3. Mais, comme il faudrait des livres entiers pour dire tout ce qu’il y aurait à dire sur ces différentes espèces de créatures, et qu’un homme ignorant comme moi serait incapable d’une si grande entreprise, je crois qu’il vaut mieux que, pour obéir aux véritables serviteurs de Dieu, dont la tendre piété me fait violence, et dont le zèle et la bonne volonté me pressent, je me borne et m’arrête aux choses qui peuvent servir à l’édification de leurs âmes; que, quelque incapable que je doive me reconnaître, je prenne la plume de leurs mains, et que, la trempant avec simplicité dans l’humble soumission à leurs voeux prononcés, j’aie lieu, malgré mon impuissance et mon incapacité, d’espérer et de recevoir de mon obéissance quelques grâces et quelques lumières, afin que, traçant sur un papier d’une admirable blancheur les règles d’une vie sainte et pure, je les trace aussi dans leurs coeurs bien préparés et saintement purifiés, que je les écrive sur des cahiers mystérieux et vivants. C’est de cette manière et dans ces dispositions que je vais commencer. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
11. J’appelle “moine” l’homme qui, dans tous les temps, dans tous les lieux et dans toutes les choses, suit exactement la loi du Seigneur, et se conforme parfaitement à sa sainte volonté; L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
33. Mais ne craignons et ne condamnons pas les personnes qui se sont données à Dieu par quelques accidents fâcheux qui les y ont comme forcées; car j’en ai vu qui, tandis qu’elles faisaient tous leurs efforts pour ne pas rencontrer Jésus Christ leur Roi suprême, l’ont trouvé contre leur volonté, se sont enrôlées, comme malgré elles, sous ses adorables étendards, sont enfin entrées dans son palais et se sont assises à sa table. J’ai encore vu la semence de la grâce, tombée, pour ainsi dire, sans dessein et par hasard, dans les coeurs, y produire une moisson abondante d’excellentes vertus. Ce fut ainsi qu’une personne, que j’ai connue, n’étant allée dans une école de médecine spirituelle que pour une affaire bien étrangère à sa conscience, tomba heureusement entre les mains d’un médecin qui sut si bien la prendre, qui lui parla avec une bienveillance si affectueuse, qu’elle se convertit et ouvrit enfin les yeux à la lumière. Il arrive donc, dans plusieurs, qu’une conversion qui semblait n’être arrivée que par hasard, devient plus solide et plus constante qu’une autre qui était arrivée de propos délibéré. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
13. Prenons donc garde avec un soin tout particulier que, tout en croyant et en disant que nous marchons par la voie étroite et difficile, nous ne marchions en effet par la voie large et spacieuse. Or les marques par lesquelles nous connaîtrons que nous sommes dans le chemin qui conduit au ciel, sont la mortification dans le manger, les veilles, la privation même de l’eau pour boire, et du pain pour manger, l’amour des humiliations, la patience dans les injures, les railleries et les outrages, le renoncement à sa propre volonté, la douceur dans les reproches et les affronts, le silence de la bouche et du coeur dans les mépris qu’on fait de nous, la parfaite tranquillité au milieu des traitements les plus mauvais, le courage constant à supporter, avec bonté ceux qui nous font des choses injustes, qui nous noircissent par la médisance, qui nous couvrent d’ignominies, et nous condamnent injustement. Heureux ceux qui, étant entrés dans la vie religieuse, suivent cette voie ! Car “le royaume des cieux leur appartient.” (Mt 5,9-12). L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
14. Nulle sera reçu dans la salle nuptiale du paradis pour y recevoir la couronne de l’immortalité, s’il n’a pas fait les trois renoncements que je vais dire; premièrement, s’il n’a pas dit adieu à toute chose, à ses parents, à ses amis et à tout le monde; secondement, s’il n’a pas renoncé à sa propre volonté; troisièmement, s’il n’a pas immolé la vaine gloire qu’on a coutume de rechercher même dans le devoir de l’obéissance. L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
9. Ce fut par la force, et malgré elle qu’Ève fut chassée du paradis terrestre; mais c’est par un acte de sa propre volonté, qu’un moine quitte son pays pour s’enfermer dans un lieu à l’écart. Ève, si elle fût encore demeurée dans le jardin délicieux où elle avait été placée, n’aurait pas manqué de vouloir manger du fruit qui l’avait portée à une première désobéissance; et le moine, en restant dans le monde, n’aurait pas trouvé peu de dangers de se perdre au milieu de ses parents et de ses amis. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
25. Ces personnes qui semblent être toutes dévouées à nos intérêts, mais qui réellement ne nous veulent que du mal, nous promettent des montagnes d’or, et nous assurent avec zèle qu’elles ne nous feront que des choses qui nous seront très agréables et très utiles; mais tous ces témoignages sont trompeurs : tout ce qu’elles se proposent par là, c’est de nous détourner du chemin qui doit nous conduire au bonheur éternel, et de nous engager à faire et à suivre leur propre volonté. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
2. Mais je crois qu’il est à propos de considérer ici quelles sont les armes spirituelles dont se servent les généreux soldats de Jésus Christ dont il est question ici, et de connaître de quelle manière ils tiennent le bouclier de la foi et de la confiance en Dieu, pour repousser loin d’eux toute pensée d’infidélité et de désobéissance; comme ils ont toujours l’épée de l’esprit de Dieu hors du fourreau pour immoler tous les mouvements de leur propre volonté, comme ils sont entièrement couverts des cuirasses de la patience et de la douceur pour émousser toutes les pointes dangereuses des injures, des moqueries et des paroles outrageantes, et comme ils portent sur la tête le casque du salut, qui consiste dans les prières ferventes de leur supérieur, qui les défend des traits enflammés de leurs ennemis. Voyez comme ils sont fermes et inébranlables dans leurs positions, et comme néanmoins ils jouissent de la délicieuse liberté des enfants de Dieu; car tandis qu’ils sont immobiles dans leurs prières continuelles, ils ne laissent pas d’exercer les devoirs de la charité en faveur de leurs frères en Dieu. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
3. L’obéissance est donc un renoncement parfait à sa propre volonté, lequel se fait remarquer par des actions extérieures; ou plutôt, c’est une entière mortification des passions dans une âme pleine de vie, c’est un mouvement qui nous fait agir avec une simplicité parfaite et sans aucune préférence, c’est une mort volontaire, une vie exempte de toute curiosité, une assurance au milieu des dangers, un excellent moyen de défense pour paraître devant Dieu, une sécurité désirable à l’heure de la mort, une navigation sans écueils et sans tempêtes, et un voyage qu’on fait en sûreté et sans peine. Oui l’obéissance donne à une âme la paix et le calme contre la crainte de la mort, ensevelit la volonté, et fait vivre l’humilité; elle ne résiste et ne contredit jamais; elle ne prononce aucun jugement, et regarde avec une égale indifférence les biens et les maux de la vie présente. Aussi l’homme qui aura saintement mortifié son coeur sous le joug de l’obéissance, n’aura rien à craindre pour ses actions, et paraîtra devant Dieu avec une confiance assurée. Enfin disons que l’obéissance est un renoncement entier à ses lumières personnelles et à son propre jugement, pour les soumettre parfaitement aux lumières et au jugement d’un supérieur. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
4. Cependant, il faut l’avouer, les commencements de cette mortification, ou plutôt de cette mort religieuse par laquelle il faut crucifier la volonté du coeur, les sens de la chair, sont accompagnés de beaucoup de travaux et de peines; les progrès qu’on fait dans l’obéissance, sont encore suivis de quelques sueurs et de quelques difficultés; mais enfin on se trouve délivré heureusement de toute sensation pénible et douloureuse, et l’on entre dans une paix et une tranquillité parfaites : car la seule peine qu’éprouve cet heureux homme d’obéissance, mort et vivant tout à la fois, c’est de connaître qu’il a suivi sa volonté en quelque chose : alors il craint d’avoir à répondre à Dieu de la détermination qu’il a prise de lui-même. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
5. Vous qui, pour courir plus vite et plus facilement, vous préparez à vous décharger de tout; qui désirez vous charger du joug de Jésus Christ; qui cherchez par le moyen de l’obéissance à vous défaire du lourd fardeau que vous avez porté; qui, pour jouir de la seule véritable liberté, voulez vous rendre esclaves de la volonté des autres; qui, soutenus et protégés par le secours des autres, tâchez de traverser la mer immense qui sépare le temps de l’éternité : sachez, et ne l’oubliez jamais, que vous avez choisi le chemin le plus court et le plus sûr, quoique le plus difficile et le plus raboteux, et qu’en le suivant, vous ne pouvez vous égarer qu’autant que vous vous laisseriez aller à prendre confiance en votre propre jugement, et que vous refuseriez de vous laisser conduire par vos supérieurs. En effet, ils sont tous parvenus au but heureux qu’ils se proposaient, ceux qui, dans les choses bonnes, religieuses et agréables à Dieu, ont été dirigés par les lumières et la sagesse de leurs directeurs : car l’obéissance consiste essentiellement, en toute chose, à se défier de soi-même jusqu’à la fin de la vie. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
10. Celui qui est parfaitement soumis et obéissant, prononce contre lui-même; et si, pour plaire à Dieu, il obéit parfaitement, quoique ce qu’il fait ne soit pas exempt d’imperfection, il n’aura point à en rendre compte au souverain Juge. On ne peut pas en dire autant de celui qui fait sa propre volonté en quelque chose, quoiqu’il lui semble qu’il accomplit les ordres de son supérieur; car il rendra compte à Dieu de ce qu’il y a, dans son acte d’obéissance, de conforme à sa propre volonté qu’il a suivie. Si, dans cette circonstance, le supérieur du monastère ne cesse de le corriger et de le reprendre, tout n’est pas perdu pour lui; mais si malheureusement ce supérieur garde le silence, je n’ose dire ici ce que je pense. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
24. Parmi ces hommes respectables et dignes d’une éternelle mémoire, j’ai encore remarqué certains vieillards dont la tête était blanchie par les années, et qui ressemblaient plutôt à des anges qu’à des hommes. Or, ces vieillards, conduits et dirigés par l’esprit de Dieu, sanctifiés par les efforts continuels de leur bonne volonté, étaient arrivés au plus haut degré d’innocence, de simplicité et de sagesse; car, alors que les fourbes présentent deux faces : une qui paraît et qu’on peut voir, et une autre qui est cachée et invisible, l’homme ami de la simplicité ne présente, lui, qu’une seule et même face, et se manifeste tel qu’il est. Ces vieillards étaient encore bien loin d’annoncer l’affaiblissement de la raison et de montrer la moindre chose qui portât le caractère de cette puérile légèreté qui fait que, dans le siècle, les vieillards se font si souvent mépriser. Aussi ne voyait-on en eux qu’une douceur charmante, une bonté ravissante et une gaieté pleine de gravité; on ne remarquait rien dans leur conduite ni dans leurs conversations, qui soit dissimulé, étudié, faux, ou peu sincère; chose qu’il est bien rare de trouver parmi les hommes. Leur sainte âme n’avait qu’une seule ambition, c’était de se reposer en Dieu et d’obéir à leur supérieur; c’est pourquoi, tandis qu’à l’égard de leur abbé, ils étaient comme de petits enfants sans malice et sans fraude, ils étaient pleins de vigueur et de courage contre les démons et les vices, et les poursuivaient les uns et les autres avec une espèce de fureur. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
40. Or parmi ces hommes d’une éternelle mémoire, il y en avait un qui m’aimait beaucoup en Dieu, et qui me parlait avec une grande liberté. Il me dit donc un jour, avec une affection toute particulière : “Si vous, mon père, qui êtes si sage, éprouvez la force de celui qui, dans le ravissement de son coeur, s’écriait : Je peux tout en celui qui me fortifie (Phil 4.13); si l’Esprit saint est descendu en vous comme une rosée de grâces et de pureté, ainsi qu’il descendit autrefois dans la très sainte Vierge, et si la force du Très-Haut vous environne par la patience, ceignez vos reins, à l’exemple de l’Homme-Dieu, d’un linge blanc, qui est l’obéissance, et comme Lui, levez-vous de table, c’est-à-dire sortez de la solitude; afin de laver les pieds de vos frères dans l’eau pure de la componction et de la pénitence, ou plutôt jetez-vous à leurs pieds dans les sentiments de l’humilité la plus profonde; mettez à la porte de votre coeur des gardes qui ne s’endorment jamais, et qui ne soient jamais de connivence avec vos ennemis; arrêtez l’instabilité et la légèreté de votre esprit, en le fixant invariablement, malgré les distractions et la dissipation que lui causent sans cesse et l’agitation des affaires et les importunités des sens; conservez un repos parfait au milieu des mouvements et des soins dont la vie est continuellement agitée. Ici-bas; et, ce qui est encore plus rare, plus difficile et plus admirable, demeurez ferme et immobile dans le sein des troubles et des tempêtes qui se succèdent sans cesse. Liez votre langue par les chaînes d’un silence parfait, et empêchez-la de tomber dans des disputes hardies et dans des contradictions audacieuses; combattez soixante et dix sept fois le jour contre cette souveraine impérieuse et tyrannique; portez la croix de Jésus Christ dans votre coeur, et comme on enchâsse une enclume dans du bois, enchâssez de même votre esprit dans elle, de sorte qu’il soit capable de résister à tous les coups, à toutes les tentations, à tous les affronts, à toutes les calomnies, à toutes les railleries et à toutes les injustices qui pourront vous arriver, de manière à n’en être jamais ni blessé, ni offensé, ni agité, ni affligé, ni découragé, ni abattu, mais à persévérer immuablement dans la paix et dans le calme. Dépouillez-vous de votre volonté, comme d’un vêtement d’ignominie, et entrez ainsi tout nu dans la carrière céleste; et ce qui est certainement bien rare et bien difficile, soyez d’une confiance entière et inébranlable dans celui qui doit et veut vous couronner après la victoire, et qu’elle soit telle qu’elle ne puisse être pénétrée ni par les flèches du doute ni par les traits de la défiance. Mortifiez exactement vos sens par les austérités de la tempérance, et prenez bien garde que vous n’ayez à souffrir cruellement de leur fureur audacieuse et insolente. Servez-vous avantageusement de la méditation de la mort pour combattre et vaincre la curiosité de vos yeux, qui ne demandent sans cesse qu’à contempler la beauté des créatures sensibles. Faites en sorte de retenir l’indiscrétion et l’injustice de votre esprit, qui, tandis que vous vous livrez vous-même à la négligence la plus condamnable, vous porte à juger mal des actions et de la conduite de vos frères; et tâchez de le porter à exercer envers eux tous les devoirs d’une charité sincère. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
48. Heureux donc est celui qui, dans le dessein de plaire à Dieu, se fait violence tous les jours, et supporte avec patience et résignation les mépris et les injures ! Il participera abondamment, n’en doutons nullement, à la gloire des martyrs et à la joie des auges. Heureux le moine qui, dans sa profonde humilité, ne se regarde que comme le plus vil et le plus méprisable des hommes, et ne croit ne mériter que les humiliations et les abaissements ! Heureux celui qui a su faire mourir sa propre volonté, et s’abandonner sans réserve à la conduite du directeur que Dieu lui a donné pour père et pour maître spirituel ! sa place sera à la droite de Jésus Christ crucifié. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
55. Celui qui, dans des dispositions saintes et des intentions pures et droites, s’est soumis et dévoué entièrement à la volonté d’un sage et zélé directeur, ne voit arriver la mort que comme un doux sommeil, ou plutôt il l’attend et la désire tous les jours comme le commencement d’une véritable vie; car il a la confiance que ce ne sera pas à lui, mais au directeur de son âme, que Dieu fera rendre compte. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
56. Celui qui a reçu avec plaisir et sans qu’on ait voulu l’en charger, des mains mêmes de son supérieur, quelques fonctions et quelque charge à exercer; et que dans la suite il lui arrive de faire quelque faute ou quelque faux pas dans l’exercice de cette charge, c’est à lui-même, et non point à son supérieur, qu’il peut s’en prendre, car les armes qu’il a reçues, c’est de son propre mouvement et par sa propre volonté qu’il les a prises. Il devait les tourner contre l’ennemi, et malheureusement il s’en est servi pour se percer le coeur. Mais si, au contraire, c’est malgré lui, après avoir bien fait connaître sa faiblesse. et son incapacité à son supérieur, après l’avoir prié humblement et avec instance de ne pas penser à lui, qu’il est obligé de recevoir cette charge et de se dévouer à cet emploi; il doit avoir bon courage; car s’il vient à tomber, sa chute ne sera pas mortelle. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
63. Le démon ne cesse de tenter de mille manières différentes ceux qui font profession d’obéissance : tantôt il cherche à troubler et à salir leur imagination par des pensées et des images impures, afin de faire révolter la chair contre l’esprit; tantôt il remplit leurs coeurs de peines, de chagrins et de tristesse; ici il les pousse à l’emportement et à la mauvaise humeur, et cherche toutes les voies capables de paralyser leur volonté et de rendre leur vertu stérile et vaine; là il les porte à l’intempérance dans les repas, à la négligence dans la prière, à la mollesse dans le sommeil; enfin il enveloppe leur intelligence dans des nuages et des ténèbres épaisses, afin qu’en les fatiguant de la sorte, il leur mette dans l’idée et leur fasse croire que c’est inutile pour eux de pratiquer l’obéissance, qu’ils ne tirent aucun avantage spirituel des efforts et des sacrifices qu’ils font, qu’au lieu d’avancer dans la perfection, ils marchent en arrière. C’est ainsi que peu à peu il les décourage et les dégoûte des saintes occupations commandées par l’obéissance, et leur fait misérablement abandonner le champ de bataille; souvent même il ne leur laisse pas le temps de voir et de reconnaître que Dieu, pour fournir à ses serviteurs une occasion favorable de pratiquer d’une manière plus parfaite l’humilité et il obéissance, permet que le trésor de leurs vertus leur soit soustrait; mais ici c’est un effet de la Bonté de Dieu, il nous le rendra, ce trésor, plus riche et plus précieux. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
103. Si donc vous arrivez dans une école de médecine spirituelle, qui vous est totalement inconnue, et que vous vous mettiez sous la direction d’un père spirituel que vous ne connaissiez pas, ce que vous avez à faire, c’est d’examiner avec attention quel est l’esprit et quelle est la manière de vivre de tous ceux qui sont réunis dans ce lieu. Si vous trouvez que ces ouvriers et ces ministres du salut sont capables de vous procurer quelque soulagements et de contribuer à la guérison de votre âme, si surtout vous y rencontrez le remède singulier et efficace contre l’enflure du coeur et la vanité, approchez-vous d’eux sans crainte et avec confiance, réunissez-vous, vendez-vous à eux; et pour passer ce contrat de vente, présentez-leur l’or précieux de l’humilité; pour papier, l’obéissance; pour tablettes, vos services et votre travail, et pour témoins, les anges. Déchirez devant eux la cédule honteuse par laquelle vous vous étiez vous-même rendu esclave de votre propre volonté; car si vous ne faites qu’errer çà et là, sans vous fixer nulle part, vous perdrez le prix par lequel Jésus Christ vous a racheté. Que ce monastère soit pour vous comme un tombeau, d’où les morts ne doivent sortir que pour comparaître devant le souverain Juge; et s’il en est qui en soient sortis autrement, il est bien à craindre et même à croire qu’ils sont réellement morts. C’est pourquoi nous devons conjurer le Seigneur de détourner loin de nous cet épouvantable malheur. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
117. Parmi ceux qui vivent sous le joug de l’obéissance, il en est quelques-uns qui ne font pas attention qu’ils vivent dans une illusion bien funeste : ce sont ceux qui, connaissant la facile condescendance de leur supérieur, lui demandent et obtiennent des charges, des emplois et des exercices conformes à leurs goûts et à leurs inclinations; mais que ces malheureux sachent et comprennent qu’en obtenant ainsi ce qu’ils souhaitaient, ils ont perdu tout droit à la couronne et à la récompense destinées à la parfaite obéissance : car l’obéissance est un renoncement entier et absolu à toute dissimulation et à toute volonté propre. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
119. Cependant il ne faut nullement penser ici que le démon, notre cruel ennemi, agisse jamais d’une manière contraire à la volonté qu’il a de nous faire du mal; et vous devez être convaincu de cette vérité, par l’exemple de ceux qui, après avoir vécu quelque temps dans une cellule, ou dans un monastère, avec douceur et patience, sont ensuite tombés dans le relâchement. Si donc nous éprouvons en nous le désir de quitter un monastère pour passer dans un autre nous devons, afin de connaître ce que Dieu demande de nous, examiner sérieusement s’il ne Lui serait point agréable que nous demeurions dans le lieu où nous sommes; car il me semble que c’est une tentation que nous avons à combattre; étant donc ainsi attaqués par le démon, nous devons nous défendre. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
Ces moines ne donnant aucune suite à cette réponse, ni à la raison qu’il alléguait, le prièrent avec, instance de les recevoir au nombre de ses disciples : tant était grande l’idée qu’ils avaient de sa vertu ! Mais, comme ils virent que rien ne pouvait le fléchir ni le gagner, ils se précipitèrent tous à ses pieds, et le conjurèrent avec instance de leur donner au moins quelques règles salutaires de conduite et de leur dire de quelle manière et dans quel lieu ils devaient passer le reste de leur vie. Cédant alors à leurs voeux ardents, et sachant d’ailleurs qu’ils recevraient ses avis avec soumission et humilité, ce saint vieillard dit à l’un d’eux : “Mon fils, il est agréable au Seigneur que vous viviez dans la solitude, sous la direction d’un père spirituel.” Puis s’adressant au second : “Pour vous, lui dit-il, allez et consacrez au Seigneur votre volonté, sans vous en rien réserver, chargez-vous de la croix qu’il vous a destinée; vivez dans un monastère, au milieu de la société des frères, et vous aurez indubitablement un trésor dans le ciel.” Enfin il dit au troisième : “Quant à vous, il faut qu’il n’y ait pas un instant dans votre vie, où vous ne pensiez à cette sentence de notre Seigneur : Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé (Mt 10.22); allez donc, et faites en sorte que parmi tous les hommes il n’y en ait point qui soient plus sévères ni plus pénibles que celui que vous prendrez pour maître et pour conducteur dans la vie religieuse; ne vous séparez jamais de lui, et chaque jour avalez, comme du lait et du miel, les mépris et les humiliations par lesquelles il vous fera passer.” À ces paroles, un frère répartit à ce grand homme : Mais si ce père spirituel vivait dans la paresse et la négligence, que faudrait-il faire ? — “Quand même vous le verriez, lui répondit-il, tomber dans quelque faute qui vous ferait horreur, demeurez avec lui et contentez- vous de vous dire à vous-même : Mon ami, qu’es-tu venu faire ici ? Alors triomphant de la tentation, vous sentirez toute l’enflure de l’orgueil tomber et s’évanouir, et le feu de la concupiscence diminuer et s’éteindre,” L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
133. Si donc vous êtes dans la volonté sincère de vous dévouer tout entier à l’obéissance, ne perdez jamais de vue l’exemple que nous a donné Abbacyre; comme ce grand serviteur de Dieu, dites-vous souvent à vous-même : “Ton supérieur veut éprouver et connaître ta fidélité; c’est pour cette fin qu’il te met à cette épreuve.” Cette pensée vous empêchera de vous tromper, vous ne vous éloignerez pas de la voie que vous devez suivre; et si vous avez pour lui une confiance d’autant plus entière et un amour d’autant plus affectueux, qu’il vous reprend avec plus de rigueur et de sévérité, c’est une marque certaine et indubitable que l’Esprit saint a daigné vous visiter, et qu’il habite invisiblement dans votre coeur. Au reste remarquez bien que, si vous souffrez avec une patience courageuse et constante les reproches et les humiliations de votre supérieur, loin d’avoir sujet de vous en glorifier et de vous en réjouir, vous avez mille raisons d’en gémir et d’en pleurer; car c’est votre conduite qui vous a mérité ces réprimandes ou ces corrections humiliantes, et qui a été cause que votre père spirituel s’est mis de mauvaise humeur contre vous. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
29. Après tout, illustres Pères, je ne peux me défendre de penser que les choses extraordinaires que je viens de vous raconter, paraîtront incroyables à bien du monde, que d’autres les regarderont comme impossibles, et qu’enfin quelques autres en prendront peut-être sujet de se décourager et de tomber dans le désespoir. Mais il sera vrai aussi que les coeurs généreux et pleins de bonne volonté et de courage, s’en serviront comme d’un aiguillon pour s’exciter à la pratique parfaite des vertus les plus héroïques, comme d’une flèche qui les transpercera de l’amour de Dieu et les remplira de zèle et de ferveur. Pour ceux qui ne sont pas aussi avancés dans la piété, ces travaux leur feront sentir de plus en plus leur tiédeur et leur négligence, et par les reproches qu’ils seront obligés de se faire, en se comparant avec ces fervents religieux et ces illustres pénitents, ils acquerront une humilité profonde, feront quelques efforts pour imiter ces coeurs généreux, et pourront peut-être enfin les atteindre. Quant à ceux qui n’ont encore en partage que la tiédeur et la négligence, il serait imprudent pour eux de vouloir faire comme les coeurs fervents et généreux, et marcher tout d’un coup sur les traces de ces hommes parfaits : ce qu’ils doivent faire pour le moment présent, c’est de ne pas abandonner ce qu’ils ont commencé, afin de ne pas mériter que cette menace ne s’accomplisse sur eux : “On lui ôtera même ce qu’il paraît avoir.” (Mt 25,29). L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
8. La preuve certaine et indubitable que nous craignons la mort par un mouvement de la grâce, c’est lorsque cette crainte nous porte à nous dépouiller de toute affection pour les choses créées, et nous fait renoncer parfaitement à notre propre volonté. L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ
15. Un homme esclave de la colère est un épileptique spirituel qui, d’abord par sa propre volonté, ensuite par la nécessité de l’habitude, tombe, se froisse et se déchire. L’Échelle Sainte: HUITIÈME DEGRÉ
16. Enchaînons donc ce tyran cruel par le souvenir douloureux de nos fautes; frappons-le fortement par le travail de nos mains; tourmentons-le sans cesse par la pensée des biens éternels que nous attendons; traînons-le impitoyablement devant le tribunal de notre foi; et là faisons lui subir un interrogatoire et un jugement flétrissants; demandons-lui avec empire qu’il ait à nous dire quel est le père méchant qui l’a engendré, et quels sont les abominables enfants à qui, lui-même, il a donné naissance; forçons-le à nous avouer quelles sont les personnes qui le poursuivent et lui donnent la mort. Malgré lui, il nous répondra que ceux qui le combattent jusqu’à le faire mourir, ce sont les disciples sincères de l’obéissance, et que dans ces hommes il ne trouve rien qui puisse lui servir un seul moment pour se reposer; qu’il ne peut séjourner tranquillement qu’avec les faux moines qui ne font que leur propre volonté; que c’est pour cela qu’il les aime et ne les quitte jamais; que les causes qui concourent à lui donner l’existence, sont en grand nombre, et qu’il doit nommer l’insensibilité du coeur, l’oubli du ciel et des vérités éternelles, et quelquefois un travail trop pénible et des exercices trop multipliés et trop fatigants; que ses enfants sont l’inconstance, le changement de demeure, la désobéissance au supérieur, l’oubli du jugement et, de temps à autre, la négligence à remplir les devoirs de la vie religieuse; que les ennemis qui le chargent de chaires et le réduisent en captivité, sont la psalmodie fervente, une occupation continuelle, et la méditation de la mort; et que ses ennemis mortels sont la prière et l’espérance vive et certaine des biens à venir. Quant à la prière, si vous voulez connaître d’où elle tire son origine, il faut le lui demander à elle-même. L’Échelle Sainte: TREIZIÈME DEGRÉ
Ils disent que le premier mouvement de l’âme est une espèce de discours simple et nu, et la représentation d’un objet, choses qui se passent dans l’imagination; que la sympathie de l’esprit pour l’objet qu’il s’est figuré par la pensée, est un certain entretien, une certaine conversation de notre âme avec l’objet qu’elle considère, soit qu’elle en agisse de la sorte avec une mauvaise intention, soit qu’elle le fasse sans mauvais dessein; que le consentement qu’on donne au péché, est un amour et une affection qui la portent à vouloir et à posséder l’objet qu’elle s’est représenté; que la captivité est la violence qui est faite à notre coeur, laquelle l’entraîne, comme malgré lui et l’enchaîne, ou bien un lien fort et constant qui le fixe et l’attache à l’objet dont il est ému et lui fait perdre l’heureux état de grâce et d’innocence; que le combat est une égalité de forces qu’on emploie pour combattre un ennemi; de sorte qu’une âme qui se trouve exposée au combat, peut, selon sa volonté, vaincre, ou être vaincue; enfin que la passion bien formée est un vide qui depuis longtemps s’était glissé dans notre âme, y a pris racine, et l’a conduite peu à peu dans une telle habitude de mal faire, qu’elle le suit avec plaisir et exécute avec ardeur ce qu’il lui commande. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
Quant à vous, si vous vous trouviez exposé à une pareille épreuve, retirez-vous promptement, sortez de la foule, cachez-vous dans quelque lieu secret, portez jusqu’au ciel les voeux ardents de votre coeur; et, si vous le sentez froid et glacé, élevez les yeux de votre corps pour regarder du moins le ciel, étendez vos bras en forme de croix, afin que, par ce signe salutaire, vous puissiez confondre et terrasser ce nouvel Amalec; appelez à grands cris celui qui, seul, peut vous sauver; pour cela ne vous servez pas de paroles élégantes et étudiées, mais de mots qui respirent l’humilité du coeur et la confiance de votre âme; dites surtout : “Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis faible et languissant.” (Ps 6,3) Vous sentirez alors la présence du secours du Très-Haut, et, fortifié par ce secours céleste, vous repousserez victorieusement vos ennemis. Or je peux dire que tous ceux qui s’accoutumeront à combattre le démon de cette manière et avec ces armes, remporteront sur lui de promptes et glorieuses victoires. La seule prière du coeur serait capable de nous faire triompher. C’est ainsi que Dieu rend invincibles ceux qui combattent courageusement pour son amour; c’est ainsi qu’Il récompense leurs efforts, et couronne leur bonne volonté. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
85. Savez-vous quel est celui qui peut assurer qu’il a vaincu sa chair et triomphé de son propre corps ? c’est celui qui a comme brisé et froissé son coeur. Mais quel est celui qui a brisé son coeur ? vous le trouverez dans celui qui aura fait une abnégation entière d’elle-même; car comment celui qui a fait mourir sa propre volonté, aurait-il pu épargner son coeur ? L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
9. J’ai vu des pauvres des biens de la fortune, mais qui étaient très riches des biens de la grâce, oublier entièrement leur pauvreté temporelle en vivant au milieu des personnes qui étaient elles-mêmes pauvres, mais seulement par affection et par volonté. L’Échelle Sainte: SEIZIÈME DEGRÉ
20. Qu’il est grand aux yeux du Seigneur, celui qui , pour son amour, renonce généreusement à tout ce qu’il possède ! et qu’il est dans de saintes dispositions, celui qui se dépouille même de sa propre volonté ! L’un, pour prix de sa générosité, recevra le centuple, soit en ce monde par des biens temporels, soit dans l’autre par des dons et des grâces célestes; et l’autre possédera la vie éternelle. L’Échelle Sainte: SEIZIÈME DEGRÉ
Or il est évident que de toutes ces personnes religieuses qui passent ainsi ces veilles, ce sont les premières et les dernières qui s’y comportent de la manière peut-être la plus agréable à Dieu; celles que nous avons placées au second rang, suivent les exercices ordinaires de la vie religieuse; les troisièmes et les autres ne sont qu’au dernier degré. Néanmoins Dieu reçoit et apprécie toutes ces manières de lui offrir des hommages, selon le degré de bonne volonté, de ferveur et de courage des personnes qui les lui présentent. L’Échelle Sainte: DIX-NEUVIÈME DEGRÉ
17. Je croirai difficilement à l’humilité de celui qui s’abaisse et se méprise lui-même devant les autres. En effet est-il bien pénible et bien difficile de se supporter quelque temps dans un état où l’on s’est mis soi-même par sa propre volonté ? mais je penserai qu’il pratique réellement cette vertu, celui qui, accablé d’outrages et d’injures, conserve pour celui qui l’insulte la même affection qu’il lui portait avant ces mauvais traitements. 18. Je remarquai un jour que le démon de la vaine gloire inspira certaines pensées à un frère, lesquelles furent révélées à un autre frère, et que le même démon porta ce dernier à découvrir au premier le secret de son coeur, afin de se glorifier et de se faire regarder comme un homme extraordinaire, pour un prophète, en un mot. Mais ce n’est pas seulement notre coeur que le cruel démon de la vaine gloire attaque directement, il se sert encore des membres mêmes de notre corps pour empoisonner notre âme. C’est pour cela, qu’il leur communique des mouvements faciles et aisés. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
30. Il arrive néanmoins quelquefois que, nous étant laissés dépouiller par la vaine gloire de toutes les richesses spirituelles que nous avions acquises, par nos bonnes oeuvres, rentrés au nous-mêmes et sincèrement revenus à Dieu, nous avons, à notre tour, complètement dépouillé et détroussé la vaine gloire. C’est ainsi que j’en ai vu plusieurs qui, n’ayant commencé les exercices de la vie religieuse que par un mouvement de vanité, mais ayant renoncé sincèrement à ce mauvais principe, et changé d’inclination et, de volonté, ont rendu la fin de leur vie aussi bonne et sainte, que les commencements en avaient été mauvais et répréhensibles. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
20. Un cœur méchant n’a qu’une modestie affectée et extravagante, une piété fausse et trompeuse; et, pour tout dire en un mot, la vie d’un cœur méchant est la vie d’un démon; car le démon et l’homme méchant ne sont pas seulement unis par la conformité de volonté, ils le sont encore par l’identité d’un même nom. L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
3. Que tous ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu, viennent avec nous et entrent dans cette vertu, comme dans un conseil tout spirituel et rempli de sagesse; qu’ils y apportent non point avec les mains du corps, mais avec celles de l’intelligence, les tables des connaissances que Dieu Lui-même a gravées dans leurs coeurs : et, étant ainsi réunis, nous examinerons ensemble quel est le sens et la vertu de cette inscription si vénérable. L’un dira, sans doute, que l’humilité est l’oubli constant et parfait des bonnes oeuvres — l’autre, qu’elle consiste à se regarder comme le dernier des hommes et le plus grand des pécheurs; un autre affirmera qu’elle est la connaissance exacte que nous avons de notre faiblesse et de notre fragilité; un autre qu’elle nous porte à prévenir nos frères, afin de nous réconcilier parfaitement avec eux, et à résister victorieusement à une colère naissante, par la patience et la soumission; celui-ci soutiendra que l’humilité est un aveu sincère et une reconnaissance publique que nous faisons des grâces que nous avons reçues de Dieu, et des miséricordes infinies dont Il a usé à notre égard; et celui-là, qu’elle consiste dans le sentiment d’un coeur contrit et repentant et dans l’abnégation entière de sa propre volonté. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
Pour moi, je suis forcé d’avouer qu’après avoir entendu toutes ces définitions de l’humilité, et après les avoir attentivement méditées, il m’est impossible de comprendre toute l’étendue de cette vertu. Ainsi tout ce que je peux faire ici, c’est qu’étant le dernier et le moindre de tous, de ramasser comme un petit chien, les miettes de la table, c’est-à-dire, de la bouche de ces hommes sages et éclairées, et de dire que l’humilité est une grâce précieuse que Dieu fait à une âme, laquelle ne peut être exprimée par des paroles, et qui n’est connue que de ceux qui en ont fait une heureuse expérience; que c’est un trésor incompréhensible; qu’elle tire son nom de Dieu même; qu’elle est un don tout divin, car il est dit : Apprenez, non d’un ange, non des hommes, non dans les livres, mais de Moi, c’est-à-dire, de la présence, des lumières, et de l’opération de mon Esprit en vous, que Je suis doux et humble de coeur, d’esprit et de volonté; et vous trouverez le repos de vos âmes” par la cessation des tentations et par la fin de vos combats. (Mt 11,29) L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
42. Soyez donc dans la volonté sincère de déplaire aux hommes plutôt qu’à Dieu; car il prend plaisir de nous voir rechercher avec empressement les mépris et les humiliations, afin de tourmenter, de persécuter et d’exterminer en nous la vraie estime que nous avons de nous-mêmes, et la vaine gloire que nous recevons des applaudissements des hommes. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
50. Or nous devons admirer ici comment Dieu, afin de nous faire pratiquer, comme malgré nous, la sainte vertu d’humilité, a voulu par une providence toute particulière que les autres vissent et connussent mieux nos fautes que nous ne les connaissons nous-mêmes. Il nous a donc mis dans la nécessité de reconnaître et d’avouer que ce n’est point à nous que nous pouvons attribuer le salut et la guérison de notre âme, mais à l’assistance de nos frères et au secours de Dieu. 51. Celui qui est véritablement humble déteste sa propre volonté, et ne la regarde que comme une trompeuse; et, par la confiance qu’il met en Dieu dans ses prières, il apprend ce qu’il doit savoir et faire. Pour remplir les devoirs de l’obéissance, il ne considère ni la vie ni les moeurs des personnes qui le dirigent; mais il s’abandonne entièrement aux soins paternels de Dieu, et se rappelle qu’autrefois le Seigneur se servit de la voix d’un âne pour donner des instructions à Balaam. Et quand même cet humble et fidèle serviteur de Dieu n’agirait, ne penserait et ne parlerait en toute chose que d’une manière très conforme à sa sainte volonté, il se garderait bien encore de se fier à son propre jugement; car, il faut le dire : une âme vraiment humble n’a pas une moindre peine, ne souffre pas un moindre tourment, de se fier à son propre discernement, qu’un coeur superbe, de se soumettre au jugement des autres. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
Mais si nous voulons définir le discernement d’une manière générale et qui puisse tout renfermer et convenir à tout, nous dirons et qu’elle est et qu’elle doit être une lumière intérieure qui nous fait connaître avec certitude, en tout temps, en tout lieu et dans toutes nos actions, qu’elle est la sainte et adorable volonté de Dieu, et que ceux-là seuls la reçoivent qui sont purs dans leurs affections, dans leurs actions et dans leurs paroles. 2. Celui qui par l’esprit de Dieu a vaincu trois ennemis de son salut, vient bien facilement à bout de terrasser les cinq autres; mais celui qui néglige d’attaquer et de vaincre ces trois ennemis, ne peut compter sur aucune autre victoire. Le discernement est donc une conscience sans tâche, elle n’habite que dans ceux dont les sens sont purs et chastes. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
41. Que ce soit devant le Seigneur et avec les mêmes précautions que prennent ceux qui vont puiser de l’eau dans une fontaine; car il arrive quelquefois qu’en ne voulant puiser que de l’eau, on prend aussi des grenouilles. C’est ainsi que nous-mêmes, en voulant pratiquer la vertu, nous mêlons avec elle des défauts : par exemple, l’intempérance se mêle facilement avec l’hospitalité, l’amour sensuel avec la charité, la finesse avec la discrétion, la malice avec la prudence; la fourberie, la paresse, la lenteur, la contradiction, la mauvaise volonté de vivre à sa guise et selon ses goûts, et la désobéissance, avec la douceur; l’arrogance, la fierté, avec le silence; la vanité avec la joie spirituelle, la paresse avec l’espérance, le jugement téméraire avec la charité; la tiédeur, l’engourdissement, avec la solitude et la retraite; l’aigreur, avec la chasteté; une trop grande confiance en soi-même avec l’humilité; quant à la vaine gloire, regardons-la comme un fard, un collyre, ou plutôt comme un venin subtil qui cherche à s’insinuer dans toutes les vertus. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
96. Tous ceux qui sont animés du désir sincère de connaître quelle est la volonté de Dieu sur eux, sont d’abord, obligés d’immoler leur propre volonté, de renoncer généreusement à eux-mêmes et de prier avec une foi vive et ardente et une grande simplicité; ensuite, de consulter avec humilité et confiance leur supérieur et même leurs frères, et de recevoir leurs avis et leurs conseils, comme de la Bouche de Dieu même, quoiqu’ils les trouvent contraires à la fin qu’ils se proposaient, et que, ceux qui les leur donnent, ne soient pas fort versés dans les choses spirituelles; car Dieu est trop juste et trop bon pour permettre jamais que des âmes qui, dans un esprit de foi, d’humilité et de simplicité, se sont soumises aux conseils et à la direction des autres, se trouvent trompées et s’égarent. En effet quelque dépourvues de lumière et de prudence que puissent être les personnes que l’on consulte dans d’aussi bonnes dispositions et avec des vues si pures et si saintes, Dieu certainement parlera par leur bouche. J’avoue que poursuivre cette règle, il faut être rempli d’humilité; mais, après tout, si David sur sa harpe a pu découvrir et connaître les choses qu’il avait à proposer, combien plus pensez-vous qu’une âme douée de raison et d’intelligence doive l’emporter sur les cordes d’un instrument ! L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
98. Mais il en est d’autres qui, désirant sincèrement savoir quelle est la Volonté de Dieu sur eux, renoncent à toute affection pour eux-mêmes, se tournent humblement vers le Seigneur par des prières très ferventes, Lui offrent et Lui sacrifient leurs pensées et leurs projets, Lui soumettent entièrement leur esprit et leurs lumières, et se dépouillent parfaitement de leur propre volonté, qui tantôt les portait à prendre un parti, tantôt les engageait à en prendre un autre : or ayant ainsi persévéré quelque temps dans ces heureuses dispositions, ils ont enfin connu ce que Dieu leur demandait et exigeait d’eux, soit qu’ils l’aient appris par le ministère d’un esprit envoyé de la part du Seigneur, soit qu’ils l’aient connu, parce que Dieu Lui-même a effacé dans leur esprit les raisons qui appuyaient ou qui détruisaient le parti qu’ils avaient à prendre. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
116. Quelqu’un ayant un jour demandé à un homme fort expérimenté dans les voies de Dieu, pourquoi le Seigneur, qui prévoit d’une science infaillible les fautes de certaines personnes, ne laisse pas néanmoins de favoriser ces personnes des dons les plus rares et les plus précieux, et même de la vertu de faire des miracles : C’est, lui répondit-il, afin de rendre les autres hommes plus sages et plus vigilants, de nous faire connaître la liberté dont jouit notre volonté, et de rendre inexcusables au jugement dernier ceux qui seront tombés dans le péché, après avoir reçu des faveurs si extraordinaires. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
148. Dans les choses qui surpassent absolument nos forces Dieu se contente de la bonne volonté où nous sommes de les faire; mais il n’en est pas de même dans celles qui nous sont possibles; sa Bonté exige impérieusement que nous les fassions. Il est vraiment grand devant Dieu, celui qui fait tout le bien qu’il peut; mais il est encore plus grand à ses yeux, celui qui, dans les sentiments d’une humilité sincère, s’efforce de faire plus qu’il ne peut. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
161. Il est impossible, ainsi que nous l’avons déjà dit, qu’aussitôt après notre conversion et notre entrée en religion, nous soyons délivrés parfaitement des mouvements de l’intempérance et des sentiments de la vaine gloire. Gardons-nous bien de vouloir combattre la vanité avec le luxe et les délices; car la victoire même que les personnes nouvellement converties remportent sur la gourmandise, leur inspire des sentiments de vaine gloire. Servons-nous plutôt de l’abstinence pour combattre et vaincre la vanité; car l’heure viendra, elle est même arrivée pour ceux qui ont une bonne volonté, où le Seigneur nous accordera enfin la grâce de soumettre cette funeste passion. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
67. À mesure qu’on cesse de tomber dans le péché, on se déshabitue de le commettre. Or ce désistement du péché devient le commencement de la pénitence; le commencement de la pénitence,le commencement du salut; le commencement du salut, la résolution de bien vivre; la résolution de bien vivre, le commencement des travaux; le commencement des travaux, le commencement des vertus; le commencement des vertus, le commencement de la fleur des vertus; le commencement de la fleur des vertus, le commencement de la bonne volonté; le commencement de la bonne volonté, le commencement à l’habitude de la vertu; le commencement de l’habitude de la vertu, le commencement de la crainte de Dieu; le commencement de la crainte de Dieu, le commencement de la fidélité à observer les commandements du Seigneur; le commencement de la fidélité à observer les commandements de Dieu, le commencement de l’amour du Seigneur; le commencement de l’amour du Seigneur, le commencement d’une profonde humilité; le commencement d’une profonde humilité le commencement de la paix souveraine du cœur; et le commencement de la paix souveraine de l’âme devient la perfection de la charité. Or cette perfection de la charité est elle-même cette sainte et parfaite amitié dont Dieu honorera tous ceux qui, étant délivrés de toute affection déréglée, posséderont leur cœur dans la pureté. car, ils verront Dieu (cf. Mt 5,8). À Lui gloire et honneur dans les siècles. Amen. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
30. Voulez-vous sortir du monde pour aller dans la solitude, défaites-vous promptement de tout ce qui peut encore vous attacher au siècle; distribuez vos biens aux pauvres, car, pour les vendre, il vous faudrait du temps; donnez-les surtout aux moines qui sont pauvres, afin qu’ils unissent leurs prières aux vôtres, et que vous puissiez obtenir la grâce d’embrasser dignement la vie solitaire. Prenez ensuite votre croix, et portez-la en accomplissant fidèlement tous les devoirs que vous impose la sainte obéissance. Soutenez courageusement le fardeau que vous vous serez vous-même imposé en renonçant d’une manière parfaite à votre propre volonté : Venez et suivez-moi, et je vous conduirai à ce bienheureux repos, à cette sainte familiarité et à cette ineffable union avec Dieu, et je vous enseignerai les exercices et la manière de vivre des puissances célestes. Or, comme les anges ne se lasseront jamais pendant les siècles éternels de chanter les louanges de Dieu; de même une personne qui est entrée dans le paradis de la solitude, ne cessera de célébrer la gloire de son créateur, de son bienfaiteur. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
31. Personne n’ignore que dans tous les arts et dans toutes les sciences, il y a des opinions diverses et des sentiments différents; car les hommes ne sont pas également parfaits dans toute chose, tantôt par défaut de travail et de diligence, tantôt par défaut d’intelligence et de lumières. Aussi voyons-nous des gens s’empresser de courir dans la solitude, dans l’espérance d’y trouver un port assuré de salut; et malheureusement ils n’y rencontrent qu’un abîme sans fond qui les engloutit : ils prétendaient y guérir leur langue de l’intempérance des paroles et des honteuses habitudes de leurs corps, et ils y ont augmenté leur mal. Nous en voyons d’autres voler dans les déserts, parce que, n’ayant pu triompher de leur humeur irascible, en vivant au milieu de leurs frères, ils espèrent en triompher plus efficacement dans la solitude; mais ils sont dans une misérable erreur. Nous en voyons d’autres embrasser la vie érémitique, parce que, remplis d’orgueil, ils aiment mieux vivre selon leur propre volonté, que de se laisser conduire par un supérieur ou un directeur; d’autres vont dans la solitude, parce qu’en vivant au milieu des occasions dangereuses, ils n’ont pas la force d’y résister; d’autres désirent la vie solitaire, afin de se rendre plus exacts dans l’accomplissement de leurs devoirs; d’autres choisissent ce genre de vie, afin de pouvoir se punir plus sévèrement de leurs fautes; d’autres ne cherchent la solitude que pour se faire un nom devant les hommes, d’autres enfin, si toutefois le Fils de l’homme, en venant sur la terre pour juger le monde, en trouve de semblables, uniquement enflammer d’amour pour Dieu, et trouvant dans cet amour des délices ineffables, se donnent à la vie érémitique comme à une épouse uniquement aimée. Ne font-ils encore cette démarche que lorsqu’ils ont fait un divorce absolu avec la négligence et la tiédeur. En effet l’union de la vie érémitique avec un esprit de paresse forme une espèce de fornication spirituelle. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
32. Telles sont les différentes dispositions qui portent les hommes à la vie érémitique: je n’ai pu en parler que d’après mon peu de lumières; c’est à chacun devoir quelles sont celles qui lui font désirer de vivre dans la solitude. Serait-ce pour y être plus à son aise, en ne suivant que sa propre volonté, ou pour se procurer l’estime des hommes ? serait-ce pour mortifier l’incontinence de la langue, ou pour triompher de la colère ? serait-ce pour fuir les occasions de pécher, ou pour expier plus efficacement les fautes qu’on a commises ? serait-ce pour devenir plus exact et plus fervent dans les exercices de la piété, ou pour augmenter en soi-même le feu sacré de l’amour de Dieu ? Les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers. Or de ces huit sortes de vie solitaire il y en a sept qui représentent les sept jours de la semaine, et cette semaine est l’image de la vie présente; mais les unes sont agréables, les autres sont odieuses à Dieu, et la huitième, nous pouvons le dire hardiment : Elle est la figure du bonheur éternel. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
42. Une jeune épouse qui viole la foi jurée à son époux profane son corps et se déshonore; une âme qui viole la foi qu’elle avait donnée à Dieu, souille et flétrit sa conscience. La haine publique, la bonté, les châtiments, et par dessus tout, un déplorable divorce sont les maux que s’attire une épouse infidèle. L’infidélité sacrilège d’une âme est suivie de mille souillures, de l’oubli de la mort, d’une insatiable intempérance, de l’insolence et de l’impudeur des yeux, de l’amour de la vaine gloire, de l’envie continuelle de dormir, de l’endurcissement du cœur, de l’aveuglement de l’esprit, d’une horrible confusion dans les pensées, d’une volonté de plus en plus portée au péché, de l’esclavage des passions les plus viles, d’un tumulte et d’un désordre effrayants, de l’esprit d’opiniâtreté et de contradiction, d’une abominable affection pour les créatures, de l’infidélité dans la foi, d’une indigne défiance envers Dieu, d’une insupportable loquacité, d’une licence effroyable, d’une vaine confiance en soi-même, laquelle peut justement être regardée comme le plus grand de tous les maux, et, ce qui est le comble de la misère, de la sécheresse du cœur, qui le rend incapable du moindre mouvement de pénitence et de componction, et qui, lorsqu’on la néglige, se change en une stupide insensibilité, laquelle ouvre la porte à tous les vices et à tous les crimes. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
63. Remarquez que, comme l’attachement à sa propre volonté fait tomber le religieux qui vit sous la direction et l’autorité d’un supérieur; de même l’omission ou l’intermission de la prière occasionne des chutes au religieux solitaire. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
68. Quelqu’un disait autrefois : Je découvrirai, en jouant sur ma harpe, ce que j’ai à vous proposer (Ps 78,5), c’est-à-dire, je ferai connaître ainsi mon sentiment à cause de la faiblesse de mon jugement; et moi, j’offrirai à Dieu ma volonté tout entière dans une prière fervente et je suis assuré qu’Il m’exaucera et me fera comprendre quels sont ses desseins adorables sur moi. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
26. Ceignez-vous donc de la ceinture de l’obéissance; dépouillez-vous entièrement de votre propre volonté, et, mort à vous-même, présentez-vous devant Dieu pour Lui offrir l’encens de vos prières. Car si nous ne nous étudions qu’à connaître et à suivre la Volonté du Seigneur, nous sentirons qu’Il viendra visiter notre âme et la conduire sans danger jusqu’à la vie éternelle. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ