ordonnance du monde (Orígenes)

Il faut penser que dans ce début Dieu a fait les créatures raisonnables ou intellectuelles, quel que soit le nom dont on puisse appeler ce que nous avons nommé plus haut les intelligences, suivant un nombre qu’il a estimé pouvoir suffire. Il est certain qu’il les a faites selon un nombre qu’il avait défini d’avance en lui-même; il ne faut pas penser, comme certains, que les créatures sont en nombre infini, car là où il n’y a pas de fin, il n’y a pas de possibilité de compréhension ni de détermination. S’il en était ainsi, ce qui a été fait ne pourrait être envisagé dans son ensemble ni être gouverné par Dieu. Car ce qui est infini par nature est incompréhensible. En outre, comme le dit l’Écriture, Dieu a créé toutes choses avec nombre et mesure, et c’est pourquoi le nombre s’adaptera bien aux créatures raisonnables ou intelligences, créées en quantité convenable pour pouvoir être gouvernées, régies et entourées par la providence de Dieu. En vérité la mesure s’appliquera bien à la matière corporelle : il faut croire en tout cas qu’elle a été créée par Dieu en quantité suffisante pour pouvoir suffire selon les plans divins à l’ordonnance du monde. Ainsi faut-il penser que tout cela a été créé par Dieu au début, c’est-à-dire avant toutes choses. Nous croyons que tout cela est indiqué dans le commencement, tel que Moïse le représente de façon plus couverte, quand il dit : Au début, Dieu a créé le ciel et la terre. Il est certain en effet qu’il ne parle pas du firmament ni de l’aride, mais de ce ciel et de cette terre auxquels les cieux et la terre que nous voyons ont dans la suite emprunté leurs noms. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section

Mais l’Écriture sainte ne me paraît pas s’être tue complètement sur la raison de ce mystère. L’apôtre Paul discutant Ésaü et de Jacob dit : Alors qu’ils n’étaient pas encore nés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal, pour que soit maintenue la décision concernant leur élection par Dieu, ce n’est pas par suite de leurs oeuvres, mais par la volonté de celui qui les a appelés qu’il fut dit: L’aîné servira le plus jeune. Il est écrit en effet: J’ai aimé Jacob, j’ai pris en haine Elsa. Et Paul ensuite s’est répondu à lui-même en ces termes :Que dirons-nous donc ? Y a-t-il injustice de la part de Dieu ? Pour nous fournir à ce sujet une occasion de recherche et d’examen, pour savoir comment cela s’est passé d’une manière non déraisonnable, il s’est répondu à lui-même : Qu’il n’en soit pas ainsi! Les mêmes questions qui se posent à propos d’Ésaü et de Jacob, à ce qu’il me semble, peuvent s’étendre à tous les êtres célestes, aux créatures terrestres et infernales : Alors qu’ils n’étaient pas encore nés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal; cela peut se dire pareillement de tous les autres êtres. Alors qu’ils n’avaient pas encore été créés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal, afin que soit maintenue la décision de Dieu concernant leur élection, comme certains le pensent, les uns ont été faits êtres célestes, d’autres terrestres et d’autres infernaux, non par suite de leurs oeuvres, selon l’opinion de ces héré-tiques, mais par la volonté de celui qui les a appelés. Que dirons-nous donc si les choses sont ainsi ? Il y a donc injustice de la part de Dieu ? Qu’il n’en soit pas ainsi! Alors, en scrutant les Écritures avec plus de soin au sujet d’Ésaü et de Jacob, on trouve qu’il n’y a pas d’injustice de la part de Dieu, quand, avant leur naissance et avant qu’ils aient fait quoi que ce soit, dans cette vie évidemment, il est dit que l’aîné servira le plus jeune, et on trouve de même qu’il n’y a pas d’injustice dans le fait que Jacob ait supplanté son frère dans le sein de sa mère, si on pense qu’il a été aimé de Dieu avec raison jusqu’à être préposé à son frère à cause des mérites d’une vie précédente, bien entendu. Ainsi peut-on penser des créatures célestes, si nous remarquons que cette diversité n’est pas l’état initial de la créature, mais que, à la suite de causes antécédentes, le Créateur prépare à chacune une fonction et un service différents selon la dignité de son mérite : cela vient assu-rément du fait que chacun, parce qu’il a été créé par Dieu comme intelligence ou comme esprit raisonnable, s’est acquis plus ou moins de mérite par suite des mouvements de l’intelligence et des affections de l’entendement et s’est rendu ainsi pour Dieu aimable ou même haïssable. Cepen-dant quelques-uns de ceux qui ont le mieux mérité ont reçu pour l’ordonnance du monde la fonction de souffrir avec les autres et de prêter service aux êtres inférieurs, afin de participer ainsi à la patience du créateur, selon ces paroles de l’Apôtre : La création a été en effet soumise à la vanité, contre son gré, mais à cause de celui qui l’a soumise, dans l’espérance. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section