J’ai dit un petit mot en latin, qu’on lit aujourd’hui dans l’épître, ( et ) que l’on peut dire à propos de saint Augustin et à propos de toute âme bonne, sainte, comment ils sont comparés à un vase d’or qui a consistance et permanence et possède en lui noblesse de toute pierre précieuse. Cela tient à la noblesse des saints que l’on ne puisse les donner à connaître à l’aide d’une ( seule ) comparaison ; c’est pourquoi on les compare aux arbres et au soleil et à la lune. Et c’est ainsi que saint Augustin est ici comparé à un vase d’or qui a consistance et permanence et qui possède en lui noblesse de toute pierre précieuse. Et cela on peut le dire en vérité de toute âme bonne, sainte, qui a laissé toutes choses et les prend là où elles sont éternelles. Qui laisse les choses en tant qu’elles sont contingentes, celui-là les possède là où elles sont un être limpide et sont éternelles. Sermon 16 b
Tout vase possède deux choses en lui : il reçoit et contient. Vase spirituel et vase corporel comportent une différence. Le vin est dans le vase ; le vase n’est pas dans le vin, et le vin n’est pas dans le vase comme dans la douve ; car s’il était dans le vase comme dans la douve, on ne pourrait pas le boire. Il en va autrement du vase spirituel. Tout ce qui se trouve reçu en lui, cela est dans la vase et le vase ( est ) en lui et est le vase même. Tout ce que reçoit le vase spirituel est de sa nature. La nature de Dieu est qu’il se donne à toute âme bonne, et la nature de l’âme est qu’elle reçoit Dieu ; et cela on le peut dire du plus noble dont l’âme peut faire montre. En cela l’âme porte l’image de divine et est égale à Dieu. Image ne peut être sans égalité, mais égalité peut bien être sans image. Deux oeufs sont également blancs, et l’un n’est pourtant pas image de l’autre ; car ce qui doit être image de l’autre, il faut que ce soit venu de sa nature, et il lui faut être engendré de lui et il lui faut être égal à lui. Sermon 16 b
Et comme je l’ai dit ci-dessus, de même que saint Augustin est comparé à un vase d’or, qui en bas est fermé et ouvert en haut, vois, ainsi dois-tu être : veux-tu tenir près de saint Augustin et dans la sainteté de tous les saints, ton coeur doit être fermé à tout le créé et doit prendre Dieu tel qu’il est en lui-même. C’est pourquoi les hommes sont comparés aux puissances supérieures, car en tout temps ils ont la tête découverte, et les femmes aux puissances inférieures, car pour elles la tête est couverte en tout temps. Les puissances supérieures sont par delà temps et par delà espace, et s’originent sans intermédiaire dans l’être de l’âme ; et delà elles sont comparées aux hommes, car en tout temps elles se tiennent nues. De là leur oeuvre est éternelle. Un maître dit que toutes les puissances inférieures de l’âme, dans la mesure où elles ont touché temps ou espace, dans cette mesure elles ont perdu leur pureté virginale et ne peuvent jamais se trouver si totalement dévêtues ni se trouver si totalement passées au crible qu’elles puissent jamais parvenir jusqu’aux puissances supérieures ; il leur sera pourtant donné l’empreinte intérieure d’une image égale. Sermon 16 b
Ce qui de l’âme est dans ce monde ou lorgne vers ce monde, et ce qui d’elle est atteint en quelque chose et lorgne vers l’extérieur, elle doit le haïr. Un maître dit que l’âme, dans ce qu’elle a de plus élevé et de plus limpide, est au-dessus du monde. Rien n’attire l’âme vers ce monde qu’amour seulement. Parfois elle a un amour naturel qu’elle porte au corps. Parfois elle a un amour de volonté, qu’elle porte à la créature. Un maître dit : Aussi peu l’oeil a à faire avec le chant et l’oreille avec la couleur, aussi peu l’âme dans sa nature a-t-elle à faire avec tout ce qui est dans ce monde. C’est pourquoi nos maîtres ( ès sciences ) naturelles disent que le corps est davantage dans l’âme que l’âme n’est dans le corps. Tout comme le vase contient davantage le vin que le vin le vase, ainsi l’âme contient-elle davantage en elle le corps que le corps l’âme. Ce que l’âme aime dans ce monde, de cela elle est nue dans sa nature. Un maître dit : Il est de la nature et de la perfection naturelle de l’âme qu’elle devienne dans elle un monde doué d’intellect, là où Dieu a formé dans elle les images de toutes choses. Qui dit alors qu’il est parvenu à sa nature, celui-là doit trouver toutes choses formées en lui dans la limpidité, comme elles sont en Dieu, non comme elles sont dans leur nature, plutôt : comme elles sont en Dieu. Ni esprit ni ange ne touchent le fond de l’âme pas plus que la nature de l’âme. C’est en cela qu’elle parvient dans ce qui est premier, dans le commencement, où Dieu jaillit avec bonté dans toutes les créatures. Là elle prend toutes choses en Dieu, non dans la limpidité, telles qu’elles sont dans leur limpidité naturelle, plutôt : dans la limpide simplicité, telles qu’elles sont en Dieu. Dieu a fait tout ce monde comme en charbon. L’image qui est en or est plus ferme que celle qui est en charbon. C’est ainsi que toutes choses dans l’âme sont plus limpides et plus nobles qu’elles ne le sont dans ce monde. La matière dont Dieu a fait toutes choses est plus médiocre que ne l’est le charbon en regard de l’or. Qui veut faire un pot, celui-là prend un peu de terre ; c’est là sa matière, avec laquelle il opère. Après il lui donne une forme, qui est en lui, qui est en lui plus noblement que la matière. Ici j’estime que toutes choses sont immensément plus nobles dans le monde doué d’intellect qu’est l’âme qu’elles ne le sont dans ce monde ; exactement comme l’image qui est taillée et gravée dans l’or, ainsi les images de toutes choses sont-elles simples dans l’âme. Un maître dit : L’âme a en elle une capacité que les images de toutes choses se trouvent imprimées en elle. Un autre dit : Jamais l’âme n’est parvenue à sa nature qu’elle ne trouve toutes choses formées en elle dans ce monde doué d’intellect, qui est incompréhensible ; aucune pensée n’y parvient. Grégoire dit : Ce que nous énonçons des choses divines, il nous faut le balbutier, car il faut qu’on le dise avec des mots. Sermon 17