Si nous attribuons à notre libre arbitre la gloire de nous conduire à la vertu parfaite et l’accomplissement des commandements de Dieu, comment pouvons-nous demander : «Affermis, ô Dieu, ce que tu as accompli en nous !» (ps 57,29); «Dirigez pour nous les oeuvres de nos mains !» (ps 89,17) ? — Balaam est payé pour maudire Israël, et nous voyons qu’il ne lui fut pas permis de remplir son désir. (cf. Nb 22,5 et ss.) — Dieu garde Abimélech, de peur qu’il ne touche Rebecca, et ne pèche contre lui (cf. Gn 20,6). — La jalousie de ses frères fait emmener Joseph au loin (cf. Ibid. 37, 28), pour ménager la descente des fils d’Israël en Égypte; ils méditaient un fratricide, et le secours va leur être préparé pour les jours de famine. C’est ce que Joseph lui-même leur découvre, après avoir été reconnu par eux : «N’ayez point peur, et ne vous affligez pas de m’avoir vendu, pour être conduit dans ce pays. C’est pour votre salut que Dieu m’a envoyé devant vous» (Gn 45,5); et un peu après : «Dieu m’a envoyé devant vous, afin que vous soyez gardés sur la terre, et que vous ayez de la nourriture pour vivre. Ce n’est point par votre conseil, mais par la volonté de Dieu que j’ai été envoyé. Il m’a fait comme le père du Pharaon, le seigneur de toute sa maison et le prince de toute la terre d’Égypte» (Ibid. 7,8). Et comme, après la mort de leur père, ils étaient en proie à la terreur, pour leur ôter tout soupçon de crainte, il leur dit : «N’ayez point peur. Est-ce que nous pouvons résister à la volonté de Dieu ? Vous avez médité de me faire du mal; mais Dieu l’a changé en bien, pour m’exalter, comme vous le voyez présentement, afin de sauver des peuples nombreux» (Ibid. 50,19-20). Pareillement, le bienheureux David déclare, dans le psaume 104, que toutes ces choses arrivaient par une conduite spéciale de Dieu : «Il appela la famine sur le pays, et il les priva de tout le pain qui les soutenait. Il envoya devant eux un homme; Joseph fut vendu comme esclave» (ps 104,16-17). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11
Ainsi donc, n’arrêtons pas notre pensée sur la ruine du solitaire qui tomba, dans ce désert fameux, d’une si lugubre chute, ni sur une infamie que du reste il sut remarquablement effacer par la suite dans les larmes de la pénitence. Mais aimons à considérer plutôt l’exemple du bienheureux Paphnuce. Au lieu de trouver un sujet de scandale dans le péché du premier, chez qui un zèle mal tourné pour la religion vint ajouter au vice antique de la jalousie, imitons de toutes nos forces l’humilité du second. Celle-ci ne fut pas un fruit spontané du désert; mais, acquise parmi la société des hommes, elle se développa et parvint à son achèvement dans la solitude. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16
Aussi le sage dit-il fort justement à leur propos : «Si le serpent mord sans siffler, l’enchanteur ne sert de rien.» (Ec 10,11). Ce sont là, en effet, ces morsures secrètes, les seules auxquelles la médecine des sages ne puisse apporter remède. Jusqu’à quel point ce mal n’est-il pas incurable ! Les caresses l’exaspèrent, les bons procédés l’augmentent, les présents l’irritent : «L’envie, dit encore Salomon, ne peut rien souffrir.» (Pro 27,4). Plus le prochain grandit par les abaissements de l’humilité, la vertu de patience ou la gloire de la munificence; plus l’envieux se sent blessé des aiguillons de sa passion. C’est la ruine de son frère, c’est sa mort qu’il voudrait, et rien d’autre. Voyez les fils de Jacob. La soumission de Joseph innocent était loin d’apaiser le feu de leur jalousie : «Ses frères le jalousaient, rapporte l’Écriture, parce que son père l’aimait; et ils ne pouvaient lui dire une parole pacifique.» (Gen 37,4). Les choses en vinrent à tel point, que leur rage, impatiente de ses complaisances et de ses soumissions, et avide de sa mort, put à peine se satisfaire en le vendant comme esclave. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16
Par ailleurs, il ne faut pas s’émouvoir de ce que Dieu menace d’envoyer des basilics, pour mordre ceux dont les crimes l’offensent. Assurément, il n’est point l’auteur de l’envie. Toutefois, selon l’ordre providentiel, les dons excellents sont accordés aux humbles, refusés aux superbes et aux réprouvés. N’est-ce point dès lors une chose équitable et digne de ses jugements, que l’envie semble un fléau parti de sa Main, pour mordre et consumer ceux qui méritent d’être livrés «à leur sens réprouvé», (Rom 1,28) selon l’expression de l’Apôtre ? C’est ce qu’expriment ces paroles : «Ils ont piqué ma jalousie, en aimant ce qui n’est pas Dieu; et Moi, Je piquerai leur jalousie, en aimant ce qui n’est pas un peuple.» (Dt 1,28). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16
Près de trois années s’écoulèrent dans ce labeur et cette humiliante sujétion après lesquels il avait soupiré, trois années de joie; lorsque survint d’aventure un frère de sa connaissance, parti de la même contrée de l’Égypte qu’il avait lui-même quittée. Celui-ci le reconnut sans peine et sur-le-champ; mais les vêtements dont il le voyait couvert, un office si bas le firent hésiter longtemps. Après l’avoir bien observé, tous ses doutes s’évanouirent, et incontinent il tomba à ses genoux. De prime abord, ce fut parmi les frères une grande stupeur; mais, lorsqu’il eut dit le nom de celui qu’il vénérait ainsi, nom que le bruit d’une sainteté si éminente avait publié jusque chez eux, l’étonnement fit place à la douleur. Ils ne pouvaient assez regretter d’avoir appliqué à des emplois si vils un homme de ce mérite, et de plus, honoré du sacerdoce. Pinufe, cependant, versait d’abondantes larmes, et imputait à la jalousie du démon la disgrâce de cette trahison. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 1
Voulons-nous accomplir efficacement tout le sens du susdit verset ? Armons-nous de prudence, de soin, d’industrieuse vigilance, pour défendre le premier éveil de nos pensées matinales, de peur que la jalousie de l’ennemi, prompte à s’en emparer, n’y porte quelque flétrissure, et ne fasse rejeter nos prémices par le Seigneur, comme viles désormais et banales. S’il n’est prévenu par la plus délicate circonspection, il se gardera lui-même de quitter ses criminelles manoeuvres, et c’est journellement qu’il nous préviendra de ses ruses. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 26
Reste enfin la troisième cause. Par une pratique régulière et vigilante de l’abstinence, par la contrition du coeur et du corps, nous souhaitons d’acquérir la perpétuelle pureté de chasteté. Mais, tandis que nous prenons un soin si méritoire du bien du corps et de l’esprit, la jalousie perfide de l’ennemi imagine cette tactique savante. Abattre notre confiance, et nous humilier comme par une faute véritable : tel est son but. Là-dessus, il choisit particulièrement les jours où nous désirons plaire davantage à la divine Présence par une intégrité plus parfaite, pour souiller notre corps, afin de nous détourner de la très sainte communion. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3