Tertullien: Les plaisirs du siècle ne conviennent pas au chrétien.

C. 24. Par quelles autres preuves montrerai-je encore que rien de ce qui appartient aux spectacles ne plaît à Dieu ? Alors ce qui ne plaît pas à Dieu conviendrait-il au serviteur de Dieu ? Si, comme je l’ai montré, les spectacles ont été institués pour honorer le démon, si l’appareil en est composé de ses œuvres (car ce qui ne vient pas de Dieu ou qui lui déplaît est l’ouvrage du démon), il s’ensuit que c’est là la pompe du démon, à laquelle nous avons renoncé dans notre baptême. Or ce que nous avons abjuré alors, nous ne devons plus le rechercher ni par actions, ni par paroles, ni par regards, ni par désirs. D’ailleurs est-ce qu’en rompant notre promesse nous ne détruisons pas le sceau qui est notre baptême ? Il ne nous reste qu’à demander la réponse aux payens eux-mêmes. Qu’ils nous disent s’il est permis aux chrétiens d’assister aux spectacles. Or ils entendent avant tout que celui-là qui est devenu chrétien a renoncé aux spectacles. Il renie donc manifestement sa foi, celui qui enlève le signe auquel on le reconnaissait. Quelle espérance reste-t-il à ce malheureux ? Un soldat ne passe à l’ennemi qu’en abandonnant ses armes, qu’en quittant l’étendard de son prince, en violant ses serments, et en s’engageant à périr avec ceux à qui il se livre.

25. Le chrétien peut-il penser à Dieu en un temps et un lieu où rien ne lui parle de Dieu ? Sans doute il aura la paix de l’âme tandis qu’il pariera pour un cocher ! Il apprendra la pureté en admirant les comédiens ! Et puis en toute sorte de spectacles il n’est pas de pire scandale que ces parures extraordinaires des femmes et des hommes ; le mélange même des uns et des autres, leur accord ou leur divergence dans les applaudissements, tout cela souffle les étincelles de la concupiscence. D’ailleurs en allant au spectacle chacun ne pense qu’à voir et à être vu. Pendant qu’un acteur vocifère, peut-on penser aux salutaires exclamations d’un prophète? Aux airs efféminés d’un joueur de flûte peut-on joindre le chant de quelque psaume ? En regardant lutter des athlètes, dira-t-on qu’il ne faut pas rendre coup pour coup ? Pourra-t-on donc se former à la douceur en voyant des ours déchirer des hommes et des gladiateurs éponger leur sang ? Que Dieu préserve les siens de désirer si fort des plaisirs si funestes. Qu’est-ce donc en effet que de passer de l’église de Dieu au temple du démon, de l’éclat du ciel, comme on dit, à la fange de la terre? Ces mains que vous avez élevées vers le Seigneur, vous les fatiguez ensuite pour applaudir à un bouffon ? Cette bouche qui répondait «amen» pendant le sacrifice, voilà qu’elle rend témoignage au gladiateur, qu’elle dit à tout autre qu’à Dieu et au Christ : Qu’il vive à jamais !

26. Pourquoi donc de tels chrétiens ne deviennent-ils pas la proie du démon ? Car nous avons, Dieu en est témoin, l’exemple de cette femme qui, étant allée au théâtre, en revint avec un démon dans le corps. Comme on exorcisait l’esprit immonde et qu’on lui commandait de répondre pourquoi il avait osé s’emparer d’une chrétienne : « C’est avec raison, dit-il, que je m’en suis saisi, puisque je l’ai trouvée chez moi.»