Et il lui aurait fallu montrer comment, en interprétant à notre manière aux ignorants et aux sots la signification de ces noms, nous trompons, à son avis, les auditeurs, alors que lui, qui se targue de n’être ni ignorant ni sot, en donne la véritable interprétation ! Il note incidemment, dans son propos sur ces noms auxquels les Juifs rattachent leur généalogie, qu’il n’y eut jamais, au cours de la longue période qui précède, de discussion à leur sujet, tandis qu’à présent les Juifs en discutent avec d’autres, qu’il s’est abstenu de nommer. Aussi, montre qui voudra ceux qui revendiquent et avancent le moindre argument plausible contre les Juifs pour établir, avec la VANITÉ de la doctrine des Juifs et des chrétiens sur les noms des personnages en question, que d’autres ont donné sur eux les explications les plus sages et les plus vraies ! Mais je suis certain que personne ne pourra le faire, puisqu’il est manifeste que les noms sont tirés de la langue hébraïque qu’on ne trouve que chez les Juifs. LIVRE IV
Après cela, comme s’il s’acharnait à rabaisser davantage la race des hommes en les assimilant aux êtres sans raison, et voulait ne rien omettre des traits qui manifestent la supériorité qui est dans les êtres sans raison, il déclare que même les pouvoirs de la magie sont aussi dans quelques-uns des êtres sans raison, en sorte que, jusqu’en cette matière, les hommes ne sauraient se glorifier spécialement, ni prétendre détenir la supériorité sur les êtres sans raison. Voici ses paroles : Mais si les hommes tirent VANITÉ des pouvoirs de la magie, même en cette matière encore, serpents et aigles ont plus de science : ils connaissent du moins beaucoup de remèdes contre les poisons et les maladies, ainsi que les vertus de certaines pierres qu’ils utilisent pour sauver leurs petits; les hommes, s’ils les trouvent, s’estiment en possession d’un merveilleux trésor. Et d’abord, je ne sais pourquoi il donne le nom de magie à la connaissance de contrepoisons naturels dont les animaux ont soit l’expérience, soit une perception naturelle ; car le mot de magie a d’ordinaire une autre acception. Peut-être, cependant, veut-il, en épicurien, attaquer sans en avoir l’air tout usage de ces pratiques qui aurait pour base la prétention des sorciers. Malgré cela, en lui concédant que les hommes, sorciers ou non, tirent VANITÉ de la connaissance de ces secrets, est-ce une raison de dire que les serpents ont plus de science que les hommes en cette matière, pour la raison qu’ils emploient le fenouil pour aviver leur vue et se mouvoir plus vite, quand c’est pour eux un don naturel venant non du raisonnement, mais de leur constitution. Les hommes n’y arrivent point par la seule nature, à la manière des serpents, mais soit par expérience, soit par la raison et parfois par l’exercice du raisonnement scientifique. De même, si les aigles, pour sauver leurs petits dans leur nid, y portent l’aétite qu’ils trouvent, pourquoi conclure que les aigles ont une science, et même une science supérieure à celle des hommes qui ont, par expérience, découvert grâce à leur raisonnement et employé avec intelligence ce secours naturellement donné aux aigles ? Mais accordons que d’autres contrepoisons soient connus des animaux. LIVRE IV
Accordons même qu’ils soient ses hérauts, ses messagers véritablement célestes : n’est-il pas évident, même alors, qu’il faut adorer Dieu qui proclame et annonce par eux, plutôt que ses hérauts et ses messagers ? Celse suppose que nous tenons pour rien le soleil, la lune et les étoiles. Mais eux aussi, nous reconnaissons qu’ils « aspirent à la révélation des fils de Dieu », ayant été présentement soumis « à la VANITÉ » des corps matériels « par l’autorité de celui qui les a soumis avec l’espérance ». Si Celse avait lu tout ce que nous disons encore du soleil, de la lune et des étoiles, entre autres : « Etoiles et lumière, louez-le toutes ! » et « Cieux des cieux louez-le ! », il n’aurait pas déclaré que nous tenons pour rien ces corps sublimes qui louent si hautement le Seigneur. Mais Celse ne connaît même point la parole : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu ; car la création a été soumise à la VANITÉ, non de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a soumise, avec l’espérance d’être elle aussi libérée de l’esclavage de la corruption pour parvenir à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » LIVRE V
S’il en va ainsi des noms humains, que faut-il penser des noms attribués pour une raison ou l’autre à la divinité ? Par exemple, il y a en grec une traduction du mot Abraham, une signification du nom Isaac, un sens évoqué par le son Jacob. Et si, dans une invocation ou un serment, on nomme « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », la formule produit son effet, soit par la qualité naturelle de ces noms, soit par leur puissance. Car les démons sont vaincus et dominés par celui qui prononce ces noms. Mais si l’on dit : le Dieu du père choisi de l’écho, le Dieu du rire, le Dieu du supplanteur, on n’obtient pas plus d’effet qu’avec un autre nom dépourvu de puissance. On n’aurait pas plus de résultat en traduisant en grec ou dans une autre langue le nom d’Israël ; mais, en le conservant et en lui adjoignant ceux auxquels ont coutume de l’unir les gens experts en la matière, on peut réaliser l’effet promis à ces invocations faites dans cette langue. On dira la même chose du mot Sabaoth, fréquemment employé dans les incantations. A traduire ce nom : Seigneur des puissances, Seigneur des Armées, Tout-Puissant – car ses traducteurs lui donnent différentes acceptions ?, l’effet en sera nul ; alors que si on lui garde sa sonorité propre, on obtiendra de l’effet, au dire des spécialistes. On dira la même chose du mot Adonaï. Si donc ni Sabaoth, ni Adonaï, dans la traduction grecque de ce qu’ils semblent signifier n’ont aucun effet, combien plus seront-ils dépourvus d’efficacité et de puissance quand on croit qu’il est indifférent d’appeler Zeus Très-Haut, Zen, Adonaï, Sabaoth ! Instruits de tels secrets et d’autres semblables, Moïse et les prophètes ont interdit de prononcer « les noms d’autres dieux » par une bouche habituée à ne prier que le Dieu suprême, et de se ressouvenir d’eux dans un c?ur exercé à se garder de toute VANITÉ de pensées et de paroles. C’est aussi la raison pour laquelle nous préférons supporter tous les mauvais traitements plutôt que de reconnaître Zeus pour Dieu. Car nous pensons que Zeus n’est pas identique à Sabaoth mais que, loin d’être une divinité, il n’est qu’un démon prenant plaisir à être ainsi nommé, ennemi des hommes et du Dieu véritable. Et même si les Égyptiens nous proposent Amon en nous menaçant de châtiments, nous mourrons plutôt que de proclamer Amon dieu : c’est un nom probablement usité dans certaines incantations égyptiennes qui évoquent ce démon. Libre aux Scythes de nommer Papaeos le Dieu suprême : nous ne le croirons pas. Nous admettons bien le Dieu suprême, mais refusons de donner à Dieu le nom propre de Papaeos, qui n’est qu’un nom agréable au démon ayant en partage le désert, la race et la langue des Scythes. Mais ce n’est pas pécher que de donner à Dieu le nom commun en langue scythe, égyptienne, ou toute autre langue maternelle. LIVRE V
Et ils ajoutent : « J’ai été conçu dans l’iniquité, ma mère m’a enfanté dans le péché ». » De plus, ils déclarent que « les pécheurs sont devenus étrangers dès le sein de leur mère », et font cette remarque étonnante : « Ils se sont égarés dès le sein, ils ont dit des mensonges. » Mais nos sages ont un tel dédain pour la nature des choses sensibles qu’ils qualifient les corps tantôt de VANITÉ : « Car la création fut soumise à la VANITÉ, non de son gré, mais à cause de Celui qui l’a soumise avec l’espérance » ; tantôt, de VANITÉ de VANITÉs, selon le mot de l’Ecclésiaste : « Vanité des VANITÉs, tout est VANITÉ. » Où trouver un tel discrédit jeté sur la vie de l’âme humaine ici-bas que chez l’auteur qui dit : « Vanité cependant que toutes choses, que tout homme vivant ! » Il ne met pas en doute la différence pour l’âme entre la vie d’ici-bas et la vie hors de ce monde, il ne dit pas : « Qui sait si vivre n’est pas mourir, et si mourir n’est pas vivre ? » Mais il a le courage de la vérité dans ces paroles : « Notre âme a été humiliée dans la poussière » ; « Tu m’as fait descendre dans la poussière de la mort ». Et comme il est dit : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ainsi encore : « Qui transformera notre corps de misère ? » Il y a aussi la parole du prophète : « Tu nous a humiliés dans un lieu d’affliction », où « lieu d’affliction désigne le lieu terrestre dans lequel vient Adam, qui est l’homme, après avoir été pour son péché expulsé du paradis. Et considère la profondeur de vue que possédait sur la condition de vie différente pour les âmes celui qui a dit : « Aujourd’hui nos voyons dans un miroir, d’une manière confuse, mais alors ce sera face à face » ; et encore : « Tant que nous demeurons dans ce corps, nous vivons en exil loin du Seigneur », aussi « préférons-nous déloger de ce corps et aller demeurer près du Seigneur ». LIVRE VI
Cela nous est défendu. Nous avons appris à refuser d’adorer « la création au lieu du Créateur », mais à savoir que « la création sera libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu », et que « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu », et que « la création fut soumise à la VANITÉ, non de son plein gré, mais à cause de Celui qui l’y a soumise, avec l’espérance ». Nous avons appris qu’il ne faut pas honorer à la place de Dieu à qui rien ne manque, ou de son Fils Premier-né de toute créature, les choses qui ont été soumises à la servitude de la corruption et à la VANITÉ, et sont dans l’attente d’une espérance meilleure. Voilà donc ce qu’il suffit d’ajouter à mes remarques précédentes sur la nation des Perses qui se détournent des autels et des statues, mais adorent la création au lieu du Créateur. LIVRE VI
Puisqu’il y a nombre de dieux prétendus ou réels, comme aussi de seigneurs, nous faisons tout pour nous élever au-dessus, non des seuls êtres honorés comme dieux par les nations de la terre, mais encore même de ceux qui sont appelés dieux par les Écritures. Ces derniers sont ignorés de ceux qui sont étrangers aux alliances de Dieu données par Moïse et notre Sauveur Jésus, et de ceux qui sont exclus de ses promesses qu’ils ont rendues manifestes. On s’élève au-dessus de l’esclavage de tous les démons quand on s’abstient de toute ” oeuvre chère aux démons. On s’élève au-dessus de la catégorie de ceux que Paul nomme des dieux, quand on regarde comme eux, ou de toute autre manière, « non aux choses visibles, mais aux invisibles ». Et, à voir comment « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu, car la création a été soumise à la VANITÉ, non de son gré, mais à cause de Celui qui l’a soumise, avec l’espérance », à bénir la création et à considérer comment elle sera toute entière « libérée de l’esclavage de la corruption » et parviendra « à la liberté de la gloire des enfants de Dieu », on ne peut être entraîné à servir Dieu et un autre avec lui, ni à servir deux maîtres. Il ne s’agit donc point d’un cri de révolte, chez ceux qui ont compris les réflexions de ce genre et qui refusent de servir plusieurs maîtres. Aussi se contentent-ils du Seigneur Jésus-Christ qui enseigne par lui-même ceux qui le servent, pour que, une fois instruits et devenus un royaume digne de Dieu, il les remette à son Dieu et Père. De plus, ils se séparent et ils rompent avec ceux qui sont étrangers à la cité de Dieu, exclus de ses alliances, pour vivre en citoyens du ciel en s’avançant vers le Dieu vivant et « la cité de Dieu, la Jérusalem céleste, ses myriades d’anges en réunion de fête, et l’église des premiers-nés qui sont inscrits au ciel. » LIVRE VIII