15. L’insensibilité du coeur produit l’aveuglement dans une âme; mais la multitude des viandes fait tarir entièrement la source des larmes; et la soif, la faim et les veilles affligent le coeur; mais un coeur affligé et mortifié selon Dieu répand des larmes abondantes et salutaires. Sans doute ces vérités paraîtront dures à ceux qui aiment la bonne chère, et impraticables à ceux qui vivent dans les bras de la paresse, mais un coeur fervent et généreux les goûtera et les pratiquera avec joie; et par l’habitude qu’il en aura acquise, il y sera fidèle avec une indicible facilité. Celui qui ne cherchera à les connaître que pour en parler, n’y trouvera que peine et tristesse. SIXIÈME DEGRÉ
17. Une âme, qui cherche tous les moyens d’assurer son salut, s’occupe sans cesse de plusieurs pensées très salutaires : elle pense à l’amour que Dieu lui porte, à la mort, à la présence de Dieu, au royaume céleste, à la ferveur des martyrs; mais c’est surtout la pensée dé Dieu réellement présent partout, qui l’absorbe entièrement. C’est pour cela qu’elle médite sans cesse ces paroles : “Je regardais continuellement le Seigneur, et je l’avais toujours présent devant mes yeux.” (Ps 15,8). Elle ne perd pas de vue le souvenir des anges et des puissances célestes, ni sa dernière heure en ce monde, ni le moment terrible où elle comparaîtra an tribunal du souverain Juge, ni les supplices éternels, ni enfin la sentence qui y condamnera les pécheurs. Telles sont les grandes vérités dont s’occupent les âmes qui veulent servir Dieu. Nous avons d’abord présenté celles qui doivent nous paraître les plus respectables, et nous avons ensuite rappelé celles qui sont les plus capables de nous inspirer l’horreur du péché et de nous empêcher d’y tomber. SIXIÈME DEGRÉ
3. Le silence, au contraire, est sage et prudent; il donne l’esprit d’oraison, délivre l’âme de la captivité, conserve le feu de l’amour divin, veille sur les pensées de l’esprit, observe attentivement le mouvements des ennemis du salut, soutient et nourrit la ferveur de la pénitence, se plaît dans les larmes, rappelle sans cesse l’image de la mort et le souvenir des supplices éternels, fait considérer les Jugements de Dieu avec une crainte salutaire, est très favorable à la sainte tristesse du coeur, combat l’esprit de présomption, favorise la tranquillité de l’âme, augmente la science du salut, nous forme à la contemplation des vérités surnaturelles, nous perfectionne dans les bonnes oeuvres et nous fait monter jusqu’à Dieu. ONZIÈME DEGRÉ
16. Enchaînons donc ce tyran cruel par le souvenir douloureux de nos fautes; frappons-le fortement par le travail de nos mains; tourmentons-le sans cesse par la pensée des biens éternels que nous attendons; traînons-le impitoyablement devant le tribunal de notre foi; et là faisons lui subir un interrogatoire et un jugement flétrissants; demandons-lui avec empire qu’il ait à nous dire quel est le père méchant qui l’a engendré, et quels sont les abominables enfants à qui, lui-même, il a donné naissance; forçons-le à nous avouer quelles sont les personnes qui le poursuivent et lui donnent la mort. Malgré lui, il nous répondra que ceux qui le combattent jusqu’à le faire mourir, ce sont les disciples sincères de l’obéissance, et que dans ces hommes il ne trouve rien qui puisse lui servir un seul moment pour se reposer; qu’il ne peut séjourner tranquillement qu’avec les faux moines qui ne font que leur propre volonté; que c’est pour cela qu’il les aime et ne les quitte jamais; que les causes qui concourent à lui donner l’existence, sont en grand nombre, et qu’il doit nommer l’insensibilité du coeur, l’oubli du ciel et des vérités éternelles, et quelquefois un travail trop pénible et des exercices trop multipliés et trop fatigants; que ses enfants sont l’inconstance, le changement de demeure, la désobéissance au supérieur, l’oubli du jugement et, de temps à autre, la négligence à remplir les devoirs de la vie religieuse; que les ennemis qui le chargent de chaires et le réduisent en captivité, sont la psalmodie fervente, une occupation continuelle, et la méditation de la mort; et que ses ennemis mortels sont la prière et l’espérance vive et certaine des biens à venir. Quant à la prière, si vous voulez connaître d’où elle tire son origine, il faut le lui demander à elle-même. TREIZIÈME DEGRÉ
25. Pour être bien convaincu de ces vérités, considérez dans quel état vous vous trouvez le matin, à midi et au moment qui précède votre repas : n’est-il pas vrai qu’à la première heure vos pensées ne sont guère raisonnables et annoncent une grande dissipation dans votre esprit; qu’à la septième heure, c’est-à-dire à midi, elles sont plus tranquilles et plus graves, et que sur le soir elles sont tout-à-fait humbles. QUATORZIÈME DEGRÉ
64. Vous tous qui avez résolu de garder la chasteté et à être fidèles à cette vertu céleste, écoutez-moi, je vous prie, et remarquez avec moi un nouveau genre de malice de la part du cruel et impitoyable séducteur de nos âmes : veillez surtout avec grand soin pour ne pas en devenir les tristes victimes. Un serviteur de Dieu, qui en était instruit par sa propre expérience, m’a raconté que souvent le démon de l’impureté se retire de nous jusqu’au temps qu’il a fixé pour être le plus propre et le plus convenable à la tentation dans laquelle il veut nous faire tomber; que pendant cet intervalle il excite dans le malheureux qu’il veut précipiter dans le péché, les plus beaux et les plus pieux sentiments de dévotion, et qu’il lui ouvre une source abondante de larmes dans le temps même qu’il se trouve dans la compagnie des personnes du sexe, qu’alors il inspire à cet imprudent de leur parler avec zèle de la mort et du jugement, de la tempérance et de la chasteté, et de les exhorter à faire des méditations fréquentes sur les vérités importantes du salut et à pratiquer avec une inviolable fidélité les vertus si belles et si nécessaires que commande la religion. Trompées par ces discours et par ces apparences de piété, ces pauvres personnes courent, comme après un véritable pasteur, à la suite de ce moine, qui, par les ruses du démon et sans que lui-même s’en soit presque aperçu, est devenu un loup sanguinaire et dévorant. Mais que va-t-il arriver ? Hélas ! par la familiarité que peu à peu elles prennent, et par la liberté qu’elles ont de s’entretenir avec lui, elles finissent par se précipiter elles-mêmes et, avec elles, ce malheureux dans l’abîme profond du péché, et par consommer sa perte. QUINZIÈME DEGRÉ
8. L’excès dans le sommeil fait oublier les vérités salutaires, et inspire le dégoût pour les choses spirituelles; les veilles, en purifiant notre esprit et notre coeur. DIX-NEUVIÈME DEGRÉ
P. se rendre dignes d’être les interprètes des vérités surnaturelles et des mystères; VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
39. Les qualités, les occupations et les raisonnements des personnes qui, pour des raisons suffisantes, ont embrassé la vie solitaire, consistent dans le calme parfait de l’âme qui s’est mise à l’abri de toutes les tempêtes excitées par les vents des passions, dans des pensées saintes et pures, dans une intime union avec Dieu, dans un souvenir constant des supplices éternels, dans la pensée de la mort qui menace de près, dans un amour insatiable de la prière, dans la vigilance constante sur les sens, dans la ruine entière des affections déshonnêtes, dans l’affranchissement des appétits charnels, dans la mort à l’esprit et aux maximes du monde, dans l’indifférence pour le manger, dans la méditation des vérités surnaturelles dans les lumières d’un discernement sage et prudent dans le don des larmes d’une pénitence sincère, dans le retranchement absolu des discours vains et inutiles, et dans tout ce qui n’est pas agréable aux personnes qui ont coutume de vivre sans ordre et sans règle. VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ