diversité du monde (Orígenes)

Mais Dieu, avec l’art ineffable de sa sagesse, transforme et restaure toutes choses, de quelque façon qu’elles se produisent, pour l’utilité et le profit commun du tout : ces créatures elles-mêmes, si éloignées les unes des autres par la diversité de leurs mentalités, il les ramène d’une certaine façon à un unique accord, dans leur activité et leurs intentions, pour consommer, malgré la diversité des mouvements des intelligences, l’accomplissement et la perfection d’un monde unique et diriger la variété des intelligences elles-mêmes vers une seule fin parfaite. Il est en effet l’unique puissance qui embrasse et maintient en lui toute la diversité du monde, ramène à l’unité ses mouvements variés, pour empêcher que son ouvrage si immense, le monde, ne soit brisé par les divisions des intelligences. Et c’est pourquoi nous pensons que Dieu, père de l’univers, pour sauver toutes ses créatures, par le moyen ineffable de sa Parole et Sagesse, a disposé chaque chose de telle manière qu’aucun esprit, intelligence, ou être rationnel subsistant, de quelque manière qu’on l’appelle, ne soit contraint par force, malgré la liberté de sa volonté, à faire autre chose que ce que lui commande le mouvement de son intelligence, car autrement lui serait enlevée, semble-t-il, la faculté du libre arbitre et la qualité de sa nature en serait tout à fait modifiée ; mais il a agencé les mouvements divers de leurs intentions avec à-propos et utilité pour assurer l’accord d’un monde unique ; et c’est ainsi que parmi ces êtres raisonnables, les uns ont besoin d’aide, les autres peuvent aider, d’autres encore soulèvent devant ceux qui progressent des luttes et des combats pour éprouver davantage leur diligence, pour rendre plus stable après la victoire l’état de la dignité qu’ils ont récupéré, affermi par leurs difficultés et leurs peines. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »

Mais puisque la discussion précédente a montré que les mouvements divers et les opinions variées des créatures raisonnables ont été cause de la diversité du monde, il faut voir s’il ne convient pas aussi d’attribuer à ce monde-ci une fin semblable au commencement. Il n’est pas douteux en effet qu’il trouvera encore sa fin dans une grande diversité et variété et que cette variété, surprise en cet état par la fin de ce monde-ci, sera la cause et l’occasion des diversités qui caractériseront l’autre monde qui viendra après celui-ci, la fin de ce monde-ci étant le début du monde futur. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »

Si le cours de cette discussion est parvenu à ces découvertes, la suite des idées demande, puisque la diversité du monde ne peut subsister sans les corps, que nous discutions ce qu’est la nature corporelle. La réalité elle-même montre que la nature corporelle subit des changements divers et variés pour pouvoir être transformée de tout en tout : ainsi par exemple le bois est changé en feu, le feu en fumée et la fumée en air ; de même l’huile, un liquide, est transformée en feu. Ne trouve-t-on pas la même cause de changement dans les nourritures elles-mêmes, des hommes ou des animaux ? Car ce que nous prenons comme aliment, quoi que ce soit, se change en la substance de notre corps. Bien qu’il ne soit pas difficile d’exposer comment l’eau se change en terre ou en air, l’air en feu et le feu en air, ou l’air en eau, il suffit cependant pour le présent de mentionner seulement cela si on veut discuter la nature de la matière corporelle. Nous entendons par matière le substrat des corps, c’est-à-dire ce par quoi les corps subsistent avec addition et insertion des qualités. Nous nommons quatre qualités : le chaud, le froid, le sec, l’humide. Ces quatre qualités insérées dans l’hylè, c’est-à-dire la matière, matière qui par sa nature propre est autre que les qualités susdites, constituent les diverses espèces de corps. Cependant cette matière, bien que, comme nous l’avons déjà dit, elle soit sans qualités selon sa nature propre, ne peut subsister sans les qualités. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »

Il est dit que tout ce qui a été fait l’a été par le Christ et dans le Christ, comme l’apôtre Paul l’affirme très clairement : Car en lui et par lui tout a été créé, ce qui est au ciel, ce qui est sur la terre, les réalités visibles et les invisibles, soit les Trônes, les Dominations, les Principautés ou les Puissances : tout a été créé par lui et en lui. Jean dans son Évangile parle de même : Dans le principe était la Parole et la Parole était auprès de Dieu et la Parole était Dieu; elle était dans le principe auprès de Dieu. Tout a été fait par elle et sans elle rien n’a été fait. Il est écrit pareillement dans les Psaumes : Tu as tout fait dans ta Sagesse. Puisque le Christ, de même qu’il est Parole et Sagesse, est aussi Justice, il s’ensuivra sans aucun doute que tout ce qui a été fait dans la Parole et la Sagesse a été fait aussi, il faut le dire, dans la Justice, le Christ. C’est pourquoi dans ce qui a été fait il ne faut voir rien d’injuste ni rien de fortuit, mais enseigner que tout est conforme à ce que demande la règle de l’équité et de la justice. Comment peut-on comprendre la très grande justice et la très grande équité d’une telle variété et diversité des êtres ? Je suis certain que ni l’entendement ni la parole humaine ne peuvent l’expliquer, si nous n’implorons pas, prosternés et suppliants, celui qui est lui-même Parole, Sagesse et Justice, le Fils unique de Dieu, pour qu’il daigne, en se répandant par sa grâce dans nos pensées, illuminer ce qui est obscur, ouvrir ce qui est fermé et dévoiler ce qui est secret. Il faut pour cela que nous demandions, que nous cherchions, que nous frappions à la porte d’une façon assez digne pour que, lorsque nous demandons, nous méritions de recevoir, lorsque nous cherchons, nous méritions de trouver, lorsque nous frappons à la porte, l’ordre soit donné de nous ouvrir. Ce n’est donc pas en nous appuyant sur notre propre talent, mais sur l’aide de cette même Sagesse qui a créé l’univers et de cette Justice que nous croyons présente dans toutes les créatures, même si pour le moment nous n’avons pas la force de rien affirmer, c’est donc en nous confiant en sa miséricorde que nous tenterons de rechercher et d’examiner comment cette si grande variété et diversité du monde paraît s’accorder avec toutes les raisons de la justice. Quand je parle de raison je le dis seulement dans un sens général. Car chercher la raison particulière de chaque être est le propre de quelqu’un qui est sans expérience et vouloir en rendre compte est celui d’un insensé. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section

9, 6. Mais nous, simples hommes, pour ne pas alimenter par notre silence l’arrogance des hérétiques, nous ferons à leurs objections les réponses qui se présentent à nous dans la mesure de nos forces. Nous avons montré fréquemment plus haut, par les affirmations que nous avons pu tirer des divines Écritures, que le Dieu créateur de l’univers est bon, juste et tout-puissant. Lorsqu’il a créé dans le principe ce qu’il a voulu créer, les natures raisonnables, il ne les a pas créées pour une autre cause que pour lui-même, c’est-à-dire pour sa bonté. Puisqu’il a été lui-même la cause de ce qu’il allait créer et qu’il n’y avait en lui ni diversité, ni changement, ni impuissance, il les a faites toutes égales et semblables, puisqu’il n’y avait en lui aucune cause de variété et de diversité. Mais puisque les créatures raisonnables elles-mêmes, comme nous l’avons fréquemment montré et comme nous le montrerons cependant en son lieu, ont été gratifiées de la faculté du libre arbitre, la liberté de sa volonté a invité chacune à progresser par l’imitation de Dieu ou l’a entraînée dans la décadence par suite de sa négligence. Et cela a été, comme nous l’avons déjà dit auparavant, cause de diversité parmi les créatures raisonnables, sans que cela soit venu de la volonté ou du jugement du créateur, mais de la décision de la liberté propre. Mais Dieu, à qui il paraissait juste de gouverner sa créature selon son mérite, a tiré de la diversité des intelligences l’harmonie d’un monde unique, qu’il a organisé comme une seule maison où l’on doit trouver non seulement des vases d’or et d’argent, mais encore des vases de bois et de terre, les uns pour un usage honorable, les autres pour un usage méprisable, en utilisant ces divers vases que sont les âmes ou les intelligences. Et de là, à mon avis, viennent les causes de la diversité du monde, puisque la divine providence gouverne chacun suivant la variété de ses mouvements, de son entendement et de son propos. Ainsi le créateur ne peut paraître injuste, puisqu’il a disposé chacun selon son mérite d’après des causes antécédentes : on ne peut penser que le bonheur ou le malheur ou n’importe quelle condition possible à la naissance soit le fait du hasard et il n’y a pas à croire à divers créateurs créant les natures différentes des âmes. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section