toute la création (Orígenes)

Ne pensons pas cependant qu’en appelant le Christ Sagesse de Dieu nous le traitons comme un être sans substance : comme si, pour prendre un exemple, nous n’en faisions pas un être animé sage, mais une sorte de chose qui rendrait sage, en se présentant et en pénétrant dans les intelligences de ceux qui sont devenus capables de recevoir les facultés et la compréhension qu’elle donne. S’il est admis une fois pour toutes que le Fils unique de Dieu est sa Sagesse subsistant de manière substantielle, je ne crois pas que notre pensée pourra désormais s’égarer à soupçonner que son hypostase, c’est-à-dire sa substance, ait quelque chose de corporel, puisque tout ce qui est corporel est déterminé par sa forme, sa couleur et sa grandeur. Qui rechercherait dans la Sagesse, à moins d’être fou, par le fait même qu’elle est sagesse, forme, couleur ou dimensions mesurables ? Comment peut-on penser et croire, si on veut savoir et penser pieusement de Dieu, que Dieu le Père ait jamais été, même un petit moment, sans engendrer cette Sagesse ? Ou l’on dira que Dieu n’a pas pu engendrer cette Sagesse avant qu’il l’ait engendrée, de sorte qu’il a mis au monde ensuite ce qui n’existait pas auparavant, ou bien qu’il pouvait, certes, l’engendrer, mais, supposition qu’on ne doit pas faire, qu’il ne le voulait pas. Car l’une et l’autre hypothèses sont absurdes et impies, cela est clair, qu’on imagine qu’il ait progressé de l’impuissance à la puissance, ou que, pouvant le faire, il ait négligé et différé d’engendrer la Sagesse. C’est pourquoi nous savons que Dieu est toujours le Père de son Fils unique, né de lui, tenant de lui ce qu’il est, sans aucun commencement cependant, qu’il s’agisse d’un commencement temporel, et même d’un commencement de raison, que l’intelligence seule peut considérer en elle-même et examiner dans sa compréhension nue, pour ainsi dire, et dans sa pensée. Il faut donc croire que la Sagesse a été engendrée sans aucun commencement qu’on puisse affirmer ou penser. Dans cet être subsistant de la Sagesse était virtuellement présente et formée toute la création future, que ce soit les êtres qui existent en premier lieu, que ce soit les réalités accidentelles et accessoires, tout cela préformé et disposé en vertu de la prescience. A cause de ces créatures qui étaient en elle comme dessinées et préfigurées, la Sagesse dit par la bouche de Salomon qu’elle a été créée comme principe de ses voies, car elle contient en elle-même les principes, les raisons et les espèces de toute la création. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Nous avons donc compris comment la Sagesse est le principe des voies de Dieu et comment elle est dite créée, en tant qu’elle préforme et contient en elle les espèces et les raisons de toute la création. Il faut comprendre de même qu’elle est la Parole de Dieu par le fait qu’elle ouvre à tous les autres êtres, c’est-à-dire à toute la création, la raison des mystères et des secrets, tous contenus sans exception dans la Sagesse de Dieu : et par là elle est appelée Parole, car elle est comme l’interprète des secrets de l’intelligence. C’est ainsi que me paraît juste ce mot que l’on trouve dans les Actes de Paul : Il est la Parole, un être animé et vivant. Mais Jean, d’une manière supérieure et bien plus belle, proclame au début de son évangile, en définissant à proprement parler que la Parole est Dieu : Et la Parole était Dieu et elle était au début auprès de Dieu. Celui qui attribue un commencement à la Parole de Dieu et à la Sagesse de Dieu, ne bafoue-t-il pas davantage encore de façon impie le Père inengendré, en lui refusant d’avoir toujours été père, d’avoir engendré une Parole et eu une Sagesse dans tous les temps et siècles antérieurs, de quelque façon qu’on puisse les nommer ? Ce Fils est aussi de tous les êtres la Vérité et la Vie : à juste titre. Car comment vivraient ceux qui ont été faits, sinon par le moyen de la Vie ? Comment seraient-ils fondés dans la vérité ceux qui sont, s’ils ne dérivaient pas de la Vérité ? Comment pourrait-il y avoir des êtres raisonnables si la Parole-Raison ne les précédait pas ? Comment pourrait-il y avoir des sages sans la Sagesse ? Mais puisqu’il devait arriver que quelques-uns s’écartent de la Vie et se donnent à eux-mêmes la mort par le fait même de s’écarter de la Vie – car mourir n’est pas autre chose que s’éloigner de la vie – et comme il n’était pas du tout normal que ce qui avait été une fois créé par Dieu pour vivre soit totalement perdu, il a fallu qu’existé, avant la mort, une puissance capable de détruire la mort à venir et d’être la Résurrection, qui s’est formée dans notre Seigneur et Sauveur : cette Résurrection existe dans la Sagesse de Dieu elle-même, sa Parole et sa Vie. Et ensuite, puisqu’il devait se faire que quelques-uns des êtres créés, possédant le bien non par nature, c’est-à-dire par substance, mais par accident, et n’ayant pas la force de rester inconvertibles et immuables et de persévérer toujours dans les mêmes biens avec équilibre et mesure, changent de condition et s’écartent de leur état, la Parole et Sagesse de Dieu s’est faite Voie : elle est appelée Voie parce qu’elle conduit au Père ceux qui la suivent. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Mais puisque nous avons cité la parole de Paul disant du Christ qu’il est le rayonnement de la gloire de Dieu et la figure et expression de sa substance, voyons ce qu’il faut en penser. Dieu est Lumière, selon Jean. Le Fils unique est le rayonnement de cette Lumière, il procède inséparablement de lui comme le rayonnement de la lumière et il illumine toute la création. Nous avons exposé plus haut comment il est la Voie et conduit au Père, comment il est la Parole interprétant et exprimant à la créature raisonnable les secrets de la sagesse et les mystères de la connaissance, comment il est la Vérité, la Vie et la Résurrection : conformément à cela, nous devons comprendre l’action du rayonnement; par lui, en effet, on connaît et on perçoit ce qu’est la lumière elle-même. Ce rayonnement, s’offrant avec plus de modération et de douceur aux yeux fragiles et faibles des mortels, leur apprend peu à peu et les accoutume à supporter la clarté de la lumière, en écartant tout ce qui obscurcit et empêche la vision, selon cette parole du Seigneur : Ote la poutre de ton oeil : il les rend ainsi capables d’accueillir la lumière dans toute sa gloire, et là aussi il agit comme un médiateur entre les hommes et la Lumière. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Il y aura fin et consommation du monde lorsque chacun sera soumis aux peines méritées par ses péchés : ce temps, Dieu seul le connaît, quand chacun paiera pour ce qu’il mérite. Nous pensons que la bonté de Dieu rassemblera par son Christ toute la création dans une fin unique, après avoir réduit et soumis même les ennemis. C’est ce que dit la sainte Écriture : Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds. Si le sens de cette parole prophétique nous semble peu clair, écoutons l’apôtre Paul qui dit plus ouvertement : Il faut que le Christ règne, jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds. Si même cet avis si manifeste de l’Apôtre n’a pas suffi à nous enseigner ce que veut dire : placer ses ennemis sous ses pieds, entends ce qu’il dit à la suite : Il faut que tout lui soit soumis. Quelle est donc cette soumission par laquelle toutes choses doivent être soumises au Christ ? A mon avis il s’agit de cette même soumission par laquelle nous souhaitons lui être soumis, par laquelle lui sont soumis les apôtres et tous les saints qui ont suivi le Christ. Ce mot de soumission, de soumission au Christ, exprime pour les soumis le salut qui vient du Christ. David disait : Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu ? De lui en effet vient mon salut. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section

A cette vanité la création est soumise, et principalement cette création qui possède assurément dans le monde, par son office, l’autorité la plus grande et la plus éminente, c’est-à-dire le soleil, la lune et les étoiles qui sont dits soumis à la vanité, car ils ont été mis dans des corps et destinés à la fonction d’éclairer en faveur du genre humain. Et c’est malgré elle que cette création a été soumise à la vanité. Ce n’est pas en effet par sa volonté qu’elle a reçu ce ministère à rendre à la vanité, mais parce que le voulait celui qui l’y soumettait, à cause de celui qui l’a soumise, promettant à ceux qui étaient soumis malgré eux à la vanité qu’après avoir achevé les fonctions de cette oeuvre magnifique, ils seront libérés de cette servitude de la corruption et de la vanité, lorsque sera arrivé le temps de la rédemption glorieuse des fils de Dieu. Dans cet espoir, dans l’espérance que la promesse sera accomplie, toute la création gémit maintenant dans l’attente, par affection envers ceux qu’elle aide, et elle souffre avec eux dans sa patience, espérant ce qui lui a été promis. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section

Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de Dieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

Je pense qu’il ne faut certes pas passer sous silence comme inutile le fait que l’Écriture sainte ait appelé la création du monde d’un nom nouveau et précis parlant de katabolè du monde. Ce mot a été traduit assez improprement en latin par constitution du monde : mais katabolè en grec signifie plutôt l’action de jeter bas, c’est-à-dire de jeter vers le bas : on l’a traduit en latin improprement, comme nous l’avons dit, par constitution du monde. C’est ainsi que, dans l’Évangile selon Jean, le Sauveur dit : Il y aura ces jours-là une tribulation telle qu’il n’y en a pas eu de semblable depuis la constitution du monde: ici constitution représente katabolè qu’il faut entendre comme nous l’avons exposé plus haut. L’Apôtre dans son Épître aux Ephésiens a utilisé la même parole : Celui qui nous a choisis avant la constitution du monde; ici aussi constitution du monde traduit katabolè, à comprendre dans le même sens que nous avons exposé plus haut. Il vaut la peine, semble-t-il, de chercher ce qui est signifié par cette expression nouvelle. Je pense que, puisque la fin et la consommation des saints s’accompliront dans les réalités qu’on ne voit pas et qui sont éternelles, d’une réflexion sur cette fin on peut déduire, selon le principe que nous avons fréquemment exposé plus haut, que les créatures raisonnables ont eu un commencement semblable. Et si le commencement qu’elles ont eu est pareil à la fin qu’elles espèrent, elles furent déjà sans aucun doute, dès le début, dans les réalités qu’on ne voit pas et qui sont éternelles. S’il en est ainsi, sont descendues de haut en bas non seulement les âmes qui l’ont mérité par leurs mouvements divers, mais encore celles qui pour servir ce monde ont été menées, bien que ne le voulant pas, de ces réalités-là, supérieures et invisibles, à ces réalités-ci, inférieures et visibles. A la vanité en effet la création est soumise, sans qu’elle le veuille, mais à cause de celui qui l’a soumise, dans l’espoir, afin que le soleil, la lune, les étoiles et les anges de Dieu accomplissent leur ministère envers le monde : pour ces âmes qui, à cause des trop grandes défaillances de leurs intelligences, eurent besoin de ces corps plus épais et plus solides, et en vue de ceux à qui cela était nécessaire, ce monde visible a été institué. A cause de cela, par la signification de ce mot katabolè est indiquée la descente de tous ensemble du haut en bas. Certes toute la création porte en elle l’espoir de la liberté, afin d’être libérée de la servitude de la corruption, lorsque les fils de Dieu, qui sont tombés ou ont été dispersés, seront rassemblés dans l’unité, ou lorsqu’ils auront accompli dans ce monde toutes les autres missions que connaît seul Dieu, artisan de l’univers. Il faut donc penser que le monde a été fait avec la nature et la grandeur nécessaire pour pouvoir contenir toutes les âmes qui ont été placées en ce monde pour s’y exercer ou toutes les puissances qui sont prêtes à les assister, les gouverner et les aider. De nombreuses preuves démontrent que toutes les créatures raisonnables ont une seule nature : cela est nécessaire pour défendre la justice de Dieu dans tous les actes par lesquels il les gouverne, puisque chacune a en elle-même les causes qui l’ont mise dans telle ou telle condition de vie. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Première section

Mais, je ne sais comment, des hérétiques, sans comprendre la signification que l’Apôtre met dans ces paroles, calomnient ce terme soumission en ce qui concerne le Fils : si on cherche la signification du mot, on pourra la trouver facilement en partant de son contraire. Car si la soumission n’est pas un bien, il s’ensuit que son contraire, l’insoumission, est un bien. La parole de l’Apôtre : Lorsque tout lui sera soumis, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, paraît montrer, selon la signification que ces hérétiques lui donnent, que celui qui maintenant n’est pas soumis à son Père, lui sera soumis lorsque auparavant le Père lui aura soumis toutes choses. Mais je m’étonne qu’on puisse comprendre cela ainsi : si, tant que tout ne lui est pas soumis, il n’est pas lui-même soumis, alors, lorsque tout lui sera soumis, lorsqu’il sera devenu roi de tout et qu’il aura pouvoir sur l’univers, il se soumettra, selon ce qu’ils pensent, alors qu’il ne l’a pas fait auparavant. Ils ne comprennent pas que la soumission du Christ à son Père montre la béatitude qui viendra de notre perfection et exprime l’achèvement victorieux de l’oeuvre qu’il a entreprise, lorsqu’il offre à son Père non seulement le plus haut degré de l’art de gouverner et de régner, qu’il a purifié dans toute la création, mais encore les règles de conduite de l’obéissance et de la soumission, corrigées et restaurées dans tout le genre humain. Si donc on comprend comme bonne et salutaire la soumission par laquelle le Fils est, selon ce qui est dit, soumis à son Père, il s’ensuit de façon très logique et cohérente qu’il faut entendre comme salutaire et utile ce qui est appelé la soumission des ennemis au Fils de Dieu : dans ce qu’on appelle la soumission du Fils au Père est affirmée la restauration parfaite de toute la création ; pareillement dans la soumission des ennemis au Fils de Dieu, on comprend le salut en lui de ceux qui sont soumis et le rétablissement de ceux qui sont perdus. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Première section

Il faut se demander, certes, si alors, quand Dieu sera tout en tous, dans la consommation de toutes choses, toute la nature des corps aura une seule forme et toute la qualité des corps sera seulement de briller dans la gloire inénarrable qui sera attribuée, il faut le penser, au corps spirituel. Si nous comprenons bien ce qu’au début de son livre a écrit Moïse : Au début Dieu a fait le ciel et la terre, c’est là le début de toute la création, début auquel doit revenir la fin et la consommation de toutes choses, c’est-à-dire que ce ciel-là et cette terre-là soient la demeure et le repos des pieux, de sorte que d’abord les saints et les doux hériteront de cette terre, puisque l’enseignent la loi, les prophètes et l’évangile. Dans cette terre, je pense que se trouveront les modèles vrais et vivants des observances que Moïse enseignait par l’ombre de la loi. C’est pourquoi il est dit que ceux qui servaient sous la loi, servaient l’image et l’ombre des réalités célestes. A ce même Moïse, il a été dit : Prends garde à tout faire selon le modèle et à la ressemblance de ce qui t’a été montré sur la montagne. C’est pourquoi il me semble que, de même que sur cette terre la loi fut un pédagogue pour ceux qui, par elle, devaient être menés au Christ, à cause de l’enseignement et de l’instruction qu’elle leur donnait, afin qu’ils puissent plus aisément, après avoir été instruits par la loi, recevoir toute la science plus parfaite du Christ, de même cette terre qui reçoit les saints les imprègne et les forme d’abord en leur enseignant la loi éternelle, pour qu’ils puissent plus facilement recevoir l’instruction parfaite du ciel, à laquelle rien ne peut être ajouté. Ils y trouveront ce qui est appelé l’Évangile éternel et le Testament toujours nouveau qui jamais ne vieillira. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Toute intelligence qui participe à la lumière intellectuelle doit être sans aucun doute d’une seule nature avec toute autre intelligence qui participe également à la lumière intellectuelle. Si donc les puissances célestes ont participation à la lumière intellectuelle, c’est-à-dire à la nature divine, parce qu’elles participent à la sagesse et à la sanctification, et si l’âme humaine a participation à cette même lumière et à cette même sagesse, les unes et les autres seront d’une seule nature et d’une seule substance. Or les puissances célestes sont incorrompues et immortelles : sans aucun doute la substance de l’âme humaine sera incorrompue et immortelle. Il ne faut pas s’arrêter là, mais, puisque la nature même du Père, du Fils et du Saint Esprit, qui est la seule lumière intellectuelle dont toute la création tire sa participation, est incorrompue et éternelle, il est très logique et nécessaire que toute substance qui tire sa participation de cette nature éternelle demeure elle-même toujours incorruptible et éternelle, de sorte que l’éternité de la bonté divine soit perçue aussi dans le fait que sont éternels ceux-là mêmes qui reçoivent ses bienfaits. Mais de même qu’on a vu par des exemples que la lumière est perçue de façon diverse, selon que la vue de celui qui regarde est qualifiée de plus émoussée ou de plus aiguë, de même, quand il s’agit du Père, du Fils et du Saint Esprit, il faut respecter la diversité dans la manière de participer à eux selon l’intention de la pensée et la capacité de l’intelligence. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section