corps spirituel (Orígenes)

S’il est vraiment impossible de faire une telle affirmation, c’est-à-dire de soutenir qu’une nature pourrait vivre sans corps, une nature autre que celle du Père, du Fils et du Saint Esprit, la logique et la raison obligent nécessairement à comprendre que les natures raisonnables ont été créées comme ce qui est principal, mais que la substance matérielle semble être distinguée d’elles seulement par l’opinion ou par la pensée, qu’elle a été faite pour elles ou après elles, et que cependant les natures raisonnables, autrefois comme maintenant, ne vivent jamais sans substance matérielle : car la vie incorporelle est, semble-t-il, le privilège de la Trinité seule. Comme nous l’avons dit plus haut cette substance matérielle a une nature apte à se transformer de tout en tout : lorsqu’elle est employée pour les êtres inférieurs, elle prend la forme d’un corps plus épais et plus solide, et par là sont distinguées les espèces visibles et variées du monde ; mais quand elle est utilisée par les êtres parfaits et bienheureux, elle brille dans la splendeur des corps célestes, et orne du vêtement du corps spirituel les anges de Dieu et les fils de la Résurrection : c’est avec tous ces derniers que parvient à sa perfection l’état divers et varié du monde unique. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): L’éternité de la nature corporelle

Mais à propos de l’âme du Christ, la nature de l’incarnation, quand on la considère, supprime tout problème. Car de même qu’il a eu vraiment un corps, il a eu vraiment une âme. Mais il est difficile de penser et d’exposer comment on doit comprendre le fait qu’il soit question d’une âme de Dieu dans les Écritures : en effet nous reconnaissons une fois pour toutes que sa nature est simple, sans mélange ni addition. Cependant, de quelque façon qu’il faille l’entendre, il semble qu’on parle parfois de l’âme de Dieu. A propos de l’âme du Christ, il n’y a pas de doute. Et c’est pourquoi il ne me paraît pas absurde de dire ou de penser de même des saints anges et des autres puissances célestes, si toutefois la définition de l’âme donnée plus haut semble leur convenir. Qui pourra nier qu’ils possèdent une sensibilité raisonnable et le mouvement ? Si donc cette définition qui fait de l’âme une substance dotée de sensibilité raisonnable et de mouvement paraît juste, il semble qu’elle s’applique aussi aux anges. Qu’y a-t-il d’autre en eux qu’une sensibilité raisonnable et du mouvement ? Les êtres à qui conviennent une définition unique sont sans aucun doute d’une même substance. Certes, l’apôtre Paul parle d’un homme animal qui, selon lui, ne peut percevoir ce qui concerne l’Esprit de Dieu et il dit de même que l’enseignement de l’Esprit Saint paraît à cet homme absurde et qu’il ne peut comprendre ce qui est l’objet d’un discernement spirituel. Mais dans un autre passage, selon lui, est semé un corps animal et ressuscite un corps spirituel : il montre ainsi que dans la résurrection des justes il n’y aura rien d’animal dans ceux qui mériteront la vie des bienheureux. Et c’est pourquoi nous recherchons s’il y aurait une substance qui serait imparfaite parce qu’elle est âme. Mais nous nous demanderons, quand nous nous mettrons à discuter cela dans le détail, si elle est imparfaite parce qu’elle est tombée de la perfection ou si elle a été faite ainsi par Dieu. Si en effet l’homme animal ne perçoit pas ce qui concerne l’Esprit de Dieu et si, parce qu’il est animal, il ne peut recevoir la compréhension d’une nature supérieure, c’est-à-dire divine, c’est pour cela que Paul, voulant nous enseigner plus clairement quelle est la faculté qui nous permet de comprendre les réalités de l’Esprit, les réalités spirituelles, unit et associe à un esprit saint plutôt l’intelligence que l’âme. A mon avis il le montre, lorsqu’il dit : Je prierai par l’esprit, je prierai aussi par l’intelligence; je psalmodierai par l’esprit, je psalmodierai aussi par l’intelligence. Il ne dit pas : je prierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence ; et non plus : je psalmodierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Mais pour y arriver selon un ordre convenable, il faut parler, ce me semble, de la résurrection afin de savoir la nature de ce qui ira soit au châtiment, soit au repos et à la béatitude : de tout cela nous avons discuté plus complètement dans d’autres livres, ceux que nous avons écrits sur la résurrection et nous y avons exprimé notre opinion. Mais maintenant il ne paraîtra pas absurde de revenir un peu sur le sujet à cause de la suite des idées, surtout parce que certains, des hérétiques principalement, trouvent dans la foi de l’Église occasion de scandale, pensant que notre foi dans la résurrection est stupide et complètement insensée. A mon avis il faut leur répondre ainsi : S’ils reconnaissent eux-mêmes qu’il y a une résurrection des morts, qu’ils nous répondent : Qu’est-ce qui est mort, sinon le corps ? Il y a donc une résurrection du corps. Qu’ils nous disent ensuite si nous utiliserons alors des corps ou non. Je pense que, puisque l’apôtre Paul a dit : Un corps animal est semé, un corps spirituel ressuscitera, ils ne peuvent refuser la résurrection du corps et que dans la résurrection nous nous servirons de corps. Qu’en est-il donc ? S’il est certain que nous utiliserons des corps et que ce sont les corps tombés qui se relèveront, selon la prédication apostolique – car on ne peut pas à proprement parler se relever si on n’est pas tombé auparavant -, il n’y a aucun doute que ce sont ces corps qui se relèveront pour que nous les revêtions à nouveau dans la résurrection. Les deux affirmations sont liées. Car si les corps ressuscitent c’est sans aucun doute pour nous revêtir, et s’il est nécessaire que nous soyons dans des corps – c’est effectivement nécessaire -, nous ne devons pas être dans d’autres corps que dans les nôtres. S’il est vrai que les corps ressusciteront et ressusciteront spirituels, il est clair qu’ils le feront après avoir rejeté la corruption et déposé la mortalité ; autrement il semblerait vain et superflu que quelqu’un ressuscite des morts pour mourir à nouveau. On peut assurément comprendre cela avec plus d’évidence si on considère soigneusement quelle est la qualité du corps animal, qui, semée en terre, se renouvelle dans la qualité du corps spirituel. Car du corps animal la puissance même de la résurrection et sa grâce tirent le corps spirituel, quand elles le font passer de l’indignité à la gloire. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Première section

Puisqu’il y a des hérétiques qui croient être fort instruits et fort sages, nous leur demanderons si tout corps possède une apparence extérieure, c’est-à-dire s’il est formé suivant un certain état. S’ils disent qu’il y a un corps qui n’est pas formé suivant un certain état, ils paraîtront les plus ignorants et ineptes des hommes. Personne ne niera cela, à moins d’être étranger à toute instruction. S’ils disent, selon le bon sens, que tout corps est formé suivant un certain état, nous leur deman-derons s’ils peuvent montrer et décrire l’état d’un corps spirituel : ils ne peuvent certes pas le faire. Et nous leur demanderons alors quelles sont les différences qui dis-tinguent ceux qui ressuscitent. Comment montreront-ils la vérité de cette parole : Autre est la chair des oiseaux, autre celle des poissons; il y a des corps célestes et des corps terrestres; autre est la gloire des célestes, autre celle des terrestres; autre est la gloire du soleil, autre celle de la lune, autre celle des étoiles; car une étoile diffère d’une autre en gloire; ainsi en sera-t-il de la résurrection des morts ? En relation avec ces corps célestes, qu’ils nous montrent les différences de gloire de ceux qui ressuscitent, et s’ils se sont efforcés d’une certaine manière de trouver quelque raison aux différences qui existent entre les corps célestes, nous leur demanderons d’indiquer aussi, par comparaison avec les corps terrestres, les différences qui se trouvent dans la résurrection. Nous, de notre côté, nous comprenons que l’Apôtre pour décrire les différences entre ceux qui ressuscitent pour la gloire, c’est-à-dire entre les saints, a utilisé la comparaison des corps célestes en ces termes : Autre est la gloire du soleil, autre celle de la lune, autre celle des étoiles. Et ensuite pour nous instruire des différences qui existent entre ceux qui arrivent à la résurrection sans purification, c’est-à-dire entre les pécheurs, il prend un exemple terrestre en disant : Autre est la chair des oiseaux, autre celle des poissons. Il est digne de comparer les êtres célestes aux saints, les êtres terrestres aux pécheurs. Que tout cela soit dit pour s’opposer à ceux qui nient la résur-rection des morts c’est-à-dire la résurrection des corps. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Première section

Maintenant nous nous adres-sons à quelques-uns des nôtres qui, par suite de l’étroitesse de leur compréhension et par pauvreté d’expli-cation, donnent de la résurrection des corps une signification tout à fait basse et abjecte. Nous leur demandons comment ils entendent le changement que subira le corps animal, grâce à la résurrection, et la nature du corps spirituel futur : comment pensent-ils que ce qui est semé dans l’infirmité ressuscitera dans la force, que ce qui est semé dans l’obscurité ressuscitera dans la gloire, que ce qui est semé dans la corruption passera à l’incorruption ? S’ils croient ce que dit l’Apôtre, que le corps ressuscitant dans la gloire, la force et l’incorruptibilité sera désormais devenu spirituel, il paraît donc absurde, contraire à la pensée de l’Apôtre, qu’il soit de nouveau empêtré dans les passions de la chair et du sang, alors que l’Apôtre dit clairement : La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu et la corruption ne possédera pas l’incorruption. Comment conçoivent-ils aussi cette autre parole de l’Apôtre : Tous nous serons changés. Ce changement est à attendre selon la norme que nous avons exposée plus haut, qui nous permet sans aucun doute d’espérer une solution digne de la grâce divine. Nous pensons que cela se passera de la même manière que le simple grain de blé, ou celui d’autres plantes, qui, semé en terre, suivant la description de l’Apôtre, reçoit de Dieu le corps que Dieu veut, après la mort en terre de ce même grain de blé. Il faut en effet penser que nos corps aussi tomberont en terre comme le grain. Mais il y a en eux une raison qui maintient unie la substance corporelle ; bien que les corps soient morts, corrompus et dispersés, cette raison elle-même qui est toujours intacte dans la substance du corps, par l’action de la Parole de Dieu, relèvera ces corps de la terre, les reconstituera, les restaurera, de même que la force qui est dans le grain de blé, après sa corruption et sa mort, restaure et reconstitue le grain dans le corps de la paille et de l’épi. Et ainsi, pour ceux qui mériteront d’obtenir l’héritage du royaume des cieux, cette raison qui se trouve dans le corps à réparer, celle dont nous avons parlé plus haut, refait sur l’ordre de Dieu un corps terrestre et animal en un corps spirituel qui puisse habiter dans les cieux. Mais ceux qui auront été inférieurs ou même assez bas en mérite, bien mieux ceux qui auront été les derniers et les rejetés, recevront la gloire et la dignité du corps en proportion de la dignité de l’âme et de la vie de chacun, de telle sorte cependant que le corps de ceux qui sont destinés au feu éternel et aux supplices sera, certes, incorrompu par suite de la transformation opérée par la résurrection, mais pour que les supplices ne puissent le corrompre ni le détruire. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Première section

Certains, refusant en quelque sorte le travail de l’intelligence, s’ap-pliquant de façon superficielle au sens littéral de la loi, se complaisant d’une certaine manière dans ce qui les délecte et leur cause du plaisir, disciples de la lettre seule, pensent qu’il nous faut attendre l’accomplissement futur des promesses dans la volupté et la sensualité corporelles. Et c’est pourquoi ils désirent retrouver à la résurrection un corps charnel qui leur laisse pour toujours la possibilité de manger, de boire, et d’accomplir tous les actes qui relèvent de la chair et du sang : ils ne suivent pas l’opinion de l’apôtre Paul sur la résurrection du corps spirituel. A cela ils ajoutent logiquement la faculté de contracter mariage et de procréer des enfants même après la résurrection ; ils imaginent Jérusalem comme une ville terrestre qui sera réédifiée sur des pierres précieuses mises dans ses fondements, avec des murs bâtis en jaspe, des retranchements ornés de cristal et une enceinte de pierres choisies et diverses, jaspe, saphir, chalcédoine, émeraude, sardoine, onyx, chrysolithe, chrysoprase, hyacinthe et améthyste. Ils pensent qu’ils auront là comme ministres de leurs plaisirs des étrangers, servant de laboureurs ou de vignerons, et des maçons pour reconstruire leur cité démolie et écroulée ; ils jugent qu’ils y recevront pour nourriture les biens des nations et qu’ils seront maîtres de leurs richesses, de sorte que même les chameaux de Madian et d’Épha viendront leur apporter l’or, l’encens et les pierres précieuses. Ils s’efforcent de confirmer cela par l’autorité des prophètes lorsqu’ils parlent des promesses faites à Jérusalem : car il y est dit que ceux qui servent Dieu mangeront et boiront, que les pécheurs auront faim et soif, que les justes seront dans la joie et les impies dans la honte. Du Nouveau Testament, ils invoquent la parole du Sauveur promettant aux disciples de trouver la joie dans le vin : Je ne boirai plus de cela désormais jusqu’à ce que je le boive avec vous nouveau dans le royaume de mon Père. Ils ajoutent encore que le Sauveur proclame bienheureux ceux qui maintenant ont faim et soif, leur promettant d’être rassasiés; et ils apportent beaucoup d’autres textes des Écritures, sans voir qu’il faut les comprendre de façon figurée et spirituelle. Alors ils estiment qu’ils seront rois et princes, comme ceux d’ici-bas, comprenant cela selon les conditions de cette vie, selon les dignités et les classes instituées en ce monde ou selon les degrés d’autorité, assurément à cause de cette parole évangélique : Tu auras autorité sur cinq villes. Bref, ils veulent que tout ce qu’ils attendent de l’accomplissement des promesses soit exactement semblable à la manière de vivre ici-bas, c’est-à-dire que le monde actuel recommence à être. Telles sont les pensées de gens qui croient, certes, au Christ, mais comprenant à la juive les Écritures divines, n’y soupçonnent rien qui soit digne des promesses divines. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Puisque nous trouvons chez l’apôtre Paul une mention du corps spirituel, recherchons, comme nous le pouvons, ce qu’il faut penser à ce sujet. Autant que notre intelligence peut le comprendre, nous pensons que la qualité d’un corps spirituel doit permettre non seulement aux âmes saintes et parfaites de l’habiter, mais encore à toutes ces créatures qui seront libérées de la servitude de la corruption. De ce corps l’Apôtre dit aussi que nous avons une maison non faite de main d’homme, éternelle dans les deux, c’est-à-dire dans les demeures des bienheureux. De cela nous pouvons conjecturer la pureté, la subtilité et la gloire qui seront les qualités de ce corps, si nous le comparons à ceux qui maintenant, bien qu’ils soient des corps célestes et très resplendissants, sont cependant faits par la main et visibles. Au contraire il est dit de celui-là qu’il est une maison non faite de main d’homme, mais éternelle dans les deux. Puisque donc le visible est temporel, l’invisible éternel, tous ces corps que nous voyons soit sur terre soit dans les cieux, qui peuvent être vus, qui sont faits par la main et ne sont pas éternels, sont dépassés de très loin par celui-là qui n’est pas visible ni fait de main d’homme, mais est éternel. A partir de cette comparaison, on peut soupçonner la beauté, la splendeur et l’éclat du corps spirituel ; il est vrai, comme c’est écrit, que l’oeil n’a pas vu ni l’oreille entendu, qu’il n’est pas encore monté jusqu’au coeur de l’homme ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. Il n’est pas douteux que la nature de ce corps qui est nôtre, par la volonté de Dieu qui l’a créée ainsi, pourra parvenir par l’action du Créateur à cette qualité de corps très subtil, très pur et très resplendissant, selon que l’état des choses l’exigera et que les mérites de la nature raisonnable le demanderont. En fait, lorsque le monde a eu besoin de variété et de diversité, la matière s’est livrée en toute disponibilité dans les différents aspects et espèces des choses à celui qui l’a faite, puisqu’il est son seigneur et son créateur, pour qu’il puisse tirer d’elle les formes diverses des êtres célestes et terrestres. Mais lorsque tous les êtres commenceront à se hâter à devenir tous un comme le Père est un avec le Fils, il faut comprendre logiquement que là où tous seront un, il n’y aura plus de diversité. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

C’est pourquoi en effet même le dernier ennemi appelé la mort sera détruit selon ce qui est dit, de sorte qu’il n’y aura plus rien de funeste puisque la mort ne sera plus, ni de différent puisqu’il n’y aura plus d’ennemi. Il faut comprendre cette destruction du dernier ennemi non en ce sens que sa substance faite par Dieu périra, mais en celui que son propos et sa volonté d’inimitié, qui proviennent non de Dieu mais de lui-même, disparaîtront. Il est donc détruit, non pour qu’il n’existe plus, mais pour qu’il ne soit plus ennemi et mort. Rien en effet n’est impossible au Tout-Puissant, rien n’est inguérissable pour son créateur : il a fait toutes choses pour qu’elles existent ; et tout ce qui a été fait pour exister ne peut pas cesser d’exister. C’est pourquoi si elles subissent des changements et des diversités, c’est pour qu’elles se trouvent dans un état meilleur ou pire conformément à leurs mérites. Mais les êtres qui ont été faits par Dieu pour exister et durer ne peuvent recevoir une mort qui les atteigne dans leur substance. En effet, si l’opinion du vulgaire pense que des êtres ont péri, il ne s’ensuit pas que la règle de la foi et de la vérité accepte qu’ils aient péri. Enfin si notre chair périt après la mort, au jugement des ignorants et des incroyants, de telle sorte que rien ne reste absolument de sa substance selon ce qu’ils croient, nous, qui croyons à sa résurrection, nous comprenons seulement que la mort opère là un changement, mais nous sommes certains que sa substance subsiste et qu’à un certain moment, selon la volonté du créateur, elle sera de nouveau restaurée pour vivre et subira encore un changement : en effet, ce qui fut d’abord une chair terrestre venue de la terre, dissoute ensuite par la mort et de nouveau faite cendre et terre – car tu es terre, dit l’Écriture, et tu iras dans la terre – ressuscitera de la terre et après cela désormais, selon que le demandent les mérites de l’âme qui l’habite, progressera jusqu’à la gloire du corps spirituel. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Il faut penser que toute notre substance corporelle que voici sera menée à cet état, lorsque tout sera restauré pour être un et lorsque Dieu sera tout en tous. Il ne faut pas comprendre que tout cela s’accomplira d’un seul coup, mais peu à peu et par parties, à travers une succession de siècles sans fin et sans mesure, lorsque insensiblement et point par point l’amendement et la correction seront accomplis : les uns viendront en tête et tendront vers la perfection dans une course plus rapide, d’autres les suivront à une courte distance, d’autres enfin seront beaucoup plus loin ; ainsi à travers quantité de degrés innombrables constitués par ceux qui progressent et se réconcilient avec Dieu, d’ennemis qu’ils étaient auparavant, on parvient au dernier ennemi appelé mort et à sa destruction, pour qu’il ne soit plus ennemi. Lorsque toutes les âmes raisonnables auront été rétablies en cet état, alors la nature de notre corps que voici sera elle aussi menée à la gloire du corps spirituel. De même que, selon ce que nous voyons, parmi les natures raisonnables, celles qui ont vécu de façon indigne à cause de leurs péchés ne sont pas différentes de celles qui ont été invitées à la béatitude à cause de leurs mérites, mais nous voyons les âmes qui étaient auparavant pécheresses, à la suite de leur conversion et de leur réconciliation avec Dieu, appelées de nouveau à la béatitude, de même faut-il penser au sujet de la nature du corps : le corps dont nous nous servons maintenant avec sa grossièreté, sa corruption et son infirmité n’est pas autre que celui dont nous nous servirons alors dans l’incorruption, la force et la gloire, mais ce sera le même qui aura rejeté les infirmités dont il souffre maintenant et se sera changé en gloire, devenu spirituel, de sorte que ce qui avait été un vase d’indignité deviendra par sa purification un vase d’honneur et une demeure de béatitude. Il faut croire qu’il subsistera toujours et immuablement dans cet état par la volonté du créateur ; nous en voyons la garantie dans cette phrase de l’apôtre Paul : Nous avons une maison non faite de main d’homme, éternelle dans les deux. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

En effet la foi de l’Église ne reçoit pas ce que disent certains philosophes grecs, que, outre ce corps-ci qui est composé des quatre éléments, il y a un cinquième corps, entièrement différent et distinct de notre corps : on ne peut trouver dans les Écritures saintes le moindre soupçon de cela et la logique même des choses ne permet pas de l’accepter, principalement parce que le saint Apôtre affirme clairement que ce ne sont pas des corps nouveaux qui seront donnés à ceux qui ressuscitent des morts, mais ils recevront les mêmes corps qu’ils ont eus de leur vivant, transformés du pire au meilleur. Il dit en effet : Un corps animal est semé, un corps spirituel ressuscitera, et : Il est semé dans la corruption, il ressuscitera dans l’incorruption ; il est semé dans l’infirmité, il ressuscitera dans la force; il est semé dans l’obscurité, il ressuscitera dans la gloire. De même qu’un homme peut progresser d’un état antérieur d’homme animal, incapable d’entendre ce qui est de l’Esprit de Dieu, jusqu’à arriver, grâce à l’éducation, à devenir spirituel et à juger de toutes choses sans être lui-même jugé par personne, de même faut-il penser, à propos de la condition du corps, que le même corps qui maintenant en tant qu’instrument de l’âme est appelé animal, à la suite d’un progrès, lorsque l’âme jointe à Dieu sera devenue avec lui un seul esprit, progressera, en tant qu’instrument de l’esprit, pour atteindre une condition et une qualité spirituelles : cela est d’autant plus possible, nous l’avons souvent montré, que la nature corporelle a été faite par le créateur de telle sorte qu’elle puisse prendre successivement de manière aisée n’importe quelle qualité, selon la volonté de Dieu ou ce que demandent les circonstances. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Il faut se demander, certes, si alors, quand Dieu sera tout en tous, dans la consommation de toutes choses, toute la nature des corps aura une seule forme et toute la qualité des corps sera seulement de briller dans la gloire inénarrable qui sera attribuée, il faut le penser, au corps spirituel. Si nous comprenons bien ce qu’au début de son livre a écrit Moïse : Au début Dieu a fait le ciel et la terre, c’est là le début de toute la création, début auquel doit revenir la fin et la consommation de toutes choses, c’est-à-dire que ce ciel-là et cette terre-là soient la demeure et le repos des pieux, de sorte que d’abord les saints et les doux hériteront de cette terre, puisque l’enseignent la loi, les prophètes et l’évangile. Dans cette terre, je pense que se trouveront les modèles vrais et vivants des observances que Moïse enseignait par l’ombre de la loi. C’est pourquoi il est dit que ceux qui servaient sous la loi, servaient l’image et l’ombre des réalités célestes. A ce même Moïse, il a été dit : Prends garde à tout faire selon le modèle et à la ressemblance de ce qui t’a été montré sur la montagne. C’est pourquoi il me semble que, de même que sur cette terre la loi fut un pédagogue pour ceux qui, par elle, devaient être menés au Christ, à cause de l’enseignement et de l’instruction qu’elle leur donnait, afin qu’ils puissent plus aisément, après avoir été instruits par la loi, recevoir toute la science plus parfaite du Christ, de même cette terre qui reçoit les saints les imprègne et les forme d’abord en leur enseignant la loi éternelle, pour qu’ils puissent plus facilement recevoir l’instruction parfaite du ciel, à laquelle rien ne peut être ajouté. Ils y trouveront ce qui est appelé l’Évangile éternel et le Testament toujours nouveau qui jamais ne vieillira. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Jusqu’ici nous avons discuté de la manière d’être de la nature corporelle ou du corps spirituel : nous laissons à la volonté du lecteur le soin de choisir de ces deux solutions celle qu’il jugera la meilleure. Mais nous, nous terminons ici le troisième livre. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section