Proposition de l’abbé Cheremon : Que l’on triomphe des vices en trois manières Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 6
En vérité, c’est tout autre chose d’avoir en haine la souillure des vices et de la chair, parce que l’on goûte le bien déjà présent, ou, de refréner les convoitises illicites en vue de la récompense future; de craindre un dommage actuel, ou de redouter des tourments à venir. C’est enfin une perfection beaucoup plus grande de ne vouloir pas s’éloigner du bien pour l’amour du bien lui-même, que de ne pas donner son consentement au mal par peur de souffrir un autre mal. Dans le premier cas, le bien est volontaire; dans le second, il paraît forcé, et arraché de haute lutte à un refus par la crainte du supplice ou l’appétit de la récompense. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 8
C’est aussi bien la marque évidente d’une âme non purifiée encore de la lie des vices, que les fautes du prochain ne trouvent chez elle, au lieu de la miséricorde et de la compassion, que l’appréciation rigide d’un juge. Comment atteindre à la perfection du coeur, si l’on n’a ce qui consomme, au dire de l’Apôtre, la plénitude de la loi : «Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez la loi du Christ,» (Gal 6,2) si l’on ne possède cette vertu de charité qui «ne s’irrite, ni ne s’enfle, ni ne pense le mal, qui souffre tout, supporte tout» ? (1 Cor 13,4-7). Car «le juste a pitié des bêtes qui sont à lui, mais les entrailles des impies sont sans miséricorde.» (Pro 12,10). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 10
Le moine, soyez-en sûrs, est sujet aux mêmes vices qu’il condamne chez les autres avec une sévérité rigoureuse et inhumaine «Le roi sévère tombera dans le malheur.» (Ibid. 13,17). «Celui qui ferme l’oreille au cri du pauvre, criera lui-même, et il ne se trouvera personne qui l’écoute.» (Ibid. 21,13). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 10
Ce sont les vices qui forment les membres multiples du corps de péché; tout ce qui se commet de mal en actions, paroles ou pensées lui appartient. Ces membres sont qualifiés de terrestres, et avec bien de la raison. Qui en use ne saurait, sans mentir, proclamer hautement : «Pour nous, notre vie est dans les cieux.» (Phil 3,20). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 2
Mais après de telles paroles, il ne faut plus douter que nous ne puissions abolir entièrement de nos membres la souillure de la fornication et de l’impureté : puisque l’Apôtre n’en exprime pas autrement l’obligation qu’il ne fait pour l’avarice, les paroles insensées ou bouffonnes, l’ivrognerie et le vol, tous vices faciles à retrancher. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 3
Assurons-nous cependant que la plus austère abstinence, je veux dire la faim et la soif, ni les veilles, ou le travail assidu, ou l’application incessante à la lecture ne nous mériteront la pureté constante de la chasteté. Parmi ce continuel labeur, il faut encore apprendre de l’expérience qu’une telle intégrité est un don libéral de la grâce divine. De notre persévérance infatigable dans ces exercices quel sera donc le fruit ? D’obtenir, en affligeant notre corps, la miséricorde du Seigneur; de mériter qu’il nous délivre par un bienfait de sa main des assauts de la chair et de la tyrannie toute-puissante des vices. Mais ne nous flattons pas d’arriver par leur moyen à l’inviolable chasteté que nous souhaitons. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 4
Il paraît évidemment par là que le remède le plus efficace pour le coeur humain, c’est la patience, selon le mot de Salomon : «L’homme doux est le médecin du coeur.» (Pro 14,30). Ce n’est pas seulement la colère, la paresse, la vaine gloire ou la superbe qu’elle extirpe, mais encore la volupté, et tous les vices à la fois : «La longanimité, dit encore Salomon, fait la prospérité des rois.» (Ibid. 25,15). Celui qui est toujours doux et tranquille, ni ne s’enflamme de colère, ni ne se consume dans les angoisses de l’ennui et de la tristesse, ni ne se disperse dans les futiles recherches de la vaine gloire, ni ne s’élève dans l’enflure de la superbe : «Il y a une paix surabondante pour ceux qui aiment le nom du Seigneur, et rien ne leur est une occasion de chute.» (Ps 118,165). En vérité, le Sage a bien raison de dire : «L’homme patient vaut mieux que le soldat vaillant; celui qui maîtrise sa colère, que l’homme qui prend une ville.» (Pro 16,32). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6
Celui-là donc qui dépasse le degré figuré par Jacob «le supplantateur», s’élève, après avoir paralysé la force de la chair, des luttes de la continence et du corps à corps pour la destruction des vices au titre glorieux d’Israël, son coeur ne déviant plus de sa direction vers Dieu. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11
Puis, il nous appelle vers des hauteurs plus sublimes encore; il veut nous montrer le lieu même où Dieu prend ses délices : «Et sa demeure, ajoute-t-il, est établie dans la paix,» (Ibid. 3) c’est-à-dire, non dans la mêlée des combats et la lutte contre les vices, mais dans la paix de la chasteté et la perpétuelle tranquillité du coeur. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11
Je ne parle pas de ces conduites secrètes et cachées dont l’âme des saints se voit l’objet à toute heure; de cette infusion céleste de la joie spirituelle qui relève l’esprit abattu et lui rend l’allégresse; de ces transports brûlants, de ces consolations enivrantes que la bouche ne peut dire et que l’oreille n’a pas entendues, qui souvent nous éveillent d’une torpeur inerte et stupide, comme d’un profond sommeil, pour nous faire passer à la prière la plus fervente. C’est bien là cette joie dont le bienheureux Apôtre dit : «L’oeil de l’homme n’a pas vu, son oreille n’a pas entendu, le secret pressentiment de son coeur n’a point deviné.» (1 Cor 2,9). Mais il parle de celui qui, rendu stupide par les vices terrestres, est resté homme, rivé aux passions humaines et incapable de rien apercevoir de ces divines largesses. De lui-même, au contraire, et de ceux qui, d’ores et déjà étrangers à la manière de vivre des hommes lui sont devenus semblables, il dit aussitôt : «Mais à nous, Dieu l’a révélé par son Esprit.» (Ibid. 10). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 12
Persuasion facile et à la portée de tous, semble-t-il; et cependant, elle est aussi difficile aux commençants que la chasteté parfaite elle-même. À peine ont-ils entrevu les premiers sourires de la pureté : un certain élèvement se glisse subtilement dans le secret de leur conscience, et ils se complaisent en eux-mêmes, dans la pensée que leur soin diligent a tout fait. C’est pourquoi il leur est nécessaire de se voir retirer pour un temps le secours divin, et de subir la tyrannie des vices que la vertu de Dieu avait éteints, jusqu’à ce que l’expérience leur ait appris qu’ils ne sauraient obtenir par leurs propres forces et par leur travail personnel le bien de la pureté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 16
Elle fait la matière de deux sciences : la première, pratique ou active, est toute dans le soin de réformer ses moeurs et de se purifier des vices; la seconde, théorique, consiste en la contemplation des choses divines et la connaissance des mystères les plus sacrés. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 1
C’est en vain que l’on tend à voir Dieu, si l’on n’évite la contagion des vices, car «l’Esprit de Dieu hait l’astuce et n’habite point dans un corps esclave du péché.» (Sag 1,5). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 2
La perfection active consiste en deux points. Le premier est de connaître la nature des vices et la méthode pour les guérir; le second, de discerner l’ordre des vertus, et de conformer si heureusement notre âme à leur perfection, qu’elle cesse dorénavant de les servir en esclave, comme si elle souffrait violence et se voyait soumise à un tyrannique empire, mais qu’elle s’y délecte et s’en nourrisse comme d’un bien connaturel, trouvant des délices à gravir la voie rude et étroite. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 3
Le moyen, en effet, d’atteindre aux vertus, qui forment le second degré de cette discipline active, ou bien aux mystères des choses spirituelles et célestes, où consiste le degré plus sublime encore de la théorie, si l’on n’a pu comprendre la nature de ses vices, si l’on ne s’est point efforcé de les extirper ? La logique le dit : Qui n’a pas su vaincre les difficultés moindres, ne doit pas songer à poursuivre plus haut; qui n’a pu concevoir ce qui lui est inné, saisira beaucoup moins encore ce qui lui est étranger. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 3
Sachons-le pourtant, il nous coûtera deux fois plus de labeur et de peine pour expulser les vices que pour acquérir les vertus. Je ne parle point ici par conjecture personnelle. C’est une vérité qui nous est mise en tout son jour par le propre jugement de Celui qui seul connaît les forces et la condition de la créature qu’il a faite : «Voici, dit-il, que je t’ai établi aujourd’hui sur les nations et les royaumes, afin que tu arraches et que tu détruises, que tu perdes et que tu dissipes, que tu édifies et que tu plantes.» (Jer 1,10). Pour ôter ce qui est mauvais, il a marqué quatre choses nécessaires, qui sont d’arracher et de détruire, de perdre et de dissiper: mais deux seulement, édifier et planter, pour se rendre parfait dans les vertus et acquérir tout ce qui regarde la justice. D’où il ressort évidemment qu’il est plus difficile d’arracher et déraciner les vices invétérés du corps et de l’âme, que d’édifier et planter les vertus spirituelles. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 3
Vous voulez élever dans votre coeur le sacré tabernacle de la science spirituelle : purifiez-vous de la souillure des vices, dépouillez tout souci du siècle présent. Il est impossible que l’âme occupée, même légèrement, des soins de ce monde, mérite le don de la science, ou soit féconde en pensées spirituelles, ou retienne avec fermeté les saintes lectures qu’elle a faites. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 9
Dans les conférences avec les anciens, ne prenez point la liberté de dire mot, si ce n’est pour demander ce qu’il vous serait nuisible d’ignorer ou ce qu’il vous est nécessaire de connaître. Il en est qui, possédés de l’amour de la vaine gloire, ne feignent d’interroger que pour montrer leur savoir. Mais il ne se peut pas que celui qui s’applique à la lecture dans le dessein d’acquérir la gloire humaine, mérite jamais le don de la vraie science. Esclave de cette passion, comment ne porterait-on pas également les chaînes des autres vices, et particulièrement de la superbe ? Mais ainsi terrassé dans le combat de la science pratique et morale, on n’obtiendra point la science spirituelle, qui lui doit son origine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 9
L’homme encore prisonnier des vices honteux de la chair, gardera utilement ce précepte, en le prenant simplement au sens littéral. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 11
Non, celui dont l’âme n’est point pure ne saurait acquérir la science spirituelle, quelque peine qu’il se donne, si assidu qu’il puisse être à la lecture. L’on’ ne confie point à un vase fétide et corrompu un parfum de qualité, un miel excellent, une liqueur précieuse. Le vase pénétré de senteurs repoussantes, infectera plus facilement le parfum le plus odorant, qu’il n’en recevra lui-même quelque suavité ou agrément; car ce qui est pur se corrompt plus vite que ce qui est corrompu ne se purifie. Ainsi le vase de notre coeur. S’il n’est d’abord entièrement purifié de la contagion fétide des vices, il ne méritera pas de recevoir ce parfum de bénédiction dont parle le prophète : «Comme l’huile précieuse qui, répandue sur la tête, coule sur la barbe d’Aaron et descend sur le bord de son vêtement;» (Ps 132,2) non plus qu’il ne gardera sans souillure la science spirituelle ou les paroles de l’Écriture, «qui sont plus douces que le miel et que le rayon rempli de miel». (Ps 18,11). «Car, quelle communication y a-t-il de la justice avec l’iniquité ? Quelle société de la lumière avec les ténèbres? Quel accord entre le Christ et Bélial ?» (2 Cor 6,14-15). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 14
GERMAIN. — Votre assertion ne nous semble pas fondée sur la vérité ni appuyée de raisons plausibles. Tous ceux qui refusent la foi du Christ, ou la corrompent par des opinions mensongères et impies, manifestement n’ont pas le coeur pur. Comment donc se fait-il que tant de juifs, d’hérétiques ou même de catholiques, qui sont en proie à des vices divers, parviennent à une connaissance parfaite des Écritures et peuvent se glorifier d’une science spirituelle éminente; tandis que l’on voit une multitude incalculable de saints qui ont purifié leur coeur de toute souillure de péché, et dont néanmoins la religion, contente de la simplicité de la foi, ignore les secrets d’une science plus profonde ? Et comment, après cela, votre opinion, qui attribue la science spirituelle à la seule pureté du coeur, pourra-t-elle tenir ? Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 15
Nul autre moyen de parvenir à la science spirituelle, que de se conformer à l’ordre suivant, si heureusement exprimé par l’un des prophètes : «Semez pour vous en vue de la justice, moissonnez l’espérance de la vie, allumez en vous la lumière de la science.» (Os 10,12). Premièrement, il faut semer en vue de la justice, c’est-à-dire propager en quelque sorte notre perfection active par les oeuvres de la justice; nous devons ensuite moissonner l’espérance de la vie, c’est-à-dire recueillir les fruits des vertus spirituelles, en expulsant les vices de la chair. Par cette méthode, nous pourrons allumer en nous la lumière de la science. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16
Sur ceux qui paraissent avoir quelque semblant de science, ou qui, tout en s’adonnant avec ardeur à lire les volumes sacrés et à les apprendre de mémoire, ne quittent point les vices de la chair, les Proverbes ont cette expression fort heureuse : «Comme d’un anneau d’or au nez d’un pourceau, ainsi en va-t-il de la beauté dans une femme de mauvaise vie.» (Pro 11,22). Car quel avantage pour l’homme de posséder les joyaux des célestes paroles et les beautés sans prix de l’Écritures, s’il s’enlise dans la boue par ses oeuvres et ses pensées ? Ne semble-t-il pas alors fouiller une terre immonde, y mettre en pièces ses trésors et les souiller dans le bourbier fangeux de ses passions impures ? La science est parure à qui en use bien. Mais que le sort est différent de ceux qui la profanent de cette sorte ! Dans leur fange, qu’elle fait encore plus profonde, elle se couvre d’éclaboussures à son tour. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16
La science vraie, la science spirituelle est bien éloignée de ce savoir profane que souille la boue des vices charnels : tellement, qu’on l’a vu fleurir merveilleusement chez des hommes qui n’avaient aucun don de parole et à peu près illettrés. C’est ce que l’on constate avec la dernière évidence pour les apôtres et nombre de saints. Ils ne ressemblaient guère à ces arbres qu’une végétation luxuriante couvre de feuilles inutiles; mais ils ployaient sous les fruits véritables de la science spirituelle; et d’eux il est écrit dans les Actes des apôtres : «Lorsqu’ils virent la constance de Pierre et de Jean, et qu’ils surent que c’étaient des hommes sans lettres et de petite condition, ils furent dans l’étonnement.» (Ac 4,13 Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16
Ou bien c’est l’auditeur qui est mauvais et rempli de vices; et son coeur endurci demeure fermé à la salutaire et sainte doctrine de l’homme spirituel. De ceux qui lui ressemblent, Dieu dit par le prophète : «Le coeur de ce peuple a été aveuglé, et il est devenu dur d’oreille, et il s’est bouché les yeux, de peur qu’ils ne voient de leurs yeux et n’entendent de leurs oreilles, et que leur coeur ne comprenne, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse.» (Is 6,10). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 18
La troisième sorte de guérisons est un jeu et une ruse des démons. Un homme est engagé dans des crimes manifestes, mais on admire ses miracles, et on le croit serviteur de Dieu : c’est pour les esprits malins le moyen de persuader aux autres d’imiter jusqu’à ses vices. De plus, la porte est ouverte à la critique, et la sainteté de la religion elle-même discréditée. À tout le moins peuvent-ils s’attendre que celui qui se croit ainsi le don de guérison, le coeur enflé de superbe, tombera d’une chute plus terrible. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 1
Aussi ne devons-nous jamais admirer pour leurs miracles ceux qui en font une prétention; mais plutôt considérer s’ils se sont rendus parfaits par la correction de leurs vices et l’amendement de leur vie. Ceci n’est pas un bienfait qui s’obtienne par la foi d’un autre ou pour des causes qui nous seraient étrangères; mais la grâce divine le dispense à chacun à proportion de son zèle. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 2
Il est plus admirable d’expulser les vices de soi-même que les démons du corps d’autrui. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 8
Si vous désirez, vous aussi, garder inviolable votre amitié, hâtez-vous d’expulser vos vices et de mortifier vos volontés propres; puis, n’ayant plus qu’une même ambition, un même idéal, accomplissez vaillamment l’oracle qui comblait de délices l’âme du prophète : «Qu’il est bon, qu’il est doux pour des frères d’habiter ensemble !» (Ps 67,7). Ce qui doit s’entendre, non de ceux qui habitent en un même lieu, mais de ceux qui vivent dans un même esprit. Il ne sert de rien d’être unis dans une habitation commune, si l’on est séparé par la vie et par le but que l’on se propose; au contraire, pour ceux qui sont également fondés en vertu, la distance des lieux ne constitue pas un obstacle. Devant Dieu, c’est l’unité de conduite, et non point celle des lieux, qui fait habiter les frères dans une même demeure; et la paix ne se conservera jamais entière, où les volontés sont divergentes. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 3
Le dernier procédé, qui est aussi, à n’en pas douter, la mort de tous les vices, consiste à penser chaque jour que l’on peut jusqu’au soir émigrer de ce monde. Cette persuasion ne permettra pas qu’il séjourne dans notre coeur une ombre de tristesse; mais encore elle étouffera tous les mouvements des convoitises et des vices. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 6
C’est tomber très évidement dans le crime de sacrilège. Les jeûnes que l’on ne doit offrir qu’à Dieu seul, en vue d’humilier son coeur et de se purifier des vices, ils les soutiennent afin de satisfaire un orgueil diabolique ! Ce qui est tout de même que s’ils présentaient des prières et des sacrifices, non à Dieu, mais aux démons, et méritaient par là d’entendre le reproche de Moïse : «Ils ont sacrifié à des démons, et non à Dieu, à des dieux qu’ils ne connaissaient pas.» (Dt 32,7). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 19
Pour les miracles et les prodiges qui s’accomplirent par ses mains à notre vue, la divine grâce rendant ainsi témoignage à ses mérites, j’ai cru devoir les passer sous silence afin de ne pas m’écarter de mon premier dessein ni franchir les limites qui conviennent à ce volume. Ce ne sont pas les merveilles divines dont j’ai promis le récit à la mémoire des hommes, mais, autant que mes souvenirs le permettraient, les institutions et les pratiques des saints; je n’ai voulu que donner des lumières pour la vie parfaite, et non point fournir un aliment à la vaine curiosité de mes lecteurs, sans profit pour la correction de leurs vices. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 1
À leurs débuts dans le monastère, leur ferveur faisait accroire qu’ils recherchaient vraiment la perfection de la discipline cénobitique. Mais elle fut courte; et tout aussitôt, ils sont tombés dans la tiédeur. Retrancher leurs habitudes et leurs vices d’autrefois, ils ne le veulent à aucun prix. Ne pouvant prendre sur soi de soutenir plus longtemps le joug de l’humilité et de la patience, et dédaignant de se soumettre au commandement des anciens, ils gagnent des cellules séparées, dans le désir d’y vivre solitaires, afin que, n’étant plus exercés par personne, les hommes puissent les estimer patients, doux et humbles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 8
Mais cette profession noUvelle, ou plutôt cette tiédeur ne permet jamais à ceux qu’elle a une fois infectés, de parvenir à la perfection. Ce n’est pas assez dire, que leurs vices ne se corrigent point; ils empirent, du seul fait que personne ne les excite. Tel un poison intérieur s’insinue d’autant plus profondément dans les tissus, qu’il est plus caché, et finit par engendrer un mal inguérissable. Par révérence pour la cellule du solitaire, on n’ose accuser des vices que lui-même a mieux aimé ignorer, plutôt que de les guérir. Cependant, la vertu ne s’acquiert pas en dissimulant le vice, mais en le surmontant. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 8
La voyant si prompte aux oeuvres de miséricorde, le pontife loua fort son dessein. Il ordonne de lui choisir une veuve distinguée entre toutes par l’honnêteté de ses moeurs, sa gravité, toute sa conduite. Ne fallait-il pas craindre, en effet, que le généreux désir de la bienfaitrice ne fût vaincu par les vices de l’obligée, et qu’en cherchant la récompense dans le soutien d’une pauvresse, elle ne s’offensât de ses manières détestables et ne souffrît dommage dans sa foi ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 14
Cependant, je veux que vous le sachez, la maladie de l’envie vient plus difficilement à guérison que les autres vices. Lorsqu’une âme est infectée de son venin, j’oserais presque dire qu’il n’y a point de remède. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16
C’est donc une vérité certaine, que, de tous les vices, l’envie est le plus dangereux et le plus difficile à guérir : puisque les remèdes qui amortissent les autres, l’excitent davantage. Tel se plaint d’avoir souffert quelque dommage : la libéralité lui offre une compensation, et le voilà content. Cet autre se révolte de injure qu’on lui fait : une humble satisfaction l’apaise. Mais que faire avec un homme qui s’offense précisément de vous voir et plus humble et plus doux ? Si c’était la cupidité, qui allumât sa colère, les présents l’adouciraient; si c’était une blessure d’amour-propre ou le désir de la vengeance, les caresses et les prévenances sauraient en venir à bout. Mais c’est uniquement le succès, la félicité d’autrui qui l’irrite. Qui donc, pour satisfaire un envieux, souhaitera de déchoir de son bonheur, de ne plus connaître la prospérité, d’être la victime de quelque calamité ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16
Afin que le basilic ne tue pas, d’une seule de ses morsures empoisonnées, tout ce qui est vivant en nous et, pour ainsi dire, animé par le mouvement vital du saint Esprit Lui-même, il nous faut implorer sans cesse le secours de Dieu, à qui rien n’est impossible. Car, pour le venin des autres serpents — et par ce venin, j’entends les péchés ou les vices charnels —, autant l’humaine fragilité est prompte à y succomber, autant il est facile de l’en délivrer. Les blessures qu’ils font se reconnaissent à de certaines marques extérieures et corporelles; et, pour dangereuse que puisse être l’enflure qu’elles déterminent, si quelque enchanteur, habile à se servir des formules magiques de l’Écriture, y applique le remède des paroles salutaires, le poison n’ira pas jusqu’à donner la mort à l’âme. Mais l’envie, tel le venin jeté par le basilic, détruit la religion et la foi jusque dans les racines de leur vie, avant que la blessure ait paru au dehors. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16
Ceci arrive particulièrement à ceux qu’un désir prématuré de la vie solitaire a portés au désert, avant qu’ils aient été bien formés dans les monastères de cénobites et se soient débarrassés de leurs vices anciens. Ils restent toujours imparfaits dans l’un et l’autre état, toujours fragiles, penchant où les pousse le moindre souffle de leurs émotions. La compagnie des frères et le dérangement qu’ils en éprouvent les font bouillonner d’impatience. Retrouvent-ils leur solitude, ils ne peuvent supporter le silence sans bornes qu’ils ont souhaité. Mais quoi ? ils ne savent même pas quelle fin la solitude est désirable, et s’imaginent que le tout, l’essence de la perfection consiste à éviter la compagnie des frères et à fuir comme une peste la vue des humains. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 10
GERMAIN. — Nous sommes justement de ceux qui ont recherché la solitude avec une formation cénobitique insuffisante, et avant d’avoir expulsé tous leurs vices. Quel remède nous secourra, nous, et nos pareils pour la fragilité comme pour le flegré médiocre de l’avancement ? Le moyen d’obtenir la constance d’une âme qui ne connaît plus le trouble, et l’inébranlable fermeté de la patience, maintenant que nous avons prématurément abandonné, avec notre monastère, l’école même et le lieu authentique de ces exercices ? C’est là que nous aurions dû parfaire notre première éducation et la conduire à son terme. Solitaires aujourd’hui, comment acquérir la perfection de la longanimité et de la patience ? Comment le regard de notre conscience, qui explore les mouvements intérieurs de l’âme, discernera-t-il en nous la présence ou l’absence de ces vertus ? N’est-il pas a craindre que, séparés du commerce des hommes et n’ayant jamais rien à souffrir de leur part, une fausse persuasion ne nous abuse, et ne nous fasse croire que nous sommes parvenus à l’inébranlable tranquillité de l’âme ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 11
Réponse sur la manière dont le solitaire peut connaître ses vices. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 12
Sachons toutefois que, si nous nous retirons au désert ou en quelque lieu secret, avant d’avoir guéri nos vices, nous en empêchons seulement les effets; mais la passion n’est nullement éteinte. La racine des pêchés demeure cachée dans notre coeur, tant que nous ne l’avons pas extirpée; que dis-je ? elle gagne de proche en proche. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 12
Question : Comment se pourra guérir celui qui est entré dans la solitude, avant de s’être purifié de ses vices ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 13
GERMAIN. — Les données qui permettent de recueillir les indices révélateurs de nos infirmités, la méthode pour discerner nos maladies, c’est-à-dire la manière de découvrir les vices qui se cachent en nous : tout cela est net et clair à nos yeux. Aussi bien, une expérience quotidienne, et les mouvements qui se font jour à toute heure dans nos pensées, nous permettent-ils de constater qu’il en est bien comme vous dites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 13
JEAN. — Si l’on a le souci de guérir, les moyens de salut ne manqueront pas. La même méthode qui nous fait saisir les traces de chacun des vices, fournit aussi le remède. Après avoir dit comment les solitaires ne sont pas exempts des vices qui se rencontrent au train ordinaire de la vie humaine, je ne puis nier qu’on ne trouve également, loin de toute société, les moyens de s’exercer à la vertu et de venir à la santé. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 14
Pour remédier aux vices dont nous avons parlé, la société des hommes, bien loin d’être nuisible, présente, au contraire, de grands avantages. Ils se mainfestent plus souvent par les impatiences multipliées dont ils sont la cause; et plus sont continuels la douleur et le repentir de nos défaillances, plus vite aussi notre mal trouve sa guérison. C’est pourquoi, lorsque nous habitons la solitude, et que les occasions capables de les exciter ne peuvent surgir du côté des hommes, nous devons nous en représenter tout exprès à l’esprit, afin de nous ménager, par un combat ininterrompu une plus prompte guérison. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 16
Au demeurant, nul autre chemin, pour atteindre à cet oubli, que l’abolition des tares et des passions de notre première vie, une parfaite et entière pureté de coeur. Qui néglige, par indolence ou mépris, de corriger ses vices, ne le connaîtra jamais. C’est la conquête privilégiée de celui qui, à force de gémissements, de soupirs et de sainte tristesse, aura réduit jusqu’à la moindre trace de ses souillures passées, et, du plus profond de son âme, criera en toute vérité vers le Seigneur : «J’ai fait connaître mon péché et je n’ai point couvert mon injustice»; (Ps 31,5) «Mes larmes sont ma nourriture jour nuit.» (Ps 41,4). Car voici la réponse qu’il méritera d’entendre : «Que ta voix cesse de gémir; et tes yeux, de pleurer : ton labeur aura sa récompense, dit le Seigneur.» (Jer 31,16). Et la Voix divine lui dira encore : «J’ai effacé comme une nuée tes iniquités, et tes péchés comme un nuage»; (Is 44,22) «C’est Moi, c’est Moi seul qui efface tes iniquités pour l’amour de Moi, et de tes péchés Je ne me souviendrai plus.» (Ibid. 43,25). Délivré «des liens de ses péchés, où chacun se trouve engagé»,(Pro 5,22) il chantera au Seigneur ce cantique d’actions de grâces : «Vous avez rompu mes liens, je vous offrirai un sacrifice de louange.» (Ps 115,16-17). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 7
Parfois, c’est l’intercession des saints qui obtient le pardon de nos fautes : «Si quelqu’un voit son frère commettre un péché qui ne va pas à la mort, qu’il prie; et Dieu donnera la vie à ce frère, dont le péché ne va pas à la mort.» (1 Jn 5,163). Et de nouveau : «Quelqu’un parmi vous est-il malade, qu’il appelle les prêtres de l’Église, et que ceux-ci prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le soulagera; et s’il a commis des péchés, ils lui seront remis.» (Jac 5,14-15). D’autres fois, c’est le mérite de la miséricorde et de la foi qui réduit la souillure de nos vices, selon cette parole : «Les péchés s’expient par la miséricorde et la foi.» (Pro 15,27). Souvent aussi, c’est la conversion et le salut de ceux que ramènent au bien nos avis et notre prédication : «Celui qui convertira un pécheur de l’égarement de ses voies, sauve cette âme de la mort et couvrira la multitude de ses propres péchés.» (Jac 5,20). Enfin, l’oubli et le pardon que nous accordons aux autres, nous méritent le pardon de nos propre méfaits : «Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi vos manquements.» (Mt 6,14). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 8
Vous voyez combien d’ouvertures la Clémence du Sauveur nous a ménagées vers sa Miséricorde, afin que personne de ceux qui désirent le salut, ne se laisse abattre par le découragement, lorsque tant de remèdes l’appellent à la vie. Vous alléguez votre faiblesse, qui vous empêche d’effacer vos péchés par l’affliction du jeûne ? Vous ne pouvez dire : «Mes genoux se sont affaiblis par le jeûne, et ma chair s’est changée par le manque d’huile; car j’ai mangé la cendre comme du pain et mêlé mes pleurs à mon breuvage »? (Ps 108,24). Rachetez-les par vos largesses et vos aumônes. Vous n’avez rien à donner aux indigents ? — Quoique les sévérités de la détresse pécuniaire et de la pauvreté n’interdisent cette bonne oeuvre à personne : les deux menues pièces de la veuve ont été préférées aux dons magnifiques des riches, (cf. Lc 21,1-2) et le Seigneur promet de récompenser un verre d’eau froide.— (cf. Mt 10,42). Mais il est, certes, en votre pouvoir de vous purifier par la correction de votre vie.— Acquérir la perfection des vertus par l’extinction de tous les vices vous paraît chose impossible ? Dépensez au salut d’autrui vos soins pieux. — Vous vous plaignez d’être impropre à ce ministère ? Couvrez vos péchés par la charité. — Il y a en vous une certaine mollesse qui vous rend fragile aussi sur ce point ? Abaissez-vous, et, dans les sentiments de l’humilité, implorez le remède à vos blessures de la prière et de l’intercession des saints. Enfin, qui est-ce qui ne peut dire sur le ton de la supplication ardente : «J’ai fait connaître mon péché, et je n’ai point couvert mon injustice,» (Ps 31,5) afin de mériter par cette profession d’ajouter ensuite : «Et vous avez remis l’impiété de mon coeur.» (Ibid.) —La honte vous retient ? Vous rougissez de révéler vos péchés en présence des hommes ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 8
Alors, ce n’est plus, chez le moine, le souvenir des péchés commis qui fait couler ses larmes, mais l’espérance des joies futures. L’esprit plus occupé des joies à venir que du mal passé, il répand des pleurs, non par le chagrin de ses fautes, mais dans l’allégresse des joies éternelles. «Oubliant ce qui est derrière lui,» c’est-à-dire les vices charnels, il se porte de tout lui-même «vers ce qui est en avant», (Phil 3,13) c’est-à-dire les dons et les vertus spirituelles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 8
Pour ce que vous avez dit tout à l’heure, que vous rappeliez à dessein la mémoire de vos péchés passés, c’est une chose qu’il faut absolument éviter. Bien plus, si ce souvenir se glisse en vous malgré vous, chassez-le à l’instant. C’est que, principalement chez le solitaire, il a beaucoup de force, pour retirer l’âme de la contemplation, en l’engageant, comme il fait, dans les souillures du monde, où l’infection des vices lui ôte la respiration. Nous prétendez repasser dans votre esprit les fautes que vous avez commises par ignorance ou intempérance, en suivant le prince de ce siècle ? Je veux bien vous accorder que vous ne serez point touché de la délectation mauvaise, à l’occasion d’une telle pensée. Mais assurez-vous que la seule contagion de votre gangrène d’antan infectera nécessairement votre âme de senteurs repoussantes, et chassera le parfum spirituel des vertus, je veux dire la suavité de la bonne odeur. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 9
Dès que le souvenir de nos vices passés a frappé notre esprit, fuyons-le, comme, sur la voie publique, un homme vertueux et grave se sauve de la courtisane impudente et effrontée qui s’approche pour le tenter. S’il ne s’arrache en toute hâte à son déshonorant contact, et s’arrête à l’entretenir l’espace d’un moment : lors même qu’il refuserait tout consentement au mal, son bon renom ne sera pas sans en souffrir dans le jugement des passants, et l’on ne manquera, pas de le blâmer. Ainsi devons-nous, lorsqu’un souvenir malsain nous entraîne vers des pensées de cette nature, nous écarter d’elles au plus vite. Nous remplirons de la sorte le précepte de Salomon, qui dit : «Sortez vite, ne vous attardez pas où demeure la femme insensée et ne jetez point les yeux sur elle.» (Pro 9,8). Autrement, les anges, nous voyant occupés, d’idées impures et honteuses, ne pourraient dire de nous, en passant : «La bénédiction de Dieu soit sur vous !» (Ps 128,8) Il est tellement impossible que l’âme s’attache à de bonnes pensées, lorsque, par la partie principale d’elle-même, elle se dégrade à des considérations indignes et terrestres ! La parole de Salomon est véritable : «Si tes yeux voient l’étrangère, ta bouche dira des paroles perverses, et tu seras comme un homme couché au coeur de la mer, comme un pilote au milieu d’une grande tempête. Tu diras : On me frappe, mais je ne l’ai pas senti; on m’a joué, et je ne m’en suis pas aperçu.» (Pro 23,33-35). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 9
Il suit, que nous devons nous exciter à une louable componction, plutôt par l’appétit de la vertu et le désir du royaume des cieux, que par le souvenir funeste des vices. Il est fatal que l’on soit étouffé par les exhalaisons pestilentielles d’un cloaque, aussi longtemps que l’on se tient au-dessus et qu’on en remue la boue. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 10
Il n’y a d’exception que pour ce qui est bon on mauvais en soi et essentiellement, et ne peut se tourner en sens contraire. Telles la justice, la prudence, la force, la tempérance et les autres vertus; tels aussi, à l’opposé, les vices. Ce sont là des choses qui, par nature, ne peuvent devenir contraire à elles-mêmes, et demeurent formellement rebelles à tout changement. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 12
GERMAIN. — La chair ne sera-t-elle point flattée par les douceurs insolites d’une fête si prolongée ? Et dès lors, se peut-il que la racine des vices, si bien retranchée qu’elle soit, ne germe pas des épines nouvelles ? L’esprit, appesanti par une bonne chère inaccoutumée ne fléchira-t-il pas la rigueur de son empire a l’égard de son serviteur le corps ? Chez nous surtout, la verdeur de la jeunesse ne va-t-elle pas tôt pousser à la rébellion nos membres domptés, si nous prenons les mets habituels avec une plus grande abondance, ou nous en permettons d’extraordinaires ? Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 21
Or, n’être pas sous la grâce, parce qu’on n’a pas su gravir les cimes de la doctrine du Seigneur; ni sous la Loi, parce qu’on refuse d’embrasser les commandements mêmes, si faciles, de la Loi : c’est subir deux fois la tyrannie du péché; c’est croire qu’on n’a reçu la grâce du Christ, qu’afin de se séparer de lui par une liberté funeste; c’est tomber dans l’abîme contre lequel nous prévenait l’apôtre Pierre : Agissez comme des hommes libres, et non en hommes qui se font de la liberté un manteau à couvrir leur malice. (1 Pi 2,16). Et le bienheureux apôtre Paul dit de même : Pour vous, mes frères, vous avez été appelés à la liberté, ce qui signifie : à l’affranchissement de la tyrannie du péché; seulement, ne faites pas de cette liberté un prétexte, pour vivre selon la chair, (Gal 5,13) c’est-à-dire : Ne croyez pas qu’échapper aux préceptes de la Loi, c’est ouvrir la carrière aux vices. La vraie liberté ne se trouve que là où demeure le Seigneur; c’est encore l’apôtre Paul qui nous l’enseigne : Le Seigneur, c’est l’Esprit; où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. (2 Cor 3,17). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 34
Nous sommes obligés toutefois de le reconnaître, il s’en trouve plusieurs, qui, sans se donner le moindre souci, mais par le seul équilibre du tempérament ou la âge, n’éprouvent que rarement ou point du tout ces fâcheux effets. Mais le mérite est bien différent, de celui qu’une chance paresseuse établit dans la paix, ou de celui qui se rend digne du triomphe par des vertus glorieuses. Il y a chez le second une puissance victorieuse de tous les vices qui appelle l’admiration; le premier, que la nécessité du bien protège au milieu de sa lâcheté, me paraît, si je puis dire, plus à plaindre qu’à louer. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3
La deuxième cause de tels accidents est celle-ci. L’âme se trouve vide : nulle occupation, nul exercice spirituels. Elle n’essaye plus de vivre selon les disciplines de l’homme d’intérieur; et, sa continuelle torpeur dégénérant en habitude, elle s’enveloppe comme d’une rouille de paresse. Ou bien elle prend peu de garde aux influences des pensées mauvaises, et en vient à désirer si mollement le degré sublime de la pureté du coeur qu’elle fait consister toute la somme de la perfection et de la chasteté dans l’affliction de l’homme extérieur. Erreur et nonchalance qui ont une suite funeste. La multitude vagabonde des pensées fait irruption, avec une impudente audace, dans le secret de l’âme; bien plus, les semences y persévèrent de tous les vices passés. Or, tant que celles-ci demeurent cachées dans ses replis profonds, les jeûnes les plus rigoureux dont on châtie le corps, n’empêcheront pas les songes voluptueux de venir inquiéter le sommeil… C’est bien pourquoi il importe avant tout de réprimer les divagations de la pensée, de peur que l’âme ne s’accoutume à ces écarts, puis ne se laisse entraîner, durant le sommeil, jusqu’aux impressions plus regrettables du vice. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3
Il est, au demeurant, une chose dont il faut bien se persuader. Pourquoi ne devons-nous laisser subsister aucun des vices ? Parce que ses mouvements tumultueux occupent notre, esprit ! Sans doute. Mais pour ce motif aussi, que, non content d’exercer sa tyrannie indépendamment des autres, il introduit toute leur bande, plus cruelle que lui, et dévaste, en la livrant à mille tyrans, l’âme qui lui est sujette. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3
S’il faut vaincre la gourmandise, ce n’est pas à cause d’elle seulement, et de peur qu’elle ne nous corrompe par le poids des aliments; ce n’est même pas uniquement par crainte qu’elle n’allume en nous les feux de la concupiscence charnelle; mais c’est encore afin qu’elle ne nous mette pas en l’esclavage de la colère, de la fureur, de la tristesse et des autres vices. Que l’on nous serve, en effet, le boire et le manger en moindre quantité, ou trop tard, ou sans les soins convenables : si la tyrannie de la gourmandise nous domine, nous serons fatalement piqués aussi des aiguillons de la colère. D’autre part, impossible de se délecter dans les saveurs voluptueuses et d’échapper en même temps à la passion de l’argent, reine des apprêts superflus et dispendieux où se plaît la délicatesse. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3
Amour de l’argent, vaine gloire, superbe, toute la multitude des vices se tiennent par une indivisible société. L’un d’eux commence prendre force en nous : il est seul ? N’importe; il saura ménager la croissance des autres. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3
Et comment faudra-t-il entendre ce que dit de Lui l’Apôtre, qu’Il est venu dans la ressemblance de la chair du péché, si nous pouvons avoir aussi une chair exempte de la tache du péché ? Car c’est bien encore un privilège unique de Celui qui seul est sans péché, qu’Il veut exprimer dans ces paroles : Dieu a envoyé son Fils dans la ressemblance de la chair du péché (Rm 8,3). Prenant, dans sa vérité et son intégrité, la substance de notre chair, le Christ ne prit point avec elle le péché, mais seulement la ressemblance du péché. Ainsi, le mot ressemblance ne va pas contre la Vérité de la chair, selon le sens absurde de quelques hérétiques, mais regarde l’image du péché. Il avait une chair véritable; mais elle était sans péché, et portait seulement la ressemblance de la chair pécheresse. La première partie de la phrase affirme la réalité de la nature humaine; la deuxième concerne ses vices et ses moeurs. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 11
GERMAIN. — Beaucoup sont d’avis que cet endroit de l’Apôtre devrait s’entendre différemment. Il n’a pas parlé en son propre nom, affirment-ils, mais dans la personne des pécheurs qui voudraient s’abstenir des voluptés charnelles. Ils voudraient; cependant, prisonniers de leurs vices anciens, enchantés des passions se la chair, ils ne peuvent se contenir; l’habitude invétérée du mal les opprime sous une impitoyable tyrannie, qui ne leur permet pas de respirer l’air pur de la liberté et de la vertu. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 15
Et ce mot, dira-t-on qu’il convienne aux pécheurs : Je suis donc le même qui, par l’esprit, sers la loi de Dieu; et par la chair, la loi du péché (Rm 7,25) ? Il est manifeste qu’ils ne servent Dieu ni dans leur esprit ni dans leur corps. Et comment ceux qui pèchent de corps, serviraient-ils Dieu par l’esprit ? Le foyer des vices est engendré dans la chair par le coeur ! L’auteur même de l’une et l’autre substance le déclare, c’est là qu’est la source et l’origine du péché : C’est du coeur, dit-il, que procèdent les pensées mauvaises, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages (Mt 15,19), et le reste. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 1
Toutes ces misères semblent légères, et quasi sans l’ombre de péché, à plusieurs qui sont enfoncés dans des vices plus grossiers. Mais, pour ceux qui savent le bien de la perfection, une multitude de manquements, fussent-ils minimes, est chose extrêmement grave. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 5
En vérité, n’est-ce pas se rendre coupable, je ne dis pas seulement d’une faute légère, mais d’une impiété grave, si, tandis que l’on répand sa prière devant Dieu, on s’écarte de sa Présence, comme on ferait d’un aveugle et d’un sourd, pour suivre la vanité d’une folle pensée ? Mais ceux qui couvrent les yeux de leur coeur du voile épais des vices, et, selon la parole du Sauveur, en voyant ne voient pas, en entendant n’entendent ni ne comprennent (Mt 13,13), à peine aperçoivent-ils, dans les profondeurs de leur conscience, les péchés mortels : comment auraient-ils le pur regard qu’il faut pour discerner l’apparition insensible des pensées, ou les mouvements fugitifs et cachés de la concupiscence, qui blessent l’âme d’une pointe légère et subtile, ou les distractions qui les retiennent captifs ? Errant sur tous objets au gré d’une imagination sans retenue, ils n’ont pas l’idée de s’affliger, lorsqu’ils sont arrachés de la divine contemplation, qui est quelque chose d’infiniment simple. Mais quoi ? ils n’ont rien dont ils puissent déplorer la perte ! Ouvrant leur âme toute grande au flot envahissant des pensées, ils n’ont point, en effet, de but fixe auquel ils se tiennent sur toutes choses, et vers lequel ils fassent converger tous leurs désirs. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 6
GERMAIN. – Selon nous, ces textes ne conviennent pas plus à ceux qui vivent dans les péchés mortels, qu’à l’Apôtre ou aux parfaits qui ont atteint sa mesure. Proprement, ils doivent s’entendre de ceux qui, après avoir reçu la Grâce divine et connu la Vérité, désirent s’abstenir des vices charnels, mais se voient entraînés vers leurs convoitises invétérées, par la force d’une habitude ancienne qui domine tyranniquement dans leurs membres, telle une loi de nature. L’habitude et la répétition du mal deviennent, en effet, comme une loi naturelle. Inhérente aux membres de la faible humanité, celle-ci captive et emporte au vice les inclinations de l’âme insuffisamment formée aux pratiques de la vertu et, si l’on peut ainsi dire, de chasteté novice encore et tendre. Elle la soumet, en vertu de l’antique condamnation, à la mort et au joug tyrannique du péché, ne lui permettant pas d’atteindre au bien de la pureté qu’elle aime, mais la contraignant plutôt de faire le mal qu’elle déteste. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14
THÉONAS. – Vos idées ont déjà fait un sensible progrès. C’est vous-mêmes qui prétendez maintenant que ces paroles ne se comprendraient pas dans la personne des pécheurs absolus, mais conviennent proprement à ceux qui s’efforcent de s’abstenir des vices charnels. Après en avoir séparé les destinataires du nombre des pécheurs, vous en viendrez peu à peu jusqu’à les confondre parmi les fidèles et les saints. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 15
Enfin, si nous avons à coeur d’approfondir la question et de savoir plus exactement si l’impeccabilité est possible à la nature humaine, qui nous en instruira mieux que ceux qui ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises (Gal 5,24), et pour qui le monde est crucifié (Ibid., 6,14) véritablement ? Or, après avoir déraciné tous les vices de leur coeur; bien plus, alors qu’ils s’efforcent de bannir jusqu’à la pensée et au souvenir du péché : ils confessent tous les jours avec loyauté qu’ils ne peuvent rester sans la tache du péché, l’espace d’une heure seulement. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 20
ABRAHAM – Tous les vices n’ont qu’une même source et une identique origine. Mais, selon la partie, et, pour ainsi parler, le membre qui est vicié dans l’âme, elle reçoit les vocables divers des passions et maladies spirituelles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 15
Des choses visibles passant aux invisibles, nous pouvons bien croire que l’énergie des vices se trouve aussi localisée dans les différentes parties et, si l’on peut dire, les membres de l’âme. Or, les sages y distinguent trois facultés, la raisonnable, l’irascible et la concupiscible. L’une ou l’autre sera nécessairement altérée, toutes les fois que le mal nous attaquera. Lors donc que la passion mauvaise touche quelqu’une de ces puissances, c’est d’après l’altération qu’elle y détermine, que le vice particulier reçoit sa dénomination. Si la peste vicieuse infecte la partie raisonnable, elle y engendre la vaine gloire, l’élèvement, la superbe, la présomption, la contention, l’hérésie. Si elle blesse la partie irascible, elle enfante la fureur, l’impatience, la tristesse, la cruauté. Si elle corrompt la partie concupiscible, elle produit la gourmandise, l’impureté, l’amour de l’argent, les pernicieux et terrestres désirs. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 15
Si donc vous voulez connaître la source et l’origine du mal dont vous souffrez, sachez que c’est la partie raisonnable de votre âme qui a été blessée; car c’est d’elle que pullulent les vices de la présomption et de la vaine gloire. Et par conséquent, il faut traiter ce membre principal, si je puis dire, par le jugement de la discrétion et la vertu d’humilité : puisque c’est ensuite de son altération que, pensant être parvenus au sommet de la perfection et vous jugeant capables de former les autres, l’élèvement de la vaine gloire vous a emportés dans les futiles divagations que vous m’avez confessées. Il vous sera facile de retrancher toutes ces frivolités, lorsque vous serez une fois fondés, comme je viens de le dire, dans la vertu d’humilité. Alors, touchés de contrition, vous verrez quelle oeuvre laborieuse et malaisée c’est pour chacun de sauver son âme; et vous acquerrez la conviction profonde que, bien éloignés de pouvoir enseigner les autres, vous avez encore besoin vous-mêmes du secours d’un maître. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 16
Serviteurs bons et fidèles, prenez sur vous le joug du Seigneur, et apprenez de Lui qu’Il est doux et humble de coeur. Alors, déposant en quelque sorte le fardeau des passions terrestres, vous trouverez, par le Don de Dieu, non point la peine, mais le repos pour vos âmes. Il l’atteste par son prophète Jérémie : Tenez-vous sur les routes, et voyez; interrogez sur les sentiers d’autrefois, quelle est la voie du salut, et suivez-la; et vous trouverez le repos pour vos âmes (Ibid., 6,16). En vous aussitôt, les chemins tortueux seront redressés, les raboteux seront aplanis (Is 40,4). Vous goûterez et verrez que le Seigneur est bon (Ps 33,9). À la parole du Christ, dans l’Évangile : Venez à Moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et Je vous soulagerai (Mt 11,28), vous déposerez le poids écrasant de vos vices; puis, vous comprendrez les paroles qui suivent : Parce que mon Joug est doux, et mon fardeau léger (Ibid. 30). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 25
Et, pour rendre la chose plus évidente, à force de la répéter, tel aimait son épouse avec les emportements de la convoitise (cf. 1 Thess 4,5); il l’aime maintenant dans l’honneur de la sainteté et la vraie dilection du Christ : c’est la même et unique épouse, mais le prix de l’amour s’est élevé au centuple. Mettez encore en balance le trouble de la colère et de la fureur avec la constante douceur de la patience; le tourment des soucis et des préoccupations avec le repos de la tranquillité; la tristesse infructueuse du siècle présent, toute en souffrance, avec le fruit de la tristesse qui opère le salut : la vanité des satisfactions temporelles avec l’abondance de la joie spirituelle et, dans un tel échange, le centuple vous apparaîtra manifestement. De même, si l’on compare à la brève et fuyante volupté des vices le mérite de la vertu contraire, le bonheur se multiplie singulièrement de l’une à l’autre : preuve évidente que le prix de la vertu est aussi cent fois supérieur. Le nombre 100 s’obtient, en effet, en passant de la main gauche à la main droite; et bien que la figure formée par les doigts soit identique, la quantité signifiée a pourtant énormément grandi. À gauche, nous étions parmi les boucs; en passant à droite, nous sommes élevés au rang des brebis. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 26