Cassiano: carême

Hélas ! il n’est point de fête dont la joie puisse étouffer les aiguillons de la chair. Nous avons en elle un adversaire farouche, que ne sait point adoucir la révérence due aux plus saints des jours. Il est possible toutefois de conserver aux fêtes la solennité fixée par la coutume, sans outrepasser la mesure d’une salutaire parcimonie. Il suffira de ne pas laisser franchir à l’indulgence et aux douceurs les limites suivantes : la nourriture que nous réservions pour la neuvième heure, nous la prendrons un peu plus tôt, c’est-à-dire à la sixième heure, étant donné le caractère festif du temps, mais nous ne changerons rien à la mesure accoutumée ni à la qualité, de crainte que la pureté de corps et l’intégrité d’âme conquises par l’abstinence du carême, ne se perdent par les mitigations de la Pentecôte, et qu’il ne nous serve de rien d’avoir obtenu par le jeûne ce qu’une imprudente satiété ne tarderait pas à nous arracher. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Précautions d’autant plus nécessaires, que c’est à l’ennemi une habileté bien connue, de s’attaquer à notre pureté, lorsqu’il nous voit moins sur nos gardes parmi la célébration de quelque solennité. Il faut beaucoup veiller à ne jamais laisser la vigueur de notre âme s’énerver dans de flatteuses douceurs, afin, comme je l’ai dit, de ne point perdre, dans le repos et la sécurité de la Pentecôte, la parfaite chasteté acquise par le continuel labeur du carême. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Question sur les diverses manières d’observer le carême. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

GERMAIN. — Pourquoi le carême ne dure-t-il que six semaines, lesquelles ne renferment, le dimanche étant excepté, que trente-six jours ? Je sais qu’en certaines provinces, une religion plus vive peut-être en a fait ajouter une septième; mais on y retranche le samedi et le dimanche, et donc on n’y atteint pas davantage le chiffre de quarante. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Réponse : Le carême se ramène à la dîme de l’année. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Dans la Loi de Moïse, c’était un précepte général, promulgué pour tout le peuple : Tu offriras la dîme et les prémices de tes biens au Seigneur ton Dieu. (Ex 22,29). S’il nous est commandé d’offrir la dîme de nos biens et de nos récoltes, combien plus est-il nécessaire que nous offrions aussi la dîme de notre vie, de notre activité humaine, de nos oeuvres. Et c’est ce que nous faisons très exactement par le moyen du carême. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Pourquoi l’observance du carême diffère chez beaucoup pour le nombre des jours. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Pour ce que vous dites des différentes manières de célébrer le carême, ici de six semaines, et là de sept, qui se rencontrent en certaines provinces, le jeûne demeure pourtant égal et identique au fond, sous cette apparente diversité. Là où l’on a fixé l’observance à six semaines, c’est que l’on pense devoir jeûner le samedi. On acquitte donc six jours par semaine; et ce nombre, six fois répété, fait le même total de trente-six. Ainsi, comme nous l’avons dit, le jeûne est égal et identique de part et d’autre, bien que le chiffre des semaines diffère. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Pourquoi le nom de carême, ou quarantaine, alors qu’on ne jeûne que trente-six jours. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Telle est donc la raison profonde de notre observance. Mais l’insouciance des hommes l’effaça de leur mémoire; et le temps où nous offrons à Dieu la dîme de l’année par trente-six jours et demi de jeûne, reçut le nom de carême, on quarantaine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Ou bien cette dîme d’un nouveau genre reçut le nom de quarantaine, par un emprunt fait aux usages de la perception. Telle est, en effet, dans le populaire, la manière de désigner l’impôt qui affecte au service du roi une part des bénéfices proportionnelle au légitime impôt du carême, que le roi de tous les siècles exige de nous, pour la jouissance de la vie présente. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Les parfaits vont plus loin que la loi du carême. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

Cependant, l’homme juste et parfait n’est point lié par la loi du carême, et ne peut se contenter d’une règle aussi modeste. Les chefs des Églises l’ont établie pour les gens du monde, qui sont pris, tout l’espace de l’année, par leurs plaisirs et leurs affaires. En les enchaînant en quelque sorte par cette nécessité légale, ils ont voulu les contraindre à vaquer au Seigneur du moins pendant ces jours, et à lui consacrer la dîme de leur vie, qu’autrement la vanité dévorerait tout entière. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

De la cause et des commencements du carême. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS

D’ailleurs, l’observance du carême n’exista point, tant que la perfection de l’Église primitive demeura inviolée. Nul précepte pour contraindre, nulle disposition légale; le jeûne n’était pas étroitement déterminé. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS