Aussi le bienheureux Apôtre préfère-t-il la charité, non seulement à la crainte et à l’espérance, mais à tous les charismes, si grands et si merveilleux dans l’estime des hommes; et il la montre comme la voie excellente entre toutes sans comparaison. Après avoir achevé la liste des charismes spirituels, il se propose de décrire les manifestations diverses de la charité. Or, voici comme il commence : «Aussi bien, je vais vous montrer une voie excellente entre toutes. Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, que j’aurais le don de prophétie, connaîtrais tous les mystères et posséderais toute science; quand j’aurais la foi jusqu’à transporter les montagnes, que je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres et livrerais mon corps aux flammes : si je n’ai l’amour, tout ne me sert de rien.» (1 Cor 12,31). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON
Assurons-nous cependant que la plus austère abstinence, je veux dire la faim et la soif, ni les veilles, ou le travail assidu, ou l’application incessante à la lecture ne nous mériteront la pureté constante de la chasteté. Parmi ce continuel labeur, il faut encore apprendre de l’expérience qu’une telle intégrité est un don libéral de la grâce divine. De notre persévérance infatigable dans ces exercices quel sera donc le fruit ? D’obtenir, en affligeant notre corps, la miséricorde du Seigneur; de mériter qu’il nous délivre par un bienfait de sa main des assauts de la chair et de la tyrannie toute-puissante des vices. Mais ne nous flattons pas d’arriver par leur moyen à l’inviolable chasteté que nous souhaitons. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
GERMAIN. — Une telle chasteté n’est plus une vertu humaine ou qui appartienne à la terre; elle semble plutôt le privilège du ciel, le don particulier des anges. Étonnés et confondus, nous nous sentons plus d’effroi et de découragement que d’ardeur à l’acquérir. Nous vous en prions, enseignez-nous de la manière la plus complète quelles observances nous y pourraient conduire, et en combien de temps, afin de nous donner la confiance qu’elle est chose possible, et que, d’avoir un délai précis, nous soyons animés à la poursuivre. Nous sommes bien près de la croire inaccessible à notre chair infirme, à moins que vous ne nous indiquiez sûrement la méthode et le chemin par où l’où y puisse parvenir. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
La conclusion manifeste de tout ceci, c’est que le principe des actes bons, mais aussi des bonnes pensées, est en Dieu, qui nous inspire le commencement de la bonne volonté, et nous donne encore la force et le moment favorable, pour accomplir nos saints désirs : «Tout don excellent, toute grâce parfaite vient d’en haut, et descend du Père des lumières» (Jac 1,17), qui commence, poursuit et consomme en tous tout bien. «Celui qui donne la semence au semeur, dit l’Apôtre, vous fournira aussi le pain pour votre nourriture; il multipliera votre semence, et fera croître les fruits de votre justice.» (2 Cor 9,10). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
GERMAIN. — Il ne nous est pas possible d’improuver absolument votre opinion comme contraire à la piété. Pourtant, elle semble avoir contre soi, qu’elle tend à la destruction de notre liberté. D’autant que nous voyons briller chez nombre de païens, qui certes ne méritent pas la grâce du secours divin, des vertus comme la frugalité, la patience et, ce qui est plus merveilleux encore, la chasteté. Et comment croire que ces vertus leur aient été accordées par un don de Dieu qui aurait rendu captif le libre arbitre de leur volonté ? Ne dit-on pas que les sectateurs de la sagesse mondaine, ignorants comme ils étaient, non seulement de la grâce, mais du vrai Dieu lui-même, ont possédé la pure fleur de la chasteté par la vertu de leurs propres efforts, ainsi que nos lectures nous l’ont appris et les récits d’autrui ? Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Donc, le fait est constant, ils n’ont, pas même eu la notion de la vraie chasteté qu’on réclame de nous. Et il est aussi par là bien assuré que notre circoncision, spirituelle comme elle est, ne s’acquiert que par le don de Dieu, et se rencontre uniquement chez ceux qui le servent d’une âme profondément contrite. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Il y a bien d’autres énigmes. On fait honneur au libre arbitre de toute l’oeuvre du salut : «Si vous le voulez, et m’écoutez, vous mangerez les biens de votre pays.» (Is 1,19) Puis, il est dit — «Ce n’est au pouvoir, ni de celui qui veut, ni de celui qui court; mais de Dieu, qui fait miséricorde.» (Rm 9,16) — Dieu «rendra à chacun selon ses oeuvres.» (Ibid. 2,6) Mais, «c’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le parfaire, selon son bon plaisir;» (Phil 2,13) et nous lisons de même : «Cela ne vient pas de vous, mais c’est le don de Dieu; ce n’est pas le fruit de vos oeuvres, afin que nul ne se glorifie.» (Ép 2,8-9) — Il est dit d’une part : «Approchez-vous de Dieu, et il s’approchera de vous;» (Jac 4,8) et d’autre part : «Personne ne vient à moi, si le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire.» (Jn 65,44) — «Conduis ta course par des chemins droits, est-il écrit, rends droites tes voies.» (Pro 4,26) Et nous disons dans nos prières — «Dirige mes pas devant ta face» (ps 5,9); «Affermis nos pas dans tes sentiers, afin qu’ils ne chancellent point.» (ps 16,5) — On nous donne cet avertissement : «Faites-vous un coeur nouveau et un esprit nouveau.» (Ez 18,31) Et l’on nous fait cette promesse : «Je leur donnerai un seul coeur, et je mettrai dans leur poitrine un esprit nouveau; et j’ôterai de leur chair leur coeur de pierre, et je leur donnerai un coeur de chair, afin qu’ils marchent selon mes commandements et qu’ils gardent mes lois.» (Ibid. 11,19-20) — Le Seigneur nous intime ce précepte : «Purifie ton coeur de toute malice, Jérusalem, afin que tu sois sauvée.» (Jér 4,14) Et voici que le prophète lui demande cela même qu’il nous ordonne : «Crée en moi, ô Dieu, un coeur pur» (ps 50,16); «Tu me laveras, et je serai plus blanc que la neige.» (Ibid. 9) — Il nous est dit «Allumez en vous la lumière de la science». (Puis, il est dit de Dieu : «Il enseigne à l’homme la science» (ps 93,10); «Le Seigneur donne la lumière aux aveugles.» (ps 145,8) Et nous-mêmes, nous demandons avec le prophète : «Donne la lumière à mes yeux, afin que je ne m’endorme jamais dans la mort.» (ps 12,4) Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Ne croyez pas davantage que ce soit par un seul mot de repentir : «J’ai péché contre le Seigneur» (2 Rois 12,13), et non pas plutôt par la miséricorde du Seigneur, que le roi David ait effacé deux crimes si graves, et mérité d’entendre du prophète Nathan : «Le Seigneur a éloigné de toi ton iniquité; tu ne mourras point» (Ibid.). Ajouter l’homicide à l’adultère : ce fut l’ouvrage de son libre arbitre. Il reçoit les reproches du prophète : c’est une grâce de la divine bonté. Il s’humilie et reconnaît son péché : voilà sa part, à lui. Il mérite en un court instant le pardon de si grands crimes : c’est le don de la miséricorde. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Ainsi la sagesse multiforme de Dieu ménage-t-elle le salut des hommes avec une tendresse habile à varier ses moyens et vraiment insondable. Selon la capacité de chacun, il accorde les dons de sa largesse. Pour les guérisons même qu’il opère, il ne veut point se régler sur la puissance toujours égale de sa majesté, mais sur la foi qu’il trouve en chacun de nous ou qu’il a lui-même départie. Celui-ci croit que pour le purifier de sa lèpre, la volonté toute seule du Christ suffit; le Christ le guérit par le seul assentiment de sa volonté : «Je le veux, sois guéri» (Mt 8,3). Un autre le supplie de venir chez lui, et de ressusciter sa fille en lui imposant les mains; il entre dans sa maison, et lui accorde l’objet de sa requête en la manière espérée (cf. Ibid. 9,18). Un troisième croit que le salut réside essentiellement dans le commandement de la parole : «Dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri» (Mt 8,8); par le commandement de sa parole, il rend aux membres alanguis leur vigueur première : «Va, et qu’il te soit fait selon que tu as cru (Ibid. 13).» — En voici qui espèrent trouver le remède dans l’attouchement de la frange de son vêtement; il leur dispense largement le don de la santé. (cf. Ibid. 9,20) — Il accorde à ceux-ci la guérison de leurs maladies sur leur prière; à ceux-là par un don spontané. — Il en exhorte certains à l’espérance : «Veux-tu être guéri ?» (Jn 5,6). Il porte secours de son propre mouvement à d’autres qui ne l’espéraient pas. — Il sonde les désirs des uns avant de satisfaire leur volonté : «Que voulez-vous que je fasse ?» (Mt 20,32). À cette autre qui ignore le moyen d’obtenir ce qu’elle convoite, il l’indique avec bonté : «Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu.» (Jn 11,40) — Il en fut sur qui il épancha surabondamment son pouvoir de guérir, si bien qu’à leur sujet l’évangéliste peut dire : «Il guérit tous leurs malades» (Mt 14,14). Chez d’autres, l’abîme sans fond de ses bienfaits se trouva fermé : «Jésus, est-il dit, ne put faire parmi eux de miracle à cause de leur incrédulité» (Mc 6,5-6). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Mais quoi d’étonnant si l’on raconte de tels prodiges de la puissance du Seigneur, alors que la divine grâce en a opéré de semblables par l’entremise de ses serviteurs ? Pierre et Jean entraient dans le temple. Un boiteux de naissance, incapable de faire un pas, leur demande l’aumône. Mais eux, au lieu des viles pièces de monnaie qu’il sollicitait, lui accordent libéralement l’usage de ses jambes. Il espérait le soulagement de quelque pauvre obole; ils l’enrichissent avec le don précieux de la santé qu’il n’attendait pas : «Je n’ai ni argent ni or, dit Pierre; mais ce que jai, je te le donne : au nom de Jésus Christ de Nazareth, lève-toi et marche.» (Ac 3,6) Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Premièrement, c’est le don de Dieu qui allume en nous le désir de tout ce qui est bien, mais notre liberté demeure entière de pencher, soit d’un côté, soit de l’autre; Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Mais il est utile et séant à chacun, selon l’état de vie qu’il a choisi ou la grâce qu’il a reçue, de se hâter en toute ardeur et diligence vers l’achèvement de l’oeuvre entreprise. Il pourra bien louer et admirer les vertus des autres. Mais qu’il ne sorte point pour cela de la profession qu’il a lui-même une fois embrassée, sachant que, suivant l’Apôtre, le corps de l’Église est un, mais les membres plusieurs, et qu’elle a «des dons différents, selon la grâce qui nous a été donnée : soit de prophétie, pour l’exercer conformément à la règle de la foi; soit de ministère, pour l’exercer dans les fonctions du ministère. Si quelqu’un a reçu le don d’enseigner, qu’il enseigne ! d’exhorter, qu’il exhorte ! Que celui qui donne, le fasse en simplicité; celui qui préside, en diligence; celui qui pratique la miséricorde, avec une aimable gaieté !» (Rom 12,6-8). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Vous voulez élever dans votre coeur le sacré tabernacle de la science spirituelle : purifiez-vous de la souillure des vices, dépouillez tout souci du siècle présent. Il est impossible que l’âme occupée, même légèrement, des soins de ce monde, mérite le don de la science, ou soit féconde en pensées spirituelles, ou retienne avec fermeté les saintes lectures qu’elle a faites. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Dans les conférences avec les anciens, ne prenez point la liberté de dire mot, si ce n’est pour demander ce qu’il vous serait nuisible d’ignorer ou ce qu’il vous est nécessaire de connaître. Il en est qui, possédés de l’amour de la vaine gloire, ne feignent d’interroger que pour montrer leur savoir. Mais il ne se peut pas que celui qui s’applique à la lecture dans le dessein d’acquérir la gloire humaine, mérite jamais le don de la vraie science. Esclave de cette passion, comment ne porterait-on pas également les chaînes des autres vices, et particulièrement de la superbe ? Mais ainsi terrassé dans le combat de la science pratique et morale, on n’obtiendra point la science spirituelle, qui lui doit son origine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Oui, si vous voulez parvenir à la science véritable des Écritures, fondez-vous d’abord inébranlablement dans l’humilité du coeur. C’est elle qui vous conduira, non à la science qui enfle, mais à celle qui illumine, par la consommation de la charité. Il est impossible encore une fois que l’âme qui n’est pas pure obtienne le don de la science spirituelle. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
La science vraie, la science spirituelle est bien éloignée de ce savoir profane que souille la boue des vices charnels : tellement, qu’on l’a vu fleurir merveilleusement chez des hommes qui n’avaient aucun don de parole et à peu près illettrés. C’est ce que l’on constate avec la dernière évidence pour les apôtres et nombre de saints. Ils ne ressemblaient guère à ces arbres qu’une végétation luxuriante couvre de feuilles inutiles; mais ils ployaient sous les fruits véritables de la science spirituelle; et d’eux il est écrit dans les Actes des apôtres : «Lorsqu’ils virent la constance de Pierre et de Jean, et qu’ils surent que c’étaient des hommes sans lettres et de petite condition, ils furent dans l’étonnement.» (Ac 4,13 Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
La première cause du don de guérison est le mérite de la sainteté : la grâce des miracles accompagne tous les élus et les justes. C’est, par exemple, un fait constant que les apôtres et une multitude de saints ont accompli des signes et des prodiges, de par le commandement que le Seigneur leur en avait fait : «Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons; gratuitement vous avez reçu, donnez gratuitement.» (Mt 10,8). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Au contraire, le manque de foi chez les malades ou ceux qui les présentent ne permet pas à ceux-là mêmes qui ont reçu le don de guérison, d’exercer leur pouvoir. L’évangéliste saint Lue dit sur ce sujet : «Jésus ne put faire de miracle parmi eux, à cause de leur incrédulité.» (Mc 6,5-6). Et c’est à cette occasion que le même Seigneur déclare : «Il y avait beaucoup de lépreux en Israël, aux jours du prophète Élisée; et pourtant, aucun d’eux ne fut guéri, mais le seul Syrien, Naaman.» (Lc 4,27). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
La troisième sorte de guérisons est un jeu et une ruse des démons. Un homme est engagé dans des crimes manifestes, mais on admire ses miracles, et on le croit serviteur de Dieu : c’est pour les esprits malins le moyen de persuader aux autres d’imiter jusqu’à ses vices. De plus, la porte est ouverte à la critique, et la sainteté de la religion elle-même discréditée. À tout le moins peuvent-ils s’attendre que celui qui se croit ainsi le don de guérison, le coeur enflé de superbe, tombera d’une chute plus terrible. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Telle est la science pratique, que l’Apôtre appelle d’un autre nom la charité, et que son autorité nous enseigne à préférer à toutes les langues des hommes et des anges, à la plénitude de foi capable de transporter même les montagnes, à toute science et prophétie, à l’abandon de tous nos biens, enfin au glorieux martyre lui-même. Après avoir énuméré tous les genres de charismes : «À l’un est donnée par l’Esprit une parole de sagesse, à l’autre, une parole de science, à un autre la foi, à un autre le don de guérison, à un autre la puissance d’opérer des miraclesÉ» il va parler de l’amour. Or, remarquez dans un seul mot comme il la met au-dessus de tous les charismes : «Aussi bien, dit-il, je vais vous montrer une voie excellente entre toutes.» (1 Cor 12,8-10). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
C’est donc l’humilité qui est la maîtresse de toutes les vertus, le fondement inébranlable de l’édifice céleste, le don propre et magnifique du Sauveur. Celui-là pourra faire sans péril d’élèvement tous les miracles que le Christ a opérés, qui cherche à imiter le doux Seigneur, non dans la sublimité de ses prodiges, mais dans la vertu de patience et d’humilité. Pour celui qu’agite le désir impatient de commander aux esprits immondes, de rendre la santé aux malades, de montrer aux foules quelque signe merveilleux, il peut bien invoquer le Nom du Christ au milieu de toute son ostentation; mais il est étranger au Christ, parce que son âme superbe ne suit pas le Maître de l’humilité. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Aussi, nos anciens n’ont-ils jamais tenu pour des moines vertueux et exempts de vanité, ceux qui font profession devant les hommes d’être exorcistes, et s’en vont, pleins de jactance et d’ostentation, divulguer parmi des foules d’admirateurs la grâce qu’ils ont méritée ou se sont arrogée. Vains efforts ! «Celui qui s’appuie sur des mensonges, se nourrit de vent; il poursuit l’oiseau dans son vol.» (Pro 10,4). Sans aucun doute, il lui arrivera ce qui est dit dans les Proverbes : «Comme on reconnaît les vents, les nuages et la pluie, ainsi celui qui se glorifie d’un faux don.» Pro 25,14). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Parlerai-je encore de Salomon ? Dès son premier jugement, il manifeste le don de sagesse qu’il a reçu de Dieu, en faisant un mensonge. Pour dégager la vérité cachée par le mensonge d’une femme, il a lui-même recours à un mensonge extrêmement habile : «Apportez-moi une épée, et partagez en deux l’enfant vivant, et donnez-en la moitié à l’une et la moitié à l’autre.» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Eussent-ils réalisé pleinement l’idéal de leur profession, ce n’est pas là encore la perfection intégrale et de tous points consommée, mais une partie seulement de la perfection. Que celle-ci est rare, et combien peu nombreux ceux à qui Dieu l’accorde par un don gratuit ! Celui-là est parfait véritablement, et non pas seulement en partie, qui sait supporter avec une égale grandeur d’âme, et l’horreur de la solitude, dans le désert, et les faiblesses de ses frères, dans le monastère. Mais il est bien difficile de trouver quelqu’un qui soit parfaitement consommé en l’une et l’autre profession : parce que l’anachorète n’arrive point tout à fait au mépris et au dénuement des choses matérielles; ni le cénobite, à la pureté de la contemplation. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
Outre la grâce du baptême et l’universel pardon qu’elle assure, après le don précieux du martyre et la palme du sang versé pour le Seigneur, il est encore de nombreux fruits de pénitence par lesquels on parvient à l’expiation de ses crimes. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
L’aveu qu’on fait de ses crimes a pareillement le don de les effacer : «J’ai dit : Je déclarerai contre moi mon injustice au Seigneur; et vous avez pardonné l’impiété de mon coeur»; (Ps 31,5). «Raconte tes iniquités, afin que tu sois justifié.» (Is 43,26). On obtient encore la rémission du mal que l’on a commis, par l’affliction du coeur et du corps : «Voyez mon affliction et ma peine, et pardonnez-moi tous mes péchés.» Surtout par l’amendement de la vie : «Ôtez de devant mes yeux la malice de vos pensées. Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien. Cherchez la justice, secourez l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve. Et après cela, venez et discutez contre moi, dit le Seigneur. Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige; quand ils seraient rouges comme la pourpre, ils deviendront blancs comme la neige la plus blanche.» (Is 1,16-18). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Aussi bien, ce sont là des choses qui veulent de la lenteur, et réclament un coeur libre du bruit des pensées. C’est avec ces dispositions que j’en dois parler, et que vous devez les entendre vous-mêmes. Il ne faut s’en enquérir qu’en vue d’obtenir une pureté plus grande; et, d’autre part, celui-là seulement qui sait d’expérience le don de l’intégrité, les peut bien enseigner. Car il ne s’agit pas de raisonnements vides ni de mots sonores, où le témoignage intime de la conscience et la force de la vérité doivent parler toutes seules. Non, de cette science de la pureté, point de docteur, à moins de la connaître d’expérience; et seul y peut communier l’amant passionné de la vérité, qui n’en fait pas un vain sujet de questions et de discours, mais la poursuit vraiment de toutes ses forces; qui n’est point poussé par le goût d’un stérile verbiage, mais par le désir de l’intérieure pureté. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Ils passent donc sans retard à la deuxième cause. N’y a-t-il pas là faute de l’esprit et excès dans le jeûne ? Il s’en trouve, en effet, je dis des plus austères, qui s’élèvent insensiblement de leur pureté corporelle. Mais, alors, c’est le vice de la superbe qui leur ménage une pénible déception, parce qu’ils ont cru obtenir par leurs forces humaines ce qui est un don très particulier de Dieu, la chasteté du corps. On interroge donc le frère. Se croirait-il capable d’une telle vertu par ses propres efforts, en sorte qu’il se puisse passer du Secours divin ? Mais lui d’abominer une idée si impie. Il affirme humblement qu’il n’eût pas conservé son corps pur, même les autres jours, si la Grâce divine ne l’avait aidé. Dès lors, il fallait se rabattre sur la troisième cause. Tout est clair : on est en face d’une secrète machination du diable. Assurés qu’il n’y a faute ni de l’esprit ni de la chair, les anciens décident hardiment que le frère doit prendre part au sacré banquet. Persévérer dans son abstention, serait donner dans le piège adroit que lui tend la malignité de l’ennemi, rester éloigné du Corps du Christ et de sa Sainteté, et se voir à jamais exclu, par cette ruse diabolique, d’un si puissant moyen de salut. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE
Mais les saints jouiront seuls de ces services à juste titre et avec assurance, parce qu’ils auront d’abord tout abandonné, leur personne et leurs biens, pour le service des frères, par un volontaire sacrifice. Selon la Parole du Seigneur (cf. Mt 7,2), ils recevront sans crainte ce qu’ils auront eux-mêmes abandonné aux autres. Mais, pour celui qui n’aura pas tout sacrifié à ses frères, avec une sincère humilité, comment accepterait-il patiemment le don des autres ? Il sentira que leurs bons offices lui sont un fardeau, plutôt qu’une consolation, parce qu’il a mieux aimé être servi que servir. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM