Au contraire, celui qui reste sujet dans sa chair aux guerres de la concupiscence, ne jouira point de cette paix d’une façon stable : Fatalement, les démons ne cesseront de lui livrer les plus cruels assauts, et blessé des traits enflammés de la luxure, il perdra la possession de sa terre, jusqu’au jour où le Seigneur «fera cesser les guerres jusqu’aux extrémités du monde, brisera l’arc et rompra les armes, et consumera par le feu les boucliers.» (Ps 45,10). Ce feu est celui que le Seigneur est venu apporter sur la terre. Les arcs et les armes qu’il brisera, sont ceux dont les puissances du mal se servaient contre cet homme dans une guerre incessante du jour et de la nuit, pour percer son coeur avec les traits des passions. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON
Ceci nous conduit à expliquer dans un nouvel entretien les diverses manières dont le Seigneur accorde le charisme des guérisons, pour expulser les démons. Mais il est temps de nous lever et d’aller prendre notre repas. Nous réserverons pour ce soir l’examen de cette question. L’intelligence saisit toujours mieux ce qu’on lui présente peu à peu et sans fatigue excessive pour le corps. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
La première cause du don de guérison est le mérite de la sainteté : la grâce des miracles accompagne tous les élus et les justes. C’est, par exemple, un fait constant que les apôtres et une multitude de saints ont accompli des signes et des prodiges, de par le commandement que le Seigneur leur en avait fait : «Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons; gratuitement vous avez reçu, donnez gratuitement.» (Mt 10,8). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Voici la seconde : pour l’édification de l’Église, ou pour récompenser la foi, soit de ceux qui offrent leurs malades, soit des malades eux-mêmes, la vertu de guérir procède même des pécheurs et des indignes. C’est d’eux que parle le Sauveur en cet endroit de l’Évangile : «Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous point prophétisé en votre nom ? n’avons-nous pas, en votre nom, chassé les démons ? et en votre nom, n’avons-nous pas fait quantité de miracles ? Alors, je leur dirai hautement : Retirez-vous de moi, ouvriers d’iniquité.» (Mt 7,22-23). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
La troisième sorte de guérisons est un jeu et une ruse des démons. Un homme est engagé dans des crimes manifestes, mais on admire ses miracles, et on le croit serviteur de Dieu : c’est pour les esprits malins le moyen de persuader aux autres d’imiter jusqu’à ses vices. De plus, la porte est ouverte à la critique, et la sainteté de la religion elle-même discréditée. À tout le moins peuvent-ils s’attendre que celui qui se croit ainsi le don de guérison, le coeur enflé de superbe, tombera d’une chute plus terrible. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Personne, à leur sens, ne devait être loué pour les dons et les merveilles de Dieu, mais bien plutôt pour le fruit qu’il avait fait dans les vertus. Car ceci est un effet du zèle et des bonnes oeuvres. Mais il arrive quelquefois, nous l’avons dit plus haut, que des hommes d’esprit pervers, condamnables sur le sujet de la foi, chassent les démons et opèrent les plus grands miracles au nom du Seigneur. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
C’est de quoi les apôtres se plaignaient un jour : «Maître, disaient-ils, nous avons vu un homme qui chasse les démons en votre Nom, et nous l’avons empêché, parce qu’il ne va pas avec nous.» (Lc 9,49). Sur l’heure, le Christ répondit : «Ne l’empêchez pas, car celui qui n’est pas contre vous est pour vous.» (Mt 9,50). Mais, lorsque, à la fin des temps, ces gens diront : «Seigneur, Seigneur, n’avons-nous point prophétisé en votre Nom ? n’avons-nous pas en votre Nom, chassé les démons ? et en votre Nom, n’avons-nous pas fait quantité de miracles ?» (Mt 7,22) Il atteste qu’il répliquera : «Je ne vous ai jamais connus. Retirez-vous de Moi, ouvriers d’iniquité.» (Mt 7,23). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Aussi donne-t-il l’avertissement à ceux qu’il a Lui-même gratifiés de la gloire des signes et des miracles, de ne point s’élever à ce propos : «Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.» (Lc 10,20). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Mais voici que l’auteur même de tous les signes et les miracles appelle ses disciples à recueillir sa doctrine; il va manifester avec évidence ce que ses sectateurs véritables et choisis entre tous devront apprendre particulièrement de lui : «Venez, dit-il, et apprenez de Moi,» (Mt 11,28) non pas certes à chasser les démons par la puissance du ciel, ni à guérir les lépreux, ni à rendre la lumière aux aveugles, ni à ressusciter les morts — J’opère, il est vrai, tous ces prodiges par l’entremise de quelques-uns de mes serviteurs; néanmoins, l’humaine condition ne saurait entrer en société avec Dieu pour les louanges qui Lui sont dues; le ministre et l’esclave ne peut prendre sa part où toute la gloire appartient à la seule divinité; mais, dit-il, «apprenez de Moi» ceci, «que je suis doux et humble de coeur.» (Mt 11,29). Voilà, en effet, ce qu’il est possible à tous communément d’apprendre et de pratiquer. Mais de faire des signes et des miracles, cela n’est pas toujours nécessaire, ni avantageux à tous, et n’est pas accordé non plus universellement. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Si l’on vient à faire en notre présence quelqu’un de ces prodiges, ce n’est pas cette merveille qui rendra son auteur estimable à nos yeux, mais seulement la beauté de sa vie. Nous ne chercherons pas si les démons lui sont soumis, mais s’il possède la charité avec les manifestations diverses que l’Apôtre énumère. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Il est plus admirable d’expulser les vices de soi-même que les démons du corps d’autrui. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Des guérisons corporelles, il est dit aux bienheureux apôtres : «Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis.» (Lc 10,20). Ce n’était pas leur puissance qui opérait ces prodiges, mais la vertu du nom qu’ils invoquaient. Et voilà pourquoi le Seigneur les avertit de ne revendiquer ni béatitude ni gloire pour ce qui n’est dû qu’à la puissance et à la vertu de Dieu; mais uniquement pour la pureté intime de leur vie et de leur coeur, qui leur mérite d’avoir leurs noms inscrits dans les cieux. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Vivant depuis bien des années dans une très grande austérité, il se croyait entièrement délivré de la concupiscence charnelle, d’autant qu’après avoir combattu longtemps contre les démons à front découvert, il avait conscience d’avoir été supérieur à toutes leurs attaques. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Cet événement le jeta dans une tristesse profonde. Il se mit à songer en lui-même : «Pourquoi le feu n’est-il pas en paix avec moi, quand j’ai gagné la victoire dans les combats bien autrement terribles des démons ? Au jour redoutable du jugement, lorsque le feu inextinguible qui éprouve les mérites de chacun me pénétrera, comment ne fera-t-il pas de moi sa proie éternelle, si ce feu extérieur, temporel et sans force ne m’a pas épargné ?» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
C’est tomber très évidement dans le crime de sacrilège. Les jeûnes que l’on ne doit offrir qu’à Dieu seul, en vue d’humilier son coeur et de se purifier des vices, ils les soutiennent afin de satisfaire un orgueil diabolique ! Ce qui est tout de même que s’ils présentaient des prières et des sacrifices, non à Dieu, mais aux démons, et méritaient par là d’entendre le reproche de Moïse : «Ils ont sacrifié à des démons, et non à Dieu, à des dieux qu’ils ne connaissaient pas.» (Dt 32,7). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH
Là-dessus, nous ne devons pas douter qu’au moment qu’il fut choisi par le Christ et reçut l’honneur de l’apostolat, son nom n’ait été écrit au livre des vivants, ni que ces paroles ne lui aient été adressées comme à tous les autres : «Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.» Mais la peste de l’avarice le corrompt et, du ciel où il était écrit, le précipite à terre. Aussi est-il dit justement de lui et de ses pareils par la bouche du prophète: «Seigneur, tous ceux qui t’abandonnent seront confondus, ceux qui se retirent de toi seront écrits sur la terre, parce qu’ils ont abandonné la source des eaux vives, le Seigneur;» et ailleurs : «Ils ne siégeront point dans le conseil de mon peuple, ils ne seront pas écrits dans le livre de la maison d’Israël et ils n’entreront pas dans la terre d’Israël.» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH
Ainsi, de la première observance dont nous avons parlé, naquit un autre genre de vie parfaite. Ses tenants en sont avec raison nommés anachorètes, c’est-à-dire des hommes de retraite. Non contents d’avoir remporté sur le diable une première victoire parmi la société des hommes, en écrasant de leur talon ses pièges cachés, ils convoitent de lutter contre les démons à front découvert et les yeux dans les yeux. On les voit pénétrer sans peur dans les vastes retraites de la solitude. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Nos anciens ont témoigné fréquemment de la coutume suivante chez la nation ennemie des démons. Durant ces jours, ils redoublent leurs attaques contre l’espèce des moines, et les poussent avec plus d’impétuosité à quitter leurs cellules, pour passer en d’autres lieux. De même que les Égyptiens opprimaient jadis les enfants d’Israël sous de violentes afflictions, ces Égyptiens spirituels s’efforcent de courber sous un dur et boueux travail le véritable Israël, le peuple spirituel des moines. Ils voudraient nous empêcher d’abandonner, par une tranquillité agréable à Dieu, la terre d’Égypte, et de passer au désert des vertus, où réside le salut. Le Pharaon frémit de colère contre nous, et s’écrie : Ils sont oisifs, et c’est pourquoi ils vocifèrent, disant : Allons, et sacrifions au Seigneur, notre Dieu. Qu’on les charge de travail, qu’ils soient tout occupés à la besogne, et qu’ils ne prêtent plus l’oreille à des paroles vaines ! (Ex 5,8-9). Vains eux-mêmes, les démons représentent comme la suprême vanité le sacrifice saint du Seigneur, qui ne s’offre que dans le désert d’un coeur libre, car la religion est une abomination au pécheur. (Ec 1,24) Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
C’est aussi de cette méthode que la malignité perfide des puissances spirituelles s’emploie à nous tenter. Elles tendent principalement leurs pièges insidieux par les côtés de l’âme où elles la sentent malade. Voient-elles, par exemple, que la partie raisonnable est viciée en nous, elles s’efforcent de nous tromper par le même procédé qui servit jadis aux Syriens pour le roi Achab, selon que l’Écriture nous le raconte : Nous savons, dirent les Syriens, que les rois d’Israël sont cléments. Mettons donc des sacs sur nos reins et des cordes à notre cou; sortons vers le roi d’Israël, et nous lui dirons : Ton serviteur Benadab dit : Je t’en prie, que mon âme vive ! (3 Rois 20,31-32) Et Achab, ému du vain éloge que l’on faisait de sa miséricorde, plutôt que de vraie clémence : S’il vit encore, dit-il, il est mon frère. (Ibid.,32) Ainsi les démons s’efforcent-ils de nous abuser quant à la partie raisonnable, afin de nous faire offenser Dieu par où nous penserions obtenir une récompense et recevoir le prix de la clémence. Mais alors, nous entendrions à notre tour le reproche fait à Achab : Parce que tu as laissé échapper de tes mains un homme digne de mort, ta vie répondra pour sa vie, et ton peuple pour son peuple (Ibid., 42) Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM