités, s’il en avait eu le moyen, au lieu de donner tête baissée dans les dangers prévus ?” Socrate, en tout cas, savait que s’il buvait la ciguë, il mourrait, et il avait le moyen, s’il avait obéi à Criton, de s’évader de la prison et de ne rien souffrir de tout cela. Mais il décida, suivant ce qui lui semblait raisonnable, qu’il valait mieux pour lui mourir en philosophe que mener une vie indigne de sa philosophie. De plus, Léonidas, stratège de Lacédémone, sachant qu’il allait bientôt mourir avec ceux qui l’accompagnaient aux Thermopyles, ne se soucia pas de vivre dans la honte, mais il dit à son entourage : « Déjeunons en hommes qui vont souper aux Enfers. » Ceux qui ont le goût de collectionner de pareils récits en trouveront beaucoup d’autres. Quoi d’étonnant dès lors que Jésus, tout en sachant les malheurs qui lui arriveraient, ne les ait pas évités, mais se soit exposé aux dangers même prévus ? Et lorsque Paul, son disciple, eut appris les malheurs qui lui arriveraient dans sa montée à Jérusalem, il alla au-devant des dangers, et blâma ceux qui pleuraient sur lui et voulaient l’empêcher de monter à Jérusalem. Et combien de nos contemporains, sachant que la confession de leur christianisme entraînerait leur mort, et l’apostasie, leur libération et le recouvrement de leurs biens, ont méprisé la vie et volontairement choisi la mort pour leur religion ! Vient ensuite une autre niaiserie du Juif de Celse : ” Puisqu’il a prédit qui le trahirait et qui le renierait, comment ne l’ont-ils pas craint comme Dieu, renonçant l’un à trahir, l’autre à renier ? ” Il n’a même pas vu, le docte Celse, qu’il y avait là une contradiction. Si Jésus a eu la prescience divine et que cette prescience n’ait pu être erronée, il était impossible que l’homme connu comme futur traître ne trahît point, et l’homme déclaré futur renégat, ne reniât point. Si au contraire il eût été possible que l’un ne trahît point et l’autre ne reniât point, en sorte qu’il n’y eût pas de trahison ni de reniement en ceux qui en avaient été prévenus d’avance, alors Jésus n’aurait plus été dans le vrai en disant : celui-ci trahira, cet autre reniera. En effet, s’il a su d’avance qui le trahirait, il a vu la malice d’où proviendrait la trahison et qui n’était nullement détruite par sa prescience. De même, s’il a compris qui le renierait, c’est en voyant la faiblesse d’où viendrait le reniement qu’il a prédit qu’il renierait, et cette faiblesse n’allait pas non plus être d’emblée détruite par sa prescience. Mais d’où tire-t-il ceci : ” Eux, pourtant, l’ont trahi et renié sans se soucier de lui ? ” Car on a déjà montré, à propos du traître, qu’il est faux de dire qu’il ait trahi son maître sans se soucier de lui le moins du monde ; et il n’est pas moins facile de le montrer aussi du renégat qui, après son reniement, « sortit dehors et pleura amèrement ». LIVRE II

Et même si j’accordais qu’un démon médecin, du nom d’Asclépios, guérit les corps, je dirais à ceux qui admirent ce pouvoir comme la faculté divinatoire d’Apollon : l’art de guérir les corps est chose indifférente, don qui peut échoir aux bons comme aux méchants ; indifférente aussi la prévision de l’avenir, car le voyant ne manifeste pas nécessairement de la vertu. Etablissez alors que ces guérisseurs et ces voyants n’ont aucune méchanceté, que, de toute manière, ils font preuve de vertu et ne sont pas loin d’être considérés comme dieux. Mais ils ne pourront pas montrer cette vertu des guérisseurs et des voyants, puisqu’on rapporte la guérison de bien des gens indignes de vivre qu’un sage médecin n’eût pas voulu guérir à cause de leur vie désordonnée. LIVRE III

De plus, quel est cet Apollon qui recommande aux Métapontins de placer Aristéas au rang des dieux ? Dans quel dessein le fait-il, quel bien veut-il procurer aux Métapontins par ces honneurs divins, à supposer qu’ils regardent encore comme un dieu celui qui naguère n’était qu’un homme ? De cet Apollon qui, pour nous, est un démon ayant pour lot « libation et fumet de graisses », les recommandations sur Aristéas te semblent mériter considération ; tandis que celles du Dieu suprême et de ses saints anges, proclamées grâce aux prophètes non après la naissance de Jésus, mais avant qu’il vînt partager la vie des hommes, ne t’incitent à admirer ni ces prophètes capables de recevoir l’esprit divin, ni Celui qu’ils prophétisent ? Sa venue en cette vie s’est trouvée proclamée bien des années auparavant par de nombreux prophètes à tel point que la nation entière des Juifs, suspendue à l’attente de Celui dont elle espérait la venue, en arriva, après la venue de Jésus, à une controverse. Un très grand nombre reconnut le Christ et crut qu’il était celui qu’annonçaient les prophètes. Les autres, incrédules, méprisèrent la douceur de ceux qui, suivant les enseignements de Jésus, se refusèrent à susciter la moindre révolte ; et ils osèrent contre Jésus ces cruautés que les disciples ont décrites avec une sincérité loyale, sans retrancher secrètement de l’histoire miraculeuse ce qui semblerait aux yeux de la plupart tourner à la honte de la doctrine chrétienne. LIVRE III

Devant ces faits, comment n’est-il pas logique de penser que Jésus qui a pu instituer une si grande oevre, avait en lui une qualité divine exceptionnelle, mais non point Aristéas de Proconnèse, même si Apollon veut le placer au rang des dieux, ni ceux que Celse énumère. Il dit : Personne ne considère comme dieu Abaris l’Hyperboréen doué du prodigieux pouvoir d’être porté sur une flèche. Dans quel dessein la divinité, si elle eût accordé la faveur à l’Hyperboréen Abaris d’être porté sur une flèche, lui eut-elle fait pareil don ? Quel bienfait en eût retiré le genre humain ? Et quel avantage pour cet Abaris que d’être porté sur une flèche ? Et cela, en admettant qu’il n’y eût là aucune fiction, mais le résultat de l’action d’un démon. Mais lorsqu’on dit que mon Jésus est élevé « en gloire », je vois l’économie providentielle : Dieu par la réalisation de cette merveille l’accréditait comme Maître dans l’esprit de ceux qui l’avaient contemplé, afin de les pousser à combattre de toutes leurs forces non pour des connaissances humaines, mais pour les enseignements divins, à se consacrer au Dieu suprême et à tout faire pour lui plaire, pour recevoir selon leurs mérites au tribunal de Dieu la sanction du bien et du mal faits en cette vie. LIVRE III

Celse pour montrer qu’il a lu beaucoup d’histoires grecques cite encore celle de Cléomède d’Astypalée, et raconte : Celui-ci entra dans un coffre, s’enferma à l’intérieur, et on ne put l’y retrouver, mais il s’en était envolé par une providence miraculeuse, lorsqu’on vint briser le coffre pour le prendre. Cette histoire, si elle n’est pas une fiction comme elle semble l’être, n’est point comparable à celle de Jésus ; car la vie de ces hommes ne présente aucune preuve de la divinité qu’on leur attribue, alors que celle de Jésus a pour preuves les églises de ceux qu’il a secourus, les prophéties faites à son sujet, les guérisons accomplies en son nom, la connaissance de ces mystères dans la sagesse et la raison que l’on trouve chez ceux qui s’appliquent à dépasser la simple foi et à scruter le sens des Écritures ; car tel est l’ordre de Jésus : « Scrutez les Écritures », telle est l’intention de Paul qui a enseigné que nous devons « savoir répondre à chacun » comme il se doit, et celle d’un autre auteur qui a dit : « Soyez toujours prêts à la défense contre quiconque demande raison de la foi qui est en vous. » Mais Celse veut qu’on lui accorde qu’il ne s’agit pas d’une fiction : à lui de dire le dessein de la puissance surhumaine qui a fait envoler Cléomède de l’intérieur du coffre par une providence miraculeuse. Car s’il présente de cette faveur faite à Cléomède une raison valable et une intention digne de Dieu, on jugera de la réponse à lui faire. Mais s’il demeure embarrassé pour en donner la moindre raison plausible, parce que, de toute évidence, cette raison est impossible à trouver, ou bien en accord avec ceux qui ont refusé d’admettre cette histoire, on prouvera sa fausseté, ou bien on dira qu’en faisant disparaître l’homme d’Astypalée, un démon a joué un tour semblable à ceux des sorciers et trompé les regards ; et cela contre Celse qui a pensé qu’un oracle divin avait déclaré qu’il s’était envolé du coffre par une providence miraculeuse. LIVRE III

Mais en réponse à de tels propos, tenus je ne sais pourquoi, j’aurais plaisir à lui poser les questions pertinentes que voici : N’ont-ils donc aucune réalité ceux que tu as énumérés ? Et n’y a-t-il aucune puissance ni à Lébadia pour Trophonios ni au temple d’Amphiaraos à Thèbes, ni en Acarnanie pour Amphilochos, ni en Cilicie pour Mopsos ? Ou bien y a-t-il dans ces sanctuaires quelqu’un, démon, héros ou dieu, pour accomplir ces oevres dépassant le pouvoir de l’homme ? S’il répond qu’il n’y a rien d’autre, ni démon, ni dieu pour ces sanctuaires, qu’au moins donc il avoue son opinion personnelle : épicurien, il n’admet pas les mêmes doctrines que les Grecs, ne reconnaît pas l’existence des démons, ni même n’honore les dieux comme les Grecs. Et la preuve sera faite qu’il a eu tort d’introduire les exemples précédents, comme s’il en admettait l’authenticité, et ceux qu’il présente dans la suite. Mais s’il professe que ceux qu’il a énumérés sont des démons, des héros ou même des dieux, qu’il voie qu’il établirait par ce qu’il a dit ce qu’il refuse : que Jésus aussi était un être de même nature, et que pour cette raison, il a eu le pouvoir de se présenter à bien des hommes comme venu au genre humain de la part de Dieu. Et vois si cette première concession ne doit pas le contraindre à reconnaître en Jésus plus de force qu’en ceux au nombre desquels il l’a placé. Aucun d’eux, en effet, n’interdit le culte rendu aux autres ; mais Lui, plein d’assurance sur lui-même, parce qu’il est plus fort que tous, défend de les reconnaître comme dieux, parce qu’ils sont de méchants démons qui ont pris possession de lieux terrestres, dans leur incapacité d’atteindre les régions pures et divines où ne parviennent point les grossièretés de la terre et ses maux innombrables. LIVRE III

Il en vient ensuite au mignon d’Adrien – je parle de l’adolescent Antinoos – , et aux honneurs qui lui sont rendus dans la ville d’Egypte Antinoopolis, et il pense qu’ils ne diffèrent en rien de notre culte pour Jésus. Eh bien ! réfutons cette objection dictée par la haine. Quel rapport peut-il y avoir entre Jésus que nous vénérons et la vie du mignon d’Adrien qui n’avait pas même su garder sa virilité d’un attrait féminin morbide ? Contre Jésus, ceux mêmes qui ont porté mille accusations et débité tant de mensonges, n’ont pas pu alléguer la moindre action licencieuse. De plus, si on soumettait à une étude sincère et impartiale le cas d’Antinoos, on découvrirait des incantations égyptiennes et des sortilèges à l’origine de ses prétendus prodiges à Antinoopolis, même après sa mort. On rapporte que c’est la conduite, dans d’autres temples, suivie par les Égyptiens et autres gens experts en sorcellerie : ils fixent en certains lieux des démons pour rendre des oracles, guérir, et souvent mettre à mal ceux qui ont paru transgresser les interdits concernant les aliments impurs ou le contact du cadavre d’un homme ; ils veulent effrayer ainsi la foule des gens incultes. Voilà celui qui passe pour dieu à Antinoopolis d’Egypte : ses vertus sont des inventions mensongères de gens qui vivent de fourberies, tandis que d’autres, bernés par le démon qui habite en ce lieu, et d’autres, victimes de leur conscience faible, s’imaginent acquitter une rançon divinement voulue par Antinoos ! Voilà les mystères qu’ils célèbrent et leurs prétendus oracles ! Quelle différence du tout au tout avec ceux de Jésus ! Non, ce n’est pas une réunion de sorciers qui, pour complaire à l’ordre d’un roi ou à la prescription d’un gouverneur, ont décidé de faire de lui un dieu. Mais le Créateur même de l’univers, par l’effet de la puissance persuasive de sa miraculeuse parole, l’a constitué digne du culte non seulement de tout homme qui cherche la sagesse, mais encore des démons et autres puissances invisibles. Jusqu’à ce jour, celles-ci montrent ou qu’elles craignent le nom de Jésus comme celui d’un être supérieur, ou qu’elles lui obéissent avec respect, comme à leur chef légitime. S’il n’avait pas été ainsi constitué par la faveur de Dieu, les démons à la seule invocation de son nom ne se retireraient pas sans résistance de leurs victimes. LIVRE III

S’il en va ainsi des noms humains, que faut-il penser des noms attribués pour une raison ou l’autre à la divinité ? Par exemple, il y a en grec une traduction du mot Abraham, une signification du nom Isaac, un sens évoqué par le son Jacob. Et si, dans une invocation ou un serment, on nomme « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », la formule produit son effet, soit par la qualité naturelle de ces noms, soit par leur puissance. Car les démons sont vaincus et dominés par celui qui prononce ces noms. Mais si l’on dit : le Dieu du père choisi de l’écho, le Dieu du rire, le Dieu du supplanteur, on n’obtient pas plus d’effet qu’avec un autre nom dépourvu de puissance. On n’aurait pas plus de résultat en traduisant en grec ou dans une autre langue le nom d’Israël ; mais, en le conservant et en lui adjoignant ceux auxquels ont coutume de l’unir les gens experts en la matière, on peut réaliser l’effet promis à ces invocations faites dans cette langue. On dira la même chose du mot Sabaoth, fréquemment employé dans les incantations. A traduire ce nom : Seigneur des puissances, Seigneur des Armées, Tout-Puissant – car ses traducteurs lui donnent différentes acceptions ?, l’effet en sera nul ; alors que si on lui garde sa sonorité propre, on obtiendra de l’effet, au dire des spécialistes. On dira la même chose du mot Adonaï. Si donc ni Sabaoth, ni Adonaï, dans la traduction grecque de ce qu’ils semblent signifier n’ont aucun effet, combien plus seront-ils dépourvus d’efficacité et de puissance quand on croit qu’il est indifférent d’appeler Zeus Très-Haut, Zen, Adonaï, Sabaoth ! Instruits de tels secrets et d’autres semblables, Moïse et les prophètes ont interdit de prononcer « les noms d’autres dieux » par une bouche habituée à ne prier que le Dieu suprême, et de se ressouvenir d’eux dans un c?ur exercé à se garder de toute vanité de pensées et de paroles. C’est aussi la raison pour laquelle nous préférons supporter tous les mauvais traitements plutôt que de reconnaître Zeus pour Dieu. Car nous pensons que Zeus n’est pas identique à Sabaoth mais que, loin d’être une divinité, il n’est qu’un démon prenant plaisir à être ainsi nommé, ennemi des hommes et du Dieu véritable. Et même si les Égyptiens nous proposent Amon en nous menaçant de châtiments, nous mourrons plutôt que de proclamer Amon dieu : c’est un nom probablement usité dans certaines incantations égyptiennes qui évoquent ce démon. Libre aux Scythes de nommer Papaeos le Dieu suprême : nous ne le croirons pas. Nous admettons bien le Dieu suprême, mais refusons de donner à Dieu le nom propre de Papaeos, qui n’est qu’un nom agréable au démon ayant en partage le désert, la race et la langue des Scythes. Mais ce n’est pas pécher que de donner à Dieu le nom commun en langue scythe, égyptienne, ou toute autre langue maternelle. LIVRE V

Celse poursuit : ” Qu’on n’aille pas imaginer que je l’ignore: certains d’entre eux conviendront qu’ils ont le même Dieu que les Juifs, mais les autres pensent qu’il y a un dieu différent auquel le premier est opposé, et de qui est venu le Fils “. S’il croit que l’existence de plusieurs sectes parmi les chrétiens constitue un grief contre le christianisme, pourquoi ne verrait-on pas un grief analogue contre la philosophie dans le désaccord entre les écoles philosophiques, non pas sur des matières légères sans importance mais sur les questions capitales ? Il faudrait aussi accuser la médecine à cause des écoles qu’elle présente. Admettons que certains d’entre nous nient que notre Dieu soit le même que le Dieu des Juifs : ce n’est pourtant pas une raison d’accuser ceux qui prouvent par les mêmes Écritures qu’il y a un seul et même Dieu pour les Juifs et les Gentils. Paul le dit clairement, lui qui est passé du judaïsme au christianisme : « Je rends grâces à mon Dieu que je sers comme mes ancêtres avec une conscience pure. » Admettons encore qu’il y ait une troisième espèce, ceux qui nomment les uns psychiques, les autres pneumatiques. Je pense qu’il veut parler des disciples de Valentin. Quelle conclusion en tirer contre nous qui appartenons à l’Église, et condamnons ceux qui imaginent des natures sauvées en vertu de leur constitution ou perdues en vertu de leur constitution ? Admettons même que certains se proclament Gnostiques, à la façon dont les Epicuriens se targuent d’être philosophes. Mais ceux qui nient la Providence ne peuvent être véritablement philosophes, ni ceux qui introduisent ces fictions étranges désavouées par les disciples de Jésus être des chrétiens. Admettons enfin que certains acceptent Jésus, et c’est pour cela qu’ils se vantent d’être chrétiens, mais ils veulent encore vivre selon la loi des Juifs comme la foule des Juifs. Ce sont les deux sortes d’Ébionites : ceux qui admettent comme nous que Jésus est né d’une vierge, ceux qui ne le croient pas né de cette manière mais comme le reste des hommes. Quel grief tirer de tout cela contre les membres de l’Église que Celse a nommés ceux de la foule ? Il ajoute : Parmi eux, il y a encore des Sibyllistes, peut-être pour avoir compris de travers des gens qui blâment ceux qui croient au don prophétique de la Sibylle et les ont appelés Sibyllistes. Puis, déversant sur nous une masse de noms, il déclare connaître encore certains Simoniens qui vénèrent Hélène ou Hélénos leur maître et sont appelés Héléniens. Celse ignore que les Simoniens refusent absolument de reconnaître Jésus comme Fils de Dieu : ils affirment que Simon est une puissance de Dieu et racontent les prodiges de cet homme qui, en simulant les prodiges analogues à ceux que Jésus avait simulés, selon lui, avait cru qu’il aurait autant de pouvoir sur les hommes que Jésus parmi la foule. Mais il était impossible à Celse comme à Simon de comprendre la manière dont Jésus a pu ensemencer, en bon « laboureur » de la parole de Dieu, la majeure partie de la Grèce et la majeure partie de la barbarie, et remplir ces pays des paroles qui détournent l’âme de tout mal et la font monter au Créateur de l’univers. Celse connaît encore les Marcelliniens disciples de Marcellina, les Harpocratiens disciples de Salomé, d’autres disciples de Mariamme et d’autres disciples de Marthe. Malgré mon zèle à l’étude, non seulement pour scruter le contenu de notre doctrine dans la variété de ses aspects, mais encore, autant que possible, pour m’enquérir sincèrement des opinions des philosophes, je n’ai jamais rencontré ces gens-là. Celse mentionne encore les Marcionites qui mettent à leur tête Marcion. Ensuite, pour donner l’apparence qu’il en connaît encore d’autres que ceux qu’il a nommés, il généralise à son habitude : Certains ont trouvé comme maître un chef et un démon, d’autres un autre, et ils errent misérablement et se roulent dans d’épaisses ténèbres à perpétrer plus d’impiétés et de souillures que les thyases d’Egypte. En effleurant le sujet, il me paraît bien avoir dit quelque chose de vrai : certains ont trouvé comme chef un démon, et d’autres un autre, et ils errent misérablement et se roulent dans les épaisses ténèbres de l’ignorance. Mais j’ai déjà parlé d’Antinoos qu’il compare à notre Jésus et je n’y reviendrai pas. LIVRE V

Il cite d’autres paroles de Platon, expliquant que le Bien est connaissable à un petit nombre, parce que c’est avec un injuste mépris, pleins d’un espoir hautain et inconsistant, comme s’ils avaient appris des secrets sublimes, que la plupart présentent comme vrai n’importe quoi. Il ajoute : Platon l’avait dit, cependant, il ne donne pas dans le merveilleux, il ne ferme pas la bouche à ceux qui veulent s’enquérir de ce qu’il promet, il n’exige pas aussitôt de croire que Dieu est tel, qu’il a tel Fils, que celui-ci est descendu s’entretenir avec moi. A quoi je réponds : de Platon Aristandre, je crois, a écrit qu’il n’était pas fils d’Ariston, mais d’un être qui, apparaissant sous les traits d’Apollon, s’approcha d’Amphictione ; et plusieurs autres platoniciens l’ont répété dans la biographie de Platon. Faut-il évoquer Pythagore et tous ses récits merveilleux, qui, dans une assemblée solennelle des Grecs, montra sa cuisse d’ivoire et prétendit reconnaître le bouclier dont il s’était servi lorsqu’il était Euphorbe et apparut, dit-on, dans deux villes le même jour ? Comme trait de merveilleux à critiquer dans l’histoire de Platon et de Socrate, on citera encore le cygne qui s’était montré à Socrate durant son sommeil et la parole du maître quand on lui présenta le jeune homme : « Le cygne c’était donc lui ! » Encore un trait de merveilleux, ce troisième oeil que Platon se flattait de posséder. Mais aux gens mal disposés, acharnés à décrier les apparitions reçues par ceux qui sont supérieurs à la foule, jamais la calomnie et la diffamation ne feront défaut : il y en aura même pour se moquer du démon de Socrate comme d’une fiction. LIVRE VI

Mais même dès l’origine, les Simoniens échappaient aux complots : car le démon mauvais qui complotait contre l’enseignement de Jésus savait qu’aucun de ses desseins ne rencontrerait d’obstacles de la part des enseignements de Simon. Les Dosithéens non plus, même autrefois, n’ont guère eu de puissance, et la voici à présent entièrement réduite au point que leur nombre total n’atteint pas, dit-on, la trentaine. Et Judas le Galiléen, au témoignage de Luc dans les Actes des Apôtres, a voulu se dire un grand personnage, et avant lui, Theudas. Mais parce que leur enseignement n’était pas de Dieu, ils périrent, et tous ceux qui avaient cru en eux se dispersèrent aussitôt. Ce n’est donc point à un coup de dés que nous devinerons de quel côté nous tourner et à qui nous attacher, comme s’ils étaient plusieurs à pouvoir nous attirer en prétendant être venus de la part de Dieu au genre humain. Mais en voilà assez sur cette matière. LIVRE VI

Après la citation, sans expliquer comment ces mythes contiennent une doctrine supérieure, et comment nos doctrines les travestissent, il continue à nous injurier : Ces mythes ne sont pas la même chose que leur doctrine du démon adversaire ou, dirait-on avec plus de vérité, du sorcier rival. Ainsi comprend-il encore Homère insinuant les mêmes vérités qu’Héraclite, Phérécyde, et ceux qui introduisent les mystères des Titans et des Géants, dans ces paroles d’Héphaïstos à Héra : « Une fois déjà j’ai voulu te défendre : il m’a pris par le pied et lancé loin du seuil sacré. » De même, dans ces paroles de Zeus à Héra : « As-tu donc oublié le jour où tu étais suspendue dans les airs. J’avais à les pieds accroché deux enclumes et jeté autour de tes mains une chaîne d’or infrangible; et tu étais là, suspendue en plein éther, en pleins nuages. LIVRE VI

Voilà quelques réflexions que j’ai eu l’audace et la témérité de confier à cet écrit inutilement peut-être. Si on avait le loisir, en examinant les saintes Écritures, de réunir en un seul corps la doctrine partout éparse sur la malice, son origine, la manière dont elle est détruite, on verrait que la pensée de Moïse et des prophètes sur Satan n’a été aperçue même en songe ni par Celse ni par aucun de ceux dont l’âme est précipitée par ce démon mauvais et emportée loin de Dieu et de sa notion droite et loin de son Logos. LIVRE VI

Est-il donc absurde qu’il y ait dans l’humanité pour ainsi dire deux extrêmes, l’un de bien, l’autre de son contraire, l’extrême du bien étant dans l’homme que l’esprit discerne en Jésus, lequel est source inépuisable pour le genre humain de conversion, de guérison et d’amélioration, et l’extrême opposé étant dans l’Antéchrist? Dieu, dont la prescience embrasse toutes choses, voyant ce qui les concerne tous deux, a voulu les faire connaître aux hommes par les prophètes, pour que ceux qui comprendraient leurs paroles s’unissent intimement au bien et se défendent du contraire. Il fallait que l’un des deux extrêmes, le meilleur, fût appelé Fils de Dieu, à cause de sa suréminence, et l’autre, diamétralement contraire, fils du démon pervers, de Satan, du diable. Ensuite, comme le propre du mal est que la malice se répande au maximum en prenant l’apparence du bien, pour cette raison le mauvais est environné de signes, de prodiges, de miracles mensongers grâce à la coopération de son père le diable. Car l’aide donnée aux sorciers par les démons qui trompent les hommes pour leur plus grand mal est dominée par cette coopération du diable en personne pour tromper le genre humain. LIVRE VI

Que Celse n’ait pas su la différence entre la position des chrétiens et celle des inventeurs de ces fables, qu’il pense que les griefs à leur faire s’appliquent à nous et qu’il nous les oppose sans qu’ils nous concernent, ressort clairement de ces mots : voilà donc la grande imposture, et ces conseillers admirables, et les paroles merveilleuses à l’adresse du lion, de l’amphibie à tête d’âne, et des autres portiers divins dont vous avez misérablement appris les noms par coeur, pour lesquels, ô infortunés, on vous tourmente cruellement, on vous traîne au supplice, on vous crucifie ! A coup sûr il ignore qu’aucun de ceux qui prennent pour les portiers de la voie montante les démons à forme de lion et à tête d’âne, et l’amphibie, ne résiste jusqu’à la mort, même pour ce qui lui paraît la vérité. Mais l’excès de piété pour ainsi dire qui nous livre à tout genre de mort et à la crucifixion, il l’attribue à ceux qui ne supportent rien de pareil. Et c’est à nous qui sommes crucifiés pour la religion qu’il reproche leur fable de démons à figure de lion, d’amphibie et autres. Ce n’est pas Celse qui nous détourne de cette doctrine sur le démon à forme de lion et autres : jamais nous n’avons rien admis de pareil. C’est à l’enseignement de Jésus que nous nous conformons en disant le contraire de ce qu’ils disent, et en refusant d’admettre que Michel, ou aucun de ceux qui viennent d’être énumérés ait une telle forme de visage. LIVRE VI

Puisqu’il nous renvoie à Héraclès, à lui de nous présenter quelques traits mémorables de ses paroles, et de justifier son indigne esclavage auprès d’Omphale ! A lui de montrer que c’était mériter les honneurs divins que de s’emparer de force comme un brigand du b?uf d’un laboureur, de le dévorer et, tout en mangeant, de prendre plaisir aux injures qu’il recevait du laboureur, si bien qu’on rapporte jusqu’à ce jour que le sacrifice offert au démon d’Héraclès s’accompagne de certaines malédictions. En rappelant Asclépios, il m’invite à me répéter, car j’en ai déjà parlé ; mais je me contente de ce qui a été dit. Et aussi, qu’a-t-il admiré en Orphée pour dire que cet homme, à l’esprit pieux, comme tous en conviennent, a mené une vie vertueuse ? Je me demande si ce n’est pas pour nous chercher querelle et pour avilir Jésus qu’il chante maintenant les louanges d’Orphée, et si, en lisant ses mythes impies sur les dieux, il ne s’est pas détourné avec dégoût de ses poèmes qui méritent plus encore que ceux d’Homère d’être bannis d’une bonne république. Car sur ceux qu’on croit dieux on trouve chez Orphée des choses bien pires que chez Homère. LIVRE VI

Après avoir plus haut longuement parlé de Jésus, il n’est pas nécessaire ici d’y revenir pour répondre à son objection : Et certes on les convainc manifestement de de n’adorer ni un dieu, ni un démon, mais un mort. Laissant donc ce point, voyons immédiatement ce qu’il ajoute : D’abord, je leur demanderai : pour quelle raison il ne faut pas rendre un culte aux démons ? Cependant est-ce que tout n’est pas régi conformément à la volonté de Dieu, et toute providence ne relève-t-elle pas de lui? Ce qui existe dans l’univers, ?uvre de Dieu, des anges, d’autres démons ou de héros, tout cela n’a-t-il point une loi venant du Dieu très grand ? A chaque office ne trouve-t-on pas préposé, ayant obtenu la puissance, un être jugé digne? N’est-il donc pas juste que celui qui adore Dieu rende un culte à cet être qui a obtenu de lui l’autorité ? Non certes, dit-il, il n’est pas possible que le même homme serve plusieurs maîtres. LIVRE VI

De plus, si nous refusons de servir un autre que Dieu par son Logos et sa Vérité, ce n’est point parce que Dieu subirait un tort comme paraît en subir l’homme dont le serviteur sert encore un autre maître. C’est pour ne pas subir de tort nous-mêmes en nous séparant de la part d’héritage du Dieu suprême, où nous menons une vie qui participe à sa propre béatitude par un exceptionnel esprit d’adoption. Grâce à sa présence en eux, les fils du Père céleste prononcent dans le secret, non en paroles mais en réalité, ce cri sublime : « Abba, Père ! » Sans doute, les ambassadeurs de Lacédémone refusèrent d’adorer le roi de Perse, malgré la vive pression des gardes, par révérence pour leur unique seigneur, la loi de Lycurgue. Mais ceux qui s’acquittent pour le Christ d’une ambassade bien plus noble et plus divine refuseraient d’adorer aucun prince de Perse, de Grèce, d’Egypte ou de toute autre nation, malgré la volonté qu’ont les démons, satellites de ces princes et messagers du diable, de les contraindre à le faire et de les persuader de renoncer à Celui qui est supérieur à toutes les lois terrestres. Car le Seigneur de ceux qui sont en ambassade pour le Christ, c’est le Christ dont ils sont les ambassadeurs, le Logos qui est « au commencement », qui est près de Dieu, qui est Dieu. Celse a cru bon ensuite d’avancer, parmi les opinions qu’il fait siennes, une doctrine très profonde sur les héros et certains démons. Ayant remarqué, à propos des relations de service entre les hommes, que ce serait infliger un tort au premier maître qu’on veut servir que de consentir à en servir un second, il ajoute qu’il en irait de même pour les héros et les démons de ce genre. Il faut lui demander ce qu’il entend par les héros et quelle nature il attribue aux démons de ce genre, pour que le serviteur d’un héros déterminé doive éviter d’en servir un autre, et celui d’un de ces démons, d’en servir encore un autre : comme si le premier démon subissait un tort comme font les hommes quand on passe de leur service à celui d’autres maîtres. Qu’il établisse en outre le tort qu’il juge ainsi causé aux héros et aux démons de ce genre ! Il lui faudra alors répéter son propos en tombant dans un océan de niaiseries et réfuter ce qu’on a dit ou, s’il se refuse aux niaiseries, avouer ne connaître ni les héros, ni la nature des démons. Et quand il dit des hommes que les premiers subissent un tort du service rendu à un second, il faut demander comment il définit le tort subi par le premier quand son serviteur consent à en servir un autre. En effet, s’il entendait par là, comme un homme vulgaire et sans philosophie, un tort concernant les biens que nous appelons extérieurs, on le convaincrait de méconnaître la belle parole de Socrate : « Anytos et Mélètos peuvent me faire mourir, mais non me faire du tort ; car il n’est point permis que le supérieur subisse un tort de la part de l’inférieur. » S’il définit ce tort par une motion ou un état concernant le vice, il est évident, puisqu’aucun tort de ce genre n’existe pour les sages, qu’on peut servir deux sages vivant en des lieux séparés. Et quand ce raisonnement ne serait pas plausible, c’est en vain qu’il argue de cet exemple pour critiquer la parole : « Nul ne peut servir deux maîtres » : et elle n’aura que plus de force si on l’applique au service du Dieu de l’univers par son Fils qui nous conduit à Dieu. De plus, nous ne rendons pas un culte à Dieu dans la pensée qu’il a en besoin et qu’il se chagrinerait qu’on ne le lui rende pas, mais pour l’avantage que nous retirons de ce culte rendu à Dieu, étant libérés de chagrin et de passion en servant Dieu par son Fils unique Logos et Sagesse. LIVRE VIII

Il est clair que par là j’ai répliqué d’avance à ce qu’il dit ensuite : Ou bien donc il faut absolument renoncer à vivre et à venir ici-bas, ou si on est venu à la vie dans ces conditions, il faut rendre grâce aux démons qui ont reçu en partage les choses de la terre, leur offrir des prémices et des prières toute sa vie, afin d’obtenir leur bienveillance. Certes il faut vivre, et vivre selon la parole de Dieu autant qu’il est possible et qu’il est donné de vivre selon elle. Or cela nous est donné même quand nous mangeons et quand nous buvons en faisant tout pour glorifier Dieu. Il ne faut pas refuser de manger avec action de grâce au Créateur ces choses qui ont été créées pour nous. C’est dans ces conditions que nous avons été amenés par Dieu à cette vie et non pas dans celles qu’imaginé Celse. Ce n’est pas aux démons que nous sommes soumis, mais au Dieu suprême par Jésus-Christ qui nous a menés à lui. Selon les lois de Dieu, aucun démon n’a reçu en partage les choses de la terre. Mais à cause de leur transgression, peut-être se sont-ils partagé ces lieux d’où est absente la connaissance de Dieu et de la vie conforme à ses préceptes, ou dans lesquels affluent les hommes étrangers à la divinité. Peut-être aussi, parce qu’ils étaient dignes de gouverner et de châtier les méchants, le Logos qui administre toutes choses les a mis à la tête de ceux qui se sont soumis au mal et non à Dieu. Voilà pourquoi Celse, dans son ignorance de Dieu, peut bien témoigner aux démons sa reconnaissance. Pour nous, qui rendons grâce au Créateur de l’univers, nous mangeons les pains offerts avec action de grâce et prière sur les oblats, pains devenus par la prière un corps saint et qui sanctifie ceux qui en usent avec une intention droite. LIVRE VIII

Mais il n’est pas vrai, comme le croit Celse, que les anges, véritables satrapes, gouverneurs, généraux, procurateurs de Dieu, causent des dommages à ceux qui les outragent. Si certains démons causent des dommages, ces démons dont même Celse a une idée, ils le font parce qu’ils sont mauvais et sans avoir reçu de Dieu aucune mission de satrape, général, procurateur ; et ils causent des dommages à ceux qui leur sont soumis et se sont livrés à eux comme à des maîtres. C’est peut-être la raison pour laquelle ceux qui, en chaque région, enfreignent les lois établies sur les aliments qu’il est interdit de manger éprouvent des dommages, s’ils sont parmi les sujets de ces démons. Mais s’il y en a qui ne sont pas de leurs sujets et ne se sont pas livrés au démon de ce lieu, ils restent exempts de tout sévice de leur part et se rient de ces puissances démoniaques. Cependant si, à cause de leur ignorance sur d’autres points, ils se sont soumis à d’autres démons, ils peuvent souffrir de leur part. Mais non pas le chrétien, le véritable chrétien qui s’est soumis à Dieu seul et à son Logos : il ne saurait souffrir quoi que ce soit des êtres démoniaques, puisqu’il est supérieur aux démons. Et il ne saurait souffrir puisque « l’ange du Seigneur établira ses tentes autour de ceux qui le craignent», et que son ange, « qui voit sans cesse la face du Père qui est dans les cieux », sans cesse présente ses prières par le seul Grand-Prêtre au Dieu de l’Univers et s’unit lui-même à la prière de celui qui est sous sa tutelle. Que Celse ne nous effraie donc pas en nous menaçant de dommage à subir de la part de démons que nous aurions négligés. Car il n’est aucun dommage que les démons qu’on néglige puissent nous causer : nous appartenons à Celui qui seul est capable de secourir ceux qui le méritent, et qui a néanmoins préposé aussi ses anges à la garde de ceux qui ont de la piété envers lui, afin que ni les anges adversaires ni leur chef appelé « prince de ce monde » ne puissent rien exécuter contre ceux qui sont consacrés à Dieu. LIVRE VIII

Après nous avoir attribué de tels propos, calomniant les chrétiens qui ne disent rien de pareil, il croit se donner à lui-même une réplique, plaisanterie plutôt que défense ; il dit comme s’il s’adressait à nous : Ne vois-tu donc pas, mon brave, qu’on se dresse devant ton démon, que non seulement on l’injurie, mais encore on le bannit de toute la terre et toute la mer; et toi, comme une statue qui lui est consacrée, on te lie, on le traîne au supplice et on te crucifie. El le démon ou, comme tu dis, le Fils de Dieu ne se venge de personne. Cette réplique serait de mise si nous disions ce qu’il nous fait dire. Et encore, dans ce cas, ne serait-ce pas dire la vérité que d’appeler le Fils de Dieu un démon. Non certes, pour nous qui déclarons mauvais tous les démons, Celui qui a converti tant d’hommes à Dieu n’était pas un démon, mais le Logos et le Fils de Dieu. Mais pour Celse qui n’a jamais parlé de démons mauvais, je ne sais pourquoi il lui a échappé de présenter Jésus comme un démon. A la fin pourtant se réalisera tout ce qu’annonce l’Écriture sur les impies qui auront refusé tous les remèdes et seront surpris dans leur malice pour ainsi dire incurable. LIVRE VIII

Ainsi nous ne nous moquons même pas de ces statues inanimées, tout au plus de leurs adorateurs. Mais qu’il y ait des démons à hanter ces statues, que l’on prenne l’un pour Dionysos, l’autre pour Héraclès, nous ne les insultons même pas : ce serait vain et absolument contraire à la douceur, à la paix et à la tranquillité de notre âme qui a appris qu’on ne doit insulter personne, homme ou démon, pour sa malice. Je ne sais comment Celse, qui célébrait tout à l’heure les démons ou les dieux, en est venu malgré lui à montrer en fait maintenant leur méchanceté : car ils punissent plutôt par esprit de vengeance qu’ils ne châtient pour réformer ceux qui les insultent. Il dit en effet : Si tu avais insulté Dionysos lui-même ou Héraclès en personne, tu ne t’en serais probablement pas tiré à si bon compte. Mais montre qui voudra comment un absent peut entendre quelque chose, pourquoi il est tantôt présent, tantôt absent, et quel besoin ont les démons de passer d’un lieu à un autre. LIVRE VIII

L’institution des rois et des princes offre matière à une ample doctrine : à cet égard s’ouvre un vaste champ de recherche, à cause de ceux qui ont régné en exerçant la cruauté et la tyrannie, ou pour qui le pouvoir fut l’occasion de s’abandonner à la mollesse et à la volupté. Aussi renoncerai-je à traiter ici la question. Pourtant, nous ne jurons point par la fortune de l’empereur, ni par aucun autre qu’on regarderait comme un dieu. En effet, ou bien, comme certains l’on dit, la fortune de l’empereur n’est qu’un mot comme les mots opinion ou divergence, et nous ne jurons pas sur ce qui n’a aucune existence comme si c’était un dieu ou un être réellement existant et doté d’une puissance effective ; car nous ne voulons pas utiliser à des fins interdites la puissance du serment. Ou bien, suivant la pensée des auteurs pour qui jurer par la fortune de l’empereur de Rome est jurer par son démon, ce qu’on nomme fortune de l’empereur, c’est son démon ; dès lors, nous devons mourir plutôt que de jurer par un démon pervers et perfide qui souvent pèche avec l’homme auquel il a été préposé, ou pèche même plus que lui. LIVRE VIII