De nombreux passages des Écritures nous apprennent qu’il y a un Saint Esprit. Ainsi David dans le Psaume 50 : Ne m’ôte pas ton Esprit Saint; et Daniel : L’Esprit Saint qui est en toi. D’abondants témoignages du Nouveau Testament nous l’enseignent, lorsqu’il rapporte que l’Esprit Saint descendit sur le Christ et lorsque le Sauveur souffla sur les apôtres après la Résurrection en leur disant : Recevez l’Esprit Saint. A Marie, l’ange a annoncé : L’Esprit Saint viendra sur toi. Paul enseigne : Personne ne peut dire Jésus Seigneur, si ce n’est dans l’Esprit Saint. Et dans les Actes des Apôtres, les apôtres par l’imposition des mains donnaient l’Esprit Saint dans le baptême. Tout cela nous révèle la grande autorité et dignité qu’a l’Esprit Saint en tant qu’être substantiel, telle que le baptême de salut ne peut être accompli que par l’autorité de la Trinité la plus excellente de toutes, par l’invocation du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et ainsi au Père inengendré et à son Fils unique est associé le nom du Saint Esprit. N’est-il pas stupéfiant de constater la majesté de l’Esprit Saint, quand on voit que celui qui parlera mal du Fils de l’homme pourra espérer le pardon, mais que celui qui aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura de pardon ni dans le siècle présent ni dans le futur ? Tout a été créé par Dieu et il n’y a pas d’être qui n’ait reçu de lui l’existence : cela est affirmé par de nombreux passages de toute l’Écriture et permet de rejeter et de réfuter des fausses affirmations faites par certains, au sujet de la matière qui serait coéternelle à Dieu, au sujet des âmes qui seraient inengendrées, Dieu ayant mis en elles non tant l’existence que la qualité et l’ordonnance de la vie. Car dans le petit livre du Pasteur, l’Ange de la Pénitence, rédigé par Hermas, il est écrit : Crois avant tout qu’il y a un seul Dieu qui a tout créé et ordonné; qui, alors que rien n’était, a tout fait; qui contient toutes choses et n’est contenu par aucune. On trouve des affirmations semblables dans le Livre d’Enoch. Mais jusqu’à présent nous n’avons pu trouver dans les Écritures saintes aucune parole disant que le Saint Esprit ait été fait ou créé, même pas de la manière dont nous avons vu Salomon parler de la Sagesse, ou selon les explications que nous avons données de la Vie, de la Parole et des autres dénominations du Fils de Dieu. L’Esprit de Dieu qui se déplaçait sur les eaux, comme c’est écrit, au début de la création du monde, je ne le crois pas autre que l’Esprit Saint, selon ce que je puis comprendre, comme nous l’avons montré en exposant ce passage, non selon l’histoire, mais selon la compréhension spirituelle. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Il ne faut pas penser que l’Esprit connaît lorsque le Fils lui révèle. En effet si l’Esprit Saint connaît le Père lorsque le Fils le lui révèle, il passe donc de l’ignorance à la connaissance : cela est en vérité impie et sot, de le reconnaître Esprit Saint et de lui attribuer l’ignorance. Il ne faut pas penser qu’il était auparavant autre chose que Saint Esprit et qu’il a progressé jusqu’à devenir Saint Esprit. C’est comme si l’on osait dire qu’alors, quand il n’était pas Saint Esprit, il ignorait le Père et qu’après qu’il en eut reçu la connaissance il est devenu Saint Esprit. Si cela était, jamais ce Saint Esprit n’aurait été compris dans l’unité de la Trinité avec Dieu le Père immuable et avec son Fils : c’est donc qu’il a toujours été Saint Esprit. Nous employons ces termes « toujours » ou « était » ou tout autre terme à signification temporelle, mais il faut les prendre tout simplement et avec indulgence, car leurs sens sont temporels, mais ce dont nous parlons, bien qu’il faille l’exprimer de façon temporelle dans la rédaction du discours, dépasse par sa nature toute compréhension d’un sens temporel. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Il semble bon de rechercher pourquoi ce qui reçoit par Dieu la régénération pour son salut a besoin du Père, du Fils et du Saint Esprit, alors qu’il ne recevrait pas le salut sans la Trinité entière, et pourquoi il n’est pas possible de participer au Père et au Fils sans l’Esprit Saint. En discutant de cela, il sera sans doute nécessaire d’attribuer une action spéciale au Saint Esprit et une autre au Père et au Fils. Je pense donc que l’action du Père et du Fils s’exerce aussi bien sur les saints que sur les pécheurs, sur les hommes raisonnables que sur les animaux muets et même sur ceux qui n’ont pas d’âme, absolument sur tout ce qui est; l’action du Saint Esprit ne s’étend en aucune façon à ceux qui sont sans âme, ni à ceux qui sont animés, mais muets ; elle ne se constate même pas chez ceux qui sont raisonnables, mais plongés dans la malice sans se retourner en aucune façon vers le bien. Je pense que l’action du Saint Esprit ne s’exerce que sur ceux qui se tournent vers le mieux et marchent dans les voies du Christ Jésus, c’est-à-dire sur ceux qui agissent bien et demeurent en Dieu. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Que personne ne pense qu’en disant que l’Esprit Saint n’est donné qu’aux saints, tandis que les bienfaits et l’action du Père et du Fils parviennent aux bons et aux mauvais, aux justes et aux injustes, nous mettons le Saint Esprit au-dessus du Père et du Fils et nous lui attribuons une plus grande dignité : cela manquerait tout à fait de conséquence. Car nous avons décrit le caractère propre de sa grâce et de son action. Cependant il n’est pas question de plus ou de moins dans la Trinité, puisque une unique source de divinité gouverne l’univers par sa Parole et sa Raison et sanctifie par l’Esprit (le souffle) de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification, comme il est écrit dans le Psaume : Par la Parole du Seigneur les deux ont été affermis et par l’Esprit (le souffle) de sa bouche toute leur puissance. C’est en effet une opération principale de Dieu le Père en plus de celle par laquelle il donne à tous les êtres d’exister selon leur nature. Il y a aussi un ministère principal du Seigneur Jésus-Christ à l’égard de ceux à qui il confère d’être raisonnables par nature, ministère par lequel il leur accorde en outre de bien l’être. Il y a encore une autre grâce de l’Esprit Saint attribuée à ceux qui en sont dignes, par le ministère du Christ, par l’opération du Père, d’après le mérite de ceux qui en sont faits capables. C’est ce qu’indiqué très clairement l’apôtre Paul, montrant qu’il y a une seule et même puissance de la Trinité quand il dit : Les dons sont différents, mais l’Esprit est le même; les ministères sont différents, mais le Seigneur est le même; les actions sont différentes, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun il est donné de manifester l’Esprit selon ce qui convient. Il explique par là très clairement qu’il n’y a dans la Trinité aucune séparation, mais que ce qui est appelé don de l’Esprit, vient du ministère du Fils et est opéré par Dieu le Père : Tout est l’oeuvre d’un seul et même Esprit, répartissant à chacun comme il veut. Après ces mises au point sur l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit, revenons à ce que nous avons commencé de discuter. Dieu le Père donne à tous les êtres l’existence, mais la participation du Christ selon qu’il est Parole – ou Raison – les rend raisonnables. Ils s’ensuit qu’ils sont dignes de louange ou d’accusation parce qu’ils sont capables de vertu ou de malice. En conséquence la grâce de l’Esprit Saint est en eux pour rendre saints par sa participation ceux qui ne le sont pas par leur substance. Puisqu’ils ont reçu d’abord de Dieu le Père l’être, ensuite de la Parole la rationalité, en troisième lieu du Saint Esprit la sainteté, ils deviennent en revanche capables de recevoir le Christ en tant qu’il est la Justice de Dieu, ceux qui ont été déjà auparavant sanctifiés par l’Esprit Saint; et ceux qui ont mérité de parvenir à ce degré par la sanctification reçue de l’Esprit Saint, obtiennent néanmoins le don de sagesse par la vertu de l’action de l’Esprit de Dieu. C’est, je pense, ce que dit Paul lorsqu’il écrit qu’à certains est donnée la parole de sagesse, à d’autres la parole de connaissance selon le même Esprit. Et désignant chaque sorte de dons, il rapporte toutes choses à la source de l’univers par ces mots : Les opérations sont différentes, mais c’est un seul Dieu qui opère tout en tous. Par là, l’action du Père qui donne l’existence à tous apparaît plus brillante et plus magnifique, lorsque chacun, en participant au Christ en tant que Sagesse, Connaissance et Sanctification, se perfectionne et monte dans son progrès à des degrés supérieurs. Sanctifié par la participation au Saint Esprit, on devient ainsi de plus en plus pur, on reçoit plus dignement la grâce de la sagesse et de la connaissance, et en rejetant toutes les taches de la souillure et de l’ignorance et en s’en nettoyant, on en arrive à un tel progrès de pureté, qu’ayant reçu de Dieu l’existence, on parvient à être digne de Dieu, qui donne d’être d’une manière pure et parfaite : tellement que la créature devient aussi digne que l’est celui qui l’a créée. Ainsi celui qui est tel que l’a voulu son créateur comprendra par l’action de Dieu que sa puissance existe toujours et demeure éternellement. Pour que cela se produise et pour que les créatures adhèrent sans fin et sans séparation possible à celui qui est, c’est l’oeuvre de la Sagesse de les enseigner et de les conduire à la perfection par l’Esprit Saint qui les affermit et les sanctifie continuellement, condition qui seule rend possible la réception de Dieu. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Mais c’est en voulant montrer en nous les bienfaits divins qui nous viennent par le Père, le Fils et l’Esprit Saint, Trinité qui est la source de toute sainteté, que nous avons dit cela comme par digression et que nous avons cru pouvoir toucher, quoique sommairement, la question de l’âme parce qu’elle s’était présentée, en traitant d’un sujet proche, à savoir de la nature raisonnable. Nous en discuterons cependant plus opportunément quand nous parlerons de toutes les natures raisonnables et de leurs trois genres et espèces, si Dieu, par Jésus-Christ et le Saint Esprit, nous l’accorde. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Cette puissance bienheureuse et souveraine, c’est-à-dire qui domine toutes choses, nous l’appelons Trinité. C’est le Dieu bon et le Père bienveillant de l’univers, et la puissance bienfaisante et démiurgique, c’est-à-dire celle de faire le bien, de créer et de pourvoir. Il est à la fois absurde et impie de penser que même un instant ces puissances de Dieu soient restées oisives. Car il n’est pas permis de se demander, même en passant, si ces puissances, qui permettent avant tout de comprendre Dieu dignement, ont cessé un moment de produire des oeuvres dignes de lui et sont restées immobiles. On ne peut penser en effet qu’étant en Dieu, bien mieux, qu’étant Dieu, elles aient été empêchées de l’extérieur, ni en revanche que, ne rencontrant pas d’obstacle, elles aient eu la paresse d’agir et de produire des oeuvres dignes d’elles ou aient négligé de le faire. Et c’est pourquoi on ne peut pas croire qu’il y ait eu absolument un seul moment où cette puissance bienfaisante n’ait pas fait le bien. Il s’ensuit qu’elle a toujours eu des bénéficiaires, par ses productions et ses créations, et que, dans sa bienfaisance, elle leur a dispensé ses bienfaits de façon ordonnée et suivant les mérites, en vertu de sa providence. Par conséquent il semble qu’il n’y a pas eu de moment où Dieu n’ait pas été créateur, bienfaisant et provident. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Appendice
Si nous entendons de façon absolue que ces saints anges, ces saintes Puissances, ces Trônes bienheureux, ces glorieuses Vertus et ces Dominations magnifiques possèdent substantiellement leurs puissances, dignités ou gloires, il s’ensuit, semble-t-il, sans aucun doute, qu’il faut entendre de façon semblable ceux qui sont présentés comme possédant les offices contraires. Il faudra donc penser que ces Principautés contre lesquelles nous avons à lutter ont reçu cette orientation de leur volonté qui les fait s’opposer et résister à toute sorte de bien, non parce qu’ils se sont écartés du bien par la suite à cause de leur libre arbitre, mais au moment même où ils ont commencé à exister en êtres substantiels. Pareillement les Puissances et les Vertus chez qui la malice ne serait pas plus récente et postérieure à l’existence. Ceux qui ont été appelés les Dirigeants et les chefs du monde des ténèbres, leur domination et leur puissance sur les ténèbres ne viendraient pas d’un propos pervers, mais des nécessités découlant de leur création. La logique oblige de comprendre de même les esprits de malice, les esprits mauvais et les démons impurs. Mais s’il paraît absurde de penser ainsi des puissances mauvaises et contraires – il est certainement absurde d’attribuer nécessairement au Créateur la cause de leur malice sans mettre en cause le propos de leur libre arbitre -, ne sommes-nous par forcés de reconnaître la même chose des vertus bonnes et saintes, c’est-à-dire que le bien n’est pas en eux quelque chose de substantiel, privilège, nous l’avons montré avec évidence, du Christ et de l’Esprit Saint seuls, et assurément, sans aucun doute, du Père. En effet il n’y a dans la nature de la Trinité aucune composition, nous l’avons aussi montré, pour que de pareils changements semblent logiquement pouvoir se produire. Il reste donc, à propos de chaque créature, que c’est par suite de leur action et de leurs mouvements que ces vertus qui paraissent exercer sur d’autres leur principat, leur puissance ou leur domination, ont été préposées à ceux sur qui elles dominent et exercent leur pouvoir, par suite de leurs mérites et non par une prérogative due à leur création. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
La fin ou la consommation semble indiquer que les réalités sont parvenues à leur perfection et à leur achèvement. Il y a là un avertissement : pour comprendre des réalités si ardues et si difficiles, celui qui est pris du désir de lire ces lignes et de connaître ces choses doit y appliquer une pensée parfaitement formée et instruite. En effet s’il n’a aucune habitude de ces questions, tout cela lui paraîtra vain et superflu ; et s’il y porte un entendement plein de préjugés et de préventions en faveur d’autres doctrines, il le jugera hérétique, contraire à la foi de l’Église, et ce n’est pas sa raison qui lui permettra de démontrer, mais le préjugé de son entendement qui lui fournira ses conclusions. Nous disons cela avec grande crainte et précaution, davantage par manière de discussion et d’examen que d’affirmations certaines et définies. Nous avons indiqué plus haut les points qui sont clairement délimités par le dogme. Cela a été fait dans la mesure de nos forces, semble-t-il, quand nous parlions de la Trinité; mais ce dont il s’agit ici est un objet d’exercice, selon nos possibilités, plus pour discuter que pour définir. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
Nous voyons ce qu’est la fin, lorsque tous les ennemis seront soumis au Christ, lorsque le dernier ennemi sera détruit, la mort, et lorsque la royauté sera transmise à Dieu le Père par le Christ à qui tout a été soumis : à partir de cette fin, dis-je, examinons les commencements des choses. La fin est en effet toujours semblable au commencement : et c’est pourquoi, de même que la fin de toutes choses est l’unité, de même il faut comprendre que le commencement de tout est l’unité. Comme cette fin unique est celle de nombreux êtres, ainsi à partir d’un commencement unique, il y a beaucoup de différences et de variétés qui de nouveau, par la bonté de Dieu, la soumission du Christ et l’unité de l’Esprit Saint, sont ramenées à une seule fin semblable au début. Il s’agit de tous ceux qui, fléchissant le genou devant Jésus, donnent par là témoignage de leur soumission, parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux : ces trois catégories désignent tout l’univers, c’est-à-dire ceux qui, à partir d’un commencement unique, se comportant de façon variée chacun de son propre mouvement, ont été répartis en divers ordres selon leur mérite ; car la bonté n’était pas en eux de façon substantielle, comme en Dieu, dans son Christ et dans le Saint Esprit. Dans cette Trinité seule, qui est l’auteur de tout, la bonté est présente de façon substantielle : tous les autres êtres ont une bonté accidentelle et qui peut défaillir ; ils sont donc dans la béatitude quand ils participent à la sainteté, à la sagesse et à la divinité elles-mêmes. Si cependant ils négligent cette participation et ne s’en occupent pas, alors par la faute de leur propre paresse, l’un plus tôt, l’autre plus tard, un troisième plus ou moins profondément, chacun devient pour lui-même cause de sa chute et de sa déchéance. Et puisque, comme nous l’avons dit, cette chute ou cette déchéance, qui éloigne chacun de son état, se produit avec une très grande diversité selon les mouvements de l’intelligence et de la volonté qui font pencher vers le bas, l’un plus légèrement, l’autre plus lourdement, en cela le jugement de la providence de Dieu est juste, car il atteint chacun selon la diversité de ses mouvements dans la mesure de son éloignement et de son agitation. Certes, parmi ceux qui sont restés dans l’état initial, que nous avons décrit semblable à la fin à venir, les uns obtiennent par eux-mêmes dans l’ordonnance et le gouvernement de l’univers le rang des anges, d’autres celui des Vertus, d’autres celui des Principautés, d’autres celui des Puissances – par là évidemment ils exercent leur puissance sur ceux qui ont besoin d’avoir la puissance sur leur tête -, d’autres l’ordre des Trônes, ayant la charge de juger et de diriger ceux qui en ont besoin, d’autres la Domination, sans aucun doute sur des serviteurs : tout cela leur est accordé par la divine providence selon un jugement équitable et juste, d’après leur mérite et leurs progrès, qui les ont fait croître dans la participation et l’imitation de Dieu. Mais ceux qui se sont écartés de l’état de béatitude première, non cependant de façon irrémédiable, sont soumis aux ordres saints et bienheureux que nous avons décrits plus haut, pour être gouvernés et dirigés, afin que, s’ils usent de leur aide, s’ils se réforment d’après leurs instructions et leurs doctrines salutaires, ils puissent revenir à leur état bienheureux et y être rétablis. C’est avec ceux-ci, autant que je puisse le penser, qu’a été constitué cet ordre du genre humain, qui assurément dans le siècle futur ou dans les siècles qui surviendront, lorsqu’il y aura selon Isaïe un ciel nouveau et une terre nouvelle, sera rétabli dans cette unité que promet le Seigneur Jésus lorsqu’il dit à Dieu le Père au sujet de ses disciples : Ce n’est pas pour eux seuls que je te prie, mais pour tous ceux qui croiront par leur parole en moi, afin que tous soient un, comme moi je suis en toi, Père, et toi en moi, afin que ceux-ci soient un en nous. Il ajoute : Afin qu’ils soient un, comme nous, nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient eux-mêmes consommés en un. L’apôtre Paul lui aussi le confirme : Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi pour former l’homme parfait, dans la mesure de la pleine maturité du Christ. Et de même cet apôtre nous exhorte, alors que nous sommes encore dans la vie présente, dans l’Église, où se trouve assurément la figure du royaume à venir, à une unité semblable à celle-là : Afin que vous disiez tous les mêmes choses et qu’il n’y ait pas parmi vous de dissensions, afin que vous soyez parfaits dans une seule et même pensée, dans une seule et même opinion. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
S’il est vraiment impossible de faire une telle affirmation, c’est-à-dire de soutenir qu’une nature pourrait vivre sans corps, une nature autre que celle du Père, du Fils et du Saint Esprit, la logique et la raison obligent nécessairement à comprendre que les natures raisonnables ont été créées comme ce qui est principal, mais que la substance matérielle semble être distinguée d’elles seulement par l’opinion ou par la pensée, qu’elle a été faite pour elles ou après elles, et que cependant les natures raisonnables, autrefois comme maintenant, ne vivent jamais sans substance matérielle : car la vie incorporelle est, semble-t-il, le privilège de la Trinité seule. Comme nous l’avons dit plus haut cette substance matérielle a une nature apte à se transformer de tout en tout : lorsqu’elle est employée pour les êtres inférieurs, elle prend la forme d’un corps plus épais et plus solide, et par là sont distinguées les espèces visibles et variées du monde ; mais quand elle est utilisée par les êtres parfaits et bienheureux, elle brille dans la splendeur des corps célestes, et orne du vêtement du corps spirituel les anges de Dieu et les fils de la Résurrection : c’est avec tous ces derniers que parvient à sa perfection l’état divers et varié du monde unique. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): L’éternité de la nature corporelle
Mais ils diront : Dieu est invisible. Que ferez-vous alors ? Si vous le dites invisible par nature, il ne sera même pas visible pour le Sauveur. Bien plus, le Dieu Père du Christ est vu selon l’Écriture puisque : qui a vu le Fils a vu aussi le Père. Cette parole, qui vous gêne fortement, est comprise par nous plus justement non de la vision mais de la compréhension. Celui qui a compris le Fils a compris aussi le Père. C’est ainsi qu’on pense que Moïse a vu Dieu, non pas en le regardant avec les yeux charnels, mais en le comprenant par la vue du coeur et le sens de l’intelligence, et cela seulement en partie. Il est dit en effet clairement par celui qui répondait à Moïse : Tu ne verras pas ma face, mais mon dos. Tout cela est assurément à comprendre selon le mystère habituel aux paroles divines, en rejetant certes et en méprisant ces fables de bonne femme, oeuvres d’ignorants, qui imaginent en Dieu une face et un dos. Que personne ne nous attribue une pensée impie lorsque nous disons que Dieu n’est même pas visible pour le Sauveur, mais qu’il considère les distinctions que nous devons utiliser pour traiter avec les hérétiques. Nous avons dit en effet qu’autre chose est voir et être vu, autre chose connaître et être connu. Voir et être vu sont donc le propre des corps et ne peuvent être appliqués aux relations réciproques du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Car la nature de la Trinité excède les capacités de la vue, tout en accordant à tous les êtres corporels, c’est-à-dire à tous les autres êtres, les créatures, la possibilité de voir dans leurs relations réciproques, mais à une nature incorporelle, et surtout à une nature intellectuelle, ne conviennent que connaître et être connu, selon cette parole du Sauveur : Personne ne connaît le Fils sinon le Père, ni le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Il a dit fort clairement, non : Personne ne voit sinon le Fils, mais : Personne ne connaît sinon le Fils. Mais si, à cause de ce qui est dit dans l’Ancien Testament sur Dieu qui s’irrite, se repent, ou éprouve toute autre passion humaine, les hérétiques pensent avoir de quoi nous réfuter, puisqu’ils affirment qu’on doit se représenter Dieu comme absolument impassible et exempt de tout sentiment de cette sorte, il faut leur montrer que même dans les paraboles évangéliques on trouve des expressions semblables : par exemple celui qui planta une vigne, la loua à des agriculteurs qui tuèrent les serviteurs qu’il leur envoya et à la fin mirent à mort même son fils qu’il leur avait député, est dit s’être mis en colère, leur avoir enlevé la vigne, avoir fait périr ces mauvais agriculteurs et avoir confié la vigne à d’autres disposés à lui remettre les fruits au moment voulu. On peut citer aussi ces concitoyens qui, après que le père de famille fut parti pour recevoir la royauté, dépêchèrent à sa suite des envoyés pour dire : Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous ; et quand il revint, ayant obtenu la royauté, le père de famille irrité les fit tuer en sa présence et détruire leur ville par le feu. Mais nous, lorsque nous voyons l’Ancien ou le Nouveau Testament parler de la colère de Dieu, nous ne prenons pas à la lettre ce qui y est dit, mais nous y cherchons une compréhension spirituelle, pour penser selon une intelligence digne de Dieu. Lorsque nous avons commenté ce verset du Psaume 2 : Alors il leur parlera dans sa colère et les épouvantera dans sa fureur, nous avons montré comment il fallait entendre cela, comme nous l’avons pu, avec les faibles ressources de notre intelligence. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Il y a de nombreuses manières de comprendre le Christ, car, bien qu’il soit, certes, la Sagesse, il n’opère pas ni n’accomplit en tous les effets de la Sagesse, mais seulement en ceux qui s’adonnent en lui à la sagesse ; s’il est appelé médecin, il n’agit pas envers tous comme médecin, mais seulement envers ceux qui, ayant compris qu’ils sont malades, se réfugient dans sa miséricorde pour obtenir la santé. Je pense de même du Saint Esprit en qui se trouve toute la nature des dons. Aux uns en effet est fournie par l’Esprit la parole de sagesse, aux autres la parole de connaissance, à d’autres la foi; et ainsi, en chacun de ceux qui peuvent le recevoir, l’Esprit lui-même prend la forme dont a besoin celui qui a mérité de participer à lui et se fait comprendre de cette façon. Mais, sans remarquer ces distinctions et ces différences, certains, entendant qu’il est nommé Paraclet dans l’Évangile, ne réfléchissant pas à l’activité et au rôle qui le font appeler Paraclet, l’ont comparé à je ne sais quels esprits vils et ont tenté de troubler par là les Églises du Christ, au point d’engendrer des dissensions non négligeables parmi les frères. Mais l’Évangile lui confère une si grande puissance et majesté que, selon lui, les apôtres ne pouvaient encore comprendre ce que voulait leur enseigner le Sauveur, avant la venue de l’Esprit Saint qui, se répandant dans leurs âmes, les éclairerait sur la nature de la Trinité et sur la foi en elle. Mais ces hérétiques, à cause de l’incapacité de leur intelligence qui les empêche non seulement d’exposer avec logique ce qui est exact, mais encore de prêter l’oreille à ce que nous disons, pensent de la divinité de l’Esprit Saint des choses inférieures à sa dignité et se sont livrés à l’erreur et à la tromperie, déformés par des esprits erronés plutôt qu’instruits par les enseignements du Saint Esprit, selon cette parole de l’apôtre : Suivant la doctrine des esprits démoniaques qui défendent de se marier, pour la perte et la ruine de beaucoup, et obligent à contretemps de s’abstenir des nourritures, pour séduire les âmes des innocents en faisant montre d’une observance plus stricte. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Tout homme qui se soucie de vérité ne doit guère s’occuper des mots et des paroles, car dans chaque nation il y a des usages divers concernant les mots ; il doit porter plutôt son attention sur ce qui est signifié que sur les mots qui le signifient, surtout quand il s’agit de réalités si hautes et si difficiles. Par exemple, lorsqu’on se demande s’il existe une substance à laquelle on ne peut attribuer ni couleur ni forme ni toucher ni grandeur, une substance que seule l’intelligence peut percevoir et que chacun nomme comme il veut : car les Grecs l’ont appelée asômaton, c’est-à-dire incorporelle, tandis que les divines Écritures la disent invisible, puisque l’Apôtre affirme que Dieu est invisible : il dit en effet que le Christ est l’image du Dieu invisible. Mais il dit pareillement que par le moyen du Christ tout a été créé, le visible et l’invisible. Il affirme par là qu’il y a parmi les créatures des substances invisibles selon leur nature propre. Mais ces dernières, quoique non corporelles, se servent cependant de corps, bien qu’elles soient supérieures à la nature corporelle. Mais la substance de la Trinité, principe et cause de toutes choses, de laquelle et dans laquelle tout existe, il faut croire qu’elle n’est pas un corps, ni dans un corps, mais totalement incorporelle. Tout cela nous l’avons dit brièvement, comme par digression, menés par la suite logique du développement : cela suffît à montrer qu’il y a des réalités dont la signification ne peut être expliquée adéquatement par aucun mot d’un langage humain, mais qui sont affirmées plutôt par un acte plus simple de l’intelligence que par les expressions les plus exactes. Cette règle aussi doit guider la compréhension des divines Écritures, afin d’estimer ce qui est dit non d’après le peu de valeur du style, mais selon la divinité de l’Esprit Saint qui en a inspiré la rédaction. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Notre affirmation qu’il n’y a jamais eu un temps où le Fils n’était pas doit être entendue avec indulgence. Car ces mots eux-mêmes portent la signification d’un vocabulaire temporel, un quand et un jamais ; or c’est par-delà tout temps, tout siècle et toute éternité qu’il faut entendre ce qui est dit du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. C’est la Trinité seule qui dépasse toute signification qu’on puisse comprendre de caractère non seulement temporel, mais éternel : car les autres êtres, en dehors de la Trinité, sont à mesurer par siècles et par temps. En conséquence, personne ne pensera que ce Fils de Dieu, en tant qu’il est le Dieu-Parole qui était dans le principe auprès de Dieu, soit contenu dans un lieu quelconque, ni en tant qu’il est Sagesse, ni en tant qu’il est Vérité, ni en tant qu’il est Vie, Justice, Sanctification, Rédemption : car toutes ces dénominations du Fils n’ont pas besoin de lieu pour faire ou opérer quelque chose, mais il faut comprendre chacune d’elles en fonction de ceux qui participent à sa puissance et à son opération. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Maintenant que nous sommes brièvement revenus sur la manière d’être de la Trinité, il nous faut ensuite rappeler également qu’il est dit que par le Fils tout a été créé, tout ce qui est au ciel et tout ce qui est sur terre, le visible et l’invisible, les Trônes, Dominations, Principautés et Puissances ; tout a été créé par lui et en lui, et il est avant tous, et toutes choses existent en lui qui est la tête. Avec cela concorde ce que dit Jean dans son Évangile que tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait. Et David, exprimant le mystère de toute la Trinité dans la création de l’univers, dit : Les deux ont été affermis par la Parole du Seigneur et toute leur puissance par l’Esprit de sa bouche. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
De même que la participation du Fils de Dieu fait de nous des fils adoptifs et que la participation de la Sagesse nous rend sages en Dieu, de même la participation du Saint Esprit nous rend saints et spirituels. C’est une seule et même chose de participer au Saint Esprit et de participer au Père et au Fils, puisqu’une et incorporelle est la nature de la Trinité. Ce que nous avons dit de la participation de l’âme, il faut l’entendre de même des anges et des puissances célestes, puisque toute créature raisonnable a besoin de participer à la Trinité. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section