William Law : Extraits sur la volonté de Dieu

En effet, le principe de la vie de notre âme étant une émanation du Dieu Triun, il appartient nécessairement à la nature divine, mais quant à nous, il se trouve comme enseveli par les opérations de la chair et du sang, jusqu’au moment où quelques coups de la Providence venant à frapper et à ébranler cette chair et ce sang, nos yeux, si longtemps fermés, s’ouvrent enfin et nous forcent à chercher et à trouver quelque chose au-dedans de nous que ni notre raison ni nos sens ne nous avaient fait soupçonner auparavant. Ne vous étonnez donc point du conflit qui s’est élevé dans votre âme, du désir vif que vous avez de pénétrer plus avant dans la connaissance de ces sublimes vérités, non plus que de l’impatience que vous sentez de les communiquer aux autres ; ce sont là les témoins qui attestent qu’il est né dans vous un esprit céleste ; seulement, veillez exactement sur tous les mouvements de la nature, et prenez garde que quelque sentiment humain, terrestre et propriétaire, ne vienne se mêler à ce feu divin. Il faut, en effet, que votre esprit soit libre, dégagé de toute partialité, qu’il aime tout ce qui est bon, qu’il pratique tout ce qui est vertueux, pour l’amour de la vertu et de la bonté elles-mêmes, parce qu’elles viennent de Dieu, qu’il ne désire la lumière, soit pour lui soit pour les autres, que dans la volonté de Dieu et afin que sa bonté devienne vivante et dans eux et dans lui. Toute bonté venant de Dieu, nous ne pouvons être bons, en réalité, qu’en proportion que le bien que nous faisons, ou que nous voulons faire, est effectué dans l’esprit et par l’esprit par lequel Dieu lui-même est bon ; car comme il n’y en a qu’un seul de bon, il ne peut y avoir non plus qu’une seule bonté réelle. Pourquoi m’appelles-tu bon, dit ce divin maître, il n’y a qu’un seul Bon, qui est Dieu. Aussi, n’est-ce point à cette bonté qui est selon la prudence humaine et adaptée à notre raison propriétaire et à notre caractère naturel que nous sommes appelés, mais à être parfaits comme notre Père qui est au ciel est parfait. Or si notre Père est dans le ciel, il faut que notre esprit et notre vie y soient aussi, autrement nous ne sommes point ses enfants véritables ; si donc nous avons été faits pour le ciel, et que ce soit le ciel que nous ayons perdu, ce n’est point une bonté humaine qui pourra nous faire redevenir les enfants célestes de notre Père qui est aux cieux ; il faudra nécessairement que, par une renaissance céleste, cet esprit qui procède de la bonté même de Dieu vienne opérer dans nous, comme il opère en lui, nous faire aimer sa lumière comme il l’aime lui-même, enfin nous faire désirer que les autres en jouissent, comme il le désire lui-même. Or Dieu est un amour libre, universel, impartial, aimant et opérant toute sorte de bien, pour l’amour du bien lui-même ; et c’est en cela que consiste la plus noble et la plus parfaite opération de la vie ; ainsi tout être qui n’est pas bon pour l’amour de la bonté même est imparfait, participant du mal, de la misère et de la mort ; et il faut nécessairement qu’il naisse de nouveau à cette bonté de Dieu pure, libre et sans mélange, pour qu’il puisse sortir de cet état d’imperfection, de misère et de mort. Oui, quand nous pratiquerions extérieurement toutes les vertus, et que nous ferions en apparence tout ce que les saints de Dieu ont fait, si nous ne le faisons pas par le même esprit, par lequel Dieu lui-même est bon, et que ce ne soit pas lui qui opère tout cela en nous, nos efforts sont vains pour nous élever au-delà de la circonscription terrestre, et nous demeurons sans communication avec le Ciel. Quand je parlerais le langage des anges et des hommes, dit saint Paul, si je n’ai point la charité je ne suis qu’un airain retentissant. Quand j’aurais le don de prophétie, que je comprendrais tous les mystères, que je connaîtrais tout, et que j’aurais une foi capable de transporter des montagnes, si je n’ai point la charité, je ne suis rien. Quand je donnerais tout mon bien aux pauvres, que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien. La Voie de la Science divine PREMIER DIALOGUE THÉOPHILE

Quelle excuse peuvent donc offrir ceux qui lisant l’Écriture laissent de côté ces bases essentielles, puisque, non seulement elles y sont exprimées de la manière la plus claire, mais qu’elles en sont encore l’unique fondement. En effet, si l’homme n’était pas mort à la véritable vie, quel besoin aurait-il eu de Moïse et des Prophètes ? Certes, s’il possédait la perfection de vie pour laquelle il fut créé, la lumière n’est pas plus indépendante des ténèbres, qu’il ne le serait de toute loi extérieure. Pour connaître et accomplir la volonté de Dieu, il lui eut suffit d’obéir à la loi de sa propre nature, et dès lors il est évident que les dispensations de Moïse et des Prophètes eussent été pour lui totalement superflues. La Voie de la Science divine PREMIER DIALOGUE THÉOPHILE

Combien de fois Jacob Boehme ne nous rappelle-t-il pas à ces principes. ” J’avertis mon lecteur, dit-il, de ne pas chercher à pénétrer la profondeur de mes écrits au-delà des bornes de sa propre compréhension ; il doit se contenter de ce que son intelligence peut saisir, car tant qu’il reste dans cette mesure, il est véritablement dans ce qui est réel ; et alors, dans quelque profondeur qu’il soit mené par l’esprit, il ne saurait être dans l’illusion, car à l’un il sera plus donné qu’à un autre. Mais la chose la plus essentielle, celle qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est de persévérer constamment dans l’humilité devant Dieu, de se résigner sans cesse, afin que, selon son bon plaisir, il devienne en nous le vouloir et le faire. Lorsque nous sommes dans cette disposition, nous nous trouvons comme morts à nous-mêmes, puisque nous ne désirons rien que la volonté de Dieu, et cette volonté de Dieu est notre propre vie, laquelle dans son développement progressif parvient enfin à la révélation des mystères les plus sublimes. ” La Voie de la Science divine SECOND DIALOGUE THÉOPHILE

Vous pourriez tout aussi bien demander pourquoi un cercle est nécessairement rond, et une ligne droite exempte de courbure. Car comme le cercle n’est cercle que parce qu’il est parfaitement rond, et la ligne droite n’est ligne droite que lorsqu’elle est sans nulle courbure, de même la volonté n’est en être qu’autant qu’elle est libre, qu’elle est son propre moteur, et qu’elle ne peut avoir que ce qu’elle veut elle-même. De plus, la volonté n’a pas été produite de manière à ce que par une modification progressive elle soit ainsi parvenue à l’état de volonté ; non, la volonté de l’homme est un engendrement véritable et réel de la volonté éternelle incréée et libre de Dieu, qui a voulu se produire des fils de lui-même, dans lesquels il puisse se voir d’une manière créaturelle. C’est pourquoi la volonté de l’homme a dans elle la nature de la liberté divine, la nature de l’éternité, la nature de la toute-puissance, comme étant véritablement née et émanée de la volonté éternelle, libre et toute-puissante de Dieu ; et de même que la volonté de Dieu domine sur toute la nature, de même aussi celle de l’homme domine sur toute la nature de sa propre circonscription, qui ne peut rien admettre que ce que cette volonté produit et opère en elle. La Voie de la Science divine SECOND DIALOGUE THÉOPHILE

Tout ce qui n’est pas Dieu, ce qui est après lui et se distingue de lui, ne peut être ce qu’il est que par la volonté opérante de la Divinité. Par conséquent, puisqu’il ne vient en être que parce qu’il a été voulu, il ne peut être en lui-même que la production de la volonté créatrice opérante et, comme c’est elle qui a été le commencement de toutes choses, c’est en elle que toutes choses doivent continuer ; et jamais rien ne pourra être créé ou formé dans toute l’éternité que par l’opération médiate de cette volonté de Dieu. Il ne peut non plus se trouver dans aucun être que la nature qui est née ou produite magiquement par l’opération de la volonté qui est dans lui. Tout ce que la créature opère, tout ce qu’elle aime et désire, tout ce qu’elle abhorre et rejette, tout cela est l’opération d’une volonté agissante, ou d’un pouvoir magique qui se meut, opère et produit en elle. La Voie de la Science divine SECOND DIALOGUE THÉOPHILE