Il embrasse aussi avec un égal amour la patience et la douceur. Les manquements des pécheurs n’irritent plus sa colère; mais plutôt implore-t-il leur pardon, pour la grande pitié et compassion qu’il ressent à l’endroit de leurs faiblesses. Ne se souvient-il pas d’avoir éprouvé l’aiguillon de passions semblables, jusqu’au jour qu’il plut à la divine miséricorde de l’en délivrer ? Ce ne sont pas ses propres efforts qui l’ont sauvé de l’insolence de la chair, mais la protection de Dieu. Dès lors, il comprend que ce n’est pas de la colère qu’il faut avoir pour ceux qui s’égarent, mais de la commisération; et, dans l’absolue tranquillité, de son coeur, il chante à Dieu ce verset : «C’est vous qui avez brisé mes chaînes, je vous offrirai un sacrifice d’action de grâces;» (Ps 115,16-17) et encore : «Si le Seigneur n’eût été mon soutien, peu s’en fallait que mon âme n’habitât l’enfer.» (Ps 93,17). Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 9
GERMAIN. — Vous nous avez entretenus de la charité parfaite; nous voudrions maintenant vous interroger librement sur la chasteté consommée. Car nous ne doutons pas que ces hauteurs sublimes d’amour, par où l’on s’élève, ainsi que vous l’avez montré jusqu’à présent, à l’image et ressemblance divine, ne puissent en aucune façon exister sans la perfection de la chasteté. Mais cette vertu peut-elle être si constante, que l’intégrité de notre coeur n’ait jamais à souffrir des séductions de la concupiscence ? Vivant dans la chair, pouvons-nous rester si éloignés des passions charnelles, que nous n’en ressentions jamais les atteintes ? Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 14
Voilà donc une vérité constante : personne n’arrive à la ferme possession de cette terre, hors ceux qui gardent les voies dures et les préceptes du Seigneur par la douceur inaltérable de la patience. Sa main les retirera de la fange et les élèvera au-dessus des passions charnelles. «Les doux posséderont la terre;», et non seulement ils la posséderont, mais «ils goûteront les délices d’une paix débordante.» (Ibid. 11). Les Conférences DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6
Au contraire, celui qui reste sujet dans sa chair aux guerres de la concupiscence, ne jouira point de cette paix d’une façon stable : Fatalement, les démons ne cesseront de lui livrer les plus cruels assauts, et blessé des traits enflammés de la luxure, il perdra la possession de sa terre, jusqu’au jour où le Seigneur «fera cesser les guerres jusqu’aux extrémités du monde, brisera l’arc et rompra les armes, et consumera par le feu les boucliers.» (Ps 45,10). Ce feu est celui que le Seigneur est venu apporter sur la terre. Les arcs et les armes qu’il brisera, sont ceux dont les puissances du mal se servaient contre cet homme dans une guerre incessante du jour et de la nuit, pour percer son coeur avec les traits des passions. Les Conférences DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6
Si quelqu’un mérite, par l’extinction des passions charnelles, d’atteindre à cette demeure de paix, poursuivant ses progrès il deviendra une Sion spirituelle, ce qui signifie tour d’observation de Dieu, et il sera aussi la demeure de Dieu. Car le Seigneur ne se trouve point parmi les batailles de la continence, mais il réside dans l’observatoire indéfectible des vertus. C’est là qu’il ne se contente plus d’émousser ou de contenir, mais qu’il a pour jamais brisé la puissances des ares, de ces ares d’où partaient jadis contre nous les traits enflammés de la volupté. Les Conférences DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11
Je ne parle pas de ces conduites secrètes et cachées dont l’âme des saints se voit l’objet à toute heure; de cette infusion céleste de la joie spirituelle qui relève l’esprit abattu et lui rend l’allégresse; de ces transports brûlants, de ces consolations enivrantes que la bouche ne peut dire et que l’oreille n’a pas entendues, qui souvent nous éveillent d’une torpeur inerte et stupide, comme d’un profond sommeil, pour nous faire passer à la prière la plus fervente. C’est bien là cette joie dont le bienheureux Apôtre dit : «L’oeil de l’homme n’a pas vu, son oreille n’a pas entendu, le secret pressentiment de son coeur n’a point deviné.» (1 Cor 2,9). Mais il parle de celui qui, rendu stupide par les vices terrestres, est resté homme, rivé aux passions humaines et incapable de rien apercevoir de ces divines largesses. De lui-même, au contraire, et de ceux qui, d’ores et déjà étrangers à la manière de vivre des hommes lui sont devenus semblables, il dit aussitôt : «Mais à nous, Dieu l’a révélé par son Esprit.» (Ibid. 10). Les Conférences DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 12
Tout d’abord, il ne faut pas croire que les philosophes soient jamais parvenus à la chasteté d’âme qui est exigée de nous; car songez à ce qui nous est enjoint : ce n’est pas seulement la fornication, c’est l’impureté même qui ne doit pas être nommée parmi nous ! Mais ils eurent une certaine chasteté partielle, qui consistait à pratiquer la continence extérieure, sans réprimer davantage les passions de la chair. Quant à la pureté intérieure de l’âme, à la pureté constante du corps, ils n’ont pu, je ne dirai pas l’obtenir en effet, mais en avoir seulement l’idée. Les Conférences TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 5
Ainsi, ce n’est pas nous seulement qui l’affirmons; ils le confessent eux-mêmes : ils se retiennent uniquement de consommer leurs passions, en se faisant violence; mais le mauvais désir et la volupté du vice ne sont point bannis de leur coeur. Les Conférences TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 5
Celui, au contraire, qui s’est dégagé de cette boue et de ces passions impures, doit l’observer spirituellement. C’est-à-dire qu’il se tiendra éloigné, non seulement des cérémonies idolâtres, mais de toute superstition païenne, des augures, des présages, de l’observation des signes, des jours et des temps; c’est-à-dire encore, sans aller si loin, qu’il ne s’engagera pas dans ces conjectures que l’on tire de certaines paroles ou de certains noms, et qui corrompent la simplicité de notre foi. Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 11
Sur ceux qui paraissent avoir quelque semblant de science, ou qui, tout en s’adonnant avec ardeur à lire les volumes sacrés et à les apprendre de mémoire, ne quittent point les vices de la chair, les Proverbes ont cette expression fort heureuse : «Comme d’un anneau d’or au nez d’un pourceau, ainsi en va-t-il de la beauté dans une femme de mauvaise vie.» (Pro 11,22). Car quel avantage pour l’homme de posséder les joyaux des célestes paroles et les beautés sans prix de l’Écritures, s’il s’enlise dans la boue par ses oeuvres et ses pensées ? Ne semble-t-il pas alors fouiller une terre immonde, y mettre en pièces ses trésors et les souiller dans le bourbier fangeux de ses passions impures ? La science est parure à qui en use bien. Mais que le sort est différent de ceux qui la profanent de cette sorte ! Dans leur fange, qu’elle fait encore plus profonde, elle se couvre d’éclaboussures à son tour. Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16
Si donc vous avez à coeur de respirer cet incorruptible parfum, travaillez de toutes vos forces à obtenir du Seigneur l’immaculée chasteté; car personne ne possède la science spirituelle, tant qu’il se laisse dominer par les désirs des passions charnelles, et surtout de l’impureté : «C’est dans le coeur qui est bon que la sagesse habite,» (Pro 14,33) et «celui qui craint le Seigneur trouvera la science avec la justice.» ((Ec 32,20). Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16
Lors donc que nous saisirons dans notre coeur ces marques du vice, reconnaissons que l’acte seulement du péché nous fait défaut, non le penchant mauvais. Mêlons-nous à la vie des autres hommes : aussitôt, ces passions sortiront des retraites de notre sensibilité. Preuve qu’elles ne naissent pa dans le moment qu’elles s’échappent impétueusement; mais qu’elles se révèlent enfin au grand jour, après être demeurées longtemps cachées. Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 12
GERMAIN. — Vous nous avez montré le remède des passions de la colère, de la tristesse et de l’impatience, dans la représentation des objets qui sont de nature à les contrarier. Nous voudrions être instruits pareillement du genre de traitement qu’il convient d’appliquer à l’esprit de fornication. Le feu de la concupiscence se peut-il éteindre, en lui proposant de plus grands sujets de l’exciter, comme dans les cas précédents ? Ce procédé, selon nous, serait assez nuisible à la chasteté, non seulement s’il s’agissait d’exagérer en nous les aiguillons de la passion, mais même si l’âme devait, ne fut-ce qu’en passant, poser son regard sur ces choses. Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 15
Au demeurant, nul autre chemin, pour atteindre à cet oubli, que l’abolition des tares et des passions de notre première vie, une parfaite et entière pureté de coeur. Qui néglige, par indolence ou mépris, de corriger ses vices, ne le connaîtra jamais. C’est la conquête privilégiée de celui qui, à force de gémissements, de soupirs et de sainte tristesse, aura réduit jusqu’à la moindre trace de ses souillures passées, et, du plus profond de son âme, criera en toute vérité vers le Seigneur : «J’ai fait connaître mon péché et je n’ai point couvert mon injustice»; (Ps 31,5) «Mes larmes sont ma nourriture jour nuit.» (Ps 41,4). Car voici la réponse qu’il méritera d’entendre : «Que ta voix cesse de gémir; et tes yeux, de pleurer : ton labeur aura sa récompense, dit le Seigneur.» (Jer 31,16). Et la Voix divine lui dira encore : «J’ai effacé comme une nuée tes iniquités, et tes péchés comme un nuage»; (Is 44,22) «C’est Moi, c’est Moi seul qui efface tes iniquités pour l’amour de Moi, et de tes péchés Je ne me souviendrai plus.» (Ibid. 43,25). Délivré «des liens de ses péchés, où chacun se trouve engagé»,(Pro 5,22) il chantera au Seigneur ce cantique d’actions de grâces : «Vous avez rompu mes liens, je vous offrirai un sacrifice de louange.» (Ps 115,16-17). Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 7
Il était encore dans la première adolescence, lorsque ses parents, animés d’un beau zèle, l’engagèrent d’autorité dans les liens du mariage. Leur religion, soucieuse de son innocence, prenait ses sûretés en vue de l’avenir; et, comme ils redoutaient pour lui les funestes entraînements de l’âge critique, ils crurent bien faire de prévenir les passions de la jeunesse par une légitime union. Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 1
Fatalement encore, celui-là demeure sous l’homicide empire du péché, qui réclame, avec la Loi, oeil pour oeil, dent pour dent, oui préfère haïr son ennemi. Tandis qu’il souhaite des représailles égales à l’offense et nourrit contre ses adversaires une haineuse amertume, les passions de la rage et de la colère le brûlent d’un feu inévitable. Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 33
GERMAIN. — Beaucoup sont d’avis que cet endroit de l’Apôtre devrait s’entendre différemment. Il n’a pas parlé en son propre nom, affirment-ils, mais dans la personne des pécheurs qui voudraient s’abstenir des voluptés charnelles. Ils voudraient; cependant, prisonniers de leurs vices anciens, enchantés des passions se la chair, ils ne peuvent se contenir; l’habitude invétérée du mal les opprime sous une impitoyable tyrannie, qui ne leur permet pas de respirer l’air pur de la liberté et de la vertu. Les Conférences DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 15
Non, vous n’avez pas encore renoncé aux désirs du monde, ni mortifié vos passions d’autrefois : vos pensées infirmes le font bien voir. La lâcheté de votre coeur se trahit au caprice de vos désirs vagabonds; c’est de corps seulement que vous avez entrepris ce lointain voyage et vous êtes séparés de vos parents, au lieu que vous deviez le faire en esprit. Toutes ces pensées seraient ensevelies déjà et complètement déracinées de votre coeur, si vous aviez compris le renoncement et pourquoi principalement nous demeurons dans la solitude. Mais je vois que vous souffrez de cette maladie de l’oisiveté que les Proverbes caractérisent ainsi : Tout oisif est plein de désirs (Prov 13,4); Les désirs tuent le paresseux (Ibid., 21,25). Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 2
ABRAHAM – Tous les vices n’ont qu’une même source et une identique origine. Mais, selon la partie, et, pour ainsi parler, le membre qui est vicié dans l’âme, elle reçoit les vocables divers des passions et maladies spirituelles. Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 15
Serviteurs bons et fidèles, prenez sur vous le joug du Seigneur, et apprenez de Lui qu’Il est doux et humble de coeur. Alors, déposant en quelque sorte le fardeau des passions terrestres, vous trouverez, par le Don de Dieu, non point la peine, mais le repos pour vos âmes. Il l’atteste par son prophète Jérémie : Tenez-vous sur les routes, et voyez; interrogez sur les sentiers d’autrefois, quelle est la voie du salut, et suivez-la; et vous trouverez le repos pour vos âmes (Ibid., 6,16). En vous aussitôt, les chemins tortueux seront redressés, les raboteux seront aplanis (Is 40,4). Vous goûterez et verrez que le Seigneur est bon (Ps 33,9). À la parole du Christ, dans l’Évangile : Venez à Moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et Je vous soulagerai (Mt 11,28), vous déposerez le poids écrasant de vos vices; puis, vous comprendrez les paroles qui suivent : Parce que mon Joug est doux, et mon fardeau léger (Ibid. 30). Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 25