3. Mais, comme il faudrait des livres entiers pour dire tout ce qu’il y aurait à dire sur ces différentes espèces de créatures, et qu’un homme ignorant comme moi serait incapable d’une si grande entreprise, je crois qu’il vaut mieux que, pour obéir aux véritables serviteurs de Dieu, dont la tendre piété me fait violence, et dont le zèle et la bonne volonté me pressent, je me borne et m’arrête aux choses qui peuvent servir à l’édification de leurs âmes; que, quelque incapable que je doive me reconnaître, je prenne la plume de leurs mains, et que, la trempant avec simplicité dans l’humble soumission à leurs voeux prononcés, j’aie lieu, malgré mon impuissance et mon incapacité, d’espérer et de recevoir de mon obéissance quelques grâces et quelques lumières, afin que, traçant sur un papier d’une admirable blancheur les règles d’une vie sainte et pure, je les trace aussi dans leurs coeurs bien préparés et saintement purifiés, que je les écrive sur des cahiers mystérieux et vivants. C’est de cette manière et dans ces dispositions que je vais commencer. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
19. Les enfants de Jacob eurent Moise pour les faire sortir de la terre d’Égypte; la famille de Loth eut un ange pour sortir de Sodome. Ceux qui sortirent de l’Égypte nous représentent les pécheurs qui, pour guérir leurs âmes, et les purifier de leurs péchés, ont besoin des soins et des lumières des médecins spirituels. Ceux qui s’enfuirent de Sodome, sont la figure des personnes qui désirent se voir délivrées des penchants de leur misérable corps; c’est pourquoi elles ont besoin d’un ange pour les secourir, ou du moins d’un homme qui, pour m’exprimer ainsi, ne soit pas inférieur à un ange; car d’après la grandeur et la corruption des plaies qu’elles ont réelles, il leur faut un chirurgien et un médecin doués l’un et l’autre d’une science et d’une expérience peu communes. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
35. Ce serait en vain que je voudrais cacher combien j’ai l’esprit peu subtil et pénétrant, et combien mes connaissances sont bornées et mon ignorance profonde. Comme le palais de la bouche juge du genre et de la nature des mets, que les oreilles délicates des auditeurs jugent de la beauté des pensées de l’orateur, et que l’éclat du soleil fait connaître la faiblesse des yeux, de même mes paroles font bien voir mon peu de capacité; mais souvent l’amour nous porte à entreprendre des choses réellement au dessus de nos forces. Je pense donc, sans oser l’assurer, qu’après avoir parlé, ou plutôt en parlant de la fuite du monde, il convient de dire quelque chose des songes, afin que nous sachions que les démons s’en servent comme d’un piège pour perdre les âmes. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
38. La raison qui nous engage à parler des songes, après avoir dit quelque chose de la fuite du siècle, doit paraître évidente. En effet, lorsque, pour l’amour du Seigneur, nous avons renoncé à nos biens et à nos proches, et que, dans l’exil volontaire, nous nous sommes consacrés et comme vendus à son service et à l’amour des biens célestes, les démons, jaloux de notre bonheur, tâchent de répandre le trouble et l’inquiétude dans nos âmes, par le moyen des songes. C’est ainsi qu’ils nous représentent nos proches, tantôt dans les pleurs, tantôt étendus sur un lit de mort, tantôt plongés dans le chagrin à cause de nous, et tantôt tourmentés par quelque malheur; mais celui qui croit aux songes, comme à quelque chose de réel, ressemble très bien à une personne qui courrait après son ombre, et qui ferait des efforts pour la saisir. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
14. Plein d’admiration pour la sagesse de ce saint homme, j’osai lui demander en particulier quelles étaient les raisons qui l’avaient engagé à donner à ses moines un spectacle si extraordinaire. Or voici la réponse que me fit cet excellent médecin des âmes : “J’en ai agi de le sorte, me dit-il, pour deux raisons principales. La première, afin que ce pénitent, par la honte temporelle et passagère qu’il éprouverait en confessant publiquement ses péchés, se préservât de la confusion future et éternelle; et c’est ce qui lui est heureusement arrivé, car il n’était pas encore relevé de terre, que déjà Dieu lui avait généreusement pardonné tous ses crimes; et vous ne devez point en douter, mon cher abbé Jean, car un de nos moine qui était présent et très attentif, m’a certifié qu’il avait vu un homme d’un aspect terrible, lequel, d’une main, tenait un papier écrit, et de l’autre, une plume avec laquelle il effaçait sur le papier chaque péché, à mesure que ce pénitent, prosterné par terre, en faisait la confession. EH certes ! Cela ne doit point nous surprendre, car n’est-il pas écrit : “Aussitôt, ô mon Dieu, que j’ai pris la résolution de confesser mes iniquités devant vous et contre moi-même, vous m’avez pardonné la noirceur et l’impiété de mes péchés” (Ps 31,5). La seconde raison que j’ai eue de me conduire de la sorte, c’est qu’ayant dans ma communauté quelques moines qui n’ont point encore fait la confession de leurs fautes, j’ai voulu profiter de cette circonstance pour les engager à la faire; car, sans la confession, personne ne peut obtenir le pardon de ses péchés.” L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
57. Mais j’oubliais de vous présenter, mes chers amis, un pain délicieux et salutaire pour la nourriture de vos âmes; je veux dire de vous parler de la vertu admirable de ces moines qui, pour s’accoutumer à recevoir avec la plus grande patience et la plus parfaite charité les injures, les affronts et les mépris des autres, s’étaient réunis ensemble pour s’exercer à supporter toute sorte d’humiliations, d’outrages et de mépris. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
99. Vous devez aussi faire attention que le silence que vous garderiez d’une manière bizarre et à contretemps, ne trouble et ne fatigue pas vos frères, et que, si l’on vous ordonne de vous hâter, vous ne le fassiez pas avec une nonchalance, une lenteur étudiée; car alors vous seriez plus condamnable que ceux qui courent avec une espèce de fureur. C’est ainsi que, selon la parole de Job, j’ai reconnu que la gravité a été nuisible à des âmes, et que d’autrefois la précipitation l’a été à d’autres : tant est étonnante la variété qu’on peut remarquer dans la malice du coeur humain ! L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
13. “EH ! s’écriaient-ils, pourvu que cette grâce ne nous soit pas refusée, nous devons être contents.” C’est là que je vis des âmes vraiment humbles, mortifiées et transpercées de douleur, connaissant et sentant l’énormité de leurs péchés. Aussi poussaient-elles des cris et des lamentations, adressaient-elles à Dieu des prières si ferventes et si animées, qu’elles auraient amolli la dureté et l’insensibilité des rochers. On les entendait, dans un saint tremblement, et humblement prosternées contre terre, répéter sans cesse : “Oui, Seigneur, nous reconnaissons et nous confessons que nous ne méritons que trop toute sorte de peines et de châtiments, et que, quand même l’univers entier se réunirait à nous pour pleurer sur le nombre et sur la grandeur de nos offenses, toutes ces larmes ne seraient pas suffisantes pour laver nos âmes et satisfaire à votre Justice; mais il est une grâce que nous te prions, te supplions avec instance et te conjurons de ne pas nous refuser : c’est de ne pas nous corriger dans ta juste Colère, et de ne pas nous châtier dans ton indignation (cf. Ps 6,2), mais de nous recevoir dans les bras de tes Miséricordes. Il nous suffit, Seigneur, que nous n’ayons plus à craindre tes terribles Menaces, et que nous soyons préservés des supplices inexprimables et incompréhensibles que nous avons mérités; car nous n’osons pas te demander que tu nous délivres de toutes les peines que nos péchés nous ont attirées, et que tu nous accordes un pardon entier et parfait. EH ! Seigneur, de quel front pourrions-nous solliciter une telle faveur, nous qui avons eu l’audace sacrilège de profaner et de violer les voeux de notre sainte profession, et de fouler si indignement aux pieds la grâce inestimable que tu nous avais faite, en nous pardonnant, si généreusement et avec tant de bonté, les fautes que nous avions commises avant de quitter le monde.” L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
19. Si vous passiez ailleurs, vous en entendiez d’autres se communiquer leurs craintes et leurs espérances, et se dire : “Pensez-vous que nous ayons fait quelques progrès dans notre pénitence ? Obtiendrons-nous enfin l’objet de nos voeux et de nos désirs ? Dieu écoute-t-Il à présent nos prières ? Croyez-vous qu’Il nous ouvre le sein de ses Miséricordes et de sa Tendresse” ? À toutes ces questions d’autres répondaient : “Qui sait si, comme nos frères les habitants de Ninive, nous ne pouvons pas dire que Dieu révoquera la sentence terrible qu’il a prononcée contre nous, et qu’il nous délivrera des châtiments rigoureux que nous avons mérités ? Ah ! pour obtenir cette faveur insigne, redoublons de zèle et de courage, accomplissons exactement notre pénitence. Quel bonheur pour nous, s’il nous ouvre la porte de sa Tendresse ! Et s’il ne nous l’ouvre pas encore, ne laissons pas de louer et de bénir son saint Nom, car sa Conduite à notre égard est toujours juste et pleine d’équité, et de persévérer jusqu’à la fin de notre vie à frapper à la porte de son Coeur par nos gémissements et nos larmes. Cette constante importunité et cette persévérance Lui feront peut-être violence, et nous obtiendront ce que nous cherchons avec ardeur. C’était ainsi qu’ils s’encourageaient les uns les autres. “Courons, s’écriaient-ils avec un saint enthousiasme; courons, ô nos chers Frères, car nous avons besoin de courir, et de courir de toutes nos forces : hélas, nous avons perdu la céleste compagnie dans laquelle nous coulions des jours si doux et si agréables, nous nous sommes égarés ! Courons donc; oui, courons, et n’épargnons pas une chair de péché et de corruption; matons, immolons généreusement nos corps : ils ont donné la mort à nos âmes.” L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
28. Cette langue qui ne sût jamais mentir, me raconta le fait suivant : “Il y a près de dix ans, nous avions ici un frère qui était d’une si grande piété, qui prenait tant de soin et d’attention pour être un véritable soldat de Jésus Christ, qui était animé d’un zèle si vif et d’une si grande ardeur dans les exercices de la vie religieuse, qu’en le voyant dans de si belles dispositions, je tremblais pour lui et craignais beaucoup que le démon, jaloux de ses vertus et de ses mérites, ne se servît de son ardeur et de son zèle même pour lui faire heurter le pied contre quelque mauvaise pierre. Or ce qui ne manque guère d’arriver à ceux qui marchent avec trop de précipitation, arriva malheureusement à ce frère : il fit une chute. Mais aussitôt il vint me trouver. C’était vers le soir. Il me découvrit et me montra la blessure qu’il avait faite à son âme; dans l’abîme de sa douleur, il me conjura avec instance d’y appliquer le fer et le feu, et de lui ordonner les remèdes convenables. Comme il vit que son médecin spirituel ne voulait pas employer la rigueur et la sévérité qu’il désirait, et ce pauvre religieux n’était pas indigne de quelque indulgence, il se jeta à mes pieds, les arrosant de ses larmes et me conjurant de l’envoyer à la Prison, que vous avez vue; et pour venir à bout de me gagner, il ne cessait de me répéter qu’il était impossible qu’on puisse le dispenser d’y être condamné. Ainsi par la violence qu’il me fit, il me força, en quelque sorte, à convertir en rigueur et en sévérité la douceur et la tendresse que j’avais pour lui. On vit donc dans ce religieux ce qu’on ne voit guère chez les malades, et ce qui est contraire au cours ordinaire des choses. Aussi je lui avais à peine accordé la permission qu’il demandait avec tant d’instance, qu’il courut promptement vers les pénitents, pour être leur confrère et l’imitateur de leurs travaux et de leurs larmes. La contrition que son amour pour Dieu lui avait fait concevoir de sa faute, fut si vive et si violente, que huit jours après qu’il fut entré dans le monastère, il partit de ce monde pour aller devant le Seigneur; mais, avant de mourir, il eut bien soin de demander que son corps fût privé de la sépulture. Je crus pour cette fois, ne pas devoir céder à ses désirs. Je fis donc apporter et déposer son corps dans le cimetière destiné à la sépulture des pères. Or je le jugeai digne de cet honneur, puisqu’après une pénitence de sept jours dans la Prison, Dieu l’avait trouvé capable, le huitième, de jouir de la liberté et de la félicité des cieux. En effet, il y a un religieux qui a su d’une manière certaine qu’avant même que cet illustre pénitent se soit relevé de devant les pieds vils et méprisables de celui qui vous parle, il avait reçu le pardon de son péché, et qu’il était parfaitement réconcilié avec Dieu. EH! N’en soyons point étonnés, car il avait dans le coeur la même foi que la pécheresse de l’Évangile, et c’était avec une espérance et une confiance parfaites en Dieu, qu’il avait arrosé de ses larmes mes misérables pieds. Or tout n’est-il pas possible à celui qui croit ?” (Mt 9,22) Quant à moi, j’ai vu des âmes souillées de péchés, et possédées même par la folie et l’amour des plaisirs sensuels, lesquelles néanmoins, par les exercices de la pénitence, par la présence de ceux qui aimaient Dieu, et surtout par la considération approfondie de leur triste état, ont changé d’affections et de sentiments, ont donné leur coeur à Dieu, L’ont aimé uniquement, ont triomphé de toute crainte servile, et se sont enfin livrées entièrement aux saintes ardeurs de la charité. Aussi remarquons bien que notre Seigneur ne dit pas de la pécheresse convertie : “Elle a beaucoup tremblé”; mais elle a beaucoup aimé.” (cf. Lc 7,47). Et que ce fut par un amour ardent pour Dieu qu’elle se délivra de l’amour charnel et profane. L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
17. Une âme, qui cherche tous les moyens d’assurer son salut, s’occupe sans cesse de plusieurs pensées très salutaires : elle pense à l’amour que Dieu lui porte, à la mort, à la présence de Dieu, au royaume céleste, à la ferveur des martyrs; mais c’est surtout la pensée dé Dieu réellement présent partout, qui l’absorbe entièrement. C’est pour cela qu’elle médite sans cesse ces paroles : “Je regardais continuellement le Seigneur, et je l’avais toujours présent devant mes yeux.” (Ps 15,8). Elle ne perd pas de vue le souvenir des anges et des puissances célestes, ni sa dernière heure en ce monde, ni le moment terrible où elle comparaîtra an tribunal du souverain Juge, ni les supplices éternels, ni enfin la sentence qui y condamnera les pécheurs. Telles sont les grandes vérités dont s’occupent les âmes qui veulent servir Dieu. Nous avons d’abord présenté celles qui doivent nous paraître les plus respectables, et nous avons ensuite rappelé celles qui sont les plus capables de nous inspirer l’horreur du péché et de nous empêcher d’y tomber. L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ
34. La vraie componction répand des consolations dans les âmes; la fausse n’y produit que l’orgueil. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
10. Les menteurs, pour s’excuser, allèguent ordinairement qu’ils ne mentent que pour de bonnes raisons, que ce n’est jamais qu’en faveur du salut des âmes, et pour l’honneur de la justice et de la charité; ils osent même avancer qu’ils ne font que suivre l’exemple de Rahab, qui par un heureux mensonge, sauva la vie aux envoyés du peuple juif. L’Échelle Sainte: DOUZIÈME DEGRÉ
29. Je crois que les démons, ces impitoyables homicides de nos âmes, ont deux raisons principales pour nous porter avec tant d’ardeur et de zèle, à des péchés qui répugnent aux lois de la nature : c’est, premièrement, parce que nous avons toujours en notre pouvoir et en notre disposition la matière du péché; secondement, parce qu’ils nous font par là mériter des peines plus sévères. C’est ce que misérablement éprouvé un homme extraordinaire. Il avait dans un temps commandé avec un empire absolu à ces bêtes féroces; mais un jour il en fut si horriblement assailli et si vigoureusement attaqué, que, non seulement elles le privèrent de la nourriture céleste dont il savourait les douceurs, mais le dépouillèrent de tout et le livrèrent à la plus affreuse misère. C’est pourquoi le bienheureux Antoine, notre maître dans la vie religieuse, en pleurant le malheur de cet homme qui cependant le répara par les rigueurs de la pénitence, disait en poussant de longs gémissements : “Elle est tombée cette grande et solide colonne de vertus.” Ce saint Père a jugé dans sa sagesse qu’il ne devait pas nous apprendre quelle était l’espèce de péché que ce malheureux avait commis contre la chasteté; mais on pense qu’il s’agissait d’un crime qu’il avait fait sur son propre corps. Hélas ! il y a donc en nous une espèce de mort et un principe de ruine bien funeste; et cette malheureuse mort réside en nous-mêmes, nous accompagne partout; mais c’est surtout pendant les années de la jeunesse, et je n’ose ni dire ni écrire son nom, car saint Paul me le défend par ces paroles : “Il est des choses qui se font en secret, qu’il serait honteux et indécent de nommer.” (Eph 5,12) L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
64. Vous tous qui avez résolu de garder la chasteté et à être fidèles à cette vertu céleste, écoutez-moi, je vous prie, et remarquez avec moi un nouveau genre de malice de la part du cruel et impitoyable séducteur de nos âmes : veillez surtout avec grand soin pour ne pas en devenir les tristes victimes. Un serviteur de Dieu, qui en était instruit par sa propre expérience, m’a raconté que souvent le démon de l’impureté se retire de nous jusqu’au temps qu’il a fixé pour être le plus propre et le plus convenable à la tentation dans laquelle il veut nous faire tomber; que pendant cet intervalle il excite dans le malheureux qu’il veut précipiter dans le péché, les plus beaux et les plus pieux sentiments de dévotion, et qu’il lui ouvre une source abondante de larmes dans le temps même qu’il se trouve dans la compagnie des personnes du sexe, qu’alors il inspire à cet imprudent de leur parler avec zèle de la mort et du jugement, de la tempérance et de la chasteté, et de les exhorter à faire des méditations fréquentes sur les vérités importantes du salut et à pratiquer avec une inviolable fidélité les vertus si belles et si nécessaires que commande la religion. Trompées par ces discours et par ces apparences de piété, ces pauvres personnes courent, comme après un véritable pasteur, à la suite de ce moine, qui, par les ruses du démon et sans que lui-même s’en soit presque aperçu, est devenu un loup sanguinaire et dévorant. Mais que va-t-il arriver ? Hélas ! par la familiarité que peu à peu elles prennent, et par la liberté qu’elles ont de s’entretenir avec lui, elles finissent par se précipiter elles-mêmes et, avec elles, ce malheureux dans l’abîme profond du péché, et par consommer sa perte. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
5. Cependant, malgré la faiblesse de mon esprit et de mon jugement, voici en peu de mots ce que je crois avoir découvert des ruses infernales qu’emploie et des plaies profondes que fait cette passion dure, furieuse, tyrannique, dangereuse et impertinente; car je ne peux pas ici m’étendre en dissertations longues et raisonnées, et je conjure celui qui, par le secours du ciel et par sa propre expérience, aurait trouvé le remède capable de guérir les âmes de cette maladie mortelle, de ne pas manquer de nous l’apprendre et de l’employer. Quant à moi, tout ce que je peux faire, c’est d’avouer franchement et sans détour que, vu mon impuissance et l’état de servitude dans lequel ne m’a que trop réduit cette cruelle maîtresse, j’aurais été dans l’impossibilité de connaître tous ses artifices et toutes ses ruses; mais je l’ai saisie de force, je lui ai fait violence, et, la serrant fortement avec les chaînes de la crainte de Dieu, et les liens de la persévérance dans la prière, je l’ai forcée, malgré elle, à me faire les aveux suivants. L’Échelle Sainte: DIX-SEPTIÈME DEGRÉ
1. L’orgueil est un renoncement à Dieu, la découverte par excellence des démons, un mépris des hommes, la cause et le principe des jugements téméraires et des condamnations injustes, l’enfant impur des louanges, la marque d’une funeste stérilité dans les âmes, l’obstacle à l’effusion des dons célestes, l’avant-coureur de l’endurcissement du coeur, la cause féconde des plus grandes fautes, le foyer ou la matière de l’épilepsie, spirituelle, la source intarissable des colères, la porte de la dissimulation et de l’hypocrisie, le plus fort retranchement des démons, le fidèle gardien et le conservateur opiniâtre de nos péchés; la cause funeste de l’inhumanité et de l’inflexibilité du coeur, l’extinction de tout sentiment de piété et de compassion et l’auteur des lois dures et sévères. L’orgueil est un juge impitoyable, un mortel ennemi de Dieu, et la racine infâme de tous les blasphèmes. L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ
3. Cependant le démon, cet insigne trompeur, ce cruel assassin des âmes, en a porté plusieurs par cette effroyable tentation jusqu’à la folie et à l’extravagance. En effet, et remarquez-le bien, il n’y a pas de pensée qu’on découvre avec plus de peine et de répugnance que ces pensées blasphématoires. C’est ainsi qu’un grand nombre de personnes les laissent vieillir dans leur coeur. Cependant est-il rien qui puisse donner plus d’empire au démon et plus de force à ces mauvaises pensées pour nuire à notre âme, que de les souffrir et de les tenir cachées en nous ? L’Échelle Sainte: VINGT-TROISIÈME DEGRÉ
19. Un cœur méchant est caché et rempli de cavités profondes et impénétrables; il est dévoué à l’habitude de mentir, de s’élever au dessus des autres, de faire la guerre à l’humilité, de contrefaire la pénitence, de chasser les pleurs du repentir, d’avoir en horreur la confusion de ses fautes, de défendre opiniâtrement son sentiment, de produire la ruine et la perte des âmes, d’empêcher qu’elles ne sortent de l’abîme du malheur par la pénitence, et de se railler de ceux qui, par amour pour Dieu, souffrent avec patience et douceur les injures et les outrages. L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
25. Or donc, qui que nous soyons, si nous voulons nous unir fortement à notre Seigneur, nous devons nous présenter devant Lui comme devant le maître excellent de qui nous avons à recevoir toutes les instructions qui nous sont nécessaires. Approchons-nous donc de Lui avec simplicité et candeur, sans artifice ni déguisement, sans curiosité ni malice; car, comme Il est d’une nature toute sainte, toute pure et parfaitement simple, Il demande que les âmes qui s’approchent de Lui, soient pures, saintes et remplies de simplicité. Verrez-vous jamais la simplicité séparée de l’humilité ? L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
28. Autant il est facile aux gens de bien de se pervertir et de se corrompre, autant il est difficile aux méchants de ne convertir et de se corriger; cependant la fuite réelle du monde, une retraite salutaire, l’amour et la pratique du silence et de l’obéissance ont souvent, et même contre toute espérance, pu guérir, et guérir parfaitement, des âmes de certaines maladies qui paraissaient incurables. L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
13. Sachez donc, mes amis, que c’est dans les saintes vallées de l’humilité qu’on recueille avec abondance le froment et les autres fruits spirituels. Oui, les âmes humbles sont des vallées qui, placées au milieu des montagnes des travaux, des peines et des vertus, demeurent toujours abaissées par les sentiments que nourrit en elles la vue de leur bassesse et de leur néant. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
43. Il est certain que la fuite du monde et la retraite nous font admirablement bien entrer dans les exercices de l’humilité, et qu’il n’appartient qu’aux âmes fortes et généreuses de s’exposer ainsi aux railleries et aux mépris de leurs proches et de leurs amis. Ne soyez pas surpris de toute que je viens de dire, car personne n’a jamais pu d’un seul pas monter sur cette échelle divine. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
48. Les petits oiseaux tremblent à la vue d’un épervier, et les âmes solidement humbles craignent et redoutent le bruit des contestations. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
66. Gardez-vous bien d’estimer et de vouloir imiter certaines personnes qui doivent totalement vous être étrangères, je veux dire ces gens curieux qui veulent témérairement pénétrer les secrets de la divine Providence, approfondir les illuminations que Dieu répand dans quelques âmes privilégiées, et prononcer dans eux-mêmes que Dieu fait acception des personnes. Toutes ces sortes de personnes font bien voir que réellement elles sont les tristes enfants et les malheureuses esclaves de l’orgueil. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
68. Quelques-uns ont dit qu’il y avait des démons ennemis d’autres démons, et qu’ils se faisaient la guerre les uns aux autres. Pour moi, tout ce que je sais, c’est qu’ils en veulent tous à la perte de nos âmes. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
75. Quelquefois les âmes élevées estiment peu les choses qui en effet sont d’une bien petite importance; mais souvent les esprit légers et superficiels regardent comme d’une grande importance ce qu’est ni bon ni parfait sous tous les rapports. 76. Lorsque l’air est pur, nous voyons briller les rayons du soleil; c’est ainsi qu’une âme que Dieu a purifiée par sa grâce, voit en elle-même briller les rayons de la lumière céleste. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
83. Il est subtil et pénétrant l’œil de notre âme; car, si nous exceptons les anges, il surpasse en lumière et en finesse toutes les autres créatures. Aussi voyons-nous que ceux-là mêmes qui sont encore agités de leurs passions, pourvu qu’ils ne soient pas ensevelis dans la boue du péché, en vertu de la grande affection qu’ils ont pour leurs frères, connaissent les pensées et les sentiments qui sont dans leurs âmes. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
89. Il y a plusieurs voies qui conduisent les âmes à la piété, mais il y a aussi plusieurs chemins qui peuvent les mener au malheur éternel. Or parmi ces voies qui font arriver au salut, il en est qui, ne convenant pas à quelques personnes, conviennent fort bien à d’autres; et cependant la conduite des unes et des autres est agréable à Dieu. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
95. Ainsi comme ce sont nos yeux qui éclairent tous les membres de notre corps, nous pouvons de même assurer que c’est la discrétion qui est la lumière de toutes les vertus que nous devons pratiquer. C’est pourquoi un cerf pressé par la soif ne cherche pas avec plus d’ardeur les eaux rafraîchissantes d’une fontaine, que les âmes vraiment religieuses ne cherchent à connaître et à comprendre quelle est la Volonté du Seigneur sur elles, et surtout à discerner, non seulement les choses qui lui seraient directement contraires ou directement conformes, mais encore celles qui lui seraient contraires sous un rapport et conformes sous un autre. Or nous aurions beaucoup à dire surtout cela; mais la matière n’est pas facile. En effet il nous faudrait examiner ce que nous avons à faire sans retard et avec promptitude, d’après ces paroles de l’Écriture : Ne différez pas d’un jour à un autre, ni d’un moment à un autre, (Si 5,7-8), et ce que nous ne devons faire qu’avec retenue, sagesse et réflexion, ainsi que nous en avertit Salomon : La guerre, nous dit-il, ne doit s’entreprendre qu’après qu’on a pris les précautions nécessaires et qu’on a tout disposé; (Pro 24,6) et saint Paul, en nous disant que tout doit être fait avec décence et selon l’ordre. (1 Cor 14,40). Mais il n’est pas donné à tous; non, il n’est pas donné à tous de discerner sur-le-champ et avec clarté les choses dont le discernement est très difficile; car David, qui était rempli de l’esprit de Dieu et qui, par son inspiration, nous a dit tant et de si belles choses, ne cessait dans ses ferventes prières de lui demander ce don précieux de discernement : Enseignez-moi, Seigneur, à faire votre sainte Volonté, car vous êtes mon Dieu; et ailleurs : Conduisez-moi, ô mon Dieu, dans la voie de votre Vérité, et instruisez-moi, parce que vous êtes mon Dieu et mon Sauveur; (Ps 142,10) et encore: Faites-moi connaître la voie par laquelle je dois marcher, parce que j’ai élevé mon âme vers vous. (Ps 142,8). L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
96. Tous ceux qui sont animés du désir sincère de connaître quelle est la volonté de Dieu sur eux, sont d’abord, obligés d’immoler leur propre volonté, de renoncer généreusement à eux-mêmes et de prier avec une foi vive et ardente et une grande simplicité; ensuite, de consulter avec humilité et confiance leur supérieur et même leurs frères, et de recevoir leurs avis et leurs conseils, comme de la Bouche de Dieu même, quoiqu’ils les trouvent contraires à la fin qu’ils se proposaient, et que, ceux qui les leur donnent, ne soient pas fort versés dans les choses spirituelles; car Dieu est trop juste et trop bon pour permettre jamais que des âmes qui, dans un esprit de foi, d’humilité et de simplicité, se sont soumises aux conseils et à la direction des autres, se trouvent trompées et s’égarent. En effet quelque dépourvues de lumière et de prudence que puissent être les personnes que l’on consulte dans d’aussi bonnes dispositions et avec des vues si pures et si saintes, Dieu certainement parlera par leur bouche. J’avoue que poursuivre cette règle, il faut être rempli d’humilité; mais, après tout, si David sur sa harpe a pu découvrir et connaître les choses qu’il avait à proposer, combien plus pensez-vous qu’une âme douée de raison et d’intelligence doive l’emporter sur les cordes d’un instrument ! L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
107. Il est des âmes généreuses qui, par l’amour ardent dont elles brûlent pour Dieu, vivant toujours dans la pratique d’une humilité profonde, font des efforts extraordinaires pour faire des actions qui sont au dessus de leurs forces; mais il est aussi des âmes orgueilleuses qui en agissent de même. Remarquez donc que le but et la fin ordinaires que dans ces circonstances se proposent les démons, nos cruels et impitoyables ennemis, c’est de nous engager à faire ce que nous ne pouvons pas, afin de nous faire omettre ce que nous pouvons, de nous en faire perdre le mérite et la récompense, et de nous exposer à leurs propres railleries. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
111. Celui qui, entendant raconter les belles actions que les Saints ont pratiquées, parce qu’elles surpassent les forces de la nature, se laisse aller à l’abattement et au désespoir, est un homme sans jugement et sans raison; car elles nous sont utiles, et même très utiles, sous deux rapports : elles nous excitent à faire tous nos efforts pour marcher sur les traces de ces âmes saintes et généreuses, elles nous portent par l’humilité à nous connaître nous-mêmes et à nous faire sentir notre misérable faiblesse. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
122. La doctrine céleste dont nous nourrissons nos âmes, est une lumière capable de dissiper les ténèbres qui pourraient nous dérober la vue du chemin qui y conduit, de nous y ramener, lorsque nous avons eu le malheur de le quitter, et de nous éclairer sans cesse au milieu même de l’obscurité. Celui qui possède le don de discernement, sait trouver la santé dont il a besoin, et guérir parfaitement son âme de ses maladies. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
133. Il arrive que les démons aussi méchants qu’ils sont envieux ne se retirent d’auprès des âmes saintes qu’afin qu’en cessant de leur faire la guerre, ils les privent des occasions de remporter sur eux de nouvelles victoires, et d’augmenter leurs mérites et leur trésor. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
152. Se laisser aller à des fautes contre la continence, se livrer à la dissipation, et se plaire dans les ténèbres, sont trois choses qui ont une grande différence entre elles. L’abstinence, la mortification et les jeûnes peuvent nous purifier des péchés que nous avons commis contre la chasteté; la solitude et la retraite sont capables de nous guérir de la dissipation; une exacte obéissance et une humble soumission sont très propres à nous faire haïr les ténèbres et à nous en faire sortir; mais surtout ce sera, la grâce de Celui qui s’est rendu obéissant pour nous, laquelle pourra nous délivrer de tous ces maux. 153. Nous pouvons encore ici nous servir de l’exemple de deux sortes d’ouvriers qui travaillent à nettoyer et à préparer les étoffes nécessaires pour faire des habits, afin de nous faire comprendre qu’il y a deux sortes de manières dont doivent se servir ceux qui désirent ardemment se préparer à mériter et à recevoir les dons célestes. C’est pourquoi nous appellerons les monastères des fouleries, parce que dans ces maisons les âmes sont en quelque sorte foulées et purifiées de leurs souillures, se débarrassent de la rouille des passions, et quittent leur difformité; nous nommerons lieux où l’on donne la couleur aux laines lavées et purifiées, la solitude des anachorètes et les cellules des religieux, parce que c’est là que les personnes qui dans les communautés se sont lavées des taches que l’incontinence, le souvenir des injures, les mouvements de colère avaient imprimées sur leur âme, mettent la dernière perfection à leur sanctification. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
160. Il n’y a pas de doute que la charité ne doive vous porter à procurer quelque consolation et quelque adoucissement aux vieillards véritables qui ont passé de longues années dans les exercices de la vie religieuse et qui ont usé leur corps dans les jeûnes et les austérités; mais cette même charité doit vous engager fortement à porter à la pratique de la continence par tous les moyens possibles, et surtout par la pensée des jugements de Dieu, de l’éternité et des supplices de l’enfer, les jeunes gens qui, par les péchés innombrables de leur jeune vie, ont eu le malheur de si fort maltraiter leurs pauvres âmes. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
163. Ne vous troublez nullement de ce que je vais dire : on trouve difficilement et rarement des âmes droites et pures qui soient exemptes de toute malice, de toute dissimulation et de toute hypocrisie, qui aient une véritable horreur de la société et des conversations mondaines, qui suivent avec une constante et exacte fidélité les avis et les conseils d’un bon directeur, qui méritent de passer de la paix et de la tranquillité de la vie solitaire et religieuse, qui est un port, au bonheur céleste, et qui puissent se préserver des souillures, des agitations et des scandales qu’on rencontre partout, même dans les communautés religieuses. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
41. Comme on peut facilement tout enlever aux personnes qui sont plongées dans le sommeil; de même ceux qui sont comme assoupis par les vapeurs du siècle dont ils suivent les maximes, ouvrent toutes les avenues de leur cœur aux voleurs des âmes et aux meurtriers des bonnes œuvres. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
26. Quiconque parle de la vie solitaire avec exactitude et connaissance, s’attire par là même la haine des démons; car il fait discerner les moyens artificieux dont ces misérables se servent pour perdre les âmes. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
36. Il faut avouer ici qu’il y a dans les monastères cénobitiques des âmes lâches et paresseuses qui, trouvant le sujet et l’occasion de nourrir leur honteuse et criminelle indolence ne marchent pas, mais courent à leur perte éternelle comme aussi il y en a d’autres qui profitent de l’ardeur et du zèle des personnes avec lesquelles elles vivent, pour se corriger de leur tiédeur et de leur négligence. Mais, hélas ! ce ne sont pas seulement les moines travaillés et dominés par la paresse , qui se perdent dans les monastères, il arrive encore que les plus fervents se relâchent par le mauvais exemple des négligents et des paresseux. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
87. Quelques-uns de ceux qui ont embrassé la vie solitaire, ne cessent de méditer ces paroles du psalmiste : Je regardais continuellement le Seigneur, et je l’avais toujours devant les yeux (Ps 15,8). Mais, comme les pains faits avec le froment du ciel pour nourrir les âmes, ne sont pas tous faits de la même manière, d’autres trouvaient leur nourriture spirituelle dans la méditation de ce précepte de Jésus-Christ : Vous posséderez vos âmes dans la patience (Lc 21,19) d’autres, dans cet autre précepte : Veillez et priez sans cesse (Mt 26,41); d’autres : Disposez au dehors vos affaires, et préparez votre champ avec grand soin, afin que vous puissiez bâtir votre maison (Pro 24,27); d’autres avaient continuellement dans l’esprit ces paroles : Parce que j’ai été humble, le Seigneur a pris soin de moi et m’a délivré (Ps 114,6); quelques autres repassaient sans cesse dans leur mémoire cette belle sentence : Les souffrances de la vie présente n’ont aucune proportion avec la gloire future que nous en attendons (Rom 8,18); d’autres pensaient à cette sentence : Vous qui tombez dans l’oubli de Dieu, comprenez ces choses, et craignez qu’il ne vous enlève tout d’un coup, et que personne ne puisse vous délivrer de ses mains (Ps 49,22). Tous courent a dans la même carrière; mais il n’y en a qu’un seul qui remporte le prix. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
2. Levons-nous et écoutons avec attention cette reine des vertus qui nous appelle et qui nous adresse ces paroles à haute voix : Venez à Moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et Moi je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, et vous trouverez le repos pour vos âmes et la guérison de vos blessures. Car mon joug est doux, (Mt 11,28-30) et J’ai le pouvoir d’effacer les plus grandes fautes. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
31. Ce bon et charitable dispensateur de dons et de faveurs exauce, sans différer, les âmes ferventes et reconnaissantes, et les fait entrer de suite dans le palais sacré de son Amour; mais Il laisse les âmes froides et sans reconnaissance souffrir longtemps la faim et la soif, afin que ces douleurs les forcent, pour ainsi dire, à persévérer dans la prière. Ces âmes malheureuses ne ressemblent que trop à des chiens qui n’ont pas plus tôt reçu un morceau de pain, qu’ils s’éloignent de la personne qui le leur a donné. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
54. Il y a une grande différence entre méditer intérieurement en s’entretenant avec son propre coeur, et conduire ce même coeur en suivant les lumières de la partie supérieure de l’âme qui, étant éclairée par la foi, devient reine et capable d’offrir au Christ des hosties qui lui soient agréables. C’est donc avec raison qu’un de nos pères qui, par leur science, ont mérité le titre de théologiens, a dit, qu’un feu saint et céleste descend dans les personnes qui se livrent à la méditation pour les enflammer, et les purifier des impuretés et des souillures qui leur restent encore, et que ce même feu descend aussi dans les âmes de celles qui ont réglé leur coeur selon les lumières de la foi, pour les éclairer de plus en plus et les faire avancer dans les voies de la perfection. C’est pourquoi ce feu salutaire est justement appelé une lumière qui consume et qui éclaire. Aussi voyons-nous quelquefois des personnes sortir du saint exercice de la prière comme d’une fournaise ardente, et sentir elles-mêmes qu’elles ont été purifiées de leurs souillures et de leurs imperfections, et délivrées de la concupiscence, ce terrible et funeste foyer des péchés; et que d’autres en sortent toutes remplies de lumières, revêtues des riches habits de l’humilité et inondées d’une joie céleste. Ils ont donc prié de corps plutôt que de coeur, ceux qui dans l’oraison n’ont pas éprouvé plus ou moins l’un ou l’autre de ces deux effets; leur prière a donc été une prière judaïque. E L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
67. Ayez donc toujours une ferme confiance en Dieu, et Il sera Lui-même le maître qui vous apprendra l’art salutaire de bien prier. Nous ne pouvons absolument pas nous donner la faculté de voir; c’est Dieu qui nous l’a donnée en nous créant, mais tous les hommes ensemble seront-ils capables de nous faire discerner et connaître quelle est l’excellence de l’oraison ? Ah ! c’est Dieu seul qui peut, dans l’exercice même de la prière, nous faire comprendre et son excellence et les avantages qu’elle nous procure; oui, c’est Dieu qui donne à l’homme toute la science dont il est doué, qui accorde à celui qui prie la grâce de bien prier, et qui répand les bénédictions de sa Tendresse sur les âmes justes et saintes. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
Si le vrai caractère de l’orgueil, cette maudite peste des âmes, est de nous faire élever au-dessus des autres, quelque vils et méprisables que nous soyons, ne faut-il pas convenir que le caractère essentiel de l’humilité, cette mère féconde des vertus, consiste à conserver des sentiments d’abjection et de mépris pour soi-même au milieu des plus grandes entreprises et des actions les plus honorables et les plus éclatantes ? L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ
11. Or les personnes auxquelles Dieu a daigné accorder cette grâce si sublime, quoique revêtues d’une chair fragile, deviennent et sont des temples vivants de la Divinité, qui les dirige et les conduit dans leurs paroles, leurs actions et leurs pensées, et qui, par les lumières abondantes dont elle éclaire leur esprit, leur fait exactement connaître quelle est son adorable Volonté; et, supérieures à toutes les instructions des hommes, ces âmes fortunées s’écrient dans les sentiments d’un ravissement céleste : Mon âme est toute brûlante de soif pour mon Dieu, qui est le Dieu fort et vivant; quand viendrai-je et quand paraîtrai-je devant la Face de mon Dieu ? (Ps 41,3); et elles ajoutent : Je ne peux plus supporter la violence du désir qui me presse; ô mon Dieu, je désire, je cherche et je demande cette beauté immortelle que Tu m’avais donnée avant cette chair de boue. L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ
13. Soyez bien persuadé que cette paix est, en quelque sorte, la cour et le palais du Roi des cieux : or dans ce palais comparable à une grande cité, il y a différentes habitations pour les âmes justes : le mur qui entoure cette nouvelle Jérusalem, c’est la rémission de nos péchés. Courons donc, ô mes frères, arrivons jusqu’au lit qui nous est préparé dans ce palais céleste : nous devons y trouver un repos parfait. EH ! si par un malheur à jamais déplorable nous nous trouvons encore chargés du poids de nos mauvaises habitudes, ou que nous soyons embarrassés par les affaires de la vie qui est si courte, appliquons-nous au moins à nous procurer une place autour du lit nuptial de l’Époux céleste. Si notre tiédeur et notre négligence nous privent encore de cet honneur et de cet avantage, faisons du moins en sorte d’entrer dans l’enceinte de ce palais; car, hélas ! il sera condamné à vivre éternellement dans une désespérante solitude avec les démons, l’homme qui, avant sa mort ne sera pas entré dans cette enceinte, ou plutôt qui n’aura pas escaladé les remparts de cette cité céleste pour pénétrer dans son enceinte. Il faut donc de toute nécessité qu’avec une détermination forte et sincère, nous disions avec David : C’est avec le secours de mon Dieu que je veux traverser le mur, (Ps 17,30); et ce mur, le Prophète nous enseigne que ce sont nos péchés : Vos iniquités, dit-il, ont établi un mur de séparation entre vous et votre Dieu. (Is 59,2) Travaillons avec courage, ô mes amis, pour renverser ce mur de séparation que nous avons si malheureusement élevé par nos désobéissances. Procurons-nous à tout prix la rémission de nos péchés; car personne dans l’enfer ne pourra nous donner les moyens de payer les dettes que nous avons contractées en les commettant. Soyons donc pleins de zèle, ô mes chers frères, pour les intérêts de notre salut; car c’est pour cette fin que Dieu nous fait la grâce de nous enrôler dans sa milice sainte. Soyons bien convaincus que nous ne pouvons nous excuser de n’être pas animés de cette ardeur, ni sur les chutes que nous avons faites, ni sur les circonstances pénibles du temps, ni sur la difficulté de porter le joug du Seigneur; car tous ceux qui, comme nous, ont été revêtus de Jésus Christ dans le sacrement de la régénération, Dieu leur a donné le pouvoir de de devenir et d’être ses enfants (cf. Jn 1,12), et c’est à eux qu’Il adresse ces paroles : Quittez vos téméraires entreprises, considérez et reconnaissez que Je suis votre Dieu (cf. Ps 45,11), et que : Je suis la paix solide et véritable des coeurs. Or c’est à ce Dieu de paix que nous devons gloire et honneur dans les siècles des siècles. Amen. L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ
11. Je crois ne pas faire une chose inutile, que de me servir ici de comparaisons tirées des actions humaines afin de donner à comprendre quelle est la crainte, l’ardeur, le zèle, les soins, l’empressement, le respect, l’obéissance et l’amour que nous devons avoir pour Dieu. Heureux donc l’homme qui aime Dieu avec une affection aussi ardente qu’un amant insensé chérit la beauté qui a si misérablement ravi son cœur ! Heureux encore celui qui n’a pas pour Dieu moins de crainte, qu’un criminel n’en a pour les juges qui doivent le juger et le condamner ! Heureux encore le chrétien dont le zèle et l’ardeur dans les voies de Dieu enflamment le cœur autant que l’ardeur et le zèle enflamment celui des serviteurs fidèles et dévoués à leurs maîtres temporels ! Heureux encore celui qui n’a pas pour la pratique des vertus une affection moins prononcée ni moins ardente que les maris jaloux n’en ont pour leurs épouses qu’ils adorent ! Heureuses encore les personnes qui, dans leurs prières, se présentent à Dieu avec le même respect que les officiers se présentent devant leur souverain ! Heureuses enfin les âmes qui s’appliquent à plaire à Dieu avec la même attention, que les hommes eux-mêmes s’étudient à plaire à d’autres hommes ! 12. Une mère dont le cœur est tout de tendresse, n’aime pas tant à serrer dans ses bras et à presser sur son sein maternel l’enfant à qui elle a donné le jour et qu’elle nourrit, qu’un enfant véritable de la charité ne se complaît à s’unir à son Dieu. L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ
20. C’est pourquoi j’ose assurer, parce que j’en suis intimement convaincu, que ces personnes prennent leur nourriture sans goût et sans plaisir; car, si l’humidité de la terre nourrit et conserve les plantes, le feu sacré de l’amour de Dieu nourrit et conserve les âmes. L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ