vierges (Eckhart)

« Il a été en faveur près de Dieu en ses jours ». Il y a plus d’un jour lorsqu’on dit « en ses jours » : jour de l’âme et jours de Dieu. Les jours qui se sont écoulés depuis six ou sept jours et les jours qui ont été il y a six mille ans sont aussi proches du jour d’aujourd’hui que le jour qui fur hier. Pourquoi ? Là est le temps dans un maintenant présent. De ce que le ciel déploie sa course, la première, la première révolution du ciel produit un jour. Là advient en un maintenant le jour de l’âme, et dans sa lumière naturelle où toutes choses sont, là est un jours total ; là jour et nuit sont un. Là est le jour de Dieu, là l’âme se tient dans le jour de l’éternité dans un maintenant essentiel, et là le Père engendre le Fils unique dans un maintenant présent, et l’âme se trouve engendrée à nouveau en Dieu. Aussi souvent advient cette naissance, aussi souvent elle engendre le Fils unique. C’est pourquoi il est beaucoup plus de fils qu’engendrent les vierges qu’il n’en est qu’engendrent les femmes, car elles ( = les vierges ) engendrent par delà le temps dans l’éternité. Quel que soit le nombre des fils qu’engendre l’âme dans l’éternité, ils ne sont pas plus qu’un seul Fils, car cela advient par delà le temps dans le jour de l’éternité. Sermon 10

J’ai dit une fois : Les vierges suivent l’agneau partout où il va, sans intermédiaire. Ici se trouvent quelques vierges, et quelques-unes ici ne sont pas vierges qui pourtant croient l’être. Celles qui sont les vraies vierges, partout où va l’agneau elles le suivent dans la souffrance comme dans l’amour. Certaines suivent l’agneau lorsqu’il va dans la douceur et dans le confort ; mais lorsqu’il va dans la douleur et dans l’inconfort et dans les travaux, elles s’en retournent et ne le suivent point. Pour vrai, elles ne sont pas vierges, quand bien même elles le paraissent. Certaines disent : Hélas, Seigneur, je veux bien venir là dans les honneurs et dans la richesse et dans le confort. Pour vrai, si l’agneau a ainsi vécu et s’il ( nous ) a ainsi précédés, je tiens pour bon que vous ( le ) suiviez ainsi, car les vierges s’aventurent derrière l’agneau par passes étroites et au large et partout où il s’aventure. Sermon 11

Saint Jean vit un agneau se tenir sur la montagne de Sion, et par-devant il avait inscrit sur son front son nom et le nom de son Père, et avait debout près de lui cent quarante-quatre mille. Il dit que c’étaient tous des vierges, et ils chantaient un chant nouveau que personne ne pouvait chanter si ce n’est eux, et ils suivaient l’agneau partout où il allait. Sermon 13

Il dit : « Sur la montagne ». Comment cela doit-il advenir que l’on parvienne à cette limpidité ? Ils étaient vierges et étaient en haut sur la montagne et étaient fiancés à l’agneau et refusés à toutes créatures, et suivaient l’agneau partout où il allait. Certaines gens suivent l’agneau aussi longtemps que tout va bien pour eux ; mais dès lors que cela ne va pas selon leur volonté, ils rebroussent chemin. Cela n’est pas entendu dans ce sens, car il dit : « Ils suivaient l’agneau partout où il allait. » Si tu es vierge et que tu es fiancé à l’agneau et refusé à toutes créatures, alors tu suis l’agneau partout où il va ; tu ne te trouves pas alors désarçonné, lorsque viennent souffrances de la part de tes amis ou de la part de toi-même par quelque tentation. Sermon 13

Saint Jean dans une vision vit sur le mont Sion un agneau debout, et près de lui quarante-quatre qui n’étaient pas terrestres et n’avaient pas le nom de femmes. Ils étaient tous vierges et se tenaient au plus près de l’agneau, et là où l’agneau s’engageait, là ils s’engageaient derrière lui, et chantaient tous avec l’agneau un chant étrange, et avaient leur nom et le de leur Père inscrit devant sur leur tête. Sermon 13a