Wion : LE PLUS PUISSANT DES ROIS

Le visage empreint de noblesse, l’allure majestueuse, monté sur un cheval blanc, la tête ornée d’une couronne d’or étincelante de pierreries les plus précieuses, revêtu de soie pourpre et de fourrures rares, tenant dans sa main droite un sceptre d’émeraude, s’avance, précédé de la Croix et des membres de son clergé, un roi descendant des rois mages, un roi venant du fond du monde, d’une contrée mystérieuse, afin d’aider les Croisés à conquérir la Terre Sainte !

Ce roi est prêtre, il est plus puissant que Salomon, ses armées sont innombrables et invincibles, son royaume est immense et sa richesse fabuleuse.

C’est sous cet aspect féerique que le peuple de la seconde moitié du 12e siècle, en Europe, se représentait ce roi, peu de temps encore ignoré de tous, et dont la venue venait de lui être annoncée.

C’est cette figure de légende, considérée par les uns comme un mythe, par les autres comme réelle, mais qui n’a cependant rien de commun avec le Masque de fer ou le comte de Saint-Germain, que nous allons essayer de faire revivre en nous aidant de l’Histoire, de la Légende et d’une Lettre. Ce retour en plein Moyen Age, réanimera une époque captivante où se rencontrent des Papes plus politiques que religieux, des Rois plus religieux qu’hommes d’État, des savants, des mystiques, des illuminés, des aventuriers. Un monde qui plus qu’en tout autre moment de l’histoire, joua un rôle considérable dans ce que nous serions tenté de nommer : la technique des relations internationales. Période où nous verrons se greffer en Europe, sous l’angle politique, économique et religieux, le plus important, le plus révolutionnaire de tous les phénomènes révélés : la connaissance directe du domaine intellectuel et philosophique de l’Orient.

Époque où Plan Carpin partait pour la Tartarie, où Averroès venait professer à Paris.

Moment incomparable de l’Histoire où, au milieu de tout ce brassement d’idées et de peuples, inaccessible, lointain et mystérieux, se projetait sur l’Occident l’ombre du Prêtre-Jean !

Ce roi fabuleux, ce tenant des deux pouvoirs spirituel et temporel, auquel les héraldistes du XVe siècle, dans leur admiration béate, avaient donné des armes qui le plaçait avant le Pape, suscita des vocations de chercheurs, mais hélas au résultat décevant.

Notre but est d’essayer de l’identifier et de le localiser en le dégageant des événements politiques, religieux, militaires et philosophiques qui le recouvrent, et auxquels, comme toujours, vient se greffer la légende.

Naturellement, pour analyser les trente-deux ans d’histoire, entre 1145 et 1177, il nous faudra remonter bien au-delà du XIIe siècle.