18. Les personnes qui, dans leur jeunesse, ont eu le malheur de se laisser aller à l’amour et à la jouissance des plaisirs sensuels, et qui néanmoins dans la suite forment le dessein et prennent la résolution d’entrer dans une communauté religieuse, doivent s’exercer avec le plus grand soin dans les règles austères de la sobriété et de la tempérance, se donner entièrement aux exercices sacrés de la prière, refuser sévèrement à leurs corps tout plaisir et tout ce qui pourrait leur procurer des jouissances et de la joie, et s’abstenir de toute sorte de dérèglements et de sensualités, dans la crainte que leur dernier état ne devint plus mauvais que le premier (cf. Mt 12,45). Car la religion est un port où l’on trouve le salut; mais on peut aussi y trouver le naufrage, et ceux qui voyagent sur cette mer spirituelle, peuvent attester cette vérité. Ah ! Que c’est un déchirant spectacle de voir des gens qui, après avoir traversé la mer orageuse du monde, viennent misérablement faire naufrage et périr dans le port. Voilà donc le second degré; si vous y montez, que votre fuite vous fasse imiter Loth, et non sa femme. DEUXIÈME DEGRÉ
25. Mais, hélas, père saint, et vous troupeau fidèle si chéri de Dieu, ma vie entière ne suffirait pas, si je voulais raconter ici toutes les vertus et les actions vraiment célestes de ces moines; cependant j’estime comme très important de vous retracer leurs travaux et leurs sueurs: cette vue sera bien plus capable d’enflammer vos coeurs d’une noble ardeur pour le ciel, que les instructions que je vous donnerais, et les exhortations que je vous adresserais. Au reste, tout le monde sait que souvent les choses défectueuses sont corrigées par celles qui sont plus parfaites. Ce que je vous conjure de m’accorder, c’est de croire que tout ce que je vous raconte ici, ne contient ni fable ni fiction, mais que c’est le langage de la plus exacte vérité : car je sais que le doute seul qu’on a sur la vérité d’un fait, suffit pour empêcher qu’on en retire des fruits et des avantages. Reprenons le cours de notre discours. QUATRIÈME DEGRÉ
39. Je ne ferai pas la faute de ne pas orner ici mon discours par le récit d’un fait qui le fera briller comme une émeraude fait briller une couronne. Il arriva que, tandis que je vivais au milieu des illustres pères de ce monastère, la conversation tomba sur la vie des anachorètes; or ils me dirent avec un visage plein de douceur et de bienveillance : “Quant à nous, cher père Jean, étant aussi grossiers et aussi peu spirituels que nous le sommes, nous avons cru ne devoir embrasser que la vie qui nous convenait le mieux. C’est pourquoi nous n’avons entrepris qu’une guerre proportionnée à notre faiblesse, et nous avons jugé qu’il était plus avantageux pour nous de n’avoir à combattre que contre des hommes qui s’emportent et s’aigrissent, à la vérité, mais qui reviennent et s’adoucissent, que contre les démons, qui sont toujours en fureur et armés contre le genre humain.” QUATRIÈME DEGRÉ
50. Présentez donc à Dieu, en esprit et en vérité, la confiance et l’affection que vous avez pour votre père spirituel; et par une grâce singulière, Dieu lui fera connaître l’amour et la tendresse que vous lui portez, et cette connaissance lui inspirera de vous traiter avec douceur et ménagement; et, selon que vous le désirez, il deviendra votre ami dévoué. QUATRIÈME DEGRÉ
119. Cependant il ne faut nullement penser ici que le démon, notre cruel ennemi, agisse jamais d’une manière contraire à la volonté qu’il a de nous faire du mal; et vous devez être convaincu de cette vérité, par l’exemple de ceux qui, après avoir vécu quelque temps dans une cellule, ou dans un monastère, avec douceur et patience, sont ensuite tombés dans le relâchement. Si donc nous éprouvons en nous le désir de quitter un monastère pour passer dans un autre nous devons, afin de connaître ce que Dieu demande de nous, examiner sérieusement s’il ne Lui serait point agréable que nous demeurions dans le lieu où nous sommes; car il me semble que c’est une tentation que nous avons à combattre; étant donc ainsi attaqués par le démon, nous devons nous défendre. QUATRIÈME DEGRÉ
120. Je me rendrais également coupable de malice et de cruauté, si je passais sous silence des choses qu’il n’est pas permis de taire. Or c’est Jean Sabaïte, qui ne m’est pas peu cher, lequel m’a raconté ces choses merveilleuses; et vous savez par votre propre expérience, mon respectable père, combien ce grand homme est exempt de passions et d’exaltation; vous savez aussi combien il abhorre la vaine gloire dans ses paroles. Voici donc ce qu’il m’a dit : “Il y avait dans un monastère de l’Asie où je demeurais alors, un vieillard très négligent et d’une conduite très mauvaise; je vous le dis, non pour juger des intentions secrètes de cet homme, mais pour l’honneur de la vérité. Or il arriva, je ne sais comment, que ce vieillard eut pour disciple Acace, jeune homme d’une admirable simplicité et d’une prudence étonnante. Ce jeune moine souffrit de la part de son maître tant et de si mauvais traitements, que bien des personnes refuseront de les croire; car il ne se contentait pas de le couvrir et de l’accabler d’injures, d’outrages et d’humiliations, mais il le déchirait et lui sillonnait le corps de blessures et de plaies par les coups redoublés qu’il déchargeait sur lui tous les jours. Acace souffrait toutes ces indignités et ces cruautés avec une patience et une sagesse vraiment étonnantes. Or comme chaque jour je voyais que ce saint jeune homme était plus cruellement traité qu’un vil esclave, je lui adressais quelques paroles de consolation, lorsque je le rencontrais : Eh bien, mon cher Acace, lui disais-je, comment vous trouvez-vous aujourd’hui ? Qu’y a-t-il de nouveau pour vous ? Et pour toute réponse, ce bon moine me montrait des yeux tout ternes et sans vivacité, un cou tout meurtri et une tête remplie de plaies et de contusions; et comme je savais combien sa patience était grande et généreuse, je me contentais de lui dire pour l’encourager : Courage, mon cher frère, tout va bien; oui, tout va bien : souffrez toujours avec douceur et résignation, et vous recueillerez bientôt les fruits abondants de la patience. Or après avoir ainsi passé neuf ans sous la férule de cet impitoyable vieillard, son âme sainte s’envola vers le ciel. Cinq jours après la mort d’Acace, son maître alla voir un ancien solitaire, homme très recommandable par ses vertus, et, après l’avoir salué, lui raconta la mort de son saint et fervent disciple. Mais ce bon vieillard lui répondit qu’en vérité il ne pouvait le croire. Alors le maître d’Acace ajouta : “Venez donc avec moi, et vous verrez si je vous trompe. Le solitaire se leva, et vint avec ce père sur la tombe de ce grand et vaillant athlète de Jésus Christ. Quand il y fut arrivé, comme si Acace eût été encore en vie, et en effet il n’était pas mort, puisqu’il n’était que dans le sommeil des justes, il lui adressa ces paroles : Frère Acace, est-ce bien vrai que vous êtes mort ? Alors ce noble enfant de l’obéissance donna, même après sa mort, un illustre exemple de soumission; car il obéit à celui qui l’interrogeait, et lui répondit : Comment pourrait-il arriver, mon Père, qu’un disciple sincère de l’obéissance puisse mourir ? Ces mots frappèrent le maître de ce jeune moine d’une terreur si forte, que, fondant en larmes, il tomba le visage contre terre, et s’empressa de demander au supérieur de la Laure de lui permettre de fixer sa demeure auprès du tombeau de son disciple. Il obtint cette permission, et passa dans ce lieu le reste de sa vie, en pratiquant une modestie, une patience et une soumission parfaites. Il ne cessait pas de répéter aux pères de cette communauté : Hélas, mes pères, j’ai commis un homicide. QUATRIÈME DEGRÉ
17. Ils ne se parlaient que par leurs gémissements et leurs larmes, ainsi qu’à Dieu. Les uns, comme s’ils avaient été à la porte du paradis, en se meurtrissant la poitrine de coups redoublés, s’écriaient : “Ouvre-nous, ô juste Juge des vivants et des morts; ouvre-nous, nous t’en conjurons, cette porte de la félicité éternelle, que nous nous sommes fermée par nos péchés; ouvre-nous.” Les autres ne cessaient de répéter cette prière admirable du psalmiste : Montre-nous seulement, Seigneur un visage favorable, et nous serons sauvés des mains cruelles de nos ennemis (Ps 79,4). Vous en rencontriez un qui disait sans cesse avec Zacharie : Mon Dieu, fais briller ta lumière sur tous les malheureux qui sont assis au milieu des ténèbres et des ombres de la mort (cf. Lc 1,79). Ailleurs, vous en trouviez un autre qui adressait à Dieu cette prière fervente : Que tes Miséricordes nous préviennent promptement, ô mon Dieu; (cf. Ps 78,8) car nous sommes réduits à la dernière misère, nous sommes perdus sans vous, nous nous laissons aller au désespoir, et nous tombons en défaillance”. Ailleurs vous en entendiez d’autres se faire cette triste question : “Pensez-vous que le Seigneur nous montre jamais un visage serein et bienveillant, et qu’il fasse luire sur nous les lumières de sa gloire ?” (Ps 66,2) et d’autres se demander avec une sainte et pénible inquiétude : Croyez-vous que nous puissions espérer que notre âme ait traversé ce torrent de ténèbres, dont les eaux sont insurmontables (Is 49,9), et que le Seigneur nous accorde encore quelques consolations ?” – Hélas ! ajoutaient quelques autres, nous sommes tellement liés dans les chaînes du péché, qu’en vérité pouvons-nous attendre que le Seigneur nous dise : Sortez, soyez enfin déchargés de vos chaînes criminelles, ô vous qui vivez dans les rigueurs de la pénitence ? Ah ! nos gémissements et nos cris plaintifs seront-ils parvenus jusqu’à Lui “? CINQUIÈME DEGRÉ
20. Telle était la conduite, tels étaient les sentiments, et telles étaient les paroles de ces saints pénitents qu’on envoyait à la Prison. Par la continuité d’être à genoux, ils avaient recouvert cette partie de leur corps d’épaisses callosités; leurs yeux, à force de répandre des larmes s’étaient desséchés, n’avaient plus de cils, et s’étaient enfoncés dans leur orbite; leurs joues étaient couvertes de plaies, et comme brûlées par leurs larmes embrasées; leurs visages étaient pâles, et si maigres, qu’ils ressemblaient parfaitement aux visages des personnes mortes; leurs poitrines étaient toutes meurtries par les coups répétés qu’ils se donnaient, et ces coups leur occasionnaient de douloureux crachements de sang. Trouvait-on dans ce monastère des lits préparés ? Y voyait-on des habits propres et capables de protéger du froid ? Tout y était déchiré, négligé, sale et rempli de vermine. Enfin disons que les tourments de ceux qui sont possédés du démon, que la douleur cruelle de ceux qui pleurent la mort de leurs proches, que les déchirements de coeur de ceux que l’on condamne à l’exil, que les supplices mêmes des parricides ne sont qu’une faible image des douleurs, de l’affliction et des souffrances de ces saints pénitents; les peines que ces sortes de gens endurent par nécessité,ne sont rien en comparaison de celles que ces généreux pénitents souffrent volontairement; et n’allez pas vous imaginer, mes frères, que je vous raconte ici des choses fabuleuses et mensongères; c’est la vérité tout entière. CINQUIÈME DEGRÉ
12. Vous qui pleurez vos péchés, gardez-vous bien des ruses du démon : il cherchera à vous tromper, en vous inspirant que Dieu est bon et miséricordieux. C’est une vérité que nous ne devons savoir que pour nous préserver du désespoir; mais le démon, en vous la suggérant, veut par là bannir de votre coeur l’horreur et la douleur de vos péchés, et vous faire perdre la crainte de Dieu, laquelle, seule, donne la véritable sécurité. SIXIÈME DEGRÉ
31. Mais voici une chose vraiment pitoyable : c’est que les personnes irascibles ont coutume, par une inconcevable vanité, de se fâcher et de se mettre en colère, parce qu’elles se sont laissées vaincre par leur mauvaise humeur. En vérité n’est-ce pas pitié de faire une nouvelle chute, en voulant se punir d’en avoir fait une première ? Pour moi en considérant l’excessive malice du démon, j’en suis tout interdit; car en voyant ces personnes, je crus percevoir qu’elles n’étaient pas loin de se laisser aller à un funeste découragement. HUITIÈME DEGRÉ
32. Si quelqu’un voit qu’il se laisse facilement vaincre par la vanité et la colère, par la méchanceté et l’hypocrisie, et qu’il soit résolu d’employer contre ces vices l’épée à deux tranchants de la douceur et de la patience, je lui conseille fortement d’entrer dans une communauté de frères comme dans un atelier qui lui sera très salutaire; de choisir, s’il veut de tout son coeur se corriger parfaitement, la maison où les règles et la discipline sont le plus austères, afin que, par les humiliations, les mépris et les épreuves les plus dures il soit comme flagellé, déchiré, taillé, écrasé et foulé aux pieds. C’est ainsi qu’il purifiera son âme des fautes qu’il a faites et qu’il comprendra la vérité d’une parole assez usitée dans le monde; car pour s’en glorifier il n’est pas rare d’entendre dire dans les compagnies, à ceux qui ont accablé quelqu’un d’injures et d’outrages : “Je lui ai lavé la tête à ma façon”. HUITIÈME DEGRÉ
16. Nous voyons un grand nombre de personnes entreprendre de grands travaux et se condamner à de rigoureuses privations pour obtenir la rémission de leurs fautes; mais il est bien plus avancé dans l’oeuvre admirable de la justification, celui qui a banni de son coeur toute idée et tout souvenir des injures qu’on lui a faites. C’est ce que nous assure cet oracle de l’éternelle vérité : “Remettez, et l’on vous remettra beaucoup.” (cf. Mt 6,14-15). NEUVIÈME DEGRÉ
11. Quand nous nous sentirons parfaitement délivrés de la sotte vanité de mentir, alors selon les circonstances impérieuses du temps et du lieu, nous pourrons innocemment cacher la vérité par quelques mensonges légers et prudents. DOUZIÈME DEGRÉ
13. Voyez comme un homme que le vin a rendu gai et content, dit la vérité en toute chose; telle est encore une âme qui s’est spirituellement enivrée par les larmes de la pénitence. DOUZIÈME DEGRÉ
Le souvenir des péchés me fait la guerre à la vérité, mais ne me soumet pas; la méditation de la mort me porte des coups redoutables, mais elle n’est pas encore capable de me vaincre, et je vous déclare que rien en ce monde n’a le pouvoir de renverser entièrement mon empire; que les seuls avantages que puissent remporter sur moi ceux qui, sous la conduite du saint Esprit, à qui ils se sont adressés par d’humbles supplications, me font une guerre constante et vigoureuse, c’est d’empêcher que je ne leur fasse les maux cruels, funestes et incalculables que je fais aux autres; car ceux qui n’ont pas goûté les dons et les douceurs du saint Esprit, ce puissant Auxiliaire et cet ineffable Consolateur, se laissent prendre à mes amorces, et finissent misérablement par ne pus soupirer qu’après les délices brutales de la bonne chère. QUATORZIÈME DEGRÉ
L’homme chaste est celui sur lequel l’agréable variété des corps, leur beauté, leur tendresse et le sexe ne font aucune impression fâcheuse. Le caractère distinctif, la preuve particulière et les lois spéciales d’une sainte et angélique chasteté, c’est de n’être pas plus touché ni ému par la présence des corps vivants, que par celle des êtres qui sont morts, par la vue des hommes que par la vue des animaux. Mais faisons une sérieuse attention à cette vérité – La chasteté est un don de Dieu. Qu’il s’abstienne donc de penser et de croire, celui qui, pour acquérir le trésor précieux de la chasteté, a beaucoup et péniblement travaillé, que, s’il a le bonheur de le posséder, c’est à ses sueurs et à ses travaux qu’il en est redevable; car il n’est pas donné à notre nature de se vaincre elle-même par ses propres forces. Si donc nous remportons sur elle la victoire, reconnaissons que c’est par le secours de l’Auteur même de la nature que nous avons triomphé – en effet, ne faut-il -pas avouer que, pour vaincre, corriger et guérir, il faut être supérieur à celui qui est vaincu, corrigé et guéri ? QUINZIÈME DEGRÉ
50. Personne, je pense, ne peut avec raison et vérité appeler saint celui qui n’aura pas purifié de toute souillure la boue dont son corps est composé, et qui ne l’aura pas sanctifiée, et comme transformée, si toutefois cette transformation est possible en ce monde. QUINZIÈME DEGRÉ
53. Certains pensent que ces combats importuns que nous sommes obligés de soutenir contre le démon impur, et que ces accidents humiliants qui nous arrivent dans le sommeil, sont ordinairement produits et causés par une trop grande abondance de nourriture qu’on a prise : cependant je peux assurer avec vérité que j’en ai rencontré plusieurs ou qui étaient malades et dangereusement malades, ou qui, par des jeûnes rigoureux, avaient exténué leur corps, lesquels ont éprouvé ces mouvements déréglés de la chair. QUINZIÈME DEGRÉ
79. C’est surtout le malheur qui arrive communément à ceux qui obéissent à l’esprit de l’orgueil, en effet, tandis qu’ils ne cessent de s’applaudir de se voir délivrés des mauvaises pensées, ils tombent dans les pièges que leur a tendus la vanité; et pour nous convaincre de cette triste vérité, voyons et examinons attentivement, mais avec simplicité de coeur, pour quelles raisons ces personnes se trouvent exemptes des pensées déshonnêtes. N’est-ce pas sûrement parce que le démon, plein de ruse et de malice, s’est caché dans les plis les plus secrets de leur coeur, et que là il leur suggère que c’est par leurs soins, leur prudence et leurs travaux, qu’elles ont pratiqué la chasteté et acquis cette belle et parfaite pureté qu’elles possèdent ? Les malheureux ! ils ont oublié cette parole : “Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ?” (1 Cor 4,7) QUINZIÈME DEGRÉ
14. La simplicité est une heureuse habitude qui rend une âme incapable de duplicité et de toute pensée mauvaise et pernicieuse. La malice est la science, ou, plutôt le partage des démons, qui rend ennemi de toute vérité, au point qu’on voudrait pouvoir, non seulement se la cacher à soi-même, mais la cacher aux autres. VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
18. La malice est une absence de vérité et de droiture; c’est une inclination à la perversité, aux pensées trompeuses, aux paroles de mensonge, aux actions dissimulées aux serments faux, aux équivoques et aux,ambiguïtés. VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
34. Quiconque désire avec une sainte ardeur d’arriver heureusement au port sûr et tranquille de l’humilité, doit chercher et employer tous les moyens capables de l’y conduire et de l’y faire entrer : tels que les résolutions fermes, les raisonnements salutaires, les pensées raisonnables, les prières ferventes, les méditations profondes, les supplications assidues, en un mot, tout ce qu’il pourra imaginer lui être utile pour la fin qu’il se propose, jusqu’à ce qui enfin, aidé de la grâce de Dieu, il se soit exercé dans les actions les plus viles et les plus humiliantes, qu’il ait retiré le vaisseau qui porte son âme, de la mer orageuse de l’orgueil, et qu’il l’ait introduit dans le port de l’humilité; car faisons attention que celui qui s’est délivré de l’orgueil, a bientôt satisfait à la justice de Dieu pour ses péchés. Le publicain de l’Évangile nous démontre cette consolante vérité. VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
Un jour un frère craignant Dieu avait été très ignominieusement traité; cependant il n’en ressentit ni trouble ni émotion, et s’offrit tout entier au Seigneur dans le secret de son coeur. N’importe, il se mit à pleurer et à se plaindre des outrages qu’il avait reçus, or par cette démonstration il cacha la parfaite tranquillité dont il jouissait au fond de son âme. Un autre moine qui se jugeait réellement indigne d’avoir une des premières places dans la communauté, feignit néanmoins de la désirer avec ardeur. Oserai-je ajouter que j’en ai vu un autre, dont la pureté et la chasteté n’étaient pas suspectes, lequel entra dans un mauvais lieu, comme s’il eût eu l’intention d’offenser Dieu, et en retira une misérable créature à qui il fit embrasser la vie religieuse. Un solitaire, à qui un autre solitaire avait de grand matin apporté un très beau raisin, mangea ce raisin avec une avidité étonnante, mais sans goût et sans appétit : or il en agit de la sorte pour faire croire aux démons qu’il était un homme immortifié. Un autre, ayant perdu quelques dattes, fit semblant tout un jour d’être sensible à cette perte. Mais ceux qui veulent employer ces moyens pour faire la guerre au démon, doivent user d’une grande circonspection et d’une rare prudence; car ils ont à craindre qu’en voulant se jouer de lui, ils ne deviennent eux-mêmes ses jouets, et certainement ces personnes doivent être placées parmi celles dont parle l’apôtre lorsqu’il dit : On les considère comme des séducteurs et des trompeurs, tandis qu’ils ne sont que des amis sincères de la vérité. (cf. 2 Cor 6,8). VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
64. Or les victoires et les triomphes que nous remporterons sur eux, nous feront connaître et sentir quelles sont la puissance et la vertu de la prière. Voilà, pourquoi David s’écrie : J’ai connu, ô mon Dieu, quel a été votre Amour pour moi, parce que vous m’avez donné l’assurance que, dans la guerre que je soutiens, mes ennemis n’auront aucun sujet de s’applaudir des avantages qu’ils auront remportés sur moi ( Ps 40,12). C’est encore pour cette raison que le psalmiste dit : J’ai crié de tout mon coeur, c’est-à-dire de toutes mes forces : Exaucez-moi, Seigneur, et je rechercherai la justice de vos ordonnances (Ps 118,145). C’est enfin pour nous faire comprendre cette importante vérité que le Christ nous fait entendre cette sentence : Lorsque deux ou trois personnes se trouvent réunies ensemble en mon Nom, Je me trouve au milieu d’elles (Mt 18,20). VINGT-HUITIÈME DEGRÉ