Le couple divin primitif fait fonction de géniteur du cosmos et il remplit la fonction démiurgique assurée originellement par l’Être suprème bisexué devenu trop lointain. C’est ainsi que les religions anciennes du Proche-Orient ont accordé une large place au couple d’un dieu et d’une déesse, aux liturgies célébrant leur Mariage sacré, aux mythes relatant leurs amours et les enjeux cosmiques et sociaux de leurs unions. En Assyrie et en Mésopotamie, les couples divins Dumuzi-Inana à Sumer, Marduk-Sarpanit en Akkad, pour ne parler que des plus célèbres, occupent et obsèdent la conscience religieuse des hommes de l’Antiquité, de mème l’Égypte pharaonique est-elle hantée par le souvenir des figures d’Isis et Osiris et des couples mystérieux des théogonies primordiales2. En Extrème-Orient, l’Inde célèbre encore les couples que forment ses plus grands dieux, comme Brahma et sa Shakti (Sarasvati ou Brahmî) ou Shiva et Kali. Un des mythes les plus anciens qui a été conservé met en scène le couple divinisé du Ciel (mâle) et de la Terre (femelle), dont l’union donne naissance à tous les ètres vivants. Un poème liturgique sumérien évoque leur union en termes non équivoques:
«La Terre grande et plate se fit resplendissante, para son corps dans l’allégresse, la large Terre orna son corps de métal précieux et de lapis-lazuli […]. Le Ciel se para d’une coiffure de feuillage et parut tel un prince, la Terre sacrée, la vierge, s’embellit pour le Ciel sacré, le Ciel, le dieu sublime, planta ses genoux sur la large Terre, et versa la semence des héros, des arbres et des roseaux en son sein, la Terre douce, la vache féconde, fut imprégnée de la riche semence du Ciel, et dans la joie la Terre se mit à donner naissance aux plantes de vie.»
Quand un couple n’occupe pas la première place, c’est un dieu suprème androgyne, homme et femme ou père et mère à la fois, tel le Zeus des hymnes orphiques, qui assume la création. Ainsi, de la religion des Australiens aborigènes à la mythologie grecque en passant par le zervanisme de l’ancienne Perse, et quelles que soient les formes spécifiques que revètent les dieux, il semble que la croyance en l’existence d’un couple primitif divin, sexuellement différencié ou non et qui succède souvent à un dieu premier androgyne, soit enracinée au plus profond de la conscience religieuse de l’humanité, à toute époque et en tout lieu. (extrait de Le sexe des âmes)