Il a délibérément passé sous silence la légende des dieux supposés, aux passions tout humaines, due principalement aux poèmes d’Orphée. Mais ensuite, dans sa critique de l’histoire de Moïse, il accuse ceux qui en donnent une interprétation figurée et allégorique. On pourrait riposter à cet auteur illustre qui a intitule son livre “Discours véritable” quoi donc, mon brave, des dieux s’engagent dans des aventures telles que les décrivent tes sages poètes et philosophes, ils se livrent à des unions maudites, entrent en guerre contre leurs pères, leur tranchent les organes virils, et tu prends au sérieux l’histoire qui rapporte leur audace à commettre et a souffrir ces forfaits ! Mais lorsque Moïse ne dit rien de tel sur Dieu, ni même sur les saints anges, et qu’il raconte sur les hommes de bien moindres méfaits — chez lui personne n’a les audaces de Cronos envers Ouranos, ni celles de Zeus envers son père, sans ajouter que « le père des dieux et des hommes » s’est uni à sa fille —, on pense qu’il égare ceux qu’il a trompés en leur donnant sa loi. Celse me semble agir à peu près comme le Thrasymaque de Platon, qui ne permet point à Socrate de répondre à sa guise sur la justice, mais déclare : « Garde-toi de dire que le juste c’est l’utile, l’obligatoire ou quoi que ce soit de semblable » Lui aussi, lorsqu’il accuse, croit-il, les histoires de Moïse et qu’il blâme ceux qui les interprètent en allégories tout en les louant d’être les plus raisonnables, il voudrait bien, après son accusation fantaisiste, empêcher ceux qui le peuvent de répondre comme le demande la nature des choses. LIVRE I
Ensuite, Celse prétend que sous “la conduite de Moïse leur chef, des gardeurs de chèvres et de moutons, l’esprit abusé d’illusions grossières, ont cru qu’il n’y a qu’un seul Dieu”. Qu’il nous montre alors comment, si des gardeurs de chèvres et de moutons, sans motif raisonnable, d’après lui, se sont détournés du culte des dieux, il peut lui-même justifier la multitude des dieux honorés chez les Grecs et les autres peuples barbares. Qu’il montre alors l’existence et la réalité de Mnémosyne rendue par l’action de Zeus mère des Muses, et celle de Thémis, mère des Heures. Qu’il établisse que les Grâces peuvent réellement avoir existé toujours nues. Mais il ne pourra montrer par les faits que les fictions des Grecs, qui semblent bien être des personnifications, sont des dieux. En quoi la mythologie religieuse des Grecs est-elle plus vraie, par exemple, que celle des Egyptiens qui ne connaissent dans leur langue ni Mnémosyne mère des neuf Muses, ni Thémis mère des Heures, ni Eurynome mère des Grâces, ni le nom des autres ? Combien plus efficace et supérieure à toutes ces fantaisies est la persuasion, par ce qui est visible, du bon ordre du monde et l’adoration de l’artisan unique d’un monde qui est un, en harmonie avec la réalité totale ; qui ne peut, en conséquence, avoir été l’oeuvre de plusieurs démiurges, ni être maintenu par plusieurs âmes mouvant l’ensemble du ciel. Une seule, en effet, suffît, portant tout le firmament du levant au couchant, contenant en elle-même tout ce qui est nécessaire au monde mais n’a pas sa fin en soi. Toutes choses sont parties du monde, mais Dieu n’est point partie du tout ; car Dieu ne doit pas être imparfait comme la partie est imparfaite. Mais sans doute un raisonnement plus profond montrerait-il que, en rigueur de termes, Dieu n’est pas plus un tout qu’il n’est une partie, puisque le tout est fait de parties. Et la raison ne permet pas d’admettre que le Dieu suprême soit fait de parties dont chacune ne peut faire ce que peuvent les autres. LIVRE I
Ensuite, il dit : “Ces gardeurs de chèvres et de moutons crurent en un seul Dieu Très-Haut, Adonaï, Ouranos, Sabaoth, ou tout autre nom qu’ils se plaisent à donner à ce monde, et ils n’en savent pas davantage”. Il ajoute ensuite : “Il n’importe en rien qu’on appelle le Dieu suprême « Zeus » du nom qu’il a chez les Grecs, ou « un tel » comme par exemple chez les Indiens, ou « un tel » comme chez les Egyptiens”. Il faut répondre que ce sujet touche à la question profonde et mystérieuse de la nature des noms. Sont-ils, comme croît Aristote, conventionnels ? ou, suivant l’opinion des Stoïciens, tires de la nature les premiers vocables imitant les objets qui sont à l’origine des noms, — vue selon laquelle ils proposent certains principes d’étymologie ? Ou bien, suivant l’enseignement d’Épicure, différent de l’opinion du Portique, les noms existent-ils naturellement, les premiers hommes ayant émis des vocables conformes aux choses ? Si nous pouvions, dans la question présente, établir la nature des noms « efficaces », dont certains sont en usage chez les sages d’Egypte, les doctes parmi les mages de Perse, les Brahmanes ou les Samanéens parmi les philosophes de l’Inde, et ainsi de suite pour chaque peuple , si nous étions capables de prouver que ce qu’on nomme la magie n’est pas, comme le pensent les disciples d’Épicure et d’Aristote, une pratique entièrement incohérente, mais, comme le démontrent les gens experts en cet art, un système cohérent, dont très peu connaissent les principes nous dirions alors que le nom de Sabaoth, d’Adonai, et tous les autres transmis chez les Hébreux avec une grande vénération, ne sont pas donnés d’après des réalités communes ou créées, mais d’après une mystérieuse science divine qui est attribuée au Créateur de l’univers Pour cette raison, ces noms ont de l’effet quand on les dit dans un enchaînement particulier qui les entrelace, de même encore d’autres noms prononcés en langue égyptienne à l’adresse de certains démons qui ont de l’effet dans tel domaine, ou d’autres en dialecte perse à l’adresse d’autres puissances, et ainsi dans chaque peuple. Et on trouverait de même que les noms des démons terrestres qui ont en partage des régions différentes sont prononcés de la façon qui convient au dialecte du lieu et du peuple. Celui donc qui possède de tout cela une plus noble compréhension, fut-elle restreinte, prendra soin d’adapter exactement chaque nom à chaque réalité, afin d’éviter toujours le malheur de ceux qui appliquent à faux le nom de Dieu à la matière inanimée, ou qui ravalent l’appellation du Bien, de la Cause première, de la vertu ou de la beauté à la richesse aveugle, à l’équilibre de la chair, du sang et des os qui font la santé et le bien-être, ou à ce qu’on regarde comme la noblesse de naissance. LIVRE I
Peut-être même n’y a-t-il pas moins de danger à rabaisser le nom de Dieu et le nom du Bien à ce qu’on ne doit point, qu’à changer les noms disposés selon un principe mystérieux et appliquer les noms de ce qui est mal à ce qui est bien et de ce qui est bien à ce qui est mal. Et je laisse de côte le fait que le nom de Zeus évoque immédiatement le fils de Cronos et de Rhéa, époux d’Hera, frère de Poséidon, père d’Athénée et d’Artemis, séducteur de sa fille Persephone, ou que celui d’Apollon évoque le fils de Letho et de Zeus, frère d’Artemis et demi-frère d’Hermès , et toutes les autres fictions des sages de Celse, auteurs de ces doctrines et antiques théologiens de la Grèce. Quelle distinction arbitraire que de lui donner comme nom propre Zeus, mais non Cronos pour père, ni Rhéa pour mère. Et les mêmes remarques peuvent s’appliquer aux autres prétendus dieux. Mais cette critique n’atteint nullement ceux qui, pour une raison mystérieuse, donnent à Dieu le nom de Sabaoth, d’Adonai, ou l’un des autres noms. LIVRE I
Il faut ajouter à la théorie des noms ce que rapportent les gens experts dans la pratique des incantations prononcer l’incantation dans son dialecte propre, c’est accomplir ce que l’incantation promet, traduire la même incantation dans n’importe quelle autre langue, c’est la voir sans vigueur et sans effet. Ainsi, ce ne sont pas les significations des choses que le nom désigne, mais les qualités et les propriétés des sons qui ont un certain pouvoir de faire ceci ou cela. Nous justifierons de même par des considérations de ce genre le fait que les chrétiens combattent jusqu’à la mort pour éviter de donner à Dieu le nom de Zeus ou un nom d’un autre dialecte. Car ils confessent le nom ordinaire de Dieu ou bien sans qualification, ou bien avec l’addition : « le Créateur de l’univers, qui a fait le ciel et la terre, qui a envoyé au genre humain tels et tels sages » ; et lorsque le nom de Dieu est joint au nom de ces sages, il a un effet miraculeux parmi les hommes. LIVRE I
Avant d’aborder la réponse, il faut dire de presque chaque histoire, fut-elle vraie, que vouloir établir qu’elle a eu lieu et en donner une représentation compréhensive est une chose des plus difficiles et, dans certains cas, impossible. Supposons par exemple que l’on dise que la guerre de Troie n’a pas eu lieu pour cette raison majeure que s’y mêle un récit incroyable, où un certain Achille est fils d’une déesse de la mer et d’un homme Pélée, un Sarpédon fils de Zeus, un Askalaphos et un Jalmenos d’Ares, un Énée d’Aphrodite. Comment établir la réalité de tout cela, étant donné surtout l’embarras où nous met la fiction qui s’entrelace je ne sais comment avec l’opinion qui prévaut chez tous que la guerre de Troie entre Grecs et Troyens a réellement eu lieu ? Supposons encore que l’on ne croie pas aux aventures d’Œdipe, de Jocaste et de leurs enfants Étéocle et Polynice, parce qu’on a fait intervenir dans le récit le Sphinx, sorte de demi-jeune fille : comment en établir la preuve ? Ainsi encore pour le cas des Epigones, même si rien de semblable n’est mêlé à la trame du récit, ou du retour des Héraclides, ou d’une infinité d’autres. Tout lecteur judicieux de ces histoires qui veut se garder d’erreur à leur propos discernera d’une part ce qui mérite son adhésion et ce qu’il interprétera allégoriquement en recherchant l’intention de ceux qui ont forgé de telles fictions, et d’autre part ce qu’il refusera de croire, comme écrit par complaisance pour certains. Ces remarques préliminaires à toute l’histoire de Jésus rapportée dans l’Évangile sont faites non pour inviter les gens vifs d’esprit à une foi simple et irréfléchie, mais dans le dessein d’établir que les lecteurs ont besoin d’un jugement sain et d’un examen approfondi, et en quelque sorte d’entrer dans l’intention des écrivains, pour trouver dans quel esprit chaque événement est décrit. LIVRE I
Disons donc à ceux qui refusent de les considérer comme dieux : est-ce qu’ils n’existent plus du tout et, selon la pensée de certains sur la destruction immédiate de l’âme humaine, leur âme aussi est-elle détruite ? Ou bien, suivant l’opinion de ceux qui affirment sa survivance ou son immortalité, survivent-ils en fait, immortels, non comme des dieux mais comme des héros ? Ou sans être même des héros, sont-ils simplement des âmes ? Or, si vous pensez qu’ils ne sont plus, il nous faudra établir la doctrine de l’âme, qui est de première importance. Mais s’ils existent, il n’en faut pas moins démontrer la doctrine de l’immortalité, non seulement par ce que les Grecs en ont fort bien dit, mais aussi d’après le contenu des enseignements divins. Je montrerai qu’il est impossible que ces hommes soient parvenus au rang des dieux et se soient trouvés, après leur départ d’ici-bas, dans un lieu et une condition supérieurs, en rapportant à leur sujet les histoires où sont décrits la licence effrénée d’Héraclès et son esclavage efféminé auprès d’Omphale, et la manière dont Asclépios aurait été foudroyé par leur Zeus. Sur les Dioscures, on citera les vers : « Tantôt ils vivent, un jour sur deux, et tantôt ils sont morts : ils ont le même honneur que les dieux », eux qui meurent incessamment. Comment donc est-il possible de tenir raisonnablement l’un d’entre eux pour un dieu ou un héros ? LIVRE III
Les Égyptiens, formés au culte d’Antinoos, supporteraient qu’on lui compare Apollon ou Zeus, car c’est l’honorer que le mettre au même rang. Il y a donc, pour Celse, un mensonge manifeste à dire : Ils ne supporteraient pas qu’on lui compare Apollon ou Zeus. Les chrétiens ont appris que la vie éternelle consistait pour eux à connaître « le seul véritable Dieu » suprême, et « Celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ » ; ils savent que « tous les dieux des païens sont des démons » avides, rôdant autour des victimes, du sang et des exhalaisons des sacrifices, pour tromper ceux qui ne cherchent pas refuge auprès du Dieu suprême ; ils savent que les anges de Dieu, au contraire, divins et saints, sont de tout autre nature et caractère que les démons de la terre, et sont connus du très petit nombre de ceux qui ont fait de la question une étude intelligente et approfondie : ils ne supporteraient pas une telle comparaison avec Apollon, Zeus, ou tout autre qu’on adore par le fumet de la graisse, le sang et les victimes. Certains dans leur grande simplicité ne savent pas rendre raison de leur conduite, bien qu’ils gardent judicieusement le dépôt qu’ils ont reçu. Mais d’autres le font avec des raisons non pas insignifiantes mais profondes ou, dirait un Grec, ésotériques et époptiques. Elles contiennent une ample doctrine sur Dieu, sur les êtres auxquels Dieu fait l’honneur, par son Logos, Fils unique de Dieu, de participer à sa divinité et par le fait même à son nom ; une ample doctrine également sur les anges divins et sur ceux qui sont ennemis de la vérité pour s’être trompés et, par suite de leur erreur, se sont proclamés dieux, anges de Dieu, bons démons, héros qui doivent leur existence à la métamorphose de bonnes âmes humaines. Ces chrétiens établiront aussi que, comme en philosophie beaucoup se figurent être dans le vrai pour s’être laissés abuser par des raisons spécieuses ou avoir adhéré avec précipitation aux raisons, présentées ou découvertes par d’autres, de même parmi les âmes sorties des corps, les anges et les dénions, certains furent entraînés pour des raisons spécieuses à se proclamer dieux. Et parce que ces doctrines, chez les hommes, ne peuvent être découvertes avec une parfaite exactitude, il a été jugé sûr pour l’homme de ne se confier à personne comme à Dieu, sauf au seul Jésus-Christ modérateur suprême qui a contemplé ces très profonds secrets, et les communique à un petit nombre. LIVRE III
Il dit ensuite que nous nous moquons de ceux qui adorent Zeus sous prétexte qu’on montre en Crète son tombeau, nous qui néanmoins adorons un homme sorti du tombeau, sans savoir pourquoi ni comment les Crétois agissent de la sorte. Observe qu’il prend ici la défense des Crétois, de Zeus et de son tombeau, en faisant allusion à des raisons symboliques qui auraient fait inventer, dit-on, le mythe de Zeus. Il nous critique parce que nous avons convenu que notre Jésus a été enseveli ; mais nous affirmons qu’il a surgi du tombeau, chose que les Crétois n’ont encore osé raconter de Zeus. Comme il paraît défendre ce tombeau de Zeus en Crète en nous accusant de ne savoir ni pourquoi ni comment les Crétois agissent de la sorte, je dirai : Callimaque de Cyrène qui avait étudié la plupart des poèmes et lu presque toute l’histoire grecque, ne connaissait aucune signification allégorique de l’histoire de Zeus et de son tombeau : aussi il s’en prend aux Crétois dans son hymne à Zeus : « Les Crétois toujours menteurs ! Ils ont eu beau, grand Chef, te bâtir une tombe, les Crétois ! Mais non, tu n’es pas mort, car tu vis à jamais. » Par ces mots : « Mais non tu n’es pas mort, car tu vis à jamais », il a nié que la tombe de Zeus fût en Crète, mais il rappelle que Zeus a éprouvé le commencement de la mort : car la naissance sur terre est le commencement de la mort. Il dit donc : « Dans la Parrhasie, Rhéia s’étendit et t’enfanta. » Mais comme il avait, à cause de l’histoire de son tombeau, nié la naissance de Zeus en Crète, il devait voir que sa naissance en Arcadie impliquait qu’après y être né il y mourût. Et voici ce qu’en dit Callimaque : « Zeus ! On te dit né au mont Ida ! Zeus, on te dit né en Arcadie : qui donc, ô Père, en a menti ? Les Crétois toujours menteurs ! », etc. Voilà où m’a conduit l’injustice de Celse envers Jésus : il donne bien son assentiment à l’Écriture quand elle dit que Jésus est mort et a été enseveli ; mais il tient pour fiction qu’il soit aussi ressuscité des morts, et cela, bien que d’innombrables prophètes l’aient prédit, et qu’il y ait maintes preuves qu’il s’est manifesté après sa mort. LIVRE III
Est-ce que ces récits, surtout compris comme il faut, ne paraissent pas beaucoup plus dignes de respect que celui de Dionysos, trompé par les Titans, précipité du trône de Zeus et mis en pièces par eux, et ensuite reconstitué et semblant revenir à la vie et monter au ciel ? Est-il permis aux Grecs d’en faire l’application à la doctrine de l’âme et de l’interpréter au figuré, tandis qu’on nous ferme la porte, nous interdisant une interprétation logique, concordante et harmonisée en tous points avec les Écritures inspirées par l’Esprit divin qui habite les âmes pures ? Celse n’a donc pas vu du tout l’intention de nos Écritures ; aussi est-ce sa propre interprétation qu’il attaque, et non celle des Écritures. S’il avait compris la destinée de l’âme dans l’éternelle vie future, et ce qu’impliquent son essence et son origine, il n’aurait point raillé de la sorte la venue de l’être immortel dans un corps mortel, expliquée non suivant la théorie platonicienne de la métensomatose, mais dans une perspective plus haute. Il aurait vu, au contraire, une descente extraordinaire due à un excès d’amour pour les hommes, en vue de ramener, suivant l’expression mystérieuse de la divine Écriture, « les brebis perdues de la maison d’Israël », descendues des montagnes, et vers lesquelles, le berger de certaines paraboles, « est descendu » laissant sur les montagnes celles qui ne s’étaient pas égarées. LIVRE IV
», mais ne cite pas le texte capable de faire comprendre au lecteur le caractère figuré du récit. Il n’a même pas voulu avoir l’air d’admettre que ce sont là des allégories, bien qu’il dise ensuite : Les plus raisonnables des Juifs et des chrétiens, pour la honte qu’ils en ont, tentent d’en donner une interprétation allégorique. On peut lui répondre : Alors, le récit fait par Hésiode, ton auteur inspiré, sous la forme d’un mythe sur la femme, aurait un sens allégorique quand il fait d’elle « un mal » donné aux hommes par Zeus « à la place du feu », tandis que l’histoire de la femme, tirée de la côte d’Adam endormi d’un sommeil miraculeux, et façonnée par Dieu, te paraîtrait écrite sans aucune raison ni signification cachée ? LIVRE IV
Mais il est déraisonnable de ne point rire de la première histoire comme d’un mythe, d’en admirer au contraire le sens philosophique sous le voile du mythe, et pour la seconde, en n’appliquant son esprit qu’à la lettre seule, de railler et de penser qu’elle est sans raison. Car s’il fallait, d’après la simple lettre, mettre en cause la signification allégorique, vois si les vers d’Hésiode, auteur que tu dis inspiré, ne vont pas davantage encourir la raillerie. Voici ce qu’il a écrit : « Et courroucé, Zeus qui assemble les nuées lui dit : ” Fils de Japet, qui en sais plus long que tous les autres, puisses-tu rire d’avoir volé le feu et trompé mon âme, pour ton plus grand malheur, à toi, comme aux hommes à naître ! Moi, en place de feu, je leur ferai présent d’un mal, en qui tous, au fond du coeur, se complairont à entourer d’amour leur propre malheur.” Il dit et exécute le père des dieux et des hommes ; il commande à l’illustre Héphaistos de tremper d’eau un peu de terre sans tarder, d’y mettre la voix et les forces d’un être humain et d’en former, à l’image des déesses immortelles, un beau corps aimable de vierge ; Athénée lui apprendra ses travaux, le métier qui tisse mille couleurs ; Aphrodite d’or sur son front répandra la grâce, le douloureux désir, les soucis qui brisent les membres, tandis qu’un esprit impudent, un coeur artificieux seront, sur l’ordre de Zeus, mis en elle par Hermès, le Messager, tueur d’Argos. Il dit, et tous obéissent au seigneur Zeus, fils de Cronos. En hâte, l’illustre Boiteux modèle dans la terre la forme d’une chaste vierge, selon le vouloir du Cronide. La déesse aux yeux pers, Athéné, la pare et lui noue sa ceinture. Autour de son cou les Grâces divines, l’auguste Persuasion mettent des colliers d’or ; tout autour d’elle les Heures aux beaux cheveux disposent en guirlandes des fleurs printanières. Pallas Athéné ajuste sur son corps toute sa parure. Et dans son sein, le Messager, tueur d’Argos, crée mensonges, mots trompeurs, coeur artificieux, ainsi que le veut Zeus aux lourds grondements. Puis, héraut des dieux, il met en elle la parole, et à cette femme il donne le nom de Pandore, parce que ce sont tous les habitants de l’Olympe qui, avec ce présent, font présent du malheur aux hommes qui mangent le pain. » LIVRE IV
Expédient, enivré de nectar – le vin n’existait pas encore -, pénétra dans le jardin de Zeus et sombra dans un pesant sommeil. Lors, Pauvreté, aux expédients réduite, s’avise d’avoir un enfant d’Expédient : elle se couche à son côté, et la voilà grosse d’Amour. Et c’est ainsi qu’Amour est devenu compagnon et serviteur d’Aphrodite, engendré qu’il fut pendant les fêtes de sa naissance, de plus naturellement épris de sa beauté, puisque aussi bien Aphrodite est belle. Voici dès lors, Fils d’Expédient et de Pauvreté, en quelle fortune se trouve placé Amour. LIVRE IV
D’abord, il est toujours pauvre, et loin d’être délicat et beau comme la plupart l’imaginent : rude au contraire, malpropre, va-nu-pieds, sans gîte, couchant sur la dure toujours et sans couverture, dormant au seuil des portes ou sur les routes, en bon fils de sa mère faisant toujours bon ménage avec l’indigence. Par contre, à la ressemblance de son père, il est à l’affût de tout ce qui est beau et bon ; courageux, hardi, toutes forces tendues, chasseur redoutable, toujours à tramer des ruses, avide de pensée, riche en idées expédiantes, en quête de savoir toute sa vie, expert en incantations, en philtres, en arguties. Ni immortel de nature, ni mortel, tantôt le même jour, il est en fleur, en pleine vie quand ont réussi ses expédients, tantôt il meurt, mais il reprend vie de par l’atavisme paternel. Mais le fruit de ses expédients sans cesse lui glisse entre les doigts, si bien qu’Amour jamais n’est pauvre, jamais n’est riche. Au reste, du savoir et de l’ignorance, toujours à mi-chemin. » Les lecteurs de cette page, en prenant modèle sur la malice de Celse – ce qu’à Dieu ne plaise de la part des chrétiens ! – peuvent se moquer du mythe et tourner en ridicule le sublime Platon. Mais en parvenant, dans une étude philosophique des pensées revêtues de la forme du mythe, à découvrir l’intention de Platon, on admirera la manière dont il a pu cacher les grandes doctrines pour lui évidentes sous la forme d’un mythe, à cause de la foule, et à les dire comme il fallait à ceux qui savent découvrir dans des mythes la signification véritable de leur auteur. J’ai cité ce mythe de Platon à cause de son « jardin de Zeus » qui paraît correspondre au jardin de Dieu, à cause aussi de Pauvreté, comparable au serpent qui s’y trouve, et d’Expédient à qui en veut Pauvreté, comme le serpent en veut à l’homme. Mais on peut encore se demander si Platon réussit à trouver ces histoires par hasard ; ou si, comme certains le pensent, dans son voyage en Egypte il rencontra ceux qui interprètent philosophiquement les traditions juives, apprit d’eux certaines idées, garda les unes, démarqua les autres, se gardant de heurter les Grecs en conservant intégralement les doctrines de la sagesse des Juifs, objet de l’aversion générale pour le caractère étranger de leurs lois et la forme particulière de leur régime. Mais ni le mythe de Platon, ni l’histoire « du serpent » et du jardin de Dieu avec tout ce qui s’y est passé, n’ont à recevoir ici leur explication : elle fut l’objet principal de mes efforts dans mes Commentaires sur la Genèse. LIVRE IV
Ensuite, livré pour ainsi dire uniquement à sa haine et à son animosité contre la doctrine des Juifs et des chrétiens, il dit : Les plus raisonnables des Juifs et des chrétiens allégorisent tout cela. Il ajoute : La honte qu’ils en ont leur fait chercher refuge dans l’allégorie. On pourrait lui dire : s’il faut appeler honteuses dans leur acception première les doctrines des mythes et des fictions, écrits avec une signification figurée ou de toute autre manière, à quelles histoires cette qualification s’impose-t-elle sinon aux histoires grecques ? Là, les dieux fils émasculent les dieux pères ; les dieux pères dévorent les dieux fils ; la déesse mère, à la place d’un fils, livre à celui qui est père « des dieux et des hommes », une pierre ; un père s’unit à sa fille ; une femme enchaîne son mari, prenant comme complices pour le mettre aux fers, le frère et la fille de celui qu’elle enchaîne. Mais pourquoi devrais-je énumérer les histoires absurdes des Grecs sur leurs dieux, manifestement honteuses même allégorisées ? Ainsi le passage où Chrysippe de Soles, qui passe pour avoir honoré le Portique par maints ouvrages pénétrants, explique un tableau de Samos où Héra était peinte commettant avec Zeus un acte obscène. Le grave philosophe dit dans son traité que la matière, ayant reçu les raisons séminales de Dieu, les garde en elle-même pour l’ordonnance de l’univers. Dans le tableau de Samos, Héra c’est la matière, et Zeus c’est Dieu. C’est pour cette raison et à cause des mythes de ce genre et d’une infinité d’autres, que nous refusons d’appeler, ne serait-ce que de nom, le Dieu suprême Zeus, le soleil Apollon, et la lune Artémis. LIVRE IV
De plus, supposons que les oiseaux aient entre eux des combats, et que, comme dit Celse, les oiseaux divinateurs et les autres animaux sans raison aient une nature divine et des notions de la divinité, et une prévision de l’avenir : ils le prédiraient aux autres. Alors, le passereau dont parle Homère ne ferait pas son nid là où le dragon va le dévorer lui et ses petits, et le serpent du même poète aurait évité d’être pris par l’aigle. Voici le passage de l’admirable Homère sur le premier : « Alors nous apparut un terrible présage. Un serpent au dos rutilant, effroyable, appelé à la lumière par le Dieu même de l’Olympe, jaillissant de dessous un autel s’élança vers le platane. Une couvée était là, de tout petits passereaux, juchés sur la plus haute branche et blottis sous le feuillage – huit petits ; neuf, en comptant la mère dont ils étaient nés. Le serpent les mangea tous malgré leurs pauvres petits cris. Autour de lui la mère voletait, se lamentant sur sa couvée. Il se love et soudain la saisit par l’aile, toute piaillante. Mais, à peine eut-il mangé les petits passereaux et leur mère avec eux, que le dieu qui l’avait fait paraître en fit un signe mémorable : le fils de Cronos le Fourbe l’avait soudain changé en pierre. Nous restions immobiles, à admirer l’événement, comment de si terribles monstres étaient venus troubler l’hécatombe des dieux. » Et sur le second : « Un présage leur vient d’apparaître quand ils brûlaient de le franchir (le fossé) : un aigle, volant haut, qui laisse l’armée sur sa gauche. Il porte dans ses serres un serpent rouge, énorme, qui vit, qui palpite encore et qui n’a pas renoncé à la lutte. A l’oiseau qui le tient, il porte un coup à la poitrine, près du cou, en se repliant soudain en arrière. L’autre alors le jette loin de lui à terre : saisi par la douleur, il le laisse tomber au milieu de la foule, et avec un cri s’envole, lui, dans les souffles du vent. Les Troyens frissonnent à voir à terre, au milieu d’eux, le serpent qui se tord, présage de Zeus porte-égide. » LIVRE IV
En réponse, je voudrais demander à Celse ou à ses adeptes : quel serait alors l’auteur qui a distribué dès l’origine les différentes parties de la terre aux différentes puissances tutélaires, et notamment le pays des Juifs et les Juifs à celui ou à ceux auxquels ils ont été attribués ? Est-ce que Zeus, comme le nommerait Celse, aurait distribué à une ou plusieurs puissances le peuple des Juifs et leur pays, et voulait-il que celui qui a obtenu la Judée établisse ces lois en vigueur chez les Juifs ? Ou bien cela s’est-il produit contre sa volonté ? Quelle que soit sa réponse, vois combien son raisonnement sera embarrassé. Et si les parties de la terre n’ont pas été attribuées par un seul être à leurs puissances tutélaires, c’est donc que chacune, à l’aventure et indépendamment d’un superintendant, s’est attribué au hasard une part de la terre. LIVRE V
Mais pour ne pas laisser de côté ce que Celse a dit dans l’intervalle, citons également ces paroles : ” On peut à ce propos produire comme témoin Hérodote qui s’exprime en ces termes: « Les gens de la ville de Maréa et d’Apis, habitant les régions de l’Egypte limitrophes de la Libye, se tenaient eux-mêmes pour Libyens et non pour Égyptiens, et ils supportaient mal la réglementation des sacrifices, désirant ne pas avoir à s’abstenir de la viande de vache ; ils envoyèrent au sanctuaire d’Ammon, et prétendirent qu’ils n’avaient rien de commun avec les Égyptiens; ils habitaient, disaient-ils, en dehors du Delta, ils ne partageaient pas leurs croyances; et ils voulaient pouvoir manger de tout. Mais le dieu ne le leur permit pas: il déclara que l’Egypte est le pays que le Nil arrose en le recouvrant, et que sont Égyptiens ceux qui, habitant au-dessous de la ville d’Eléphantine, boivent de l’eau de ce fleuve. » Tel est le récit d’Hérodote. Or Ammon n’est pas inférieur aux anges des Juifs pour transmettre les volontés divines. Il n’y a donc nulle injustice à ce que chaque peuple observe les pratiques religieuses de son pays. Assurément, nous trouverons qu’il y a une différence considérable entre les nations, et cependant chacune d’elles semble tenir les siennes pour les meilleures. Les Ethiopiens qui habitent Méroé adorent les seuls Zeus et Dionysos , les Arabes Uranie et Dionysos et ceux-là seulement. Tous les Égyptiens adorent Osiris et Isis, les Saïtes Athéné, les Naucratites, depuis quelque temps seulement, invoquent Sérapis ; les autres suivent chacun ses lois respectives. Les uns s’abstiennent des brebis, parce qu’ils honorent ces animaux comme sacrés, les autres des chèvres, ceux-ci des crocodiles, ceux-là des vaches, et ils s’abstiennent des porcs parce qu’ils les ont en horreur. Pour les Scythes, eux, c’est une action vertueuse de manger des hommes, et il y a des Indiens qui pensent accomplir une action sainte en mangeant leurs pères. Le même Hérodote le dit quelque part : en foi de quoi je citerai encore son texte. « Si en effet on imposait à tous les hommes de faire un choix parmi toutes les lois et qu’on leur enjoignît de choisir les plus belles, chacun après mûr examen choisirait celles de son pays; tant ils sont convaincus, chacun de son côté, que leurs propres lois sont de beaucoup les plus belles. Dans ces conditions, il n’est pas vraisemblable qu’un autre qu’un fou fasse des choses de ce genre un objet de risée. Et que telle soit à l’égard des lois la conviction de tous les humains, on peut en juger par de nombreux témoignages, en particulier par celui-ci. Darius, du temps qu’il régnait, appela les Grecs qui étaient près de lui et leur demanda à quel prix ils consentiraient à manger leurs pères morts; ils déclarèrent qu’ils ne le feraient à aucun prix. Ensuite, Darius appela les Indiens qu’on nomme Callaties, lesquels mangent leurs pères; et, en présence des Grecs qui, grâce à un interprète, comprenaient ce qui se disait, il leur demanda à quel prix ils accepteraient de brûler leurs pères décèdes; ils poussèrent de grands cris et prièrent Darius de ne pas prononcer des paroles de mauvais augure. Telles sont donc, en fait, les coutumes établies; et, à mon avis, Pindare a eu raison de dire que la coutume règne sur tous. » LIVRE V
Il y a donc, à parler en général, deux lois : l’une, la loi de la nature, dont on peut dire que Dieu est l’auteur ; l’autre, la loi écrite des cités. Il est bon, quand la loi écrite ne contredit pas celle de Dieu, de ne pas troubler les citoyens par des lois étrangères. Mais quand la loi de la nature, c’est-à-dire de Dieu, ordonne le contraire de la loi écrite, vois si la raison n’impose pas de congédier les textes et l’intention des législateurs, pour se donner au Dieu Législateur et choisir une vie conforme à son Logos, dut-on affronter des risques, mille souffrances, la mort et l’infamie. Quand les actions qui plaisent à Dieu sont contraires à celles qui plaisent à certaines lois des cités, et qu’il est impossible de plaire à Dieu et à ceux qui veillent à l’application de ces lois, il serait absurde de mépriser les actions par lesquelles on plairait au Créateur de l’univers et de choisir celles par lesquelles on déplaira à Dieu tout en donnant satisfaction aux lois qui ne sont pas des lois et à ceux qui les aiment. S’il est raisonnable de préférer sur les autres points la loi de la nature, qui est la loi de Dieu, à celle qui est écrite et promulguée par les hommes en contradiction avec la loi de Dieu, combien plus ne le sera-t-il pas quand il s’agit de lois sur le culte à rendre à Dieu ? Aussi n’irons-nous pas comme les Égyptiens habitant les alentours de Méroé, adorer les seuls Zeus et Dionysos comme il leur plaît de faire, ni accorder le moindre honneur aux dieux d’Ethiopie à la manière éthiopienne ; ni comme les Arabes penser qu’Uranie et Dionysos soient les seuls dieux, ni même du tout admettre qu’ils sont des dieux en qui on honore les sexes masculin et féminin, car les Arabes adorent Uranie comme femelle et Dionysos comme mâle ; ni non plus comme tous les Égyptiens regarder Osiris et Isis comme des dieux, ni leur joindre Athéné suivant l’opinion des Saïtes. Et même si les Naucratites autrefois décidèrent d’adorer d’autres dieux, et ont commencé hier ou avant-hier à vénérer Sérapis qui n’avait jamais été dieu, nous n’irons pas pour autant faire un nouveau dieu de celui qui auparavant n’était pas dieu, et n’était pas même connu des hommes. Mais le Fils de Dieu, « Premier-né de toute créature », bien qu’il ait paru s’être fait homme récemment, n’en est pas du tout nouveau pour cela. Les divines Écritures le savent bien antérieur à toutes les créatures : c’est à lui que Dieu, lors de la création de l’homme, adressa la parole : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance. » LIVRE V
Je veux montrer à quel point Celse déraisonne en disant que chacun doit rendre un culte aux dieux particuliers de son pays. Il dit que les Ethiopiens qui habitent Méroé connaissent deux seuls dieux, Zeus et Dionysos, les seuls qu’ils adorent ; que les Arabes de même n’en adorent que deux seuls, Dionysos comme les Ethiopiens, et Uranie qui leur est propre. Et d’après ce qu’il rapporte, ni les Ethiopiens n’adorent Uranie, ni les Arabes Zeus. Dès lors, qu’un Ethiopien se trouve d’aventure chez les Arabes, qu’on le juge impie pour son refus d’adorer Uranie et de ce chef qu’il risque sa vie, cet homme devra-t-il mourir ou violer ses traditions et adorer Uranie ? S’il a le devoir de violer ses traditions, il commettrait une impiété d’après les arguments de Celse. Mais s’il était conduit au supplice, que Celse montre qu’il est raisonnable de choisir la mort. Je ne sais si la doctrine des Ethiopiens leur enseigne à philosopher sur l’immortalité de l’âme et la récompense due à la piété quand ils adorent, conformément aux lois traditionnelles, de prétendus dieux. On dirait la même chose pour des Arabes venus par hasard vivre parmi les Ethiopiens qui habitent autour de Méroé. Eux aussi, formés à l’adoration des seuls Uranie et Dionysos, refuseraient d’adorer Zeus avec les Ethiopiens. Si alors, considérés comme impies, ils étaient conduits au supplice, que devraient-ils faire d’après la raison, à Celse de le dire ! Détailler les mythes d’Osiris et d’Isis serait ici un hors d’oeuvre superflu. Même interprétés allégoriquement, ils nous enseigneraient à adorer l’eau inanimée et la terre que foulent les hommes et tous les animaux : c’est ainsi qu’ils font, je crois, d’Osiris l’eau et d’Isis la terre. De Sérapis il existe une histoire longue et incohérente : il fut introduit hier ou avant-hier par certains sortilèges de Ptolémée, désireux de le présenter aux Alexandrins comme un dieu visible. J’ai lu chez le Pythagoricien Noumenios, à propos de la nature de Sérapis, qu’il participerait à l’être de tous les animaux et végétaux régis par la nature. Il paraît ainsi avoir été établi comme dieu grâce aux mystères profanes et aux pratiques de sorcellerie qui évoquent les démons : ce n’était pas seulement le fait des sculpteurs mais aussi des magiciens, des sorciers et des démons que charment leurs incantations. LIVRE V
Voyons aussi les paroles suivantes de Celse, dont très peu concernent les chrétiens et la plupart concernent les Juifs : ” Si donc, en vertu de ce principe, les Juifs gardaient jalousement leur propre loi on ne saurait les blâmer, mais bien plutôt ceux qui ont abandonné leurs traditions pour adopter celles des Juifs. Mais s’ils veulent s’enorgueillir d’une sagesse plus profonde et fuir la société des autres qu’ils estiment moins purs, ils ont déjà la réponse : même leur doctrine sur le ciel ne leur est pas propre, mais, pour omettre tous les autres exemples, c’était aussi depuis longtemps la doctrine des Perses, comme l’indique quelque part Hérodote: « Ils ont coutume de monter sur les plus hauts sommets pour offrir des sacrifices à Zeus, appelant Zeus tout le cercle du ciel. » Or je pense qu’il est indifférent d’appeler Zeus Très-Haut, Zen, Adonaï, Sabaoth, Amon comme chez les Égyptiens, Papaeos comme les Scythes. Et certainement les Juifs ne sont pas plus saints que les autres peuples pour être circoncis : les Égyptiens et les Colchidiens l’ont été avant eux ; ni pour s’abstenir des porcs: ainsi font les Égyptiens qui s’abstiennent en outre des chèvres, des brebis, des b?ufs et des poissons ; ainsi font Pythagore et ses disciples qui s’abstiennent de fèves et de tout être animé vivant. Il n’est pas du tout vraisemblable qu’ils jouissent de la faveur et de l’amour de Dieu à un plus haut degré que les autres, ni que des anges soient envoyés du ciel à eux seuls, comme s’ils avaient obtenu en partage une terre de bienheureux: nous voyons assez quel traitement ils ont mérité eux et leur pays. LIVRE V
Puisque Celse entend assimiler les lois sacrées des Juifs aux lois de certains peuples, qu’on me laisse examiner encore ce point. Il pense que la doctrine sur le ciel n’est pas différente de la doctrine sur Dieu, et il dit que les Perses, comme les Juifs, offrent des sacrifices à Zeus, en montant sur les plus hauts sommets. Il ne voit pas que les Juifs ne reconnaissent qu’un seul Dieu, et de même n’ont qu’une sainte maison de la prière, qu’un autel des holocaustes, qu’un encensoir pour l’encens, qu’un grand-prêtre de Dieu. Les Juifs n’avaient donc rien de commun avec les Perses qui montent sur les plus hauts sommets qui sont en grand nombre, et accomplissent des sacrifices qui n’ont rien de comparable à ceux de la loi mosaïque. D’après celle-ci, les prêtres juifs célébraient un culte « qui était l’image et l’ombre des réalités célestes », mais exposaient en secret la signification de la loi sur les sacrifices et les réalités dont ils étaient les figures. Que les Perses appellent donc Zeus tout le cercle du ciel ; pour nous, nous déclarons que le ciel n’est ni Zeus, ni Dieu, car nous savons qu’il y a aussi des êtres inférieurs à Dieu, élevés au-dessus des cieux et de toute nature sensible. Voilà dans quel sens nous comprenons les paroles : « Louez Dieu, cieux des cieux, et eaux par-dessus les cieux : qu’ils louent le nom du Seigneur ! » LIVRE V
Et puisque Celse pense qu’il est indifférent d’appeler Zeus Très-Haut, Zen, Adonaï, Sabaoth, Amon comme les Égyptiens, Papaeos comme les Scythes, qu’on me permette encore quelques mots sur ce point, en rappelant au lecteur ce qui a été dit plus haut quand le texte de Celse y invitait. LIVRE V
S’il en va ainsi des noms humains, que faut-il penser des noms attribués pour une raison ou l’autre à la divinité ? Par exemple, il y a en grec une traduction du mot Abraham, une signification du nom Isaac, un sens évoqué par le son Jacob. Et si, dans une invocation ou un serment, on nomme « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », la formule produit son effet, soit par la qualité naturelle de ces noms, soit par leur puissance. Car les démons sont vaincus et dominés par celui qui prononce ces noms. Mais si l’on dit : le Dieu du père choisi de l’écho, le Dieu du rire, le Dieu du supplanteur, on n’obtient pas plus d’effet qu’avec un autre nom dépourvu de puissance. On n’aurait pas plus de résultat en traduisant en grec ou dans une autre langue le nom d’Israël ; mais, en le conservant et en lui adjoignant ceux auxquels ont coutume de l’unir les gens experts en la matière, on peut réaliser l’effet promis à ces invocations faites dans cette langue. On dira la même chose du mot Sabaoth, fréquemment employé dans les incantations. A traduire ce nom : Seigneur des puissances, Seigneur des Armées, Tout-Puissant – car ses traducteurs lui donnent différentes acceptions ?, l’effet en sera nul ; alors que si on lui garde sa sonorité propre, on obtiendra de l’effet, au dire des spécialistes. On dira la même chose du mot Adonaï. Si donc ni Sabaoth, ni Adonaï, dans la traduction grecque de ce qu’ils semblent signifier n’ont aucun effet, combien plus seront-ils dépourvus d’efficacité et de puissance quand on croit qu’il est indifférent d’appeler Zeus Très-Haut, Zen, Adonaï, Sabaoth ! Instruits de tels secrets et d’autres semblables, Moïse et les prophètes ont interdit de prononcer « les noms d’autres dieux » par une bouche habituée à ne prier que le Dieu suprême, et de se ressouvenir d’eux dans un c?ur exercé à se garder de toute vanité de pensées et de paroles. C’est aussi la raison pour laquelle nous préférons supporter tous les mauvais traitements plutôt que de reconnaître Zeus pour Dieu. Car nous pensons que Zeus n’est pas identique à Sabaoth mais que, loin d’être une divinité, il n’est qu’un démon prenant plaisir à être ainsi nommé, ennemi des hommes et du Dieu véritable. Et même si les Égyptiens nous proposent Amon en nous menaçant de châtiments, nous mourrons plutôt que de proclamer Amon dieu : c’est un nom probablement usité dans certaines incantations égyptiennes qui évoquent ce démon. Libre aux Scythes de nommer Papaeos le Dieu suprême : nous ne le croirons pas. Nous admettons bien le Dieu suprême, mais refusons de donner à Dieu le nom propre de Papaeos, qui n’est qu’un nom agréable au démon ayant en partage le désert, la race et la langue des Scythes. Mais ce n’est pas pécher que de donner à Dieu le nom commun en langue scythe, égyptienne, ou toute autre langue maternelle. LIVRE V
Celse, par ses redites, semble faire tout son possible pour me contraindre à des redites quand il ajoute, en vantard qu’il est, aux vantardises qui précèdent : Platon ne se vante ni ne ment, prétendant trouver du neuf ou venir du ciel nous l’annoncer : il avoue la source de cette connaissance. A quoi on peut répliquer, si l’on veut répondre à Celse, que même Platon se vante quand il fait dire à Zeus dans la harangue du Timée : « Dieux, fils de dieux, dont je suis créateur et père, etc. » Ira-t-on justifier ces expressions par le sens que leur donne Zeus dans sa harangue chez Platon ? Mais alors pourquoi, si l’on étudie les sens des paroles du Fils de Dieu, ou de celles du Créateur chez les prophètes, n’aurait-on pas bien plus à dire que Zeus dans sa harangue du Timée ? Ce qui caractérise la divinité, c’est l’annonce d’événements futurs : leur prédiction dépasse la nature humaine, leur accomplissement permet de juger que celui qui l’annonce est l’esprit divin. LIVRE VI
Ensuite, pour faire étalage de son érudition dans le traité qu’il nous oppose, Celse évoque certains mystères des Perses : C’est encore ce que laissent entendre la doctrine des Perses et l’initiation mithriaque pratiquée chez eux. Là une figure représente les deux orbites célestes, l’une fixe, l’autre assignée aux planètes, et le passage de l’âme à travers elles. Et voici la figure: une échelle à sept portes, surmontée d’une huitième. La première est de plomb, la seconde d’étain la troisième de bronze, la quatrième de fer, la cinquième d’un alliage, la sixième d’argent, la septième d’or. On attribue la première à Cronos, symbolisant par le plomb la lenteur de cet astre; la seconde à Aphrodite en lui comparant le brillant et la mollesse de l’étain; la troisième à Zeus, celle à la base de bronze et solide; la quatrième à Hermès, le fer ainsi qu’Hermès étant jugés endurcis à tous les travaux, utiles au commerce, d’une endurance à toute épreuve; la cinquième, provenant d’un alliage, inégale et variée, à Ares; la sixième, d’argent, à la lune, et la septième, d’or, au soleil, dont ils imitent les couleurs. LIVRE VI
Ensuite, à l’adresse de ceux qui, pratiquant la magie et la sorcellerie invoquent les noms barbares de certains démons, il dit que ces gens font la même chose que ceux qui font des prestiges en invoquant les mêmes démons devant ceux qui ignorent que les noms des démons sont différents chez les Grecs et chez les Scythes. Et il tire d’Hérodote l’affirmation que les Scythes appellent Apollon Gongosyre, Poséidon Thagimasade, Aphrodite Argimpase, Hestia Tabiti. Aux gens compétents d’examiner si là encore Celse ne partage point la méprise d’Hérodote, car les Scythes n’ont pas les mêmes idées que les Grecs sur les prétendus dieux. Quelle vraisemblance y a t-il que chez les Scythes Apollon soit appelé Gongosyre ? Je ne crois pas que traduit en grec le mot Gongosyre présente le même sens qu’Apollon, ou qu’Apollon traduit en langue scythe signifie Gongosyre. Ainsi des autres noms, on ne dira pas davantage qu’ils aient la même signification. Les Grecs et les Scythes, à partir de raisons et d’étymologies différentes, ont donné des noms différents à ceux qu’ils considéraient comme des dieux : de même pour les Perses et les Indiens, les Ethiopiens et les Libyens : chaque peuple donnait ainsi le nom qui lui plaisait parce qu’il n’avait pas gardé la pure conception originelle du Créateur de l’univers. Mais j’en ai suffisamment parlé dans les pages précédentes en tentant d’établir que Sabaoth n’est pas identique à Zeus, et en citant les passages des divines Écritures relatifs aux langues. Je laisse donc délibérément de côté ce point où Celse provoque aux redites. LIVRE VI
Après la citation, sans expliquer comment ces mythes contiennent une doctrine supérieure, et comment nos doctrines les travestissent, il continue à nous injurier : Ces mythes ne sont pas la même chose que leur doctrine du démon adversaire ou, dirait-on avec plus de vérité, du sorcier rival. Ainsi comprend-il encore Homère insinuant les mêmes vérités qu’Héraclite, Phérécyde, et ceux qui introduisent les mystères des Titans et des Géants, dans ces paroles d’Héphaïstos à Héra : « Une fois déjà j’ai voulu te défendre : il m’a pris par le pied et lancé loin du seuil sacré. » De même, dans ces paroles de Zeus à Héra : « As-tu donc oublié le jour où tu étais suspendue dans les airs. J’avais à les pieds accroché deux enclumes et jeté autour de tes mains une chaîne d’or infrangible; et tu étais là, suspendue en plein éther, en pleins nuages. LIVRE VI
Les autres dieux avaient beau gronder du haut de l’Olympe: ils étaient incapables de t’approcher et de le délivrer. Celui que j’y prenais, je le saisis et le jetai loin du seuil, pour qu’il n’atteignît la terre qu’assez mal en point. » De plus, il commente les vers homériques : Ces paroles de Zeus à Héra sont les paroles de Dieu à la matière ; et les paroles à la matière insinuent que, comme elle était originellement à l’état de chaos, Dieu, la divisant en certaines proportions, y mit de l’unité et de l’ordre. Tous les démons qui rôdaient autour d’elle avec insolence, il les précipita en châtiment sur les roules d’ici-bas. En comprenant ainsi les vers homériques, Phérécyde a dit : « Au-dessous de celle région est celle du Tartare; les Harpies et les Tempêtes, filles de Borée, en assurent la garde, c’est là que Zeus relègue les dieux révoltés. » Il ajoute que des idées analogues sont suggérées par le très beau péplos d’Athéna que tous contemplaient à la procession des Panathénées. La preuve qu’il en donne est que cette déesse sans mère et sans souillure triomphe des audacieux fils de la terre. LIVRE VI
Celse continue en ces termes : Il y a plus. Si Dieu, comme le Zeus de la comédie qui se réveille d’un long sommeil, voulait délivrer le genre humain de ses maux, pourquoi envoya-t-il cet esprit que vous dites dans un seul coin de terre? Il aurait fallu insuffler de la même manière un grand nombre de corps et les envoyer par toute la terre. Le poêle comique, pour provoquer le rire au théâtre, écrit que Zeus à son réveil envoya Hermès aux Athéniens et aux Lacédémoniens. Et toi, ne crois-tu pas que le Fils de Dieu envoyé aux Juifs est une fiction plus dérisoire ? Vois donc là encore le manque de sérieux de Celse, qui, d’une façon indigne d’un philosophe, évoque la bouffonnerie du poète comique et compare notre Dieu, le Créateur de l’univers, au personnage de sa pièce qui à son réveil envoie Hermès. LIVRE VI
Voilà ce que j’avais à dire contre le propos inconvenant de Celse : Il aurait fallu qu’il insufflât de la même manière un grand nombre de corps et les envoyât par toute la terre. Le poète comique, donc, fait rire en représentant Zeus endormi qui à son réveil envoie Hermès aux Grecs. Mais que le Logos, qui sait que la nature de Dieu n’est pas sujette au sommeil, nous enseigne que Dieu administre les affaires du monde à tout moment, comme l’exige la droite raison ! Rien d’étonnant si, dans la profondeur inscrutable des jugements de Dieu, les âmes sans instruction s’égarent, et Celse avec elles. Il n’y a donc rien de dérisoire à ce que le Fils de Dieu ait été envoyé aux Juifs chez qui avaient vécu les prophètes, afin que, partant de là corporellement, il se levât avec sa puissance et son esprit sur le monde des âmes qui ne voulait plus rester vide de Dieu. LIVRE VI
Telles sont les idées concernant le Seigneur et les seigneurs que les divines Écritures proposent à notre recherche et à notre réflexion, disant ici : « Célébrez le Dieu des dieux, car sa pitié est éternelle, célébrez le Seigneur des seigneurs », et là : « Dieu est Roi des rois et Seigneur des seigneurs ». Et l’Écriture distingue les prétendus dieux de ceux qui le sont en effet, qu’ils en aient ou non le titre. Paul enseigne la même doctrine sur les seigneurs authentiques ou non : « Bien qu’il y ait au ciel et sur la terre de prétendus dieux, et de fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs.» Puis, comme «le Dieu des dieux », par Jésus, appelle du levant et du couchant ceux qu’il veut à son héritage, comme le Christ de Dieu qui est Seigneur prouve qu’il est supérieur à tous les seigneurs, du fait qu’il a pénétré les territoires de tous et qu’il appelle à lui les gens de tous ces territoires, Paul, parce qu’il savait tout cela, dit après le passage cité : « Mais pour nous il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » Et, percevant là une doctrine admirable et mystérieuse, il ajoute : « Mais tous n’en ont pas la science. » Or, en disant : « Mais pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe », il désigne par « nous » lui-même et tous ceux qui se sont élevés jusqu’au suprême Dieu des dieux et au Seigneur des seigneurs. On s’est élevé jusqu’au Dieu suprême lorsqu’on l’adore sans séparation, division ni partage, par son Fils, Logos de Dieu et Sagesse que l’on contemple en Jésus, qui seul Lui amène ceux qui s’efforcent en toutes manières de s’unir au Créateur de l’univers par la qualité de leurs paroles, de leurs actions et de leurs pensées. Pour cette raison, je crois, et d’autres semblables, le Prince de ce monde, se transformant en ange de lumières, a fait écrire : « A sa suite vient toute une armée de dieux et de démons, répartis en onze sections », dans l’ouvrage où à propos de lui-même et des philosophes il dit : « Nous sommes, nous, avec Zeus, et d’autres sont avec d’autres démons. » LIVRE VIII
Comme certains sculpteurs ont réussi d’admirables chefs d’oeuvre, par exemple Phidias et Polyclète, ou les peintres Zeuxis et Appelle, comme d’autres ont fait de moins belles oeuvres, et que d’autres sont encore inférieurs à ceux-là, comme, en un mot, il y a une infinie diversité dans la confection de statues et d’images, de la même manière il y a des statues du Dieu suprême d’une facture si parfaite et d’une science si consommée qu’on ne peut établir de comparaison entre le Zeus Olympien sculpté par Phidias et l’homme sculpté à l’image de Dieu qui l’a créé. Mais de toutes les images qui existent dans la création entière, la plus belle de beaucoup et la plus parfaite est en notre Sauveur qui dit : « Le Père est en moi. » LIVRE VIII
Puis après cela, sans l’avoir entendu dire par aucun chrétien, sinon par un chrétien de la foule, étranger à nos lois et à notre culture, il déclare : Les Chrétiens disent : voici que je me tiens devant la statue de Zeus, d’Apollon ou de quelque autre dieu, je l’injurie et le frappe, et il ne se venge pas de moi. C’est ne pas connaître la prescription de la Loi : « Tu ne diras pas de mal des dieux », pour que notre bouche ne s’habitue point à dire du mal de qui que ce soit, car nous connaissons le précepte : « Bénissez, ne maudissez pas », et nous recevons l’enseignement : « Les calomniateurs n’hériteront pas le royaume de Dieu. » Y a-t-il chez nous quelqu’un d’assez stupide pour dire cela sans voir que ce genre de propos est absolument inapte à détruire l’opinion qu’on a des prétendus dieux ? Car ceux qui professent l’athéisme radical et nient la Providence, et qui par leurs doctrines perverses et impies ont donné naissance à une école de soi-disant philosophes, n’ont eux-mêmes rien eu à souffrir de ce que la foule tient pour des maux, pas plus que ceux qui ont embrassé leurs doctrines ; mais ils ont au contraire richesse et santé corporelle. Que si l’on recherche le dommage qu’ils ont subi, on verra que c’est un dommage dans l’intelligence. Car quel dommage plus grand que de ne pas comprendre à partir de l’ordre du monde Celui qui l’a fait ? Et quelle misère pire que l’aveuglement de l’intelligence empêchant de voir le Créateur et père de toute intelligence ? LIVRE VIII
Quelque forme que prenne notre prédication du châtiment, nous convertissons beaucoup d’hommes de leurs péchés en leur enseignant le châtiment. Mais considérons ce qu’au dire de Celse répond le prêtre d’Apollon ou de Zeus: « Lentement tournent les meules des dieux, dit-il, même sur les fils des fils qui naîtront dans l’avenir. » Vois combien est supérieur ce qu’on enseigne : « Les pères ne seront pas mis à mort pour les enfants, ni les fils mis à mort pour les pères, chacun sera mis à mort pour son péché » ; « Tout homme qui mangera des raisins verts, ses dents seront agacées » ; « Le fils ne portera pas l’iniquité du père, le père ne portera pas l’iniquité du fils ; la justice du juste sera sur lui, la méchanceté du méchant sera sur lui. » Et si, comme équivalent au vers : « Sur les fils des fils qui naîtront dans l’avenir », on cite le texte : « Punissant l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération pour ceux qui me haïssent », qu’on apprenne que c’est là un proverbe cité dans Ézéchiel lorsqu’il reprend ceux qui disent : « Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des fils ont été agacées. » A quoi il ajoute : « Je suis vivant, dit le Seigneur, chacun mourra pour son péché. » Mais il n’est pas opportun d’expliquer maintenant ce que signifie la parabole sur les péchés qui sont punis jusqu’à la troisième et quatrième génération. LIVRE VIII
Or nous disons : pour bénir le soleil, nous n’attendons pas qu’on nous l’ordonne, nous qui avons appris à bénir non seulement ceux qui se rangent sous le même ordre que nous, mais encore les ennemis. Nous bénirons donc le soleil comme une belle créature de Dieu qui garde les lois de Dieu, entend la parole : « Soleil et mer, louez le Seigneur ! » et de toute sa puissance chante un hymne au Père et Créateur de l’univers. Toutefois, en rangeant Athènè avec le soleil, les traditions des Grecs ont inventé la fable, avec ou sans significations allégoriques, qu’elle est née toute armée du cerveau de Zeus et que, poursuivie un jour par Hèphaestos qui voulait corrompre sa virginité, elle lui échappa ; mais elle en aima la semence, dans l’ardeur du désir tombée à terre ; et elle éleva sous le nom d’Érichthonios, comme on le dit, « l’enfant de la glèbe féconde qu’Athènè, fille de Zeus, jadis éleva. « On voit ainsi que pour reconnaître Athènè, fille de Zeus, on doit admettre bien des mythes et des fictions que ne peut admettre celui qui fuit les mythes et cherche la vérité. LIVRE VIII