Conférences – extraits sur la retraite

Mais il y avait dans le pays nombre de bourgs, bâtis sur des éminences. L’inondation, chassant les habitants, en fit autant d’îles désertes, qui offrent aux saints en quête d’une retraite, la solitude désirée. 57 Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON

Et je n’ai pas tout dit. Alors même que nulle défaillance ne vient nous faire obstacle, nous n’avons pas la franche liberté de faire tout ce que nous voulons. Nous ne sommes pas exacts comme nous le voudrions au silence de la retraite, ni à la stricte observance de nos jeûnes, ni à la lecture assidue, dans le temps même où nous le pourrions; mais certains cas se présentent, qui nous retirent, malgré nous, de nos salutaires pratiques : si bien qu’il faut implorer du Seigneur les temps et les lieux favorables pour nous y livrer. Il est sûr que pouvoir ne suffit pas, s’il ne nous accorde l’occasion propice, pour accomplir les choses qui nous sont manifestement possibles. «Nous voulions aller vers vous, dit l’Apôtre, une première et une seconde fois; mais Satan nous a empêchés.» (1 Thess 2,18) 397 Les Conférences TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON

Ainsi, de la première observance dont nous avons parlé, naquit un autre genre de vie parfaite. Ses tenants en sont avec raison nommés anachorètes, c’est-à-dire des hommes de retraite. Non contents d’avoir remporté sur le diable une première victoire parmi la société des hommes, en écrasant de leur talon ses pièges cachés, ils convoitent de lutter contre les démons à front découvert et les yeux dans les yeux. On les voit pénétrer sans peur dans les vastes retraites de la solitude. 1416 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Celui-ci n’a point cessé de demeurer à Scété, dont il est actuellement le prêtre, désert glorieux, digne d’être célébré par toute la terre. Il y a fait paraître un tel amour de la retraite, que les autres anachorètes lui ont donné le surnom de Bubale, le boeuf sauvage, pour le désir en quelque sorte inné qu’ils voyaient en lui de la solitude et son goût à s’y tenir continuellement caché. 1504 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Tant que le petit nombre de ceux qui demeuraient alors au désert, nous laissa la liberté de nous perdre en ses immenses solitudes; aussi longtemps qu’une retraite plus profonde nous rendit possible d’être ravis fréquemment en ces célestes transports; tant que la multitude des visites ne fut pas venue nous charger de soins et d’embarras infinis, par la nécessité de pourvoir aux obligations de l’hospitalité : j’ai embrassé d’un désir insatiable et d’une ardeur sans réserve le secret tranquille de la solitude, et cette vie comparable à la béatitude des anges. 1586 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Cependant, je sais que l’abbé Moïse, Paphnuce et les deux Macaire ont possédé parfaitement l’une et l’autre vertu. Ils étaient donc parfaits en ces deux professions. Dans la retraite, ils se nourrissaient insatiablement du secret de la solitude, plus que tous les autres habitants du désert, et, autant qu’il était en eux, ne recherchaient en aucune façon la compagnie des hommes. Mais, d’autre part, ils supportaient admirablement le concours et les faiblesses de ceux qui s’empressaient vers eux; parmi la multitude innombrable des frères qui affluaient de toutes parts, soit seulement pour leur faire visite, soit avec le dessein de progresser, l’inquiétude quasi sans relâche que leur causait l’obligation de recevoir tout ce monde, les trouvait d’une patience inaltérable. On eût pu croire qu’ils n’avaient rien appris ni pratiqué tout le temps de leur vie, que de rendre aux étrangers les devoirs ordinaires de la charité; et c’était pour tous une question de savoir en quelle profession leur zèle se montrait davantage, si leur magnanimité s’accordait plus merveilleusement à la pureté érémitique ou à la vie commune. 1623 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Il en est que les longs silences de la solitude rendent farouches à ce point, qu’ils ressentent un éloignement absolu pour la société des hommes. Quelque visite les arrache-t-elle un instant à leur retraite accoutumée, ils en font paraître une sensible anxiété, et donnent des signes évidents de pusillanimité. 1629 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Pinufe gouvernait, avec la qualité d’abbé et de prêtre, un monastère considérable, non loin de Panephysis, qui est, comme je l’expliquai alors, une ville d’Égypte. Or, par toute la province, ses vertus et ses miracles l’avaient élevé dans un si haut degré de gloire, qu’il lui semblait avoir reçu, dans les louanges des hommes, le prix de ses labeurs. Craignant donc, que la vaine faveur des peuples, spécialement fâcheuse à son endroit, ne le privât du fruit de l’éternelle récompense, il s’enfuit secrètement de son monastère, et gagna la retraite profonde où demeurent les moines de Tabenne. 1693 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE

Par conséquent, lorsqu’il s’agit de pratiques auxquelles nous voyons un mode et un temps déterminés, et dont l’observance sanctifie, sans pourtant qu’il y ait faute à les omettre : manifestement, elles sont de soi indifférentes. Ainsi, le mariage, l’agriculture, les richesses la retraite au désert, les veilles, la lecture et la méditation des livres sacrés, le jeûne enfin, qui fut l’occasion de ce discours. Ce sont là des buts pour notre activité, que ni les préceptes divins ni l’autorité des saintes Écritures ne nous ordonnent de poursuivre avec une telle continuité, que ce soit un crime de prendre quelque relâche. Tout ce qui fait l’objet d’un commandement proprement dit, nous mérite la mort, s’il n’est observé; mais ce qui est plutôt conseillé qu’ordonné, procure des avantages, si on le fait, sans attirer de châtiment, si on l’omet. Aussi nos pères nous ont-ils recommandé de ne nous livrer à toutes ces pratiques, à certaines du moins, qu’avec prudence et circonspection, tenant compte du pourquoi, du lieu, du mode, du temps. C’est qu’en effet tout va à souhait, si elles viennent opportunément; mais embrassées mal à propos, elles sont nuisibles autant que déplacées. 1932 Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

La solitude qui les sépare de toutes villes et habitations humaines, est plus vaste que pour Scété; c’est à peine si sept ou huit jours de marche au travers d’un désert sans fin les conduisent à la retraite où sont cachées leurs cellules. Cependant, ils s’adonnent à l’agriculture, au lieu de rester enfermés. Aussi, lorsqu’ils viennent, soit en ces contrées affreuses où nous vivons, soit à Scété, c’est une effervescence de pensées, une anxiété telles, que, semblables à de nouveaux venus qui n’auraient jamais le moins du monde goûté des exercices de la solitude, ils ne peuvent supporter le séjour de la cellule ni les silences du repos. Ils en sortent aussitôt, pour tomber en proie à un trouble profond, tels des novices sans expérience. 2530 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM

Ainsi parla le bienheureux Antoine en réponse à ce frère. Cet exemple nous instruit nous-mêmes à fuir les pernicieuses complaisances de nos parents et de tous ceux dont la charité pourrait fournir à notre entretien, comme aussi les agréments d’un séjour délicieux. Il nous apprend encore à mettre au-dessus de toutes les richesses de ce monde, des sables naturellement amers et stériles, des régions brûlées par l’inondation marine et sur lesquelles aucun homme vivant n’exerce droit ni domaine : cela, dans la vue, sans doute, d’éviter les foules humaines à l’abri d’une retraite inaccessible; mais aussi pour que la fécondité du sol ne nous sollicite point a quelque culture absorbante, par où l’âme, distraite de son objet essentiel, se condamnerait au vide et à la stérilité spirituelle. 2603 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM

GERMAIN. – Parmi les illusions et les erreurs qui nous avaient enflammés du désir de revoir notre patrie, nous flattant, comme le regard exercé de votre Béatitude l’a bien reconnu, d’un vain espoir d’y trouver des avantages spirituels, ceci par-dessus tout nous poussait : les frères qui nous visitent de temps à autre, nous empêchent de nous ensevelir, comme nous le souhaiterions, dans une retraite continuelle et un long silence; de plus, nous sommes obligés, lorsqu’il en survient quelques-uns, de rompre le cours de notre abstinence quotidienne et de déroger à la mesure que nous y suivons; ce serait pourtant notre désir, d’y être fidèles sans interruption, afin de châtier notre corps. 2654 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM

retraites

Recueillie avec empressement, soigneusement déposée dans les retraites de l’âme, munie du cachet du silence, il en sera de la doctrine comme de vins au parfum suave, qui réjouissent le coeur de l’homme. Ainsi que la vieillesse fait le vin, la sagesse, qui tient lieu à l’homme de cheveux blancs, et la longanimité de la patience la mûriront. Lorsqu’ensuite elle paraîtra sur vos lèvres, ce sera en exhalant des flots de senteurs embaumées. Il en sera d’elle encore comme d’une fontaine sans cesse jaillissante. Ses eaux bienfaisantes, multipliées par l’expérience et la pratique des vertus, iront se débordant; et du fond de votre coeur, d’où elle sourdra comme d’un secret abîme, elle se répandra en fleuves intarissables. Il arrivera de vous ce qui est dit dans les Proverbes à l’homme pour qui toutes ces choses sont devenues des réalités : «Bois l’eau de tes citernes et de la source de tes puits. Que les eaux de ta source débordent, que tes eaux se répandent sur tes places !» (Pro 5,15-16).Selon la parole du prophète Isaïe, «vous serez comme un jardin bien arrosé, comme une source d’eau qui jamais ne tarit. Les lieux déserts depuis des siècles seront par vous bâtis; vous relèverez les fondements posés de génération en génération; et l’on dira de vous : c’est le réparateur des haies, le restaurateur de la sûreté des chemins.» (Is 58,11-12). La béatitude promise par le même prophète vous sera donnée en partage : «Le Seigneur ne fera plus s’éloigner de toi ton maître, et tes yeux verront ton précepteur. Tes oreilles entendront la voix de celui qui t’avertira, criant derrière toi : Voici le chemin; marchez-y; ne vous en détournez ni à droite ni à gauche.» Et vous verrez cette merveille, que non seulement toute la direction de votre coeur et son étude, mais les écarts mêmes de vos pensées et leur vagabondage incertain ne seront plus qu’une sainte et incessante méditation de la loi divine. 671 Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS

Le Seigneur désire donc extirper complètement des plus profondes retraites de l’âme le foyer de la colère. Il veut que l’homme extérieur se voyant frapper sur la joue droite par un injuste agresseur, votre homme intérieur présente aussi à frapper sa joue droite, en consentant humblement à l’affront; qu’il prenne part à la souffrance de l’homme extérieur, soumettant et abandonnant en quelque sorte son propre corps à l’injure. Car il ne faut pas que l’homme intérieur s’émeuve, même silencieusement, du coup reçu par l’homme extérieur. 1013 Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

L’Apôtre ne parle pas autrement : «Ne vous vengez pas vous-mêmes, mais donnez place à la colère;» (Rom 12,19) c’est-à-dire : Ne courez pas à ta vengeance sous l’aveugle poussée de la passion, mais donnez place à la colère. Quoi encore ? Ne laissez pas resserrer vos coeurs par l’étroitesse de l’impatience et de la pusillanimité, tellement qu’ils ne puissent soutenir la tempête impétueuse de l’emportement, lorsqu’elle se déchaînera. Dilatez-les, au contraire, et recevez les flots ennemis de la passion dans les espaces élargis de la charité, qui «souffre tout, supporte tout.» (1 Cor 13,7). Que votre âme ainsi dilatée par la largeur de la longanimité et de la patience, possède en soi les retraites salutaires de la délibération et du conseil, on l’horrible fumée de la colère trouve, si l’on peut ainsi parler, une issue, se répande, et finalement se dissipe. 1050 Les Conférences PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH

Ainsi, de la première observance dont nous avons parlé, naquit un autre genre de vie parfaite. Ses tenants en sont avec raison nommés anachorètes, c’est-à-dire des hommes de retraite. Non contents d’avoir remporté sur le diable une première victoire parmi la société des hommes, en écrasant de leur talon ses pièges cachés, ils convoitent de lutter contre les démons à front découvert et les yeux dans les yeux. On les voit pénétrer sans peur dans les vastes retraites de la solitude. 1416 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN

Lors donc que nous saisirons dans notre coeur ces marques du vice, reconnaissons que l’acte seulement du péché nous fait défaut, non le penchant mauvais. Mêlons-nous à la vie des autres hommes : aussitôt, ces passions sortiront des retraites de notre sensibilité. Preuve qu’elles ne naissent pa dans le moment qu’elles s’échappent impétueusement; mais qu’elles se révèlent enfin au grand jour, après être demeurées longtemps cachées. 1647 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN

Donnez-moi un homme tout entier dans la pensée de satisfaire et dans les gémissements de la pénitence. Aussi longtemps que l’idée des fautes commises, ou d’autres fautes semblables, vient se jouer devant ses regards; tant que, je ne dis pas la délectation, mais seulement le souvenir continue d’infester les retraites profondes de son âme : à ces marques, il peut reconnaître qu’il n’est point délivré parfaitement. Ainsi, l’âme que je désir de faire satisfaction pour ses péchés tient sans cesse en éveil, saura son acquittement et son pardon à ce signe, que leur séduction ni leur image même ne l’effleureront plus. 1731 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE

Dans notre pays également, il existe des retraites charmantes : nous ne l’ignorons pas. L’abondance des fruits, l’agrément et la fertilité des jardins nous y fourniraient sans fatigue les choses nécessaires à la vie, si nous ne craignions que le reproche adressé au riche de l’Évangile, ne tombe aussi sur nous : Tu as reçu ta consolation pendant ta vie (Lc 16,25). 2513 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM

C’est nous, dis-je, oui c’est nous, la chose est manifeste, qui hérissons de nos désirs pervers, comme de cailloux tranchants, les sentiers droits et faciles du Seigneur; nous, qui désertons follement la voie royale, construite des pierres apostoliques et prophétiques, et aplanie par les pas des saints et du Seigneur Lui-même, pour suivre des chemins détournés, pleins de buissons, pour aller, les yeux aveuglés par l’enchantement des plaisirs d’ici-bas, ramper le long des sentiers obscurs et embarrassés des ronces du vice, les jambes déchirées, notre robe nuptiale en lambeaux, destinés pour être la proie des épines acérées, des serpents et des scorpions qui ont là leurs retraites. Car il est écrit : Il y a des épines et des pièges sur les voies perverses, et celui qui craint le Seigneur s’en éloigne (Ibid., 22,5). Et dans un autre endroit, le Seigneur, par la bouche du prophète, parle ainsi des égarés : Mon peuple M’a oublié; il a fait de vains sacrifices; il a choppé dans ses propres voies, dans les sentiers du siècle; il a marché par un chemin qui n’était pas frayé (Jér 18,15). Salomon dit encore : Les chemins des paresseux sont pavés d’épines, mais ceux des forts sont aplanis (Pro 15,19). 2713 Les Conférences CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM