Après tout cela il faut penser qu’il ne s’écoulera pas un laps de temps de peu de durée jusqu’à ce que soit montrée après leur mort, aux hommes qui en sont dignes et l’ont mérité, la raison de ce qui se passe sur la terre pour que la connaissance de tous ces mystères et la grâce d’une science complète les fasse jouir d’une joie inénarrable. Alors s’il est vrai que l’air que voici, qui s’étend entre le ciel et la terre, n’est pas dépourvu d’êtres animés, et d’êtres animés raisonnables, d’après ces paroles de l’Apôtre : Vous avez vécu jadis dans ces péchés, selon ce siècle et ce monde, selon le prince qui a puissance sur l’air, sur l’esprit (le souffle) qui agit maintenant dans les fils de la désobéissance, ou d’après celles-ci : Nous serons ravis sur les nuées à la rencontre du Christ dans l’air et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur, il faut penser en conséquence que les saints y demeureront un certain temps pour connaître de deux manières la raison qui dispose ce qui se passe dans les airs. J’ai employé comme il suit l’expression « de deux manières » : tant que nous étions sur terre, par exemple, nous avons vu les animaux et les arbres, nous avons constaté leurs différences, ainsi que la diversité extrême qu’il y a parmi les hommes; mais en les voyant nous n’avons pas compris leurs raisons, seulement cette diversité que nous avons perçue nous a amenés à rechercher et à scruter pourquoi tous ces êtres ont été créés si différents ou sont gouvernés de façon variée ; après avoir conçu sur terre le goût et l’amour de cette connaissance, nous en recevrons après la mort la science et la compréhension, si cependant nous en avons le désir; lorsque nous aurons une intelligence complète de leurs raisons, alors nous comprendrons des deux manières ce que nous avons vu sur terre. Il faut parler de même de ce qui se passe dans le séjour aérien. Je pense en effet que les saints, en quittant cette vie, demeureront en un lieu situé sur la terre, celui que l’Écriture divine appelle le Paradis, comme dans un lieu d’instruction, ou, pour ainsi dire, un auditoire ou une école des âmes, pour être instruits de tout ce qu’ils ont vu sur la terre, pour recevoir aussi quelques indications sur les réalités qu’ils verront dans la suite. De la même façon, quand ils étaient encore en cette vie, ils ont conçu quelque idée des réalités futures, à travers un miroir, en énigme, certes, mais cependant en partie : ces réalités seront révélées de façon plus claire et plus lumineuse aux saints dans les lieux et temps convenables. Si quelqu’un, certes, a le cœur pur, l’intelligence plus limpide et la pensée plus exercée, il progressera plus rapidement, montera vite à travers l’espace aérien et parviendra aux royaumes des cieux à travers ce que l’on pourrait appeler les demeures d’étape de chaque lieu, que les Grecs ont nommées sphères, c’est-à-dire globes, et que l’Écriture divine nomme les cieux. Dans chacune il apercevra d’abord ce qui s’y passe et ensuite même la raison de ce qui s’y passe ; et ainsi il parcourra dans l’ordre chaque chose à la suite de celui qui a pénétré les cieux, Jésus fils de Dieu, qui a dit : Je veux que là oh je suis, ceux-ci soient avec moi. Il donne une idée de cette diversité de lieux quand il dit : Il y a beaucoup de demeures auprès du Père. Quant à lui il est partout et parcourt toutes choses : ne le comprenons plus désormais dans l’exiguïté qu’il a assumée à nos yeux pour nous, c’est-à-dire dans les limites étroites qui l’ont enserré quand il était sur terre dans notre corps parmi les hommes et qui peuvent faire penser qu’il est circonscrit dans un seul lieu. 247 Traité des Principes: Cinquième traité (II, 10-11)
Lorsque les saints seront parvenus, pour ainsi dire, dans les lieux célestes, ils contempleront alors la nature des astres un à un et ils sauront s’ils sont des êtres animés ou quelque chose d’autre. Mais ils comprendront aussi les raisons des autres œuvres de Dieu, car lui-même les leur révélera. Alors il leur montrera comme à ses fils les causes des choses et la puissance de sa création, leur enseignera pourquoi telle étoile est placée à tel endroit du ciel, pourquoi elle est séparée d’une autre par tel intervalle : si elle avait été plus proche, par exemple, quelles en auraient été les conséquences, et si elle avait été plus éloignée qu’est-ce qui serait arrivé ? Ou si cette étoile avait été plus grande que cette autre, comment l’univers ne serait pas resté semblable, mais tout aurait pris une autre forme. Ainsi donc, après avoir parcouru la science de la nature des astres et des relations des êtres célestes, ils en viendront à ce qui ne se voit pas, ce que nous connaissons seulement de nom, aux réalités invisibles. L’apôtre Paul nous a appris qu’elles sont nombreuses, mais nous ne pouvons faire la moindre conjecture sur leur nature et leurs différences. Et ainsi, la nature raisonnable croissant peu à peu, non comme elle le faisait en cette vie quand elle était dans la chair ou le corps et l’âme, mais grandissant par la compréhension et la pensée, parvient, en tant qu’elle est une intelligence parfaite, à la connaissance parfaite, sans que les sentiments charnels lui fassent désormais obstacle, mais dans sa croissance intellectuelle elle contemple toujours dans leur pureté et, pour ainsi dire, face à face, les causes des choses ; elle acquiert ainsi la perfection, d’abord celle qui permet son ascension, ensuite celle qui demeure, et elle a comme nourriture la contemplation et la compréhension des choses et de ce qui les cause. En effet dans cette vie corporelle se produit d’abord la croissance du corps jusqu’à l’état où nous sommes pendant les premières années, par le moyen d’une nourriture suffisante, mais ensuite, quand nous avons atteint la taille convenant à la mesure de notre croissance, nous n’usons plus de la nourriture pour grandir, mais pour vivre et nous conserver en vie : ainsi, à mon avis, quand l’intelligence parvient à la perfection, elle se nourrit, elle use des aliments qui lui sont propres et lui conviennent, dans une mesure où il n’y a ni défaut ni excès. En tout il faut entendre comme nourriture la contemplation et la compréhension de Dieu suivant les mesures qui sont propres et qui conviennent à la nature qui a été faite et créée; il faut que ceux qui commencent à voir Dieu, c’est-à-dire à le comprendre par leur pureté de cœur, observent ces mesures. 248 Traité des Principes: Cinquième traité (II, 10-11)
Que bien vivre soit notre œuvre et que Dieu nous le demande, non comme étant son œuvre à lui ni celle de quelqu’un d’autre ou, comme certains le pensent, du destin, mais comme notre œuvre à nous, le prophète Michée en témoignera en ces termes : S’il t’a été annoncé, homme, ce qu’est le bien, ou ce que Dieu demande de toi, pas autre chose que de pratiquer le jugement, d’aimer la miséricorde et d’être prêt à aller avec le Seigneur ton Dieu. De même Moïse : J’ai mis devant toi la voie de la vie et la voie de la mort: choisis le bien et marche dans sa voie. Ou encore Isaïe : Si vous le voulez et si vous m’écoutez, vous mangerez les biens de la terre; si vous ne le voulez pas et ne m’écoutez pas, un glaive vous dévorera; car la bouche du Seigneur a parlé ainsi. Et dans les Psaumes: Si mon peuple m’écoulait et si Israël avait marché dans mes voies, j’aurais réduit au néant leurs ennemis [et j’aurais mis la main sur ceux qui les persécutent]. Cela suppose qu’écouter et marcher dans les voies de Dieu est au pouvoir du peuple. Et le Seigneur, quand il dit : Moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Et : Celui qui s’emporte contre son frère sera coupable du jugement. Et : Si quelqu’un regarde une femme pour la convoiter, il a déjà commis l’adultère dans son cœur. Et par tous les autres commandements qu’il donne, il affirme qu’il est en notre pouvoir d’observer les préceptes et que nous serons à bon droit condamnés au jugement si nous les transgressons. C’est pourquoi, dit-il, celui qui entend mes paroles et les accomplit sera comparé à un homme sensé qui a bâti sa maison sur la pierre, etc. Celui qui entend, mais n’accomplit pas, est semblable à un fou qui a bâti sa maison sur le sable, etc. 262 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Voyons de quelle manière Paul lui aussi nous parle comme ayant le libre arbitre et étant causes de perdition et de salut : Méprises-tu la richesse de sa bonté et de sa patience et de sa longanimité, ignorant que cette bonté de Dieu te mène à la pénitence ? En fonction de ta dureté et de l’impénitence de ton cœur, tu thésaurises pour toi la colère au jour de la colère, de la révélation et du juste jugement de Dieu qui rendra à chacun selon ses œuvres : à ceux qui par leur persévérance à accomplir le bien recherchent la gloire, l’honneur et l’incorruption sera donnée la vie éternelle, mais à ceux qui par chicane n’obéissent pas à la vérité, mais à l’injustice, colère et fureur. Tribulalion et angoisse pour toute personne humaine qui fait le mal, Juif d’abord, puis Grec; gloire, honneur et paix à tous ceux qui font le bien, Juif d’abord, puis Grec. On trouve dans les Écritures d’innombrables affirmations, très claires, du libre arbitre. 264 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Puisqu’on peut aussi tirer dans le sens contraire, c’est-à-dire comme s’il ne dépendait pas de nous de garder les commandements pour être sauvés et de les enfreindre pour être perdus, quelques passages de l’Ancien et du Nouveau Testament, nous allons en exposer quelques-uns et envisager leurs solutions pour que, en partant des cas exposés, chacun puisse choisir de même les textes qui lui paraissent contredire le libre arbitre et examiner leur solution. Beaucoup sont émus par ce qui concerne Pharaon, au sujet de qui Dieu proclame plusieurs fois : J’endurcirai le cœur de Pharaon. S’il est endurci par Dieu et s’il pèche à cause de cet endurcissement, ce n’est pas lui qui est cause de son péché : s’il en est ainsi Pharaon n’a pas de libre arbitre. Et l’on dira que de la même façon ceux qui sont perdus n’ont pas le libre arbitre et que ce n’est pas par leur faute qu’ils périssent. Et ce qui est dit dans Ézéchiel : J’enlèverai leurs cœurs de pierre et je leur mettrai des cœurs de chair, afin qu’ils marchent dans mes commandements et qu’ils gardent mes prescriptions, poussera peut-être certains à penser que c’est Dieu qui donne de marcher dans les commandements et de garder les prescriptions en ôtant l’obstacle, le cœur de pierre, pour mettre à la place ce qui est meilleur, le cœur de chair. 265 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Commençons d’abord par ce qui est dit au sujet de Pharaon et de Dieu qui l’endurcit pour l’empêcher de laisser partir le peuple ; on examinera en même temps cette parole de l’Apôtre : Il a donc pitié de celui qu’il veut et il endurcit celui qu’il veut. Et puisque certains hétérodoxes se servent de ces textes pour supprimer à peu près le libre arbitre en soutenant qu’il y a des natures perdues, incapables de salut, et d’autres sauvées qui sont dans l’incapacité de se perdre, et qu’ils disent que Pharaon étant d’une nature perdue est endurci à cause de cela par Dieu qui a pitié des spirituels (pneumatiques) et endurcit les terrestres (choiques), examinons donc ce qu’ils disent. Nous leur demanderons si Pharaon était d’une nature terrestre. Quand ils auront répondu, nous leur dirons que celui qui a une nature terrestre désobéit complètement à Dieu. S’il désobéit, quel besoin y a-t-il d’endurcir son cœur, et cela non une seule fois, mais à plusieurs reprises ? 267 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
S’il n’en est pas ainsi, puisqu’il lui était possible d’être persuadé – et il aurait été tout à fait persuadé, comme s’il n’était pas terrestre, parce qu’il était troublé par les prodiges et les signes, mais Dieu avait besoin de sa désobéissance répétée pour manifester ses merveilles en vue du salut de beaucoup -, pour cette raison Dieu endurcit son cœur. 268 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Voici la première réponse à faire aux hérétiques pour renverser ce qu’ils supposent, que Pharaon était d’une nature perdue. Il faut leur dire la même chose au sujet de la parole de l’Apôtre. Qu’est-ce qu’endurcit Dieu ? Les perdus ? Mais qu’est-ce qui leur arriverait s’ils n’avaient pas été endurcis ? Ou bien alors, évidemment, seront-ils sauvés, comme n’étant pas d’une nature perdue ? De qui Dieu a-t-il pitié ? N’est-ce pas de ceux qui seront sauvés ? Et quel besoin y a-t-il pour eux d’une seconde miséricorde, puisqu’une fois pour toutes ils ont été créés comme devant être sauvés et devant être dans la béatitude complète à cause de leur nature ? S’il n’en est pas ainsi, puisqu’ils reçoivent la perdition s’ils ne sont pas l’objet de la miséricorde, Dieu a pitié d’eux, pour qu’ils ne reçoivent pas ce qui les attend, la perdition, mais qu’ils parviennent au lieu des sauvés. Voici donc ce que l’on peut leur répondre. On peut objecter à ceux qui pensent avoir compris le mot il a endurci ce qui suit : Qu’a fait selon eux Dieu pour endurcir le cœur et dans quel but a-t-il agi ainsi ? Qu’ils examinent donc la notion de Dieu, qui est selon la saine doctrine juste et bon, mais, s’ils ne l’acceptent pas, qu’on leur concède pour le moment qu’il est seulement juste. Qu’ils nous montrent comment celui qui est juste et bon, ou seulement juste, peut paraître avoir agi justement en endurcissant le cœur de celui qui périra parce qu’il est endurci, et comment celui qui est juste devient cause de perdition et de désobéissance en châtiant ceux qu’il a endurcis et contraints à la désobéissance ! Pourquoi blâme-t-il Pharaon en ces termes : Toi, tu ne veux pas laisser partir mon peuple, voici que je frappe tous les premiers-nés d’Egypte, ainsi que ton premier-né, et tout ce que selon l’Écriture Dieu dit à Pharaon par l’intermédiaire de Moïse ? Il faut que celui qui croit que les Écritures sont véridiques et que Dieu est juste, lutte, s’il est sage, pour montrer comment comprendre clairement que Dieu est juste en proférant de telles paroles. 269 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Mais, puisqu’ils disent qu’ils le considèrent comme juste, et nous comme juste et bon à la fois, examinons comment celui qui est juste et bon endurcirait le cœur de Pharaon. Voyons si nous pouvons montrer à partir d’un exemple que l’Apôtre a utilisé dans son Epître aux Hébreux, comment par la même action Dieu a miséricorde de l’un et endurcit l’autre, non dans le but d’endurcir, mais dans une intention bonne qui a pour effet d’endurcir à cause du substrat de malice que constitue le mal qui est en eux, et c’est pourquoi on dit qu’il endurcit celui qui est endurci. La terre, dit-il, qui a bu la pluie qui est tombée sur elle et produit une herbe utile à ceux pour qui elle a été cultivée, reçoit de Dieu la bénédiction; si elle porte épines et chardons, elle est réprouvée et proche de la malédiction, destinée à être brûlée. Il y a donc une unique action, celle de la pluie ; à partir de cette unique action qui est celle de la pluie, la terre cultivée produit des fruits, celle qui est négligée et dure produit des épines. Il paraîtrait injurieux de prêter à celui qui fait pleuvoir les paroles suivantes : c’est moi qui ai produit les fruits et les épines qui sont sur la terre. Mais si c’est injurieux, c’est cependant vrai : car s’il n’y avait pas eu de pluie, il n’y aurait pas eu de fruits ni d’épines, mais si elle tombe en temps voulu et avec mesure, les uns et les autres sont produits. En effet quand elle produit des épines et des chardons, la terre qui a bu la pluie qui est tombée sur elle est réprouvée et proche de la malédiction. Le bienfait de la pluie est donc tombé aussi sur la terre la plus mauvaise, et comme le substrat était négligé et inculte, il a produit des épines et des chardons. Ainsi donc les prodiges accomplis par Dieu sont comme la pluie, les volontés diverses comme la terre cultivée ou la négligée, les deux étant une même terre par leur unique nature. 271 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
C’est comme si le soleil prenait la parole et disait : Je liquéfie et je dessèche, alors qu’être liquéfié et être desséché sont des états contraires. Cependant il ne mentirait pas à cause du substrat, car la même chaleur liquéfie la cire et sèche la boue : ainsi la même action qui s’est produite par l’intermédiaire de Moïse a révélé l’endurcissement de Pharaon à cause de sa malice et la docilité des Égyptiens qui s’étaient mêlés aux Hébreux et partaient avec eux. Et ce qui est écrit, que peu à peu le cœur de Pharaon s’est assoupli jusqu’à dire : Mais vous n’irez pas loin, vous marcherez trois jours et vous laisserez vos femmes, et toutes les autres paroles qu’il a dites en s’abandonnant peu à peu aux prodiges, montrent que les miracles agissaient bien un peu sur lui, sans l’amener cependant à tout exécuter. Cela ne se serait pas produit si la phrase J’endurcirai le cœur de Pharaon était accomplie par lui, c’est-à-dire par Dieu, dans le sens que veulent la plupart. Il n’est pas déplacé d’expliquer de telles paroles à partir des habitudes de langage. Souvent de bons maîtres disent à des serviteurs, gâtés par leur bonté et leur patience : C’est moi qui t’ai rendu mauvais. Et : C’est moi qui suis la cause de telles fautes. Il faut d’abord comprendre la forme habituelle et le sens de ce qui est dit et ne pas calomnier par une mauvaise compréhension de ce que veut dire cette parole. En effet Paul, qui a examiné tout cela clairement, dit au pécheur : Méprises-tu la richesse de sa bonté, de sa patience et de sa longanimité, ignorant que la bonté de Dieu te mène à la pénitence ? Selon ta dureté et l’impénitence de ton cœur, tu thésaurises pour toi-même la colère au jour de la colère et de la révélation et du juste jugement de Dieu. Ce que dit l’Apôtre au pécheur, que cela soit dit à Pharaon : on peut penser que cela se rapporte à lui d’une manière tout à fait adaptée, car selon sa dureté et l’impénitence de son cœur il thésaurise pour lui-même la colère. Cette dureté n’aurait pas été révélée à ce point ni ne serait devenue aussi manifeste, si des miracles ne s’étaient pas produits, ou même, dans le cas où ils se seraient produits, s’ils n’avaient pas été si nombreux et si grands. 272 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)
Mais puisque de tels récits semblent difficilement croyables et paraissent forcés, voyons, à partir des paroles prophétiques, ce que disent ceux qui ont expérimenté la grande bonté de Dieu, ayant certes mené une bonne vie, mais ensuite ayant péché : Pourquoi nous as-tu égarés, Seigneur, loin de ta voie ? Pourquoi as-tu endurci notre cœur pour l’empêcher de craindre ton nom ? Tourne-toi (vers nous) à cause de tes serviteurs, à cause des tribus qui sont ton héritage, afin que nous héritions un peu de ta montagne sainte. Et dans Jérémie : Tu m’as trompé, Seigneur, et j’ai été trompé ; tu as prévalu et tu l’as emporté. Mais ces paroles : Pourquoi as-tu endurci notre cœur pour l’empêcher de craindre ton nom, dites par ceux qui implorent la pitié, signifient, si on les comprend de la manière dont elles sont dites : Pourquoi nous as-tu tellement épargnés sans nous visiter pour nos péchés, mais en nous abandonnant jusqu’à ce que nos fautes se soient entassées ? Dieu laisse donc la plupart sans les châtier, afin que les mœurs de chacun soient examinées à partir de leur libre arbitre, que les meilleurs soient révélés à la suite des épreuves subies, que les autres qui ne sont pas cachés aux yeux de Dieu – car il sait tout avant que cela ne se produise -, mais à ceux des êtres raisonnables et à leurs propres yeux, trouveront plus tard la voie de la guérison, car ils n’auraient pas pris conscience du bienfait (divin) s’ils ne s’étaient pas condamnés eux-mêmes : (ce délai) est utile à chacun pour lui faire prendre conscience de ce qu’il est lui-même et de la grâce qui vient de Dieu. Celui qui n’a pas pris conscience de sa propre faiblesse et de la grâce divine, si on le secourt avant qu’il n’ait fait l’expérience de lui-même et qu’il ne se soit condamné lui-même, pensera que le secours qui lui vient de la grâce céleste est sa propre œuvre. Et ceci, engendrant la présomption et l’orgueil, sera la cause de sa chute ; à notre avis c’est ce qui est arrivé au diable, qui s’est attribué à lui-même les avantages qu’il possédait quand il était irréprochable : Quiconque s’élève sera abaissé et quiconque s’abaisse sera élevé. Remarquons qu’à cause de cela les réalités divines sont cachées aux sages et aux intelligents, afin que, dit l’Apôtre, aucune chair ne s’enorgueillisse devant Dieu. Et elles sont révélées aux petits, ceux qui après la petite enfance sont parvenus aux réalités supérieures et qui se rappellent que ce n’est pas tant par leurs propres efforts que par un bienfait indicible de Dieu qu’ils ont atteint un tel niveau de béatitude. 273 Traité des Principes: Sixième traité (III, 1)