{{430. L’origine celeste de la virginité.}} L. 1, c. 3, n. 11. Elle ( la virginité ) a pris au ciel ce qu’elle entendait imiter sur terre… Il n’est pas de moi ce mot que les hommes qui n’ont point de femmes et les femmes qui n’ont point de maris seront comme les anges dans le ciel ( cf. Mt 22, 30 ). Par conséquent, que personne ne s’étonne, si celles qui se sont unies au Seigneur des anges sont comparées aux anges. Qui pourrait donc nier qu’est venu du ciel ce genre de vie, que nous ne trouvons pas aisément sur terre, sinon depuis que Dieu y est descendu et a adopté les membres d’un corps humain ? Alors une vierge a conçu dans son sein, et le Verbe s’est fait chair, pour que la chair devînt Dieu…
12. Marie prenant en main le tambourin a conduit le chaste chœur des vierges ( cf. Ex 15,20 ). Mais considérez de qui elle était alors la figure. N’était-ce pas de l’Eglise qui, vierge, a uni dans un esprit immaculé ce peuple de religieux destinés à chanter des chants divins?…
13. Cependant après que le Seigneur venant en ce corps mortel a uni en une même demeure la divinité et le corps humain sans que la moindre confusion vienne le souiller, alors par toute la terre est passée en usage cette vie céleste répandue dans des corps humains.
{{1, 5, 21.}} Voyez donc comme sont grands les mérites de la virginité. Le Christ était avant la vierge, il naît de la vierge ; né du Père avant les siècles, il naît de la vierge au cours des siècles. Cela, il le tenait de sa nature; ceci, il le fait pour notre bien. Cela a toujours été ; ceci, il l’a voulu.
{{431 : La virginité comparée au mariage.}} – 1, 6, 24. Certes je ne dissuade pas du mariage, mais je mets en regard le bienfait de la virginité. « Celui qui est faible, est-il dit, qu’il se nourrisse de légumes» [Rom 14, 2]. J’admets l’un, mais, j’admire l’autre. «Etes-vous lié à une femme? Ne cherchez pas à rompre ce lien. N’êtes-vous pas lié à une femme ? Ne cherchez pas de femme» [i Cor 7, 27]. Voilà le précepte pour ceux qui sont mariés. Mais que dit-il des vierges ? « Celui qui marie sa fille fait bien ; et celui qui ne la marie pas fait mieux » [ib. 38]. L’une ne pèche pas, si elle se marie ; l’autre, si elle ne se marie pas, est éternelle. Là il y a remède de la faiblesse, ici gloire de la chasteté. La première ne mérite pas reproche, la seconde mérite louange. 25. Comparons, s’il vous plaît, les avantages des femmes mariées avec ceux des vierges. Que la femme noble se glorifie de sa féconde maternité ; mais plus elle a mis d’enfants au monde, plus elle a souffert. Qu’elle compte les consolations qui lui viennent de ses enfants; mais qu’elle compte pareillement les tracas. Elle pleure en se mariant. Quels sont ces vœux que l’on doit pleurer! Elle conçoit, et c’est la pénible gestation. La fécondité apporte d’abord une charge avant de donner son fruit. Elle enfante, et elle souffre. Qu’il est doux ce gage de l’hymen, commençant par le péril et se terminant dans les périls, et voué à la douleur avant de l’être au plaisir! Il s’achète au prix des dangers, et on ne le possède pas à volonté. 26. A quoi bon parler des embarras pour le nourrir, cet enfant, l’élever, le marier ? Telles sont les misères réservées à ces heureuses. Mère, elle a des héritiers, mais elle accroît ses douleurs. Car point n’est besoin de parler de l’adversité, pour ne pas faire trembler les âmes des parents les plus saints.
{{432 : Luxe des époux, modestie des vierges.}} – 1, 6, 29. Quelles dépenses sont- nécessaires pour qu’une femme même belle ne déplaise pas ! Voilà pourquoi des colliers précieux pendent à son cou, un vêtement doré traîne à terre. Alors ces atours, les achète-t-on ou les possède-t-on ? Que d’artifices divers pour charmer l’odorat ! On charge les oreilles de pierres précieuses, on rehausse les yeux d’une autre couleur. Que reste-t-il vraiment de soi, quand on change tant de choses ? La femme abdique ses propres sens, et elle pense pouvoir encore vivre ? 30. Mais vous, heureuses vierges, vous qui ignorez je dirai de tels tourments plutôt que des ornements, vous dont la beauté réside dans la sainte pudeur répandue sur vos modestes visages et dans la sainte chasteté, qui ne vous livrez pas aux regards des hommes, vous ne faites pas dépendre votre mérite de leurs faux jugements. Certes vous aussi vous avez à lutter pour votre beauté, vous ne disputez pas sur celle du corps, mais sur celle de la vertu : beauté que l’âge ne détruit pas, que la mort ne peut enlever, ni la maladie altérer. Que Dieu soit seul appelé à juger cette beauté, lui qui aime les âmes plus belles même dans des corps moins beaux. Vous ignorez le fardeau de la grossesse, vous ignorez la douleur de l’enfantement, et cependant nombreuse est la progéniture de l’âme pieuse, qui a tous les hommes pour enfants : féconde en postérité et stérile en pertes, ignorant les deuils et connaissant des héritiers.
{{433 : L’Eglise comparée à la vierge.}} – 1, 6, 31. Ainsi la sainte Eglise, immaculée quant à l’union et féconde en postérité, est vierge par sa chasteté, mère par ses enfants. C’est pourquoi elle nous donne naissance, vierge rendue féconde non par un homme, mais par l’Esprit. Vierge, elle nous met au monde non pas dans la douleur physique, mais dans la joie des anges. Vierge, elle nous nourrit non pas d’un lait corporel, mais de celui dont parle l’apôtre [cf. 1 Cor 3,2] et dont il nourrit l’âge tendre d’un peuple encore grandissant. Quelle épouse a donc plus d’enfants que la sainte Eglise, vierge en ses _ sacrements, mère des peuples qu’elle enfante, et dont la fécondité est attestée par les Ecritures quand elles disent : « Car les fils de la délaissée sont plus nombreux que les fils de celle qui à un époux » [Is 54, 1] ? Notre mère n’a pas de mari, mais elle a un époux, en ce sens que soit l’Eglise au milieu des peuples, soit l’âme en chacun de nous, s’unit au Verbe de Dieu comme à son éternel époux, sans aucun dommage pour sa pureté.
{{434 : Consolation aux parents d’une vierge.}} – 1, 7, 32. La vierge est un don de Dieu, elle fait la gloire de son père, elle exerce le sacerdoce de la chasteté. La vierge est l’hostie offerte par sa mère, dont le sacrifice quotidien apaise la puissance divine. La vierge est le gage donné par les parents eux-mêmes ; elle ne séduit pas par sa dot, elle n’abandonne pas les siens en s’en allant, elle ne cause préjudice à personne. 33. On souhaite d’avoir des petits-fils, d’être appelé grand-père. Mais d’abord on donne ses propres enfants en attendant ceux d’un étranger ; on commence par se priver de ceux qu’on avait certainement, dans l’espérance incertaine d’en avoir d’autres ; on livre ce qui est bien à soi, et l’on se voit demander autre chose ; si l’on ne paye pas la dot, on se l’entend réclamer ; si l’on vit trop longtemps, on est à charge. Cela s’appelle non pas trouver, mais acheter un gendre, qui veuille bien vendre aux parents les regards qu’il porte sur leur fille. Fallait-il donc la porter tant de mois dans son sein pour qu’elle passe au pouvoir d’autrui ? Les parents prennent-ils tant de soin de la vierge qui leur est confiée pour qu’elle leur soit si vite enlevée?
{{435: La virginité l’emporte sur le mariage.}} – 1,7, 35. Je ne détourne pas du mariage, mais j’énumère les avantages de la sainte virginité. Elle est le don fait à un petit nombre ; le mariage, lui, est pour tous. D’ailleurs la virginité ne saurait exister sans le mariage qui donne naissance à la vierge. Je compare biens et biens, pour faire mieux apparaître ce qui l’emporte. Et ce n’est nullement ma manière de voir que j’apporte : je répète ce qu’en a dit le Saint Esprit par le prophète : « Mieux vaut la stérilité avec la vertu » [Sag 4, 1].
{{436 : Eloge de la virginité.}} – 1, 7, 36. «La reine est à ta droite en vêtement doré… Le roi est épris de ta beauté, etc. » [Ps 44, 10 12]. 37. Remarquez combien, au témoignage de la divine Ecriture, le Saint Esprit vous a donné : règne, or, beauté : règne, soit parce que vous êtes l’épouse du roi éternel, soit parce que, portant une âme invaincue, vous n’êtes pas regardée comme prisonnière des trompeuses voluptés, mais vous les dominez comme une reine ; l’or, parce que comme le feu, en éprouvant cette matière, la rend plus précieuse, ainsi la beauté de votre corps virginal consacré à l’Esprit divin acquiert plus de prix ; la beauté : qui donc en pourrait estimer une plus grande que la beauté de celle qui est aimée par le Roi, approuvée par le Juge, vouée au Seigneur, consacrée à Dieu, de celle qui, toujours épouse, est toujours inviolée, en sorte que l’amour est sans borne et la pureté sans dommage ?
{{437 : Les vierges comparées aux abeilles.}} – 1,8, 40. Que vos œuvres distillent donc un rayon de miel [cf. Ct 4, 11]. Car la virginité est digne d’être comparée aux abeilles même labeur, même pureté, même continence. L’abeille se nourrit de rosée, ignore les accouplements, fabrique son miel. Ainsi la rosée de la vierge, c’est la parole de Dieu, parce que ses paroles tombent comme une divine rosée. La pureté de la vierge, c’est sa nature inviolée. Ce qu’elle enfante, c’est le fruit de ses lèvres, qui ne connaît pas l’amertume et qui abonde en douceur. Le travail se fait en commun, et elle amasse pour tous.
{{438 : La virginité, vertu angélique.}} – 1, 8, 51. Rien d’étonnant si les anges militent pour vous qui militez avec une conduite angélique. La chasteté de la vierge mérite bien le secours de ceux dont elle mène la vie. 52. Et pourquoi développerais-je cet éloge de la chasteté ? C’est la chasteté qui a même fait les anges. Qui l’a conservée est un ange ; qui l’a perdue, un démon. De là encore la religion a reçu son nom. La vierge est celle qui a Dieu pour époux ; la courtisane, celle qui a fait les dieux. Que dire de la résurrection, dont vous possédez déjà les avantages ? « A la résurrection, est-il dit, les hommes n’auront pas de femmes, ni les femmes de maris ; mais ils seront comme les anges dans le ciel» [Mt 22, 30]. Ce qui nous est promis, vous l’avez, et ce qui fait l’objet de nos vœux, vous le possédez. Vous êtes de ce monde, et vous n’êtes pas dans ce monde. Le siècle méritait de vous avoir, il n’a pu vous retenir.
{{439 : L’opposition des parents à la virginité.}} – 1, 10, 58. Je sais que bien des vierges voudraient quitter leurs mères et qu’elles en sont empêchées par elles, et ce qui est plus grave, même quand ces mères sont veuves : c’est à elles que je m’adresse. En effet si vos filles voulaient aimer un homme, elles pourraient de par les lois choisir qui elles voudraient. Alors qui a le droit de faire choix d’un homme n’a pas le droit de faire choix de Dieu ?
{{440 : L’attitude des parents en face de la virginité.}} – 1, 11, 62. Il est bien que l’empressement des parents, tel un souffle de pureté, vienne favoriser la vierge ; mais il est encore plus beau que le feu de la jeunesse se jette de lui-même et sans y être aidé par des gens d’âge dans le foyer de la chasteté. Les parents vous refuseront votre dot ? Mais votre époux est riche, et contente de sa fortune, vous n’avez pas à chercher les profits de l’héritage paternel. Combien la chaste pauvreté l’emporte sur ce que votre dot vous apporterait! 63. D’ailleurs avez-vous jamais entendu dire qu’une vierge, à cause de son désir de pureté, ait été frustrée d’un héritage légitime ? Les parents font opposition ; mais ils veulent être vaincus. Ils commencent par résister, parce qu’ils ont peur de croire ; ils se révoltent fréquemment, pour que vous appreniez à les vaincre ; ils menacent de vous déshériter, pour expérimenter si vous êtes capable de ne pas craindre les pertes temporelles ; ils vous entourent de séductions recherchées, pour voir si le charme des voluptés variées ne pourrait vous faire mollir. O vierge, lorsqu’on vous presse ainsi, c’est pour vous éprouver. Et pour vous ce sont les premiers combats que vous proposent les vœux anxieux de vos parents. Jeune fille, triomphez d’abord de leur tendresse. Si vous triomphez de votre maison, vous triomphez du siècle.
{{441 : La Vierge Marie, modèle des vierges.}} – 2, 2, 6. Que la vie de Marie soit donc pour vous comme la virginité traduite en image ; qu’elle soit comme le miroir où resplendit la beauté de la chasteté et la perfection de la vertu. Vous pouvez y puiser pour votre vie des exemples, où des leçons de sainteté présentées comme en un modèle vous montrent ce que vous avez à corriger, à reproduire, à garder.
7. Le premier désir de savoir fait la noblesse du maître. Quoi de plus noble que la mère de Dieu ? Quoi de plus splendide que celle que la Splendeur a choisie ? Quoi de plus chaste que celle qui a enfanté sans commerce charnel ? Et que dirai-je de ses autres vertus ? Elle était vierge non seulement par le corps, mais par l’esprit, dont la sincérité n’était altérée par aucune ruse détournée ; elle était humble de cœur, sérieuse en paroles ; son âme était prudente ; elle parlait peu, lisait avec ardeur ; elle plaçait son espoir non pas dans l’incertitude des richesses, mais dans la prière des pauvres ; elle était appliquée au travail, réservée dans ses conversations, habituée à prendre pour juge de son âme non pas un homme, mais Dieu, à ne faire tort à personne, à vouloir du bien à tout le monde, à rendre honneur aux plus âgés, à ne pas envier ses égaux, à fuir la vanité, à suivre la raison, à aimer la vertu. Quand blessa-t-elle ses parents, même par l’attitude du visage ? Quand fut-elle en désaccord avec ses proches ? Quand méprisa-t-elle l’humble ? Quand se moqua-t-elle du faible ? Quand évita-t-elle le pauvre, elle qui était accoutumée à visiter uniquement les gens dont la miséricorde n’avait nulle honte et que la pudeur ne délaissait pas ? Rien de farouche dans le regard, rien d’insolent dans les paroles, rien de trop libre dans les actions ; pas de geste trop brusque, pas d’allure trop dégagée, pas de voix trop vive ; de telle sorte que l’extérieur du corps fut la représentation de l’âme, l’image de la vertu. En effet une bonne maison doit se reconnaître dès le vestibule et montrer, aussitôt qu’on y entre, qu’il ne se cache rien de ténébreux à l’intérieur ; en sorte que notre âme, n’étant retenue par aucune barrière corporelle, brille extérieurement comme” la lumière d’une lampe placée à l’intérieur.
8. Exposerai-je maintenant la parcimonie de la nourriture, la multitude des occupations ? Celle-ci dépassant les limites de la nature, celle-là presque inférieure aux besoins de la nature ; ici pas un moment perdu, là redoublement des jours de jeûne ? Et si parfois lui venait la volonté de réparer ses forces, la nourriture qui se présentait la plupart du temps était faite pour empêcher la mort, non pour donner des jouissances. C’était moins l’envie que la nécessité qui la faisait dormir, et quand le corps se reposait, l’âme veillait ; ou bien elle repassait fréquemment pendant le sommeil ce qu’elle avait lu, ou bien elle continuait la lecture interrompue, ou bien elle accomplissait ce qui avait été prévu, ou bien elle préparait ce qu’elle aurait à faire.
9. Elle ne savait guère sortir de sa demeure sinon pour aller à l’église, et cela même avec ses parents et ses proches. Elle travaillait dans le secret de sa maison, s’entourait de compagnie quand elle était dehors ; nulle garde pourtant ne lui était meilleure qu’elle-même ; et méritant le respect par sa démarche comme par sa façon de parler, elle enlevait jusqu’à la trace de ses pas, et plus encore elle élevait le degré de sa vertu. Cependant pour que la vierge ait d’autres gardiens de son corps., étant elle-même la propre gardienne de ses mœurs, elle en trouvera plusieurs dont elle pourra apprendre, si elle veut s’instruire, quelles sont les vertus maîtresses ; car tout ce qu’elle aura fait est un enseignement. Ainsi Marie faisait attention à tous, comme si beaucoup pouvaient l’instruire ; ainsi elle remplissait tous les devoirs de la vertu, cherchant moins à apprendre qu’à enseigner.
10: C’est ainsi que l’évangéliste l’a montrée [cf. Le 1, 27], ainsi que l’ange l’a trouvée, ainsi que l’Esprit Saint l’a choisie. Pourquoi m’attarder à chacune de ces choses, alors que ses parents ont aimé et les étrangers ont exalté celle qui mérita que le Fils de Dieu naquît d’elle ? Quand l’ange entra, il la trouva à l’intérieur de sa maison, sans personne avec elle, personne qui pût interrompre son attention, personne qui pût l’importuner ; elle ne voulait pas même de femmes pour compagnes, elle qui avait pour compagnes les saintes pensées. Bien plus : elle se trouvait moins seule alors qu’elle était seule ; car comment était-elle seule, quand près d’elle étaient tant de livres, tant d’archanges, tant de prophètes ?
11. Enfin lorsque Gabriel vint la visiter, il la trouva ; et Marie émue devant cet ange sous l’apparence humaine trembla, comme si en entendant son nom elle reconnaissait quelqu’un qui ne lui était pas inconnu. Ainsi était-elle comme dépaysée. avec un homme, alors qu’elle ne l’était pas avec un ange, pour que vous reconnaissiez les oreilles religieuses, les yeux modestes. Enfin étant saluée elle se tut, étant interpellée elle répondit ; mais d’abord troublée dans ses impressions, elle manifesta ensuite sa soumission.
12. Quel religieux dévouement elle témoigna à ses proches, la divine Ecriture le montre. Car elle est devenue encore plus humble dès qu’elle s’est vue choisie par Dieu, et aussitôt elle est partie à travers les montagnes chez sa cousine, non certes pour qu’elle crût à l’exemple, elle qui déjà avait cru à l’oracle : «Bienheureuse, est-il dit, vous qui avez cru» [Le 1,45]. Elle resta trois mois avec elle. Une telle durée n’avait pas pour but de provoquer la foi, mais bien de manifester l’attachement. Et cela, après que l’enfant tressaillant dans le sein de sa mère et obéissant plus à la piété qu’aux lois naturelles â salué la mère du Seigneur.
13. Et lorsque tant de prodiges suivaient, que la stérile enfantait, que la vierge concevait, que le muet parlait, que les mages adoraient, que Siméon attendait, que les astres apportaient la nouvelle, Marie émue à l’entrée de l’ange, et sans émotion devant le miracle, « conservait, est-il dit, tout cela dans son cœur» [Le 2, 19]. Bien que mère de Dieu, elle désirait apprendre les préceptes du Seigneur ; elle qui avait enfanté un Dieu, elle voulait cependant connaître Dieu…
15. Voilà l’image de la virginité. Car Marie fut telle que sa seule vie est la règle de toutes. Si nous admirons l’ouvrier, estimons son œuvre, en sorte que quiconque souhaite obtenir la même récompense, imite son exemple. Dans cette unique vierge que de vertus différentes brillent ! Pudeur secrète, foi éclatante, piété soumise : elle est vierge dans l’intérieur de sa maison, assidue à servir, mère au temple.
16. Oh ! à combien de vierges elle s’offrira, combien elle en entraînera dans ses bras vers le Seigneur, en disant: Celle-ci a gardé dans une pureté sans tache, la chambre nuptiale, le lit de mon fils. De la même manière le Seigneur lui-même les présentera au Père, en répétant le mot qu’il avait dit : Père saint, voilà celles que je vous ai gardées, sur qui le Fils de l’homme s’est reposé en appuyant sa tête; je demande que là où je suis, elles soient aussi avec moi [cf. Jn 17, 24]. Mais si elles ne doivent pas être utiles à elles seules, elles qui n’ont pas vécu pour elles seules, que celle-ci rachète ses parents, celle-là ses frères. Père juste, le monde ne m’a pas connu, mais elles m’ont connu et n’ont pas voulu connaître le monde [ib. 25].
17. Quelle pompe que celle-là, quelle joie pour les anges et quels applaudissements ; voilà qu’elle mérite d’habiter au ciel, celle qui dans le siècle a mené une vie céleste ! Alors Marie elle-même, prenant le tympanon, entraînera le chœur des vierges à chanter au Seigneur qu’elles ont traversé la mer du monde sans être englouties dans ses flots [cf. Ex 15,20]. Alors chacune sautera de joie, disant : « J’approcherai de l’autel de mon Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse» [Ps 42,4]. J’immole à Dieu un sacrifice de louange et je présente mes vœux au Très-Haut [cf. Ps 49, 14].
18. Je ne saurais douter que les autels de Dieu vous soient ouverts, à vous dont je dirais sans crainte que vos âmes sont des autels sur lesquels chaque jour le Christ s’immole pour la rédemption de son corps. Car si le corps de la vierge est le temple de Dieu, qu’est-ce donc que son âme qui, ayant en quelque sorte secoué les cendres de ses membres, et étant mise à découvert par la main du prêtre éternel, exhale l’ardeur du feu divin ? Bienheureuses êtes-vous, ô vierges, vous qui exhalez le parfum de la grâce immortelle, comme les jardins pour les fleurs, les temples pour la religion, les autels pour le prêtre.
{{442 : L’abstinence nécessaire à la vierge.}} – 3, 2, 5. Parfois, alors que votre fidélité même serait assurée, il faut vous défier de votre jeunesse. C’est pourquoi buvez peu de vin, en sorte que votre corps ne s’affaiblisse pas, mais que vous n’excitiez pas la volupté ; car il y a deux choses qui l’allument également, le vin et la jeunesse. Que les jeûnes soient le frein de votre âge tendre, et que la privation de nourriture retienne comme avec des rênes vos désirs insoumis. Que la raison vous rappelle, que l’espérance vous apaise, que la crainte vous arrête. Car celui qui ne sait pas modérer ses désirs est comme entraîné par des chevaux indomptés : il est emporté, broyé, déchiré, brisé.
{{443 : Le silence et la modestie des vierges.}} – 3, 3, 9. Pour les jeunes, je veux que les visites mêmes soient rares, quoique peut-être il faille déférer aux parents ou aux égaux. Car sous couleur de politesse la retenue se perd dans ces devoirs mondains, la hardiesse s’étale, le rire se glisse, la modestie disparaît ; ne pas répondre à qui vous interroge, ce serait attitude d’enfant ; répondre, c’est jacasser. Ainsi donc j’aimerais mieux voir une vierge parler trop peu que parler trop… 10. N’est-ce pas un mince exemple de réserve que Rébecca, venant pour se marier et voyant son fiancé, se couvrit d’un voile [cf. Gn 24, 65] pour n’être pas vue avant d’être mariée? Et certes cette belle vierge ne craignait pas pour sa beauté, mais pour sa pudeur. Et Rachel ? De même qu’ayant reçu un baiser, elle pleura et gémit, et qu’elle n’eût cessé de pleurer si elle n’eût reconnu son parent [cf. Gn 29, 11 s], ainsi elle observa le devoir de la pudeur sans oublier les sentiments d’amitié. S’il est dit à l’homme : « N’arrête pas ton regard sur une jeune fille, de peur d’avoir à subir des châtiments à cause d’elle» [Eccli 9, 5], que faut-il dire à une vierge consacrée qui, si elle aime, pèche en esprit, et si elle se laisse aimer, pèche en fait? 11. C’est une très grande vertu que de se taire, surtout dans l’église. Aucune maxime des saintes Lettres ne vous échappera, si vous prêtez l’oreille et fermez vos lèvres… 13. Que la vierge se fasse connaître à moi avant tout par sa gravité, sa pudeur évidente, sa démarche rangée, son regard modeste ; et que ces signes de pureté précèdent les marques de vertu. Une vierge ne mérite pas approbation si en la voyant on se demande encore ce qu’elle est.
{{444: Les vierges doivent prier assiduement.}} – 3, 4, 18. Que la prière fréquente nous recommande à Dieu. En effet si le prophète dit: «Je dirai vos louanges sept fois par jour» [Ps 118, 164], alors qu’il était occupé des besoins de son royaume, que devons-nous faire, nous qui lisons: «Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation» [Mt 26,41] ? Assurément nous devons prier à l’ordinaire et rendre grâces quand nous nous levons après le sommeil, quand nous nous mettons en route, quand’ nous allons prendre notre nourriture et après que nous l’avons prise, puis à l’heure de l’encensement, et enfin quand nous allons nous coucher. 19. Mais encore dans votre lit je veux que vous enchaîniez fréquemment les uns aux autres les psaumes avec l’oraison dominicale, ou encore lorsque vous vous éveillez, ou avant que le sommeil s’empare de votre corps, en sorte que dès le début de votre repos le sommeil vous trouve libre de tout souci des choses du siècle et occupée à la méditation des choses de Dieu.