Tanquerey: la vanité

829. 3° La vanité est l’amour désordonné de l’estime des autres. Elle se distingue de l’orgueil qui se complaît dans sa propre excellence. Mais généralement elle découle de celui-ci : quand on s’estime soi-même d’une façon excessive, on désire naturellement être estimé des autres.

830. A) Malice de la vanité. Il y a un désir d’être estimé qui n’est pas un désordre : si l’on désire que nos qualités, naturelles ou surnaturelles, soient reconnues pour que Dieu en soit glorifié, et que notre influence pour faire le bien en soit augmentée, il n’y a pas là en soi un péché ; il est en effet dans l’ordre que ce qu’il y a de bon soit estimé, pourvu qu’on reconnaisse que Dieu en est l’auteur et que lui seul doit en être loué. Tout au plus peut-on dire qu’il est dangereux d’arrêter sa pensée à des désirs de ce genre, parce qu’on risque de désirer l’estime des autres pour des fins égoïstes.
Le désordre consiste donc à vouloir être estimé pour soi-même, sans renvoyer cet honneur à Dieu qui a mis en nous tout ce qu’il y a de bon ; ou à vouloir être estimé pour des choses vaines qui ne méritent pas la louange ; ou enfin à rechercher l’estime de ceux dont le jugement n’a pas de valeur, des mondains, par exemple, qui n’apprécient que les choses vaines.

Nul n’a mieux décrit ce défaut que S. François de Sales : « Nous appelons vaine la gloire qu’on se donne, ou pour ce qui n’est pas en nous, ou pour ce qui est en nous, mais non pas à nous, ou pour ce qui est en nous et à nous, mais qui ne mérite pas qu’on s’en glorifie. La noblesse de la race, la faveur des grands, l’honneur populaire, ce sont choses qui ne sont pas en nous, mais ou en nos prédécesseurs, ou en l’estime d’autrui. Il y en a qui se rendent fiers et morgans pour être sur un bon cheval, pour avoir un pennache en leur chapeau, pour être habillés somptueusement ; mais qui ne voit cette folie ? Car s’il y a de la gloire pour cela, elle est pour le cheval, pour l’oyseau et pour le tailleur … Les autres se prisent et regardent pour des moustaches relevées, pour une barbe bien peignée, pour des cheveux crespés, pour des mains douillettes, pour savoir danser, jouer, chanter ; mais ne sont-ils pas lâches de courage, de vouloir enchérir leur valeur et donner du surcroît à leur réputation par des choses si frivoles et si folâtres ? Les autres, pour un peu de science, veulent être honorés et respectés du monde, comme si chacun devait aller à l’école chez eux et les tenir pour maîtres ; c’est pourquoi on les appelle pédants. Les autres se pavonnent sur la considération de leur beauté, et croient que tout le monde, les muguette. Tout cela est extrêmement vain, sot et impertinent, et la gloire qu’on prend de si faibles sujets s’appelle vaine, sotte et frivole ». Tanquerey – Précis de Théologie Ascétique et Mystique