La science vraie, la science spirituelle est bien éloignée de ce savoir profane que souille la boue des vices charnels : tellement, qu’on l’a vu fleurir merveilleusement chez des hommes qui n’avaient aucun don de parole et à peu près illettrés. C’est ce que l’on constate avec la dernière évidence pour les apôtres et nombre de saints. Ils ne ressemblaient guère à ces arbres qu’une végétation luxuriante couvre de feuilles inutiles; mais ils ployaient sous les fruits véritables de la science spirituelle; et d’eux il est écrit dans les Actes des apôtres : «Lorsqu’ils virent la constance de Pierre et de Jean, et qu’ils surent que c’étaient des hommes sans lettres et de petite condition, ils furent dans l’étonnement.» (Ac 4,13 Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS
Entre les frères charnels encore et faibles, le démon a tôt fait de semer la colère et la désunion à propos de choses viles et terrestres. Mais pour les spirituels, c’est par la diversité de sentiment qu’il fait naître chez eux la discorde. Telle est, sans aucun doute, la fréquente origine des disputes et des querelles que l’Apôtre condamne. (Cf. Gal 5,20). De celles-ci l’ennemi, envieux et méchant, prend ensuite occasion, afin de pousser à la rupture des frères qui n’avaient jusque là qu’une âme. Car elle est bien vraie, la parole du sage Salomon : «La dispute suscite la haine; mais pour tous ceux qui ne disputent point, l’amitié les protégera.» (Pro 10,12). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH
Afin que le basilic ne tue pas, d’une seule de ses morsures empoisonnées, tout ce qui est vivant en nous et, pour ainsi dire, animé par le mouvement vital du saint Esprit Lui-même, il nous faut implorer sans cesse le secours de Dieu, à qui rien n’est impossible. Car, pour le venin des autres serpents — et par ce venin, j’entends les péchés ou les vices charnels —, autant l’humaine fragilité est prompte à y succomber, autant il est facile de l’en délivrer. Les blessures qu’ils font se reconnaissent à de certaines marques extérieures et corporelles; et, pour dangereuse que puisse être l’enflure qu’elles déterminent, si quelque enchanteur, habile à se servir des formules magiques de l’Écriture, y applique le remède des paroles salutaires, le poison n’ira pas jusqu’à donner la mort à l’âme. Mais l’envie, tel le venin jeté par le basilic, détruit la religion et la foi jusque dans les racines de leur vie, avant que la blessure ait paru au dehors. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN
Si l’on pèse tous ces inconvénients et les autres de même sorte, on supportera sans peine et on méprisera tous les torts, toutes les injures et souffrances qui peuvent venir de la part des hommes même les plus cruels; car on jugera que rien n’est plus dommageable que la colère, rien plus précieux que la tranquillité de l’âme et la constante pureté du coeur. Ce trésor mérite que pour lui on dédaigne, je ne dis pas seulement les avantages charnels, mais aussi ceux qui semblent spirituels, s’ils ne se peuvent, acquérir ou réaliser, sans que cette paix soit troublée. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN
Alors, ce n’est plus, chez le moine, le souvenir des péchés commis qui fait couler ses larmes, mais l’espérance des joies futures. L’esprit plus occupé des joies à venir que du mal passé, il répand des pleurs, non par le chagrin de ses fautes, mais dans l’allégresse des joies éternelles. «Oubliant ce qui est derrière lui,» c’est-à-dire les vices charnels, il se porte de tout lui-même «vers ce qui est en avant», (Phil 3,13) c’est-à-dire les dons et les vertus spirituelles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE
Lorsque celui-ci vit cette affluence et les dons considérables dont ils étaient chargés, il voulut récompenser leur religion, et se mit en devoir, à l’exemple de ce que dit l’Apôtre, de semer les biens spirituels en ceux dont il moissonnait les biens charnels. (cf. 1 Cor 9,11). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Que le sort est différent, de ceux que la grâce du Sauveur enflamme d’une sainte passion pour l’incorruption parfaite ! Ils consument par le feu de l’amour divin toutes les épines des charnels désirs, de sorte qu’il ne se trouve même pas chez eux de cendres tièdes, pour ôter à la fraîcheur de leur intégrité. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Cependant, le bienheureux Apôtre assure que cette loi est spirituelle : Nous savons, dit-il, que la Loi est spirituelle; mais moi, je suis charnel, vendu pour être esclave du péché (Rm 7,14). En effet, la loi est spirituelle, qui nous ordonne de manger à la sueur de notre front le vrai pain qui descend du ciel, mais d’être vendus au péché, nous rend charnels. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
GERMAIN. – Selon nous, ces textes ne conviennent pas plus à ceux qui vivent dans les péchés mortels, qu’à l’Apôtre ou aux parfaits qui ont atteint sa mesure. Proprement, ils doivent s’entendre de ceux qui, après avoir reçu la Grâce divine et connu la Vérité, désirent s’abstenir des vices charnels, mais se voient entraînés vers leurs convoitises invétérées, par la force d’une habitude ancienne qui domine tyranniquement dans leurs membres, telle une loi de nature. L’habitude et la répétition du mal deviennent, en effet, comme une loi naturelle. Inhérente aux membres de la faible humanité, celle-ci captive et emporte au vice les inclinations de l’âme insuffisamment formée aux pratiques de la vertu et, si l’on peut ainsi dire, de chasteté novice encore et tendre. Elle la soumet, en vertu de l’antique condamnation, à la mort et au joug tyrannique du péché, ne lui permettant pas d’atteindre au bien de la pureté qu’elle aime, mais la contraignant plutôt de faire le mal qu’elle déteste. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
THÉONAS. – Vos idées ont déjà fait un sensible progrès. C’est vous-mêmes qui prétendez maintenant que ces paroles ne se comprendraient pas dans la personne des pécheurs absolus, mais conviennent proprement à ceux qui s’efforcent de s’abstenir des vices charnels. Après en avoir séparé les destinataires du nombre des pécheurs, vous en viendrez peu à peu jusqu’à les confondre parmi les fidèles et les saints. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
Supposons un instant que, par cette loi des membres, ils se sentissent engagés en des crimes quotidiens : ce n’est pas la félicité qu’ils se plaindraient d’avoir perdue, mais l’innocence. L’Apôtre Paul ne dirait pas : Malheureux homme que je suis ! mais : Homme impur, scélérat que je suis ! Il ne souhaiterait pas la délivrance de ce corps de mort, c’est-à-dire de la condition mortelle, mais des hontes et des crimes de la chair. Or, au contraire, se voyant, de par l’humaine fragilité, tenu captif et entraîné vers les sollicitudes et les soins charnels, fruits de la loi du péché et de la mort, il gémit sur cette loi à laquelle il est soumis malgré lui et recourt sur-le-champ au Christ, dont la Grâce le sauve par une prompte délivrance. Tout ce que la loi du péché, racine féconde en épines et chardons de pensées et de soucis terrestres, vient à produire de sollicitudes au coeur de l’Apôtre, la Loi de la Grâce l’arrache sans tarder : Car, dit-il lui-même, la Loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus m’a délivré de la loi du péché et de la mort (Rm 8,2). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS
À nous non plus, peut-être, les facilités ni les avantages charnels dont vous parlez n’auraient point fait défaut, si nous avions cru qu’ils convinssent à notre vie, ou jugé que la douceur de ces agréments pût nous être d’un profit égal à celui qui se fait parmi ces sombres lieux et dans l’affliction du corps. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM
Combien plus croyable et plus manifeste notre opinion ! Quiconque, à la Voix du Christ, méprisera quelque affection ou richesse terrestre, ses frères par la vocation, qu’un lien spirituel unit avec lui, lui rendront dès cette vie un amour cent fois plus doux. L’amour, en effet, que l’alliance ou le sang créent ici-bas entre les parents et les enfants, entre les frères, les époux, les proches, se montre fragile et de courte durée. Lorsque les enfants ont grandi, il arrive qu’ils soient exclus, même bons et dévoués, de la demeure et de la fortune paternelle; le lien conjugal est parfois rompu, et pour des motifs honnêtes, on voit les divisions et les procès partager le bien des frères. Seuls les moines persévèrent jusqu’à la fin dans leur étroite union, et possèdent toutes choses en indivis. Chacun regarde comme sien ce qui est à ses frères, et comme étant à ses frères ce qui lui appartient à lui-même. Si donc l’on compare aux affections qui naissent des liens charnels, la beauté d’une telle dilection, elle est assurément cent fois plus douce et plus haute. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM