J’ai dit un petit mot, d’abord en latin, qui se trouve écrit dans l’évangile et qui, traduit, dit ceci : « Notre Seigneur Jésus Christ monta à un petit château fort et fut reçu par une vierge qui était une femme. » Sermon 2
Et bien, prêtez maintenant attention avec zèle à ce mot : il faut de nécessité qu’ait été une vierge l’être humain par qui Jésus fut reçu. Vierge veut dire rien moins qu’un être humain qui est dépris de toutes images étrangères, aussi dépris qu’il l’était alors qu’il n’était pas. Voyez, on pourrait maintenant demander comment l’être humain qui est né et en est arrivé à une vie intellectuelle, comment peut-il être aussi dépris de toutes images que lorsqu’il n’était pas, alors qu’il sait beaucoup, toutes choses qui sont des images ; comment peut-il alors être dépris ? Prêtez attention maintenant à la distinction que je veux vous exposer. Serais-je à ce point doué d’intellect qu’en moi se trouveraient sous mode intellectuel toutes les images que tous les hommes ont jamais accueillies et qui se trouvent en Dieu même, serais-je sans attachement propre au point que d’aucune je ne me sois saisi avec attachement propre dans le faire ou dans l’omettre, par anticipation ni par atermoiement, plus : au point que dans ce maintenant présent je me tienne libre et dépris en vue de la très chère volonté de Dieu et pour l’accomplir sans relâche, en vérité je serais alors vierge sans entraves d’aucune image, aussi vraiment que j’étais alors que je n’étais pas. Sermon 2
Je dis en outre : Que l’être humain soit vierge, voilà qui ne lui ôte rien de rien de toutes les oeuvres qu’il a jamais faites ; il se tient là virginal et libre sans aucune entrave en regard de la vérité suprême, comme Jésus est dépris et libre, et en lui-même virginal. De ce que disent les maîtres, que seules les choses égales sont capables d’union, il suit qu’il faut que soit intact, vierge, l’être humain qui doit accueillir Jésus virginal. Sermon 2
Prêtez attention maintenant et considérez avec zèle ! Si l’être humain était vierge pour toujours, aucun fruit ne proviendrait de lui. Doit-il devenir fécond, il lui faut de nécessité être une femme. Femme est le mot le plus noble que l’on peut attribuer à l’âme et est bien plus noble que vierge. Que l’être humain reçoive Dieu en lui, c’est bien, et dans cette réceptivité il est intact. Mais que Dieu devienne fécond en lui, c’est mieux ; car la fécondité du don est la seule gratitude pour le don, et l’esprit est une femme dans la gratitude qui engendre en retour là où pour Dieu il engendre Jésus en retour dans le coeur paternel. Sermon 2
Bien des dons de prix sont reçus dans la virginité sans être engendrés en retour dans la fécondité de la femme avec louange de gratitude en Dieu. Ces dons se gâtent et vont tous au néant, en sorte que l’être humain n’en devient jamais plus heureux ni meilleur. Alors sa virginité ne lui sert de rien, parce qu’à la virginité il n’adjoint pas d’être une femme en toute fécondité. C’est là que gît le dommage. C’est pourquoi j’ai dit : « Jésus monta à un petit château fort et fut reçu par une vierge qui était une femme. » Voilà qui doit être de nécessité,a ainsi que je vous l’ai exposé. Sermon 2
Une vierge qui est une femme, celle-là est libre et non liée sans attachement propre, elle est en tout temps également proche de Dieu et d’elle-même. Elle donne beaucoup de fruits, et ils sont grands, ni plus ni moins que Dieu lui-même. Ce fruit et cette naissance, c’est cela que cette vierge qui est une femme fait naître, et elle donne du fruit tous les jours cent fois ou mille fois et même au-delà de tout nombre, enfantant et devenant féconde à partir du fond le plus noble ; pour mieux le dire : Oui, à partir du même fond à partir duquel le Père enfante sa Parole éternelle, à partir de là elle devient féconde co-engendrante. Car Jésus, la lumière et le reflet du coeur paternel – ainsi que dit saint Paul, qu’il est une gloire et un reflet du coeur paternel -, ce Jésus est uni à elle et elle à lui, et elle brille et rayonne avec lui comme un unique Un et comme une lumière limpide et claire dans le coeur paternel. Sermon 2
Veux-tu savoir vraiment si ta souffrance est tienne ou bien de Dieu, tu dois le déceler d’après ceci : souffres-tu à cause de ta volonté propre, en quelque manière que ce soit, souffrir te fait mal et t’est lourd à porter. Mais souffres-tu à cause de Dieu et de Dieu seul, souffrir ne te fait pas de mal et ne t’est pas lourd, car c’est Dieu qui porte le fardeau. En bonne vérité ! Y aurait-il un homme qui voudrait souffrir de par Dieu et purement pour Dieu seul, et si s’abattait sur lui tout le souffrir que tous les hommes aient jamais pâti et que le monde entier à en partage, cela ne lui ferait pas mal ni ne lui serait lourd, car c’est Dieu qui porterait le fardeau. Si l’on me mettait un quintal sur la nuque et qu’ensuite ce soit un autre qui le soutienne sur ma nuque, j’en chargerais cent aussi volontiers que un, car cela ne me serait lourd ni ne me ferait mal. Dit brièvement : ce que l’homme pâtit de par Dieu et pour Dieu seul, cela Dieu le lui rend léger et doux, ainsi que je l’ai dit au commencement par quoi nous commençâmes notre sermon : « Jésus monta à un petit château fort et fut reçu par une vierge qui était une femme. » Pourquoi ? Il fallait de nécessité qu’elle soit une vierge et aussi une femme. Maintenant je vous ai dit que Jésus fut reçu ; mais je ne vous ai pas dit ce qu’est le petit château fort, ce pour quoi je veux maintenant parler. Sermon 2
Il dit : « Sur la montagne ». Comment cela doit-il advenir que l’on parvienne à cette limpidité ? Ils étaient vierges et étaient en haut sur la montagne et étaient fiancés à l’agneau et refusés à toutes créatures, et suivaient l’agneau partout où il allait. Certaines gens suivent l’agneau aussi longtemps que tout va bien pour eux ; mais dès lors que cela ne va pas selon leur volonté, ils rebroussent chemin. Cela n’est pas entendu dans ce sens, car il dit : « Ils suivaient l’agneau partout où il allait. » Si tu es vierge et que tu es fiancé à l’agneau et refusé à toutes créatures, alors tu suis l’agneau partout où il va ; tu ne te trouves pas alors désarçonné, lorsque viennent souffrances de la part de tes amis ou de la part de toi-même par quelque tentation. Sermon 13
Il est une puissance dans l’âme dont j’ai souvent parlé – et l’âme serait-elle toute ainsi, elle serait incréée et incréable. Or il n’en est pas ainsi. Selon l’autre partie, elle a un regard vers le temps et une dépendance à son égard, et là elle touche le créé et est créée – intellect : cette puissance n’est pas loin ni à l’extérieur. Ce qui est au-delà de la mer où a mille lieux, cela lui est aussi proprement connu et présent que ce lieu où je me tiens. Cette puissance est vierge, et suit l’agneau partout où il va. Cette puissance prend Dieu nu pleinement dans son être essentiel ; elle est dans l’unité, non pas égale dans l’égalité. Sermon 13
Je dis : Et Marie n’aurait-elle pas conçu Dieu d’abord spirituellement qu’il ne serait jamais né d’elle de façon corporelle. Une femme dit à Notre Seigneur : « Bienheureux le corps qui t’a porté. » Alors Notre Seigneur dit : N’est pas seulement bienheureux le corps qui m’a porté ; « bienheureux sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent ». Il est plus précieux à Dieu qu’il soit né spirituellement de toute vierge ou de toute âme bonne que d’être né corporellement de Marie. Sermon 22