Cassiano: garder

Au contraire, des péchés qui ne vont pas à la mort, et dont ceux-là mêmes qui servent fidèlement le Christ ne sauraient être exempts, quelque circonspects qu’ils soient à garder leur âme, il est ainsi parlé : «Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous»; (Ibid. 1,8). «Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons Dieu menteur, et sa parole n’est pas en nous.» (1 Jn 1,10). Prenez, en effet, parmi les saints tel qu’il vous plaira, il n’en est point qui ne tombe fatalement en ces manquements minimes qui se font par paroles, par pensées, par ignorance et oubli, impulsion, volonté ou distraction, et qui, pour différer du péché qui va à la mort, ne sont point cependant sans faute ni reproche. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 9

Question : Est-il possible de garder la chasteté durant le sommeil ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 9

GERMAIN. Nous ne sommes pas sans avoir éprouve nous-mêmes en quelque façon qu’il est possible, avec la grâce de Dieu, de garder son corps parfaitement pur durant la veille. Nous ne nions pas que la rigueur d’une vie austère et la résistance de la raison ne puissent alors empêcher toute révolte de la chair. Mais restera-t-elle également paisible durant le sommeil ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 9

Mais cette vérité ne parait nulle part plus évidente, que lorsqu’il s’agit d’acquérir ou de garder la chasteté. Combien est-il difficile de la posséder entière et sans atteinte ! Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6

La divine Écriture confirme l’existence de notre libre arbitre : «Garde ton coeur, dit-elle, en toute circonspection.» (Pro 4,23) Mais l’Apôtre manifeste son infirmité. «Que le Seigneur garde vos coeurs et vos intelligences dans le Christ Jésus.» (Phil 4,7) — David énonce sa vertu, lorsqu’il dit : «J’ai incliné mon coeur à observer tes commandements;» (ps 118) mais il enseigne aussi sa faiblesse, lorsqu’il fait cette prière : «Incline mon coeur vers tes enseignements, et non vers l’avarice;» (Ibid. 36) et de même Salomon : «Que le Seigneur incline vers lui nos coeurs, afin que nous marchions dans toutes ses voies, et que nous gardions ses commandements, ses cérémonies et ses jugements.» (3 Rois 8,58) — C’est la puissance de notre liberté que désigne le psalmiste, en disant : «Préserve ta langue du mal, et tes lèvres des paroles trompeuses;» (ps 33,14) mais nous attestons son infirmité dans cette prière : «Place, Seigneur, une garde à ma bouche, une sentinelle à la porte de mes lèvres.» (ps 140,3) — Le Seigneur déclare ce dont est capable notre volonté, lorsqu’il dit : «Détache les chaînes de ton cou, captive, fille de Sion» (Is 52,2); d’autre part, le prophète chante sa fragilité : «C’est le Seigneur qui délie les chaînes des captifs» (ps 145,7), et : «C’est toi qui as brisé mes chaînes; je t’offrirai un sacrifice d’action de grâces.» — Nous entendons le Seigneur nous appeler, dans l’Évangile, afin que, par un acte de notre libre arbitre, nous nous hâtions vers lui : «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai» (Mt 11,28); mais il proteste aussi de la faiblesse de l’humaine volonté, en disant : «Personne ne peut venir à moi, si le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire.» (Jn 6,44) L’Apôtre révèle notre liberté dans ces paroles : «Courez de même, afin de remporter le prix» (1 Co 9,24) ; mais saint Jean le Baptiste atteste sa fragilité lorsqu’il dit : «L’homme ne peut rien prendre de lui-même, que ce qui lui a été donné du ciel.» (Jn 3,27) — Un prophète nous ordonne de garder notre âme avec sollicitude : «Prenez garde à vos âmes» (Jér 17,21), mais le même Esprit fait dire à un autre prophète : «Si le Seigneur ne garde la cité, celui qui la garde veille inutilement.» (ps 126,1) — L’Apôtre, écrivant aux Philippiens, leur dit, pour souligner leur liberté : «Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement» (Phil 2,12); mais il ajoute, pour leur en faire voir la faiblesse : «C’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le parfaire, de par son bon plaisir» (Ibid. 13). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 10

L’ordre que j’ai promis de garder, la suite même de notre voyage m’obligent de rapporter maintenant les enseignements de l’abbé Nesteros, qui fut un homme remarquable en toutes manières et d’une science consommée. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 1

Si vous désirez, vous aussi, garder inviolable votre amitié, hâtez-vous d’expulser vos vices et de mortifier vos volontés propres; puis, n’ayant plus qu’une même ambition, un même idéal, accomplissez vaillamment l’oracle qui comblait de délices l’âme du prophète : «Qu’il est bon, qu’il est doux pour des frères d’habiter ensemble !» (Ps 67,7). Ce qui doit s’entendre, non de ceux qui habitent en un même lieu, mais de ceux qui vivent dans un même esprit. Il ne sert de rien d’être unis dans une habitation commune, si l’on est séparé par la vie et par le but que l’on se propose; au contraire, pour ceux qui sont également fondés en vertu, la distance des lieux ne constitue pas un obstacle. Devant Dieu, c’est l’unité de conduite, et non point celle des lieux, qui fait habiter les frères dans une même demeure; et la paix ne se conservera jamais entière, où les volontés sont divergentes. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 3

Pour finir, comment garder contre son frère la plus légère impression de chagrine humeur; si l’on songe que l’on peut chaque jour, et mieux encore, à l’instant, émigrer du siècle présent ? Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 6

S’il ne faut rien préférer à l’amour, rien, à l’encontre, n’est à regarder comme un plus grand mal que la fureur et la colère. On doit tout sacrifier, de quelque utilité qu’il paraisse, pour éviter le trouble de cette passion; et tout embrasser, tout supporter, même ce qui passe pour adversité, afin de garder inviolable la tranquillité de la dilection et de la paix : bien convaincu qu’il n’est rien de plus pernicieux que la colère et la tristesse, rien de plus profitable que l’amour. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 7

De certains frères ont été piqués d’une parole injurieuse. Un tiers survient, qui désire les apaiser et les harcèle de ses prières. Il leur remontre que l’on ne doit jamais concevoir ni garder d’humeur contre un frère, selon qu’il est écrit : «Quiconque se met en colère contre son frère, méritera d’être puni par les juges;» (Mt 5,22) et : «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère !» (Eph 4,26). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 17

Vous voyez par là combien ceux dont nous parlons sont éloignés de la perfection évangélique. Elle nous enseigne à garder la patience, non en paroles, mais par la tranquillité du coeur. Et avec quelles exigences veut-elle que nous soyons attentifs à la conserver dans les rencontres fâcheuses ! Ce n’est rien encore de nous garder indemnes des émotions violentes de la colère.,Nous devons, en pliant sous l’injure, contraindre à s’apaiser ceux qui sont émus même par leur faute, leur permettre de s’assouvir en nous frappant. Il faut, à force de douceur, triompher de leur emportement. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 22

Il faut bien se le persuader: celui-là montre le plus de force, qui soumet sa volonté à celle de son frère, et non celui qui est le plus opiniâtre à défendre et garder son sentiment. Par le support et la patience, le premier mérite de compter parmi les trempes saines et robustes; le second, au contraire, se range parmi les faibles et, si l’on peut dire, les malades, C’est un homme à qui l’on doit prodiguer caresses et douceurs. Parfois même, il sera bon de prendre quelque relâche dans les choses nécessaires, afin qu’il demeure tranquille et en paix. Que l’on ne croie pas, du reste, ôter, ce faisant, à sa propre perfection. Tant s’en faut : le bien de la longanimité et de la patience fait qu’on a profité beaucoup plus. C’est, en effet, le précepte de l’Apôtre : «Vous qui êtes forts, supportez les faiblesses de ceux qui sont infirmes.» (Rom 15,1). Il dit encore : «Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ.» (Gal 6,2). Jamais le faible ne supportera le faible, ni le malade ne pourra endurer ou guérir le malade. Mais celui-là peut apporter le remède au faible, qui n’est pas lui-même soumis à la faiblesse. Autrement, on aurait sujet de dire : «Médecin, guéris-toi toi même.» (Lc 4,23). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 23

JOSEPH. — Je n’ai pas dit non plus que la vertu ni la patience de celui qui est fort et robuste soient jamais vaincues. Mais ce sont les mauvaises dispositions du faible qui, entretenues par le support de l’autre, iront tous les jours de mal en pis. Les choses en viendront à tel point, qu’il ne devra plus être toléré davantage, ou que lui-même, présumant connues, et la patience de son frère, et sa honteuse impatience, aimera mieux s’en aller quelque jour, plutôt que de se voir supporter toujours par la magnanimité d’autrui. Et maintenant, je le déclare à ceux qui désirent garder inviolablement les sentiments de l’amitié, voici la loi qu’ils doivent, selon moi, observer avant tout. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 26

Tel fut le discours tout spirituel que le bienheureux Joseph nous fit sur le sujet de l’amitié; et il nous enflamma d’une plus vive ardeur à garder toujours l’amour qui nous unissait l’un à l’autre d’un si intime commerce. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 28

Le premier renonce à une détermination qu’il avait confirmée par une manière de serment : «Non, jamais vous ne me laverez les pieds.» (Jn 13,8). Mais il mérite pour ce fait d’avoir part éternellement avec le Christ; tandis qu’il était, sans aucun doute, retranché de cette grâce et béatitude, s’il se fût obstinément tenu à sa parole. L’autre, pour garder la foi d’un serment inconsidéré, se fait le sanglant meurtrier du Précurseur; la vaine crainte de se parjurer l’engloutit dans la damnation et les supplices de l’éternelle mort. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 9

Le bienheureux David prend sa résolution, et s’engage par serment : «Que Dieu traite dans toute sa rigueur les ennemis de David ! D’ici au matin, je ne laisserai pas subsister un seul homme de tout ce qui appartient à Nabal.» Mais l’épouse de celui-ci, Abigaïl, s’interpose, et implore la grâce de son mari. David aussitôt de suspendre ses menaces et de fléchir ses résolutions. Il aime mieux paraître manquer à son dessein, plutôt que de garder la foi du serment au prix d’une cruauté : «Aussi vrai, dit-il, que le Seigneur est vivant, si tu n’étais venue en hâte à ma rencontre, pas un homme ne fût resté a Nabal d’ici au lever du jour.» Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 25

GERMAIN — Si l’on s’en tient à la doctrine que vous venez d’exposer avec tant d’éloquence, le moine ne doit s’engager à rien, de peur d’être trouvé infidèle ou entêté. Où trouverons-nous dès lors à appliquer la parole du psaume : «J’ai juré, j’ai résolu de garder les commandements de ta justice» ? Qu’est-ce que jurer et se résoudre, sinon demeurer immuablement fidèle à ses engagements ? Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 27

JOSEPH — Je n’entends point parler ici des commandements principaux, sans lesquels le salut est impossible; mais de ceux que nous pouvons, sans péril pour notre état, négliger ou garder : telles la rigueur continue du jeûne, l’abstinence perpétuelle de vin ou d’huile, la pratique de ne jamais sortir de notre cellule, la lecture et la méditation incessantes. Ce sont là, en effet, des exercices que l’on peut observer à son gré, ou laisser de côté, si besoin est, sans que notre profession ait à en souffrir, ni notre idéal de vie. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 28

Voici encore une règle à garder avec un soin jaloux. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 29

Mais, après la mort des apôtres, la foule des croyants commença de se refroidir, celle-là surtout qui affluait du dehors il la foi du Christ, de tant de peuples divers. Par égard pour leur foi encore bégayante et leur paganisme invétéré, on ne demandait rien de plus aux gentils que de s’abstenir «des viandes offertes aux idoles, de l’impureté, de la chair étouffée et du sang». (Ibid. 15,29). Cette liberté qu’on leur accordait par condescendance pour la faiblesse de leur foi naissante, ne laissa pas de contaminer insensiblement la perfection de l’Église de Jérusalem. Le nombre des recrues s’augmentant chaque jour, du judaïsme et de la gentilité, la ferveur de la foi primitive se perdit. Ce ne fut pas seulement la foule des prosélytes que l’on vit se relâcher de l’antique austérité, mais jusqu’aux chers de l’Église. Plusieurs, estimant licite pour eux-mêmes la concession faite à la faiblesse des gentils, se persuadèrent qu’il n’y avait aucun détriment à garder biens et fortune, tout en confessant la foi du Christ. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 5

Mais, soit qu’ils n’apportent au service de leur ambition qu’une âme pusillanime, dans une entreprise qui exige une force peu commune, soit que la seule nécessité les ait contraints à la profession monastique, ils se montrent aussi empressés à se parer du nom de moine, que peu disposés à en imiter la vie. Ils n’ont cure de la discipline cénobitique, ni de s’assujettir à l’autorité des anciens, ou d’apprendre d’eux à vaincre leurs volontés; nulle formation régulière, point de règle dictée par une sage discrétion. Mais c’est pour le public seulement qu’ils renoncent et à la face des hommes. Ou ils restent dans leurs demeures particulières, et, couverts par le privilège d’un nom glorieux, s’embarrassent des mêmes soins que devant. Ou bien ils se construisent des cellules, les décorent du nom de monastères, mais pour y vivre selon leur guise et en complète liberté. L’Évangile commande : Ne vous laissez prendre, ni par le souci du pain quotidien, ni par les embarras d’une fortune. Mais ils ne consentent point à courber la tête sous ce joug. Ceux-là seulement rempliront le précepte, sans les hésitations d’une âme infidèle, qui se dégagent entièrement des biens de ce monde, puis se soumettent aux supérieurs des communautés cénobitiques, jusqu’à faire profession de ne s’appartenir plus soi-même. Tels ne sont pas les sarabaïtes. Fuyant, comme on l’a dit, l’austérité cénobitique, ils habitent à deux ou trois dans des cellules. Leur moindre désir est d’être gouvernés par les soins et l’autorité d’un abbé. Bien au contraire, ils font leur principale affaire de rester libres du joug des anciens, afin de garder toute licence d’accomplir leurs caprices, de sortir, d’errer où il leur plaît, de faire ce qui les flatte. Chose curieuse, il arrive même qu’ils travaillent plus que les cénobites; mal contents d’y passer le jour, ils y donnent encore la nuit. Mais non pas dans les mêmes pensées de foi ni avec le même but. Ce qu’ils en font, n’est point du tout pour abandonner le fruit de leur travail à la libre disposition d’un économe, mais pour gagner de l’argent et le mettre en réserve. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 7

GERMAIN. — Nous voudrions savoir comment s’acquiert et se conserve la tranquillité dont vous parlez. Nous commander le silence, tenir nos lèvres closes et réprimer toute licence de paroles : c’est bien. Mais il faudrait garder aussi la douceur du coeur. Or parfois, alors même que l’on parvient il refréner sa langue, on perd au-dedans sa paix. Et voilà pourquoi il nous paraît impossible de conserver le bien de la mansuétude, à moins de vivre solitaire dans une cellule écartée. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 12

GERMAIN. — Mais alors, à quelle source puiser la sainte et salutaire componction d’un coeur humilié ? Car, voici que l’Écriture nous la dépeint avec ces paroles, parties des lèvres du pénitent : «J’ai fait connaître mon péché, et je n’ai point couvert mon iniquité; j’ai dit : Je déclarerai contre moi mon injustice au Seigneur.» (Ps 31,5-6). Quel titre aurons-nous donc à redire avec vérité ce qui suit aussitôt : «Et vous avez pardonné l’impiété de mon coeur» ? (Ibid.) Si nous bannissons de notre coeur la mémoire de nos péchés, comment, prosternés en prière, nous exciterons-nous aux larmes d’une humble confession, pour mériter d’obtenir le pardon de nos crimes, selon cette parole : «Chaque nuit, je baignerai ma couche de mes larmes, j’arroserai mon lit de mes pleurs» ? (Ps 6,7). Le Seigneur, du reste, ne commande-t-Il pas de la garder invariablement, lorsqu’il dit : «Je ne me souviendrai plus de tes iniquités, mais toi rappelle-toi» ? (Is 43,25-26). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 6

Pour clore cette conférence, c’est peu à qui souhaite d’atteindre la cime de la perfection, d’être parvenu jusqu’à la fin de la pénitence, c’est-à-dire de s’abstenir des choses défendues. Infatigable dans sa course, il doit tendre toutes ses énergies vers la pratique des vertus qui conduisent à la pleine satisfaction. Se garder des souillures graves, qui sont abominables au Seigneur, ne suffit pas, si l’on n’acquiert, par la pureté du coeur et la perfection de la charité apostolique, la bonne odeur des vertus, qui fait ses délices. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 12

La divine Sagesse nous enseigne par l’Ecclésiaste qu’il est un temps pour tout, pour les choses heureuses, comme pour celles que nous réputons contraires et tristes : Il est un temps pour tout, pour toute chose sous le ciel : un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté; un temps pour tuer, et un temps pour guérir; un temps pour détruire, et un temps pour bâtir; un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser; un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les ramasser; un temps pour embrasser, et un temps pour s’abstenir d’embrasser; un temps pour acquérir, et un temps pour perdre; un temps pour garder, et un temps pour rejeter; un temps pour déchirer, et un temps pour coudre; un temps pour se taire, et un temps pour parler; un temps pour aimer, et un temps pour haïr; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix; et plus loin : Car il est un temps pour toute chose et pour toute oeuvre. (Ec 3,1-8). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 12

Réponse : Il y a une juste mesure et une abstinence qu’il faut toujours garder. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 22

Il importe donc de garder notre coeur constamment attentif et circonspect, en toute prudence et sagacité. Car quel malheur, si le jugement de notre discrétion venant à errer, nous nous laissions enflammer par le désir d’une abstinence inconsidérée ou séduire par l’amour d’une excessive douceur ! Ce serait peser nos forces sur une balance fausse. Eh bien, non ! Mettant sur un plateau la pureté de l’âme, sur l’autre notre vigueur corporelle, pesons-les selon le jugement véridique de la conscience, de manière à n’être entraînés ni d’une part ni de l’autre, par une affection prépondérante et vicieuse. Si nous inclinions la balance, ou vers une austérité sans mesure, ou vers un trop grand relâchement, il nous serait dit pour cet excès : Si vous avez bien offert et que vous n’ayez pas bien partagé, n’avez-vous point péché ? (Gen 7,7). Les sacrifices extorqués à notre pauvre estomac, au prix de convulsions violentes, nous avons beau les croire offerts à Dieu selon la droiture; Celui qui aime la miséricorde et la justice, (Ps 32,5) les exècre : Je suis le Seigneur, dit-il, qui aime la justice, et qui hais l’holocauste venant de rapine. (Is 46,8). Par ailleurs, ceux qui consacrent le principal de leurs offrandes, je veux dire de leur service et de leurs actes, à favoriser la chair et à satisfaire leurs propres besoins, ne réservant au Seigneur que des restes, une part insignifiante, la divine parole les condamne à leur tour comme des ouvriers infidèles : Maudit soit celui qui fait l’oeuvre de Dieu avec fraude. (Jer 48,10). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 22

Ainsi, ce n’est pas sans motif que Dieu éclate en reproches contre celui qui se Basile tellement abuser par un jugement sans équité : Cependant, s’écrie-t-il, les fils des hommes sont vains, les fils des hommes sont menteurs, quand ils pèsent, afin de tromper. (Ps 41,10). Le bienheureux Apôtre aussi nous avertit de garder les tempéraments de la discrétion, afin de ne pencher ni à droite ni à gauche, victimes d’une outrance pleine de mirages : il parle, en effet, d’un culte raisonnable et spirituel. (Rom 12,1). Le Législateur porte la même défense : Que vos balances, ordonne-t-il, soient justes; vos poids, justes; juste, votre boisseau; juste, votre setier. (Lev 19,36). Salomon, enfin, a sur ce sujet une pensée toute semblable : Le double poids, grand et petit, et les doublés mesures sont deux choses abominables devant le Seigneur; et celui qui se livre à ces pratiques, se prendra lui-même à ses propres ruses. (Pro 20,10-11). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 22

Si donc nous souhaitons d’offrir à Dieu, telles des hosties de complaisance et toujours agréées, les prémices des fruits de notre esprit, nous ne devons pas dépenser une médiocre sollicitude à garder nos sens, principalement aux heures du matin, comme les sacrés holocaustes du Seigneur, inviolés et intacts. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 26

Voyez, d’autre part, celui qui n’a pas méprisé le conseil du Seigneur. Après avoir distribué tous ses biens aux pauvres, il a pris sa croix, et il suit le dispensateur de la grâce. Le péché pourrait-il dominer sur lui ? Sa fortune est déjà consacrée au Christ, ses richesses ne sont plus à lui; et, tandis qu’il en fait pieusement le partage, il n’est point mordu par le souci infidèle de garder pour vivre, aucune hésitation chagrine ne vient gâter la joie qui sied à l’aumône. Avant tout donné à Dieu, rien ne lui appartient plus; et il le dispense comme tel, sans souvenir de ses propres besoins, sans crainte pour le morceau de pain qui le fera vivre, tant il est dans la certitude que, parvenu au dépouillement désiré, Dieu le nourrira avec bien plus de sollicitude encore que l’oiseau du ciel. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 33

THÉONAS. — Certes, nous devons apporter tout le soin qui est en nous à garder immaculée la pureté de notre chasteté, alors surtout que nous souhaitons d’approcher des saints autels. Quelle vigilance, quelle circonspection, quelles précautions, infinies ne seront pas de saison, pour que l’intégrité de notre chair, indemne jusque-là, ne nous soit pas ravie la nuit même où nous nous préparons à la communion du divin banquet ! Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 5

Donc, afin d’obtenir le bien souverain, qui consiste à jouir de la vue de Dieu et rester perpétuellement uni au Christ, il souhaite de voir se briser les liens de son corps. Caduc comme il est, et empêché par les mille nécessités qui naissent de sa fragilité, il est impossible, en effet, que notre corps mortel ne soit quelquefois séparé de la société du Christ ? Il n’est pas jusqu’à l’âme elle-même, distraite par tant de soins, entravée de tant d’inquiétudes diverses autant que fâcheuses qui ne soit incapable de jouir sans cesse de la contemplation de Dieu. Quelle application si persévérante, quelle vie si austère, qui ne soit de temps en temps sujette aux illusions de l’insidieux et rusé adversaire ? S’est-il trouvé personne, passionné du secret de la solitude et appliqué à fuir le commerce des mortels, au point de ne jamais glisser dans les pensées superflues, ni déchoir, ou par la vue des choses d’ici-bas, ou par le souci des occupations terrestres, de la contemplation divine, qui seule est bonne ? Qui put jamais garder si bien la ferveur de l’esprit, que la pente trop facile de ses pensées ne l’ait parfois emporté loin de sa prière, et soudain précipité du ciel sur la terre ? À qui d’entre nous n’est-il pas arrivé, pour ne rien dire des autres moments de divagation, d’être saisi d’une sorte de stupeur et de tomber d’une chute profonde, à l’heure même qu’il élevait au ciel son âme pleine de supplications ? Offense involontaire, je l’accorde; c’était pourtant offenser Dieu, par où l’on pensait obtenir son pardon. – Qui est tellement exercé et vigilant, qu’il ne se laisse en aucune façon distraire du sens de l’Écriture, tandis qu’il chante un psaume à Dieu ? tellement entré dans l’intimité divine, qu’il puisse se réjouir d’avoir accompli un seul jour le précepte de l’Apôtre, de prier sans cesse ? Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 5

Avec quelle prudence le moine doit garder la mémoire de Dieu. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 9

Je comparerais volontiers les saints, et non sans justesse, aux danseurs de corde et funambules. Lorsqu’ils s’efforcent de garder fidèlement le souvenir de Dieu, ne semble-t-il pas qu’ils marchent dans le vide sur des cordes tendues dans les hauteurs de l’air ? Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 9

Mais non ! Il nous faut bien le reconnaître, notre esprit volage est prompt à s’écarter sur tous objets frivoles et superflus. Et voilà pourquoi nous confessons en toute vérité que nous ne sommes point sans péché. Si attentif que l’on soit à garder son coeur, on ne le gardera jamais selon le désir de la partie spirituelle. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 19

Mais, afin de comprendre ces choses et d’en garder un utile souvenir, implorons avec plus d’attention la Miséricorde du Seigneur, afin qu’Il nous aide à les accomplir. Elles ne s’apprennent pas, en effet, comme les autres sciences humaines, où l’on commence par l’enseignement verbal. C’est la pratique, c’est l’expérience qui doivent ici précéder. Cependant, il est également nécessaire, et d’en faire une étude soignée dans des conférences avec les hommes spirituels, et de les approfondir par des exemples et une expérience de chaque jour : autrement, elles s’effacent par la négligence, ou elles se perdent par l’oubli. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 21

D’une comparaison, qui montre comment le moine doit garder ses pensées. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 6

Que si le joug du Christ ne nous paraît, au contraire, ni léger, ni suave, il n’est que juste de l’attribuer à notre résistance opiniâtre. La défiance et le manque de foi nous ôtent tout ressort. Ensuite, par quel prodige de déraison ! nous luttons contre le commandement, ou plutôt le conseil qui dit : Si tu veux être parfait, va, vends (ou abandonne) tout ce que tu as; puis, viens et suis-Moi (Mt 19,21). C’est-à-dire que nous voulons garder les biens de la terre. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 24

La Grâce du Sauveur, bénigne à notre endroit, nous procure, par la lutte contre les tentations, une plus belle couronne de gloire, qu’elle n’eût fait, en nous dispensant du combat. Il est d’une vertu plus sublime et plus excellente, quoique assiégé de persécutions et d’épreuves, de demeurer toujours inébranlable, et de garder jusqu’au bout la même confiante intrépidité par la pensée du Secours divin, de se faire des attaques des hommes comme l’armure d’une vertu invincible, remportant sur l’impatience un triomphe très glorieux, et par le moyen de la faiblesse conquérant la vertu, car la vertu s’achève dans l’infirmité (2 Co 12,9). Il est dit en effet : Voici que je t’établis en ce jour comme une ville fortifiée, une colonne de fer et un mur d’airain, sur tout le pays, sur les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et tout le peuple du pays. Et ils te feront la guerre; mais ils ne prévaudront point, parce que je suis avec toi pour te délivrer, dit le Seigneur (Jér 1,18-19). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 25