terrestres (Orígenes)

Je crois qu’une fois que notre esprit a été illuminé par le Christ, notre soleil, il lui est ordonné de se servir des eaux qui sont en lui pour produire des êtres qui rampent et des oiseaux qui volent, c’est-à-dire d’étaler au jour les bonnes et les mauvaises pensées pour opérer la séparation du bien et du mal, puisqu’aussi bien l’un et l’autre viennent du coeur. C’est de notre coeur, en effet, que sortent, comme des eaux, les bonnes et les mauvaises pensées. Sur la parole et sur l’ordre de Dieu, étalons-les donc les unes et les autres au regard et au jugement de Dieu, afin qu’illuminés par lui nous puissions séparer ce qui est mal de ce qui est bien, autrement dit pour que nous puissions nous séparer de ce qui rampe sur la terre et donne des préoccupations terrestres. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Regardions-nous une femme avec concupiscence, nous voilà devenus « reptile » venimeux ; mais si nous avons le sens de la retenue, une Egyptienne aura beau s’éprendre de nous, nous sommes « oiseau » : laissant entre ses mains nos vêtements d’Egyptien, nous échapperons d’un coup d’aile à ses infâmes embûches. Nous laissons-nous tenter à l’idée de voler, c’est faire oeuvre de « reptile » détestable; mais si, quand bien même nous ne disposerions que de « deux petits sous », nous avons l’idée de les verser en aumône au « don de Dieu », c’est là agir en « oiseau » affranchi des choses terrestres et se dirigeant à tire d’ailes vers le firmament. Si nous nous laissons prendre à l’idée que nous ne devons pas aller jusqu’à endurer les souffrances du martyre, c’est là une pensée de «reptile» venimeux ; mais si nous consentons à l’idée d’avoir à combattre jusqu’à la mort pour la vérité, c’est là une pensée d’ « oiseau » qui nous détache de la terre et nous élève vers le ciel. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Celui qui a été « fait à l’image de Dieu », c’est notre homme intérieur, invisible, incorporel, incorruptible et immortel. Car c’est à ces qualités-là vraiment que l’image de Dieu se reconnaît. S’imaginer que c’est l’être corporel qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, c’est laisser supposer que Dieu lui-même est corporel et possède une forme humaine : une telle idée de Dieu est de toute évidence une impiété. Aussi quand ces hommes charnels qui méconnaissent la nature spirituelle de la divinité, lisent l’Écriture qui fait dire à Dieu : «le ciel est mon trône et la terre, l’escabeau de mes pieds », ils croient que Dieu possède un corps si grand que, du ciel où il est assis, il peut étendre les pieds jusque sur la terre. S’ils ont ces idées, c’est qu’il leur manque les oreilles qu’il faut pour écouter dignement les paroles de Dieu sur Dieu rapportées dans l’Écriture. La parole : « le ciel est mon trône », doit convenablement s’interpréter de Dieu en sachant que Dieu repose et réside en ceux dont « la demeure est dans les cieux » ; quant à ceux qui nourrissent encore des désirs terrestres, en eux se trouve la partie la plus reculée de sa providence, comme c’est indiqué en figure par la mention des pieds. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

L’Esprit divin se sert donc simultanément de Moïse et de Paul pour découvrir l’aspect de grands mystères. Paul, en effet, prêchant le mystère de la descente du Christ, a employé le terme de profondeur pour marquer un mouvement de haut en bas ; Moïse, au contraire, figurant le rétablissement de ceux que le Christ ramène des bas-fonds aux régions célestes d’en haut en les arrachant à l’anéantissement et à la perdition du siècle comme à la mort du déluge, ne parle pas, dans les mesures de l’arche, de profondeur, mais de hauteur, pour marquer une élévation à partir des choses terrestres et basses vers les choses célestes et élevées. Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

C’est donc « sur un lieu élevé » qu’on l’envoie ; mais, pour un patriarche qui va accomplir pour le Seigneur une si grande action, il ne suffit pas d’un lieu élevé ; c’est une montagne qu’on lui ordonne de gravir ; et cela veut dire qu’il doit, à l’instigation de la foi, délaisser les choses terrestres et monter vers celles d’en haut. Homélies sur la Genèse: VIII – LE SACRIFICE D’ABRAHAM Le premier jour.

L’Apôtre dit, comme nous l’avons déjà rappelé : « Le premier homme sorti de la terre est terrestre, le second homme venu du ciel est céleste. Tel est le terrestre, tels sont aussi les terrestres ; et tel est le céleste, tels sont aussi les célestes. De même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste. » Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Quant à la parole : « Aussi nombreux que les étoiles du ciel », et celle qui suit : « Comme les grains de sable sur le bord de la mer qu’on ne peut compter », on dira peut-être que la figure du nombre céleste convient au peuple chrétien, et celle du sable de la mer au peuple juif. Je préfère néanmoins penser qu’on peut appliquer aux deux peuples l’un et l’autre exemple. En effet, dans le peuple juif, il y a eu beaucoup de justes et de prophètes qu’on peut assimiler à bon droit aux étoiles du ciel ; dans notre peuple, en revanche, il y en a beaucoup « qui n’ont de goût que pour les choses terrestres » et dont la folie « est plus pesante que le sable de la mer » ; j’estime qu’il faut surtout ranger parmi eux la masse des hérétiques, sans toutefois nous croire nous-mêmes en sécurité, car les exemples terrestres doivent s’appliquer à quiconque n’a pas dépouillé « l’image de l’homme terrestre » et revêtu « l’image de l’homme céleste. » Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Sans doute est-ce sous l’empire de ces pensées que l’Apôtre dresse le tableau de la résurrection dans les corps célestes et terrestres : « Autre est la gloire des corps célestes, autre celle des corps terrestres. Même une étoile diffère en éclat d’une autre étoile ; ainsi en sera-t-il pour la résurrection des morts. Et à qui sait entendre, le Seigneur donne le même avertissement quand il dit : « Pour que votre lumière luise devant les hommes, afin que voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Jacques et Jude ; serviteur, l’Apôtre Paul : tous, puisatiers du Nouveau Testament. Mais contre eux s’élèvent « ceux qui n’ont de goût que pour les choses terrestres », ceux qui ne laissent ni découvrir du nouveau, ni purifier l’ancien. Ils s’attaquent aux puits évangéliques, ils sont les adversaires des puits apostoliques. Et parce qu’ils s’attaquent à tout et s’en prennent à tout, c’est pour eux qu’il est dit : « Puisque vous vous jugez indignes de la grâce de Dieu, désormais nous irons aux Gentils. » Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

A cela, je répondrai que toute terre contient des eaux, mais qu’un Philistin qui « n’a de goût que pour les choses terrestres » ne sait pas, en toute terre, découvrir de l’eau ; il ne sait pas en toute âme découvrir la raison (rationabilem sensum) et l’image de Dieu ; il ne sait pas qu’il peut y avoir chez tous foi, piété, sens religieux. A quoi vous sert l’instruction si vous ne savez pas vous en servir, et la parole, si vous ne savez pas parler ? Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Remarquez bien que chacune de nos âmes contient en quelque sorte un puits d’eau vive, il y a en elle un certain sens céleste, une image de Dieu enfouie ; c’est ce puits que les Philistins, c’est-à-dire les puissances adverses, ont obstrué de terre. De quelle terre ? Des comportements charnels (carnalibus sensibus), des pensées terrestres, et c’est pourquoi « nous avons porté l’image de l’homme terrestre ». C’est quand nous portions cette image de l’homme terrestre que les Philistins obstruèrent nos puits de terre. Mais maintenant qu’est venu notre Isaac, accueillons sa venue et creusons nos puits ; rejetons-en la terre, purifions-les de toute ordure, de toute pensée fangeuse et terrestre : nous trouverons en eux l’eau vive, cette eau dont le Seigneur dit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive sortiront de sa poitrine ». Et remarquez la libéralité du Seigneur ; ce sont des puits que les Philistins ont comblés et de maigres filets d’eau qu’ils nous ont disputés ; à leur place, il nous est rendu des sources et des fleuves. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

– Si vous, qui m’écoutez aujourd’hui, vous recueillez fidèlement ce que vous entendez, Isaac travaille aussi en vous et purifie vos coeurs des comportements terrestres. Sachant que de si profonds mystères sont cachés dans les divines Écritures, vous progressez en discernement, vous progressez en comportements spirituels. Vous deviendrez docteurs à votre tour, et il émanera de vous « des fleuves d’eau vive ». Car il est là, le Verbe de Dieu, et son opération actuelle est d’écarter la terre de votre âme à chacun, pour faire jaillir votre source. Cette source est en vous et ne vient pas du dehors, comme « le royaume de Dieu qui est en vous ». Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Ainsi vous voyez quelle est la faim qui presse les pécheurs et la famine qui s’appesantit sur la terre : ceux qui sont de la terre, « qui n’ont de goût que pour les choses terrestres » et qui ne peuvent pas « recevoir les choses de l’Esprit de Dieu », Ont « faim de la parole de Dieu ». Ils n’écoutent pas les préceptes de la loi, ils méconnaissent les avertissements des prophètes, ils ignorent les encouragements des Apôtres, ils n’éprouvent pas les effets guérisseurs de l’Évangile. Aussi est-ce à juste titre qu’il est dit en parlant d’eux, que « la famine s’est appesantie sur la terre ». Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Voulez-vous savoir ce qui distingue les prêtres de Dieu des prêtres de Pharaon ? C’est que Pharaon donne des terres à ses prêtres, tandis que le Seigneur ne donne pas à ses prêtres de part sur la terre, mais leur dit : « C’est moi qui suis votre part. » Vous qui lisez ce texte, observez tous les prêtres du Seigneur et faites la différence entre eux : ou dirait que ceux dont la part est sur la terre et qui s’adonnent aux occupations et aux soins terrestres sont moins des prêtres du Seigneur que des prêtres de Pharaon. Car Pharaon veut que ses prêtres possèdent des terres et s’appliquent à la culture des champs, mais non de leur âme ; il veut qu’ils se consacrent à leur domaine et non à la loi. Tandis que le Christ notre Seigneur, ce qu’il enjoint à ses prêtres, écoutons-le plutôt : « Quiconque ne renonce à tout ce qu’il possède ne peut pas être mon disciple. » Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Et maintenant, profitons au moins de la leçon, hâtons-nous de la suivre, hâtons-nous de quitter les prêtres de Pharaon aux possessions terrestres, pour passer du côté des prêtres du Seigneur dont la part n’est pas sur la terre , et dont « la portion est le Seigneur ». Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Quant aux prêtres du Seigneur, si, dans l’examen qu’ils font d’eux-mêmes, ils se trouvent affranchis des comportements terrestres et de toute possession mondaine, ils peuvent vraiment dire au Seigneur : « Voici que nous avons tout quitté et que nous t’avons suivi », alors ils l’entendront dire : « Vous qui m’avez suivi, au renouvellement général, quand viendra le Fils de l’Homme dans son royaume, vous siégerez vous aussi sur douze trônes et vous jugerez les douze tribus d’Israël. » Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.