§ I. L’orgueil lui-même
820. L’orgueil est une déviation de ce sentiment légitime qui nous porte à estimer ce qu’il y a de bon en nous, et à rechercher l’estime des autres dans la mesure où elle est utile aux bonnes relations que nous devons avoir avec eux. Assurément on peut et on doit estimer ce que Dieu a mis de bon en nous, en reconnaissant qu’il en est le premier principe et la dernière fin : c’est un sentiment qui honore Dieu, et qui nous porte à nous respecter nous-mêmes. On peut aussi désirer que les autres voient ce bien, l’apprécient, et en rendent gloire à Dieu, de même que nous devons reconnaître et estimer les qualités du prochain : cette estime mutuelle ne fait que favoriser les bonnes relations qui existent entre les hommes.
Mais il peut y avoir déviation ou excès dans ces deux tendances. On oublie parfois que Dieu est l’auteur de ces dons, et on se les attribue à soi-même : ce qui est un désordre, puisque c’est nier au moins implicitement que Dieu soit notre premier principe. De même on est tenté d’agir pour soi, ou pour gagner l’estime des autres au lieu d’agir pour Dieu, et de lui rapporter tout l’honneur de ce que nous faisons : c’est un désordre, puisque c’est nier, implicitement du moins, que Dieu soit notre dernière fin. Tel est le double désordre qui se trouve dans ce vice. On peut donc le définir : un amour désordonné de soi-même qui fait qu’on s’estime, explicitement ou implicitement, comme si on était son premier principe ou sa dernière fin. C’est une sorte d’idolâtrie, parce qu’on se regarde comme son dieu, ainsi que le fait remarquer Bossuet, n° 204. Pour mieux combattre l’orgueil, nous exposerons : 1° ses formes principales ; 2° les défauts qu’il engendre ; 3° sa malice ; 4° ses remèdes. (Tanquerey – Précis de Théologie Ascétique et Mystique)