Aussi le bienheureux Apôtre préfère-t-il la charité, non seulement à la crainte et à l’espérance, mais à tous les charismes, si grands et si merveilleux dans l’estime des hommes; et il la montre comme la voie excellente entre toutes sans comparaison. Après avoir achevé la liste des charismes spirituels, il se propose de décrire les manifestations diverses de la charité. Or, voici comme il commence : «Aussi bien, je vais vous montrer une voie excellente entre toutes. Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, que j’aurais le don de prophétie, connaîtrais tous les mystères et posséderais toute science; quand j’aurais la foi jusqu’à transporter les montagnes, que je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres et livrerais mon corps aux flammes : si je n’ai l’amour, tout ne me sert de rien.» (1 Cor 12,31). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 12
Prenons donc la peine de lui donner quelque nourriture. Le corps étant refait, l’esprit sera aussi plus appliqué à la question que vous désirez examiner. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 15
Que chacun s’anime d’ailleurs à sa conquête du même désir, du même amour, de la même impatiente ardeur qui se voient chez l’avare dévoré de la cupidité, chez l’ambitieux que possède la soif des honneurs, chez l’homme emporté par la violence intolérable d’une passion mauvaise. Brûlé d’un insatiable désir de la perpétuelle intégrité, il méprisera la nourriture, même désirable; la boisson, même nécessaire, lui donnera de l’aversion; il repoussera enfin le sommeil même qu’il doit à la nature, ou du moins ne le prendra qu’avec une âme toute saisie de crainte et en défiance contre un ennemi si perfide de la pureté, un adversaire si déclaré de la chasteté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 4
Qui n’admirerait en soi les oeuvres du Seigneur, lorsqu’il voit l’instinct de la gloutonnerie et la recherche dispendieuse autant que fatale des plaisirs de la bouche si parfaitement étouffés, qu’à peine prend-il encore à de rares intervalles et comme malgré soi une chétive et grossière nourriture ? Qui ne demeurerait saisi de stupeur devant les ouvrages de Dieu, en constatant que le feu de la volupté, qu’il considérait auparavant comme inhérent à la nature et en quelque sorte impossible à éteindre, s’est tellement refroidi en lui, qu’il n’éprouve plus dans sa chair le moindre mouvement, fut-ce le plus innocent ? Comment n’admirer pas avec tremblement la vertu divine, lorsqu’on voit des hommes cruels jadis et farouches, que même la soumission la plus insinuante exaspérait jusqu’au comble de la fureur, devenus des anges de douceur, tellement que, loin qu’ils s’émeuvent de l’injure, leur magnanimité souveraine va jusqu’à s’en réjouir ? Qui s’étonnerait devant les oeuvres de Dieu et s’écrierait du fond de son coeur: «J’ai connu que le Seigneur est grand,» (Ps 134,5) lorqu’il se voit lui-même, ou quelque autre, passé de l’extrême cupidité à la libéralité, de la prodigalité à une vie d’abstinence, de la superbe l’humilité, faisant succéder aux délicatesse et à la recherche un extérieur négligé et hirsute, embrassant volontairement la pénurie et la détresse et y plaçant sa joie ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 12
La conclusion manifeste de tout ceci, c’est que le principe des actes bons, mais aussi des bonnes pensées, est en Dieu, qui nous inspire le commencement de la bonne volonté, et nous donne encore la force et le moment favorable, pour accomplir nos saints désirs : «Tout don excellent, toute grâce parfaite vient d’en haut, et descend du Père des lumières» (Jac 1,17), qui commence, poursuit et consomme en tous tout bien. «Celui qui donne la semence au semeur, dit l’Apôtre, vous fournira aussi le pain pour votre nourriture; il multipliera votre semence, et fera croître les fruits de votre justice.» (2 Cor 9,10). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 3
Si nous attribuons à notre libre arbitre la gloire de nous conduire à la vertu parfaite et l’accomplissement des commandements de Dieu, comment pouvons-nous demander : «Affermis, ô Dieu, ce que tu as accompli en nous !» (ps 57,29); «Dirigez pour nous les oeuvres de nos mains !» (ps 89,17) ? — Balaam est payé pour maudire Israël, et nous voyons qu’il ne lui fut pas permis de remplir son désir. (cf. Nb 22,5 et ss.) — Dieu garde Abimélech, de peur qu’il ne touche Rebecca, et ne pèche contre lui (cf. Gn 20,6). — La jalousie de ses frères fait emmener Joseph au loin (cf. Ibid. 37, 28), pour ménager la descente des fils d’Israël en Égypte; ils méditaient un fratricide, et le secours va leur être préparé pour les jours de famine. C’est ce que Joseph lui-même leur découvre, après avoir été reconnu par eux : «N’ayez point peur, et ne vous affligez pas de m’avoir vendu, pour être conduit dans ce pays. C’est pour votre salut que Dieu m’a envoyé devant vous» (Gn 45,5); et un peu après : «Dieu m’a envoyé devant vous, afin que vous soyez gardés sur la terre, et que vous ayez de la nourriture pour vivre. Ce n’est point par votre conseil, mais par la volonté de Dieu que j’ai été envoyé. Il m’a fait comme le père du Pharaon, le seigneur de toute sa maison et le prince de toute la terre d’Égypte» (Ibid. 7,8). Et comme, après la mort de leur père, ils étaient en proie à la terreur, pour leur ôter tout soupçon de crainte, il leur dit : «N’ayez point peur. Est-ce que nous pouvons résister à la volonté de Dieu ? Vous avez médité de me faire du mal; mais Dieu l’a changé en bien, pour m’exalter, comme vous le voyez présentement, afin de sauver des peuples nombreux» (Ibid. 50,19-20). Pareillement, le bienheureux David déclare, dans le psaume 104, que toutes ces choses arrivaient par une conduite spéciale de Dieu : «Il appela la famine sur le pays, et il les priva de tout le pain qui les soutenait. Il envoya devant eux un homme; Joseph fut vendu comme esclave» (ps 104,16-17). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11
Une multitude énorme était venue pour saisir le Seigneur, avec des épées et des bâtons. Or, personne ne fut plus cruellement parricide contre l’Auteur de notre vie que le traître Judas, qui, prévenant tous les autres afin de lui offrir, en le saluant, un hypocrite hommage, lui donna le baiser d’une charité perfide. Et le Seigneur lui dit : «Judas, tu livres le Fils de l’homme par un baiser ? » (Lc 22,48) c’est-à-dire : Pour couvrir l’amertume de la persécution et de la haine, tu empruntes le signe fait pour exprimer la douceur du véritable amour ! Mais il exhale plus ouvertement et avec plus de véhémence la violence de sa douleur par la bouche du prophète : «Si c’était un ennemi qui m’eût outragé, je l’aurais supporté; et si c’était celui qui m’avait en haine qui se fût élevé contre moi dans ses paroles, je me serais caché de lui. Mais toi, tu n’avais qu’une âme avec moi; tu étais mon guide et mon ami; tu partageais avec moi une douce nourriture; nous allions de concert dans la maison de Dieu !» (Ps 54,13-15). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 18
Étant de mauvaise humeur ou en colère, ils s’abstiennent opiniâtrement de nourriture. J’ai honte de le dire : voilà des hommes qui, tandis qu’ils sont paisibles, prétendent ne pouvoir différer leur réfection jusqu’à la sixième heure, ou tout au moins jusqu’à la neuvième. Mais, lorsque la tristesse ou la fureur les enivre, ils demeurent insensibles au jeûne, même prolongé jusqu’à deux jours. Le manque de nourriture devrait les épuiser; ils le supportent en se rassasiant de colère. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 19
Il se rend faible avec les faibles, lorsque, par condescendance et non comme donnant un ordre, il concède à ceux qui ne peuvent se contenir, de revenir à la vie conjugale; ou quand il donne aux Corinthiens du lait à boire, non de la nourriture solide, vivant parmi eux dans la crainte et dans un grand tremblement. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 20
Soyons vigilants, et nos ennemis intérieurs ne pourront plus nous blesser. Les gens de notre maison cessant de nous combattre, notre âme pacifiée possédera le royaume de Dieu. À bien prendre les choses, un autre homme ne saurait m’atteindre, quelque malice qu’il déploie, si mon coeur inapaisé ne me met en guerre contre moi-même. Suis-je blessé ? La faute n’en est pas à l’attaque d’autrui, mais à mon impatience. Ainsi en va-t-il de la nourriture forte et solide, bonne à qui est en santé, pernicieuse au malade. Elle ne peut faire mal à qui la prend, à moins qu’elle ne trouve dans sa faiblesse la force de nuire. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16
Si jamais personne se plut dans le secret de la solitude, au point d’oublier le commerce des hommes et de pouvoir dire avec Jérémie : «Je n’ai pas désiré le jour de l’homme, vous le savez,» (Jer 17,16) j’avoue que le Seigneur me fit la grâce de m’établir dans cette disposition, ou de m’efforcer au moins d’y parvenir. Je me souviens d’avoir été souvent ravi en de tels transports, par une faveur toute miséricordieuse de notre Seigneur, que j’en oubliais le fardeau de ce corps de fragilité. Mon âme s’isolait tout à coup des sens extérieurs, et sen allait si loin du monde matériel, que ni mes yeux ni mes oreilles ne s’acquittaient plus de leur fonction. La pensée des choses de Dieu et la contemplation spirituelle remplissaient mon coeur à tel point, que fréquemment, je ne savais, le soir, si j’avais pris de la nourriture durant le jour, et restais incapable de décider, le lendemain, si j’avais rompu le jeûne le jour d’auparavant. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 4
C’est de faits analogues qu’est venue la pratique de mettre en réserve, le samedi, dans une petite corbeille à main, la nourriture de la semaine, c’est-à-dire quatorze pains; en sorte que, si le solitaire oublie sa réfection, il puisse s’en apercevoir. Cette coutume a l’avantage encore que prévenir une autre erreur. Lorsque le pain est consommé, c’est le signe que la semaine est écoulée, et que le jour du Seigneur est arrivé. Ainsi, le solitaire est infailliblement averti de se rendre à l’assemblée des frères, pour en célébrer la solennité. Si les transports dont j’ai parlé viennent à troubler ce calcul, le travail quotidien offre un moyen nouveau de compter les jours et d’écarter toute erreur. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 4
Mais, pour la vie anachorétique, passons sur les flots de l’élèvement spirituel et le péril mortel de la vaine gloire; et revenons au commun fardeau de tous, je veux dire au souci de pourvoir à sa nourriture. À quels excès n’en est-on pas venu ? Les limites sont bien dépassées de l’antique austérité, laquelle ignorait absolument l’usage de l’huile. Que dis-je ? on ne se contente même plus de la mesure introduite par le relâchement de notre temps ! Un setier d’huile, un boisseau de lentilles suffisaient pour toute une année à la réception des hôtes. On a doublé, triplé la mesure, et c’est à peine si l’on peut vivre. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 6
Mais l’intelligence que vous devez à la nature et l’étude infatigable des Écritures sacrées vous ont rendu, je n’en doute pas, ces vérités familières; elles furent votre nourriture, au temps de votre jeune conversion. Du reste, ce n’est pas de la nature de la pénitence que vous êtes curieux, mais de sa fin et du signe de la satisfaction. Avec une rare sagacité vous faites justement porter votre interrogation sur les points que les autres ont laissé de côté. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 4
Au demeurant, nul autre chemin, pour atteindre à cet oubli, que l’abolition des tares et des passions de notre première vie, une parfaite et entière pureté de coeur. Qui néglige, par indolence ou mépris, de corriger ses vices, ne le connaîtra jamais. C’est la conquête privilégiée de celui qui, à force de gémissements, de soupirs et de sainte tristesse, aura réduit jusqu’à la moindre trace de ses souillures passées, et, du plus profond de son âme, criera en toute vérité vers le Seigneur : «J’ai fait connaître mon péché et je n’ai point couvert mon injustice»; (Ps 31,5) «Mes larmes sont ma nourriture jour nuit.» (Ps 41,4). Car voici la réponse qu’il méritera d’entendre : «Que ta voix cesse de gémir; et tes yeux, de pleurer : ton labeur aura sa récompense, dit le Seigneur.» (Jer 31,16). Et la Voix divine lui dira encore : «J’ai effacé comme une nuée tes iniquités, et tes péchés comme un nuage»; (Is 44,22) «C’est Moi, c’est Moi seul qui efface tes iniquités pour l’amour de Moi, et de tes péchés Je ne me souviendrai plus.» (Ibid. 43,25). Délivré «des liens de ses péchés, où chacun se trouve engagé»,(Pro 5,22) il chantera au Seigneur ce cantique d’actions de grâces : «Vous avez rompu mes liens, je vous offrirai un sacrifice de louange.» (Ps 115,16-17). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 7
Aussi ne voit-on pas que personne ait jamais été condamné pour avoir pris de la nourriture, à moins d’une circonstance qui, dans le moment, ou immédiatement après, l’ait rendu condamnable. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 13
Cela seut manifeste bien clairement que le jeune est chose indifférente : qu’il justifie, si on l’observe; mais ne damne pas, si on le rompt, sauf le cas où la transgression d’un précepte, plutôt que l’usage de la nourriture, réclamerait un châtiment. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14
Des exemples. Voici venir un frère. C’est le Christ qu’en sa Personne nous devons hospitaliser, et recevoir avec la plus aimable charité. Mais on préfère observer strictement le jeûne. N’est-ce pas là encourir le reproche d’inhumanité, plutôt que s’acquérir la gloire et le mérite de la dévotion ? — Ou bien l’épuisement et la faiblesse du corps exigent des aliments, pour qu’il puisse réparer ses forces. Cependant, tel ne consent point à fléchir la rigueur de son abstinence. Ne faudra-t-il pas l’estimer cruel, et homicide de lui-même, plutôt que soucieux de son salut ? — De même encore, il se trouve qu’une fête invite à une trêve d’abstinence, et, en concédant un usage raisonnable de la nourriture, permet une réfection d’ailleurs nécessaire. Quelqu’un s’obstine, néanmoins dans l’observance rigide et ininterrompue de ses jeûnes. On le taxera moins de religion que de sottise et de déraison. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14
Nous lisons dans l’Évangile que les Pharisiens jeûnaient, et les disciples de Jean aussi, tandis que les apôtres, comme amis et convives du céleste époux, n’avaient point la même pratique. Or, les disciples de Jean pensaient bien tenir dans leur jeûne la somme de la justice. Est-ce qu’ils ne suivaient pas la trace de cet extraordinaire prédicateur de la pénitence, modèle à tous les peuples par l’exemple de sa vie, qui ne se refusait pas seulement les mets variés dont les hommes font usage, mais ignorait le pain lui-même, qui forme la nourriture commune de tous ? Ils se plaignent donc au Seigneur : Pourquoi, tandis que nous et les Pharisiens, nous jeûnons fréquemment, vos disciples ne jeûnent-ils pas ? (Mt 9,14). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 18
Hélas ! il n’est point de fête dont la joie puisse étouffer les aiguillons de la chair. Nous avons en elle un adversaire farouche, que ne sait point adoucir la révérence due aux plus saints des jours. Il est possible toutefois de conserver aux fêtes la solennité fixée par la coutume, sans outrepasser la mesure d’une salutaire parcimonie. Il suffira de ne pas laisser franchir à l’indulgence et aux douceurs les limites suivantes : la nourriture que nous réservions pour la neuvième heure, nous la prendrons un peu plus tôt, c’est-à-dire à la sixième heure, étant donné le caractère festif du temps, mais nous ne changerons rien à la mesure accoutumée ni à la qualité, de crainte que la pureté de corps et l’intégrité d’âme conquises par l’abstinence du carême, ne se perdent par les mitigations de la Pentecôte, et qu’il ne nous serve de rien d’avoir obtenu par le jeûne ce qu’une imprudente satiété ne tarderait pas à nous arracher. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 23
Ainsi, point d’extra, ni pour la qualité ni pour la quantité de la nourriture. Les mets dont la privation gardait notre pureté sans atteinte aux jours ordinaires, proscrivons-les également durant les jours les plus solennels, de peur que l’allégresse de la fête, en nous suscitant les combats de la chair, ne se change en deuil, et ne fasse s’évanouir la fête plus excellente de l’esprit, qui consiste dans la joie triomphante de l’innocence parfaite. Après la joie charnelle, si brève et si vaine, nous devrions pleurer, dans les longues afflictions de la pénitence, notre pureté perdue. Non, non ! tâchons, au contraire, que l’exhortation du prophète ne nous soit pas adressée en vain : Célèbre, ô Juda, tes fêtes, accomplis tes voeux. (Nah 1,15). Si les solennités qui viennent interrompre le cours ordinaire du temps, ne changent rien à la continuité de notre abstinence, nous jouirons de fêtes spirituelles sans trêve, et, cessant de cette sorte toute oeuvre servile, nous irons de nouvelle lune en nouvelle lune et de sabbat en sabbat. (Is 46,23). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 23
Nos pères nous ont appris trois causes de ces attaques : l’excès de nourriture, le défaut de vigilance, la ruse et l’illusion de l’ennemi. C’est d’abord le vice de la gourmandise. Si l’on voit sa pureté ternie dans un temps de plus stricte abstinence, la cause n’en est pas comme vous le pensez, dans les privations de l’heure présente, mais dans les excès passés. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3
Le cas serait différent, s’il y avait de notre faute. Il faut alors comme citer en justice notre conscience, songeant avec tremblement à ces paroles de l’Apôtre : Celui qui mangera le pain et boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du Corps et du Sang du Seigneur. Que l’homme donc s’éprouve lui-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Celui qui mange le pain et boit le calice du Seigneur, indignement, mange et boit sa propre condamnation, parce qu’il ne discerne pas le Corps du Seigneur (1 Co 11,27-29); c’est-à-dire, parce qu’il ne distingue pas cette nourriture céleste des aliments communs et vils, parce qu’il ne sait pas discerner qu’il n’est loisible de la recevoir qu’avec une âme et un corps purs. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 5
La science des médecins spirituels s’appliqua d’abord à considérer la première cause de semblables maladies, qui consiste dans l’excès de nourriture. Mais ils n’en découvrent point de trace en lui. Son austérité bien connue, cette circonstance particulière, qu’il n’est éprouvé qu’aux jours de solennités, leur défendent de s’arrêter à cette pensée. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 6
Il fut tenté, à notre image, d’abord de gourmandise. Le rusé serpent, selon l’ordre qu’il avait suivi jadis en séduisant Adam, compte sur la faim du Seigneur, et s’efforce de Le jouer par le désir de la nourriture : Si Tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres se changent en pains (Mt 4,3). Mais la tentation ne donne point chez Lui d’ouverture au péché; bien que ce miracle Lui fût possible indubitablement, Il repousse la nourriture que Lui propose l’artisan de mensonges : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la Bouche de Dieu (Ibid., 4). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 10
Il avait la ressemblance de la chair du péché, lorsque, tel un homme ignorant et inquiet pour sa nourriture, Il demandait : Combien avez-vous de pains ? (Mc 6,38) Mais, comme sa Chair n’était point sujette au péché, son Esprit ne l’était pas non plus à l’ignorance. Aussi, l’Évangéliste ajoute-t-il aussitôt : Il dit cela pour l’éprouver, car Il savait, Lui, ce qu’Il devait faire (Jn 6,6). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 11
De qui pourra-t-on croire, fût-il de tous les justes et les saints le plus éminent, qu’il ait réussi, dans les liens de ce corps mortel, à posséder immuablement le bien souverain, ne s’écartant jamais de la contemplation divine, ne se laissant point distraire un instant, par les pensées terrestres, de Celui qui seul est bon ? Quelqu’un s’est-il rencontré, qui ne prit aucun souci de la nourriture, du vêtement ni des autres nécessités charnelles ? qui ne fût jamais préoccupé de la réception des frères, d’un changement de séjour, de la construction d’une cellule, jusqu’à désirer le secours des hommes, ou tomber, par un sentiment trop vif de sa détresse, sous le reproche du Seigneur : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez (Mt 6,25) Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 5
Pour soigneux et vigilant que l’on soit, il est impossible d’éviter cette dissipation, et même de s’en apercevoir, à moins de se tenir constamment cloîtré, corps et âme, entre les murs de sa cellule. Je suppose quelque pêcheur spirituel, qui chercherait sa nourriture selon la méthode apprise des apôtres. Attentif et sans mouvement, il guette dans les profondeurs tranquilles de son coeur la troupe nageante de ses pensées. Comme d’un écueil surplombant, il plonge jusqu’au fond un regard avide, et discerne d’un oeil sagace celles qu’il doit, avec sa ligne, tirer jusqu’à soi, celles aussi qu’il laissera de côté et écartera, tels des poissons mauvais et dangereux. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 3
Mais quel obstacle à notre propos, si, délivrés par leur complaisance de toute sollicitude à l’endroit de la nourriture, nous nous donnions tout entiers à la lecture et à la prière ? Le travail auquel nous nous livrons ici, nous est une distraction; supprimé, nous pourrions nous appliquer avec plus de force aux seuls exercices spirituels. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 10
Non plus qu’à vous, l’assistance de nos parents ne nous eût fait défaut. Cependant, nous avons préféré à toutes les richesses la nudité où vous nous voyez. Plutôt que de nous appuyer sur leur secours, nous avons mieux aimé gagner de nos sueurs la nourriture quotidienne de notre corps. Pénurie laborieuse, mais qui nous a paru supérieure à la vaine méditation des Écritures et aux lectures infructueuses que vous prônez si fort. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 12