Cassiano: faiblesse

Humblement, nous lui demandâmes de nous accorder un entretien et de nous communiquer sa doctrine, protestant que le désir de connaître les règles de la vie spirituelle faisait tout le sujet de notre visite. Sur quoi, il poussa un profond soupir : «Quel enseignement, dit-il, vous pourrais-je donner ? La faiblesse de l’âge, en me forçant de relâcher la rigueur d’autrefois, m’ôte en même temps la hardiesse de parler. Comment aurais-je la présomption d’enseigner ce que je ne fais pas moi-même, et d’instruire les autres à des pratiques où je me vois si peu exact et si tiède ? C’est pourquoi je n’ai point permis qu’aucun des jeunes solitaires demeurât avec moi jusqu’à l’âge où je suis, de peur que mon exemple n’eût pour effet de relâcher l’austérité d’autrui. La parole du maître n’a force et autorité, que si la vertu de ses actions l’imprime au coeur de celui qui écoute.» Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 4

Oh ! recourons alors à l’auteur de notre intégrité. Reconnaissons et avouons notre faiblesse : «Seigneur, c’est par un effet de votre volonté, non de la mienne, que vous m’avez affermi dans l’état florissant où j’étais; vous avez détourné votre face, et j’ai été rempli de trouble.» (Ps 29,8). Disons encore avec le bienheureux Job : «Quand j’aurais été lavé dans l’eau de neige et que mes mains éclateraient dans leur blancheur immaculée, vous me plongeriez dans la fange, et mes vêtements m’auraient en horreur.» (Job 9,30-31). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6

Bien plus, c’est pour notre bien que nous nous sentons parfois détournés de nos exercices spirituels. Tandis que l’élan de notre course se trouve, malgré nous, entravé, et que nous donnons quelque relâche à la faiblesse de la chair, nous assurons, sans le vouloir, notre persévérance future. Le bienheureux Apôtre a quelque chose de semblable au sujet de cette conduite divine : «Par trois fois, dit-il, je priai le Seigneur que cet ange de Satan s’éloignât de moi; et il me répondit : Ma grâce te suffit, car c’est dans la faiblesse que ma force se montre tout entière !» (2 Co 12,8-9) et de nouveau : «Nous ne savons pas ce qu’il faut demander !» (Rm 8,26) Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6

La divine Écriture confirme l’existence de notre libre arbitre : «Garde ton coeur, dit-elle, en toute circonspection.» (Pro 4,23) Mais l’Apôtre manifeste son infirmité. «Que le Seigneur garde vos coeurs et vos intelligences dans le Christ Jésus.» (Phil 4,7) — David énonce sa vertu, lorsqu’il dit : «J’ai incliné mon coeur à observer tes commandements;» (ps 118) mais il enseigne aussi sa faiblesse, lorsqu’il fait cette prière : «Incline mon coeur vers tes enseignements, et non vers l’avarice;» (Ibid. 36) et de même Salomon : «Que le Seigneur incline vers lui nos coeurs, afin que nous marchions dans toutes ses voies, et que nous gardions ses commandements, ses cérémonies et ses jugements.» (3 Rois 8,58) — C’est la puissance de notre liberté que désigne le psalmiste, en disant : «Préserve ta langue du mal, et tes lèvres des paroles trompeuses;» (ps 33,14) mais nous attestons son infirmité dans cette prière : «Place, Seigneur, une garde à ma bouche, une sentinelle à la porte de mes lèvres.» (ps 140,3) — Le Seigneur déclare ce dont est capable notre volonté, lorsqu’il dit : «Détache les chaînes de ton cou, captive, fille de Sion» (Is 52,2); d’autre part, le prophète chante sa fragilité : «C’est le Seigneur qui délie les chaînes des captifs» (ps 145,7), et : «C’est toi qui as brisé mes chaînes; je t’offrirai un sacrifice d’action de grâces.» — Nous entendons le Seigneur nous appeler, dans l’Évangile, afin que, par un acte de notre libre arbitre, nous nous hâtions vers lui : «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai» (Mt 11,28); mais il proteste aussi de la faiblesse de l’humaine volonté, en disant : «Personne ne peut venir à moi, si le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire.» (Jn 6,44) L’Apôtre révèle notre liberté dans ces paroles : «Courez de même, afin de remporter le prix» (1 Co 9,24) ; mais saint Jean le Baptiste atteste sa fragilité lorsqu’il dit : «L’homme ne peut rien prendre de lui-même, que ce qui lui a été donné du ciel.» (Jn 3,27) — Un prophète nous ordonne de garder notre âme avec sollicitude : «Prenez garde à vos âmes» (Jér 17,21), mais le même Esprit fait dire à un autre prophète : «Si le Seigneur ne garde la cité, celui qui la garde veille inutilement.» (ps 126,1) — L’Apôtre, écrivant aux Philippiens, leur dit, pour souligner leur liberté : «Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement» (Phil 2,12); mais il ajoute, pour leur en faire voir la faiblesse : «C’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le parfaire, de par son bon plaisir» (Ibid. 13). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 10

Tel encore ce que dit l’Apôtre : «Ainsi donc, que celui qui pense être ferme, prenne garde de tomber. Aucune tentation ne vous survient qui ne soit humaine. Et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces; mais avec la tentation, il ménagera aussi une heureuse issue, afin que vous puissiez la supporter» (Co 10,12-13). Par ces paroles : «Que celui qui pense être ferme, prenne garde de tomber», il rend leur liberté vigilante; car il sait bien qu’il dépend d’elle, ou de rester debout par son zèle, ou de tomber par sa négligence. Lorsqu’il poursuit : «Aucune tentation ne vous survient qui ne soit humaine,» il leur reproche la faiblesse et l’inconstance qui se voient dans les âmes non encore robustes, et les rendent impropres à subir l’assaut des puissances du mal, contre lesquelles il lutte lui-même chaque jour, ainsi que les parfaits dont il parle aux Éphésiens : «Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les chefs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l’air» (Ép 6,12). En ajoutant : «Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces», il ne souhaite point du tout que le Seigneur empêche la tentation, mais qu’ils ne soient pas tentés au delà de ce qu’ils peuvent supporter. Que la tentation soit permise, voilà qui prouve le pouvoir de la liberté humaine; qu’ils ne soient pas tentés au delà de leurs forces, ceci montre, au contraire, la grâce du Seigneur modérant les assauts de la tentation. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 14

Tous ces faits confirment que la grâce divine excite le libre arbitre, mais ne le protège ni ne le défend, de manière qu’il n’ait plus à faire effort par lui-même, pour lutter contre ses ennemis spirituels. Vainqueur, l’homme reconnaîtra la grâce de Dieu; vaincu, sa faiblesse. Ainsi apprendra-t-il à ne pas compter sur sa propre force, mais toujours sur le secours divin, et à recourir sans cesse à son protecteur. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 14

C’est ce qui arriva, comme il nous souvient, pour l’officier royal de l’Évangile. Persuadé qu’il sera plus facile de guérir son fils malade que de le ressusciter une fois mort, il supplie, il presse le Seigneur de daigner le suivre : «Seigneur, descendez avant que mon fils ne meure» (Jn 4,49). Et le Christ, qui a pourtant blâmé son incrédulité : «Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croyez pas» (Ibid. 48), ne se règle pas sur la faiblesse de cette foi, pour déployer la grâce de sa divinité. Il chasse la fièvre qui menait le malade à la mort, non par sa présence — la foi de l’officier n’allait pas plus loin —, mais par le verbe de sa puissance : «Va, ton fils vit» (Ibid. 50). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 16

Il faut bien se le persuader: celui-là montre le plus de force, qui soumet sa volonté à celle de son frère, et non celui qui est le plus opiniâtre à défendre et garder son sentiment. Par le support et la patience, le premier mérite de compter parmi les trempes saines et robustes; le second, au contraire, se range parmi les faibles et, si l’on peut dire, les malades, C’est un homme à qui l’on doit prodiguer caresses et douceurs. Parfois même, il sera bon de prendre quelque relâche dans les choses nécessaires, afin qu’il demeure tranquille et en paix. Que l’on ne croie pas, du reste, ôter, ce faisant, à sa propre perfection. Tant s’en faut : le bien de la longanimité et de la patience fait qu’on a profité beaucoup plus. C’est, en effet, le précepte de l’Apôtre : «Vous qui êtes forts, supportez les faiblesses de ceux qui sont infirmes.» (Rom 15,1). Il dit encore : «Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ.» (Gal 6,2). Jamais le faible ne supportera le faible, ni le malade ne pourra endurer ou guérir le malade. Mais celui-là peut apporter le remède au faible, qui n’est pas lui-même soumis à la faiblesse. Autrement, on aurait sujet de dire : «Médecin, guéris-toi toi même.» (Lc 4,23). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 23

Mais il estime que la colère doit être tenue secrète, si, par une fatalité inhérente à l’humaine faiblesse, elle vient à faire irruption dans l’âme, afin que, sagement cachée sur l’heure, elle disparaisse pour toujours. Telle est, en effet, sa nature différée, elle languit et meurt; manifestée, elle s’enflamme de plus en plus. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 27

JOSEPH — Les occasions et les causes de perdition ne manqueront jamais à ceux qui doivent, ou plutôt qui désirent se perdre. Il ne faut pas rejeter, ni rayer du corps des Écritures, les témoignages qui animent la perversité des hérétiques, endurcissent le juif dans son infidélité ou choquent l’enflure de la sagesse païenne; mais les croire religieusement, les tenir immuablement, les prêcher selon la vérité du sens littéral. Nous n’avons pas le droit, sous le beau prétexte de l’infidélité d’autrui, de renier les actions des prophètes et des saints racontées par l’Écriture. En croyant devoir condescendre à la faiblesse des incrédules, nous nous rendrions coupables de mensonge, et qui plus est, de sacrilège. Mais il faut les avouer telles que le récit les présente, et montrer comment il n’y a rien en elles que de pieux. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 16

Lorsqu’il parle de la sorte, que veut-il montrer, sinon qu’il a constamment condescendu à la faiblesse de ceux qu’il avait à instruire; qu’il s’est abaissé à leur mesure, faisant fléchir la rigueur de la perfection; et du qu’au lieu de s’en tenir aux strictes exigences de l’idéal, il a fait passer en premier lieu le bien des âmes pusillanimes ? Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 20

Mais, après la mort des apôtres, la foule des croyants commença de se refroidir, celle-là surtout qui affluait du dehors il la foi du Christ, de tant de peuples divers. Par égard pour leur foi encore bégayante et leur paganisme invétéré, on ne demandait rien de plus aux gentils que de s’abstenir «des viandes offertes aux idoles, de l’impureté, de la chair étouffée et du sang». (Ibid. 15,29). Cette liberté qu’on leur accordait par condescendance pour la faiblesse de leur foi naissante, ne laissa pas de contaminer insensiblement la perfection de l’Église de Jérusalem. Le nombre des recrues s’augmentant chaque jour, du judaïsme et de la gentilité, la ferveur de la foi primitive se perdit. Ce ne fut pas seulement la foule des prosélytes que l’on vit se relâcher de l’antique austérité, mais jusqu’aux chers de l’Église. Plusieurs, estimant licite pour eux-mêmes la concession faite à la faiblesse des gentils, se persuadèrent qu’il n’y avait aucun détriment à garder biens et fortune, tout en confessant la foi du Christ. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 5

Si, vaincu par l’injure, on s’enflamme de colère, il ne faut pas croire que la morsure de l’affront soit cause de ce péché; elle ne fait que manifester une faiblesse cachée. Et l’on voit ici s’accomplir la parabole de notre Seigneur et Sauveur sur les deux maisons, dont la première était fondée sur le roc, et la seconde sur le sable. (cf. Mt 7,24). Les pluies, les torrents, les vents de tempête se ruent également sur l’une et sur l’autre. Cependant, celle qui est fondée sur la solidité du roc, ne souffre aucun dommage d’un choc si violent; au contraire, celle qui est construite sur le sable incertain et mobile, s’abîme sans retard. Or, il apparaît clair comme le jour que la cause de sa ruine n’est pas dans les pluies et les torrents qui l’assaillent, mais dans l’imprudence de celui qui l’a bâtie sur le sable. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 13

Soyons vigilants, et nos ennemis intérieurs ne pourront plus nous blesser. Les gens de notre maison cessant de nous combattre, notre âme pacifiée possédera le royaume de Dieu. À bien prendre les choses, un autre homme ne saurait m’atteindre, quelque malice qu’il déploie, si mon coeur inapaisé ne me met en guerre contre moi-même. Suis-je blessé ? La faute n’en est pas à l’attaque d’autrui, mais à mon impatience. Ainsi en va-t-il de la nourriture forte et solide, bonne à qui est en santé, pernicieuse au malade. Elle ne peut faire mal à qui la prend, à moins qu’elle ne trouve dans sa faiblesse la force de nuire. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16

La fin de l’ermite est d’avoir l’esprit dégagé de toutes les choses terrestres, et de s’unir ainsi avec le Christ, autant que l’humaine faiblesse en est capable. Le prophète Jérémie le décrit en ces termes : «Heureux l’homme qui porte le joug dès sa jeunesse; il s’assiéra seul et il se taira, parce qu’il a pris ce joug sur lui.» (Lam 3,27-28). Le psalmiste dit aussi : «Je suis devenu semblable au pélican qui habite dans la solitude; j’ai veillé, et je suis devenu comme le passereau solitaire sur un toit.» (Ps 101,7-8). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 8

Vous voyez combien d’ouvertures la Clémence du Sauveur nous a ménagées vers sa Miséricorde, afin que personne de ceux qui désirent le salut, ne se laisse abattre par le découragement, lorsque tant de remèdes l’appellent à la vie. Vous alléguez votre faiblesse, qui vous empêche d’effacer vos péchés par l’affliction du jeûne ? Vous ne pouvez dire : «Mes genoux se sont affaiblis par le jeûne, et ma chair s’est changée par le manque d’huile; car j’ai mangé la cendre comme du pain et mêlé mes pleurs à mon breuvage »? (Ps 108,24). Rachetez-les par vos largesses et vos aumônes. Vous n’avez rien à donner aux indigents ? — Quoique les sévérités de la détresse pécuniaire et de la pauvreté n’interdisent cette bonne oeuvre à personne : les deux menues pièces de la veuve ont été préférées aux dons magnifiques des riches, (cf. Lc 21,1-2) et le Seigneur promet de récompenser un verre d’eau froide.— (cf. Mt 10,42). Mais il est, certes, en votre pouvoir de vous purifier par la correction de votre vie.— Acquérir la perfection des vertus par l’extinction de tous les vices vous paraît chose impossible ? Dépensez au salut d’autrui vos soins pieux. — Vous vous plaignez d’être impropre à ce ministère ? Couvrez vos péchés par la charité. — Il y a en vous une certaine mollesse qui vous rend fragile aussi sur ce point ? Abaissez-vous, et, dans les sentiments de l’humilité, implorez le remède à vos blessures de la prière et de l’intercession des saints. Enfin, qui est-ce qui ne peut dire sur le ton de la supplication ardente : «J’ai fait connaître mon péché, et je n’ai point couvert mon injustice,» (Ps 31,5) afin de mériter par cette profession d’ajouter ensuite : «Et vous avez remis l’impiété de mon coeur.» (Ibid.) —La honte vous retient ? Vous rougissez de révéler vos péchés en présence des hommes ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 8

Des exemples. Voici venir un frère. C’est le Christ qu’en sa Personne nous devons hospitaliser, et recevoir avec la plus aimable charité. Mais on préfère observer strictement le jeûne. N’est-ce pas là encourir le reproche d’inhumanité, plutôt que s’acquérir la gloire et le mérite de la dévotion ? — Ou bien l’épuisement et la faiblesse du corps exigent des aliments, pour qu’il puisse réparer ses forces. Cependant, tel ne consent point à fléchir la rigueur de son abstinence. Ne faudra-t-il pas l’estimer cruel, et homicide de lui-même, plutôt que soucieux de son salut ? — De même encore, il se trouve qu’une fête invite à une trêve d’abstinence, et, en concédant un usage raisonnable de la nourriture, permet une réfection d’ailleurs nécessaire. Quelqu’un s’obstine, néanmoins dans l’observance rigide et ininterrompue de ses jeûnes. On le taxera moins de religion que de sottise et de déraison. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14

Il a donc vu le fond de sa propre fragilité, de la fragilité humaine; et, saisi d’effroi devant cet incommensurable abîme, il cherche un refuge au port assuré du Secours divin. Désespérant, si je puis ainsi dire, de sa frêle embarcation, qu’il voit toujours près de sombrer sous le fardeau de la mortalité, il supplie Celui à qui rien n’est impossible, de le sauver du naufrage, et pousse ce cri pathétique : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? Et la délivrance qu’il n’attendait plus de la faiblesse de la nature, il se la promet aussitôt de la Bonté divine : il poursuit, plein de confiance : La Grâce de Dieu, par Jésus Christ notre Seigneur (Rm 7,19-25). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 14

La Grâce du Sauveur, bénigne à notre endroit, nous procure, par la lutte contre les tentations, une plus belle couronne de gloire, qu’elle n’eût fait, en nous dispensant du combat. Il est d’une vertu plus sublime et plus excellente, quoique assiégé de persécutions et d’épreuves, de demeurer toujours inébranlable, et de garder jusqu’au bout la même confiante intrépidité par la pensée du Secours divin, de se faire des attaques des hommes comme l’armure d’une vertu invincible, remportant sur l’impatience un triomphe très glorieux, et par le moyen de la faiblesse conquérant la vertu, car la vertu s’achève dans l’infirmité (2 Co 12,9). Il est dit en effet : Voici que je t’établis en ce jour comme une ville fortifiée, une colonne de fer et un mur d’airain, sur tout le pays, sur les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et tout le peuple du pays. Et ils te feront la guerre; mais ils ne prévaudront point, parce que je suis avec toi pour te délivrer, dit le Seigneur (Jér 1,18-19). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 25