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« Au commencement, Dieu fit le ciel et la TERRE ». Quel est le commencement de tout, sinon notre Seigneur et « Sauveur universel », le Christ Jésus, « premier né de toute créature » ? Or c’est dans ce commencement, c’est-à-dire dans son Verbe que « Dieu fit le ciel et la TERRE », selon ce que dit l’Évangéliste Jean au début de son Évangile : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait et sans lui rien n’a été fait. » L’Écriture ne parle pas d’un commencement temporel ; mais elle dit que c’est « dans ce commencement » qu’est le Sauveur, qu’ont été faits le ciel et la TERRE et « tout ce qui a été fait ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

« Mais la TERRE était invisible et informe ; les ténèbres couvraient l’abîme et l’Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux ». La TERRE était invisible et informe avant que Dieu eût dit : « Que la lumière soit », et avant qu’il eût séparé la lumière des ténèbres, selon que l’indique l’ordre du récit. Dans la suite, Dieu ordonne que le firmament soit, et il l’appelle « ciel ». Quand nous en viendrons là, nous dirons la différence qu’il y a entre ciel et firmament et pourquoi le firmament a été appelé Ciel; mais maintenant il est dit : « Les Ténèbres couvraient l’abîme. » Quel est cet abîme ? C’est celui dans lequel se trouveront « le diable et ses anges ». Il est clairement désigné dans l’Évangile quand il est dit du Sauveur que les démons qu’il chassait « lui demandaient de ne pas leur commander d’aller dans l’abîme ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Mais, selon le sens spirituel, voyons pourquoi Dieu, après avoir, dans ce « commencement » dont nous avons parlé plus haut, « fait le ciel et la TERRE », après avoir dit : « Que la lumière soit », après avoir séparé la lumière et les ténèbres, appelé la lumière Jour et les ténèbres Nuit et dit qu’il y eût un soir et qu’il y eût un matin, voyons pourquoi Dieu a dit : «Ce fut un jour» et non pas : « Ce fut le premier jour.» Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

En participant à l’eau supérieure qui est au-dessus des cieux, le fidèle devient céleste : il s’applique aux choses supérieures et élevées, n’a aucune de ses pensées en la TERRE, mais toutes dans le ciel et « cherche les choses d’en haut où le Christ se tient à la droite du Père ». Et c’est ainsi qu’il se rend digne de cet éloge de Dieu qui se trouve dans notre texte : « Et Dieu vit que cela était bon ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Après avoir « fait au début le ciel et la TERRE », Dieu fit ensuite le firmament et l’élément sec ; il appela le firmament Ciel, lui donnant le nom du ciel qu’il avait créé auparavant, et il appela l’élément sec : Terre, car il lui donna le pouvoir de donner des fruits. Si donc il en est qui restent encore délibérément secs, s’ils ne produisent aucun fruit, s’ils portent « des épines et des ronces » « bonnes à alimenter le feu », ils sont eux aussi, à voir ce qu’ils produisent, « bons à alimenter le feu ». Mais qu’un zèle attentif les ait séparés des eaux de l’abîme, qui sont les sens du démon, et qu’ils se montrent une TERRE fertile, ils doivent dès lors espérer que Dieu les introduira dans « une TERRE où coulent le lait et le miel ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– Voyons ensuite quels sont les fruits que Dieu ordonne de produire à cette TERRE qu’il a ainsi nommée. « Et Dieu vit que cela était bon. Et Dieu dit : que la TERRE fasse pousser des herbes de gazon portant semence selon leur espèce et ressemblance, des arbres à fruit produisant du fruit ayant en soi sa semence selon son espèce sur la TERRE. Et il en fut ainsi. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Mais, comme tout à l’heure, revenons encore à nous. Nous voici désormais nous-mêmes « TERRE » et non plus « élément sec ». Apportons donc à Dieu des fruits abondants et variés, pour être, nous aussi, bénis par le Père qui dit : « Voici l’odeur de mon fils comme l’odeur d’un champ fécond que le Seigneur a béni », et pour que s’accomplisse en nous la parole de l’Apôtre : « Une TERRE recevant la pluie qui tombe souvent sur elle et produisant une herbe utile à ceux qui la cultivent a part à la bénédiction de Dieu. Mais celle qui produit des épines et des ronces est jugée de mauvaise qualité, près d’être maudite et l’on finit par y mettre le feu ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

« Et la TERRE produisit des herbes de gazon portant semence selon leur espèce et ressemblance, et des arbres à fruit produisant du fruit ayant en soi sa semence selon son espèce sur la TERRE. Et Dieu vit que cela était bon. Et il y eut un soir, et il y eut un matin, ce fut le troisième jour. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Dieu ordonne que la TERRE produise non seulement des herbes de gazon, mais aussi la semence, pour pouvoir ne pas cesser de porter du fruit ; non seulement des arbres à fruit, mais des arbres produisant des fruits qui aient en eux leur semence selon leur espèce, pour pouvoir, grâce à cette semence, ne pas cesser de porter du fruit. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Si nous écoutons la parole et si, après l’avoir entendue, notre TERRE produit aussitôt de l’herbe, et si cette herbe, avant d’être mûre et de porter du fruit, vient à se dessécher, notre TERRE sera appelée « caillouteuse ». Mais si la parole s’implante dans notre coeur avec des racines si profondes qu’elle produise le fruit des bonnes oeuvres et porte la semence des biens à venir, alors vraiment chacune de nos TERREs porte son fruit, l’une cent, l’autre soixante, l’autre trente pour un, selon ce qu’elle peut. Et remarquons bien que notre fruit ne doit comporter nulle zizanie ou ivraie, qu’il ne doit pas se trouver sur les bords du chemin, mais qu’il doit être semé dans le chemin lui-même, dans ce Chemin qui dit « Je suis la Voie », pour que les « oiseaux du ciel » ne grappillent pas nos fruits ni notre vigne. Et même, s’il est donné à tel d’entre nous d’être une « vigne », que celui-là se garde de porter des épines au lieu de grappes : sinon cette vigne ne sera « ni taillée, ni cultivée » et les nuées n’auront pas l’ordre de « laisser tomber la pluie sur elle » ; elle deviendra un désert où croîtront les épines. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Après cela, c’est le moment, pour le firmament, d’être muni de luminaires. Dieu dit en effet : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour qu’ils luisent sur la TERRE et séparent le jour et la nuit. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

« Qu’ils soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ; qu’ils servent de luminaires au firmament du ciel pour éclairer la TERRE. Et cela fut ainsi. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Comme ces luminaires que nous voyons au ciel servent de signes « pour marquer les époques, les jours et les années », éclairant du haut du firmament ceux qui sont sur la TERRE, ainsi le Christ, illuminant son Église, fait dé ses commandements des signes par lesquels nous apprenions à éviter « la colère à venir » ; de la sorte, loin que « ce jour nous surprenne comme un voleur », nous pourrons parvenir à « l’année miséricordieuse du Seigneur ». C’est donc le Christ qui est « la lumière vraie qui illumine tout homme venant en ce monde », et l’Église, recevant sa lumière, devient elle-même « lumière du monde », illuminant « ceux qui sont dans les ténèbres », selon cette parole du Christ à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde ». D’où il ressort que le Christ est la lumière des Apôtres, et les Apôtres à leur tour la lumière du monde. Car les Apôtres « n’ont ni tache, ni ride, ni rien de semblable » ; ils sont l’Église véritable, selon cette parole de l’Apôtre que Dieu « a voulu faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, sans ride ni rien de semblable ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

« Et Dieu fit deux grands luminaires, le plus grand pour présider au jour, le plus petit pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles. Et Dieu les plaça au firmament du ciel pour luire sur la TERRE, pour présider au jour et à la nuit et pour séparer la lumière et les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. Et il y eut un soir, et il y eut un matin, ce fut le quatrième jour. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– « Et Dieu dit : que les eaux produisent des êtres qui rampent et des oiseaux de la TERRE qui volent sur la face du firmament du ciel. Et cela fut ainsi. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Je crois qu’une fois que notre esprit a été illuminé par le Christ, notre soleil, il lui est ordonné de se servir des eaux qui sont en lui pour produire des êtres qui rampent et des oiseaux qui volent, c’est-à-dire d’étaler au jour les bonnes et les mauvaises pensées pour opérer la séparation du bien et du mal, puisqu’aussi bien l’un et l’autre viennent du coeur. C’est de notre coeur, en effet, que sortent, comme des eaux, les bonnes et les mauvaises pensées. Sur la parole et sur l’ordre de Dieu, étalons-les donc les unes et les autres au regard et au jugement de Dieu, afin qu’illuminés par lui nous puissions séparer ce qui est mal de ce qui est bien, autrement dit pour que nous puissions nous séparer de ce qui rampe sur la TERRE et donne des préoccupations TERREstres. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Quant à ce qui est meilleur, c’est-à-dire aux oiseaux, laissons-les voler non seulement sur la TERRE mais au firmament du ciel ; c’est-à-dire qu’il nous faut étudier le sens et la raison d’être des choses de la TERRE aussi bien que de celles du ciel, et connaître les « êtres rampants » qui nous sont nuisibles. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Regardions-nous une femme avec concupiscence, nous voilà devenus « reptile » venimeux ; mais si nous avons le sens de la retenue, une Egyptienne aura beau s’éprendre de nous, nous sommes « oiseau » : laissant entre ses mains nos vêtements d’Egyptien, nous échapperons d’un coup d’aile à ses infâmes embûches. Nous laissons-nous tenter à l’idée de voler, c’est faire oeuvre de « reptile » détestable; mais si, quand bien même nous ne disposerions que de « deux petits sous », nous avons l’idée de les verser en aumône au « don de Dieu », c’est là agir en « oiseau » affranchi des choses TERREstres et se dirigeant à tire d’ailes vers le firmament. Si nous nous laissons prendre à l’idée que nous ne devons pas aller jusqu’à endurer les souffrances du martyre, c’est là une pensée de «reptile» venimeux ; mais si nous consentons à l’idée d’avoir à combattre jusqu’à la mort pour la vérité, c’est là une pensée d’ « oiseau » qui nous détache de la TERRE et nous élève vers le ciel. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– « Et Dieu vit que tout cela était bon, et il le bénit en disant : croissez et multipliez, remplissez les eaux de la mer et que les oiseaux multiplient sur la TERRE. Et il y eut un soir, et il y eut un matin, ce fut le cinquième jour. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

C’est dans la mer que les animaux produits par les eaux, les grands animaux aquatiques et tout être qui rampe, doivent demeurer, là où habite «le dragon que Dieu a formé pour se jouer de lui ». Mais les oiseaux doivent multiplier sur la TERRE ; et, comme nous l’avons dit, celle-ci était auparavant l’ « élément sec », tandis qu’elle est appelée maintenant Terre. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Or, il n’est pas écrit : « Et Dieu dit que cela était bon », mais : « et Dieu vit que cela était bon ». C’est que Dieu voyait les avantages des choses et ce qui leur permettrait, malgré ce qu’elles étaient, de mener les bons à la perfection. Aussi dit-il ensuite : « croissez et multipliez, remplissez les eaux de la mer et que les oiseaux multiplient sur la TERRE », autrement dit : que les grands animaux aquatiques et les êtres qui rampent soient dans la mer, comme nous avons dit plus haut, et les oiseaux sur la TERRE. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– « Et Dieu dit : que la TERRE produise des êtres vivants selon leur espèce, des quadrupèdes et des êtres qui rampent et des bêtes de la TERRE selon leur espèce. Et il en fut ainsi. Et Dieu fit les bêtes de la TERRE selon leur espèce et tous les êtres qui rampent sur la TERRE selon leur espèce. Et Dieu vit que cela était bon. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

L’explication littérale ne fait aucune difficulté. Car il est dit d’une manière évidente que c’est Dieu qui a créé les êtres vivants, les quadrupèdes, les bêtes et les serpents de la TERRE. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Tout à l’heure, le texte portait : « que les eaux produisent des êtres vivants qui rampent et des oiseaux volant sur la TERRE au firmament du ciel », mais il porte maintenant : « que la TERRE produise des êtres vivants selon leur espèce, des quadrupèdes et des êtres qui rampent et des bêtes de la TERRE selon leur espèce ». Pour ce qui est des êtres produits par l’eau, nous avons dit qu’il fallait les interpréter comme les mouvements et les pensées de notre esprit qui viennent de l’intime du coeur. Quant à ce qui est dit maintenant : « que la TERRE produise des êtres vivants selon leur espèce, des quadrupèdes, des êtres qui rampent et des bêtes de la TERRE selon leur espèce », je pense qu’il faut entendre par là les mouvements de notre homme extérieur, autrement dit de l’homme charnel et TERREstre. Car là où il est question de la chair, il n’est pas fait mention d’oiseaux mais seulement de quadrupèdes, de bêtes qui rampent et de bêtes de la TERRE. Au dire de l’Apôtre, « le bien n’habite pas dans ma chair » et « la sagesse de la chair est ennemie de Dieu » ; aussi, ce que produit la TERRE, c’est-à-dire notre chair, c’est ce qui fait l’objet de ce commandement du même apôtre : « Faites mourir vos membres, ce membres de l’homme TERREstre, la fornication, l’impureté, la luxure, l’avarice, l’idolâtrie » et le reste. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– « Et Dieu dit : faisons l’homme à notre image et ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer et les oiseaux du ciel, sur les êtres vivants et sur toute la TERRE et sur tous les êtres qui rampent sur la TERRE. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Nous avons dit quelle interprétation allégorique leur donner, quand nous avons expliqué que l’eau, c’est-à-dire l’esprit de l’homme, avait reçu l’ordre de produire le sens spirituel, tandis que la TERRE devait produire le sens charnel, en sorte que ce soit l’esprit qui domine les animaux et non pas ceux-ci l’esprit. Car l’homme, ce grand « ouvrage » de Dieu pour lequel le monde entier fut créé, Dieu le veut non seulement pur et exempt, mais encore au-dessus de tout ce que nous avons dit. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

C’est sur l’ordre de Dieu que toutes les autres créatures ont été faites ; témoin l’Écriture : « Et Dieu dit : que le firmament soit », et « Dieu dit : que l’eau qui est sous le ciel se réunisse en une seule masse et que l’élément sec apparaisse », « et Dieu dit : que la TERRE produise une herbe de gazon », et ainsi du reste. Mais voyons quelles sont les créatures que Dieu a faites en personne et, par elles, mesurons la grandeur de l’homme. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

« Au commencement Dieu fit le ciel et la TERRE. » De même : « Il fit deux grands luminaires ». Et maintenant : « Faisons l’homme ». Ce sont seulement ces créatures, à l’exclusion de toute autre, qui composent l’oeuvre personnelle de Dieu. Dieu n’a fait que le ciel et la TERRE, – le soleil, la lune et les étoiles, – et, maintenant, l’homme, tandis que tout le reste, dit l’Écriture, a été fait sur son ordre. Considérez par là quelle est la grandeur de l’homme : on l’assimile aux plus grands et aux principaux éléments ; on l’honore à l’égal du ciel ; aussi bien a-t-il la promesse du « royaume des cieux ». On l’honore à l’égal de la TERRE ; aussi bien espère-t-il pénétrer dans une TERRE bonne, dans « la” TERRE des vivants où coulent le lait et le miel ». On l’honore à l’égal du soleil et de la lune ; aussi bien lui est-il promis de resplendir « comme le soleil dans le royaume de Dieu ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– Mais je distingue dans la condition de l’homme quelque chose de plus éminent encore, qui ne se trouve dit nulle part ailleurs : « Dieu fit l’homme et il le fit à son image ». Cela ne se trouve mentionné ni pour le ciel, ni pour la TERRE, ni pour le soleil ou la lune. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Or, cet homme qui, d’après l’Écriture, a été « fait à l’image de Dieu », ce n’est évidemment pas l’homme corporel. Car le corps matériel apparent ne contient pas l’image de Dieu ; et, selon le texte, l’homme corporel n’a pas été « fait », mais « façonné », comme porte l’Écriture dans la suite. En effet il est dit : « Et Dieu façonna l’homme », c’est-à-dire le pétrit « du limon de la TERRE ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Celui qui a été « fait à l’image de Dieu », c’est notre homme intérieur, invisible, incorporel, incorruptible et immortel. Car c’est à ces qualités-là vraiment que l’image de Dieu se reconnaît. S’imaginer que c’est l’être corporel qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, c’est laisser supposer que Dieu lui-même est corporel et possède une forme humaine : une telle idée de Dieu est de toute évidence une impiété. Aussi quand ces hommes charnels qui méconnaissent la nature spirituelle de la divinité, lisent l’Écriture qui fait dire à Dieu : «le ciel est mon trône et la TERRE, l’escabeau de mes pieds », ils croient que Dieu possède un corps si grand que, du ciel où il est assis, il peut étendre les pieds jusque sur la TERRE. S’ils ont ces idées, c’est qu’il leur manque les oreilles qu’il faut pour écouter dignement les paroles de Dieu sur Dieu rapportées dans l’Écriture. La parole : « le ciel est mon trône », doit convenablement s’interpréter de Dieu en sachant que Dieu repose et réside en ceux dont « la demeure est dans les cieux » ; quant à ceux qui nourrissent encore des désirs TERREstres, en eux se trouve la partie la plus reculée de sa providence, comme c’est indiqué en figure par la mention des pieds. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– « Il les créa mâle et femelle, et Dieu les bénit en disant : croissez et multipliez, remplissez la TERRE et dominez-la. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Si elle devance l’avenir en disant : « Et il les fit mâle et femelle », c’est probablement, à mon avis, à cause de la bénédiction que Dieu leur donna en disant : « croissez et multipliez », car l’homme ne peut croître ni multiplier sans la femme. Pour qu’il n’y ait pas d’hésitation sur l’efficacité de la bénédiction, il est dit : « il les fit mâle et femelle ». De la sorte, l’homme, voyant que croître et multiplier découlait de ce qu’on lui adjoignait une femme, pouvait garder une confiance plus assurée en la bénédiction divine. Si l’Écriture avait dit : « croissez et multipliez, remplissez la TERRE et dominez-la », sans ajouter qu’a il les fit mâle et femelle », l’homme serait resté sceptique en la bénédiction divine, comme Marie répondit à la bénédiction de l’Ange : « comment le saurai-je puisque je ne connais point d’homme ? ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Mais si l’Écriture dit en anticipant : « Et il les fit mâle et femelle », c’est peut-être aussi parce que toutes les oeuvres de Dieu, par ailleurs, vont par groupes et sont unies, comme le ciel et la TERRE, le soleil et la lune ; l’Écriture a voulu montrer que l’homme est de même une oeuvre de Dieu et qu’il n’a pas été réalisé sans le complément ni l’union qui lui convenaient. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Notre homme intérieur est constitué d’un esprit et d’une âme. On peut faire de l’esprit le mâle et de l’âme la femelle. Si ces deux éléments s’entendent et s’accordent entre eux, par leur union ils croissent et multiplient ; ils engendrent des fils : les bons mouvements, les idées et les pensées profitables, au moyen desquels ils remplissent et dominent la TERRE. Autrement dit, ayant maîtrisé le sens de la chair, ils l’inclinent à de bons desseins, et ils le dominent en ne tolérant aucune insurrection de la chair contre la volonté de l’esprit. Si donc il arrive que l’âme qui est unie à l’esprit et pour ainsi dire mariée avec lui, s’écarte vers les plaisirs corporels et se porte aux jouissances de la chair, si tantôt elle semble obéir aux salutaires avertissements de l’esprit et tantôt cède aux vices charnels, cette âme souillée par l’adultère du corps, ne peut pas croître ni multiplier légitimement ; au reste, l’Écriture nomme les imparfaits des fils d’adultère. Cette âme divorcée d’avec l’esprit se livre tout entière au sens de la chair et aux désirs corporels, elle se détourne effrontément de Dieu et elle s’entendra dire qu’ « elle a pris un visage de courtisane et qu’elle s’est livrée sans pudeur à tout le monde ». Elle sera donc punie comme une courtisane et l’on ordonnera de « préparer un massacre à ses fils ». Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– « Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui est sur la TERRE et sur les êtres qui rampent sur la TERRE. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Nous avons déjà interprété cela au sens littéral dans le passage où Dieu dit : « Faisons l’homme, etc., qu’il domine sur les poissons de la mer et sur les oiseaux du ciel, etc. » Mais, au sens allégorique, ce qui me semble indiqué par les poissons, les oiseaux, les animaux et les êtres de la TERRE qui rampent, c’est ce que nous avons déjà dit plus haut, c’est-à-dire, soit tout ce qui procède de l’âme et de la pensée du coeur, soit tout ce qui provient des désirs corporels et des mouvements de la chair. Les saints qui sont fidèles à la bénédiction de Dieu tiennent tout cela sous leur domination, car les saints conduisent l’homme tout entier selon la volonté de l’esprit ; les pécheurs au contraire sont sous la domination de ce qui provient des vices de la chair et des plaisirs du corps. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

– « Et Dieu dit : voici que je vous donne toute herbe portant semence à la surface de toute la TERRE et tout arbre qui porte un fruit d’arbre ayant semence ; ce sera pour votre nourriture et celle de tout animal de la TERRE et de tout oiseau du ciel et de tout ce qui rampe sur la TERRE ayant en soi un souffle de vie. » Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Au sens allégorique, l’herbe et les fruits de la TERRE qui sont concédés à l’homme en nourriture, peuvent être interprétés des passions corporelles. Ainsi la colère et la convoitise sont des rejetons du corps. Le fruit de ce rejeton, c’est-à-dire l’accomplissement de l’action (opus) nous est commun, à nous être raisonnables, avec les bêtes de la TERRE. Car quand nous nous emportons justement, pour corriger un coupable et travailler à son salut, nous nous nourrissons de ce fruit de la TERRE et notre nourriture est l’emportement corporel qui réprime le péché et répare la justice. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Mais si la colère est déraisonnable, si elle punit des innocents, si elle bouillonne contre ceux qui n’ont pas failli, elle devient la nourriture des bêtes des champs, des serpents de la TERRE et des oiseaux du ciel ; car c’est de ces nourritures-là que se nourrissent les démons qui se repaissent de nos mauvaises actions et qui les favorisent. Caïn nous en est un exemple, lui qui, par colère et par jalousie, trompa son frère innocent. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Il faut bien remarquer la prudence de la Sainte Écriture jusque dans le choix des mots. L’Écriture dit, quand il s’agit des hommes, que Dieu dit : « voici que je vous donne toute semence sur la TERRE et tout arbre qui est sur la TERRE : ce sera pour votre nourriture » ; quand il s’agit des bêtes, elle ne dit pas : « voici que je vous donne tout cela pour nourriture », mais se contente de : « ce sera pour votre nourriture ». Par là, selon le sens spirituel que nous avons exposé, il faut comprendre que ces passions qu’il a données à l’homme, Dieu prévoit pourtant qu’elles seront aussi une nourriture pour les bêtes de la TERRE. C’est donc avec une souveraine prudence que l’Écriture divine emploie ses mots ; pour les hommes, elle rapporte que Dieu dit : « Je vous ai donné cela comme nourriture », mais, quand elle en vient aux bêtes, pour faire comprendre qu’il n’y a pas là qu’un ordre mais en quelque façon une prédiction, elle dit que ce sera aussi une nourriture pour les bêtes, les oiseaux et les serpents. Homélies sur la Genèse: I – LA CRÉATION Le premier jour.

Voici donc d’abord le texte lui-même : « Alors le Seigneur dit à Noé : la fin de tout homme est venue devant moi, car la TERRE est pleine d’iniquités à cause d’eux ; je vais les détruire ainsi que la TERRE. Fais-toi une arche de bois équarris ; tu feras des cellules dans l’arche et tu l’enduiras de bitume en dedans et en dehors. Voici comment tu feras l’arche : tu feras l’arche en comptant trois cents coudées pour la longueur, cinquante coudées pour la largeur et trente pour la hauteur. Au niveau du toit, tu la termineras à la dimension d’une coudée. Tu feras une porte sur le côté de l’arche ; en bas, tu la feras à double voûte, en haut, à triple voûte. » – Et peu après l’Écriture ajoute : « Alors Noé fit tout ce que le Seigneur Dieu lui avait ordonné. » Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Une tradition nous dit – et la chose n’est pas sans vraisemblance – que le bas de l’arche, construit en double épaisseur comme nous l’avons vu et appelé « à double voûte » – tandis que le haut était dit « à triple voûte » – fut ainsi doublé pour la raison suivante : tous les animaux passèrent dans l’arche une année entière, et il était certes nécessaire de s’approvisionner en vivres pour toute l’année, et non seulement de prévoir les vivres, mais de constituer des lieux pour recevoir les produits des digestions, en sorte que les animaux même, mais surtout les hommes, ne soient pas incommodés par l’odeur insupportable du fumier. La tradition rapporte donc que la partie la plus basse, dans la cale, fut réservée aux nécessités de cet ordre, celle qui se trouvait immédiatement au-dessus étant assignée à la conservation des vivres. Car il paraissait bien nécessaire, pour les bêtes qui se nourrissent ordinairement de viande, d’introduire des animaux en surnombre dont la viande servirait de nourriture et permettrait aux autres de subsister pour conserver la race ; ainsi, pour chaque espèce, fut-on obligé de conserver le genre d’aliments que requéraient les besoins ordinaires. La tradition rapporte que les parties inférieures, dites « à double voûte », furent destinées à cet effet. Les parties supérieures, au contraire, furent affectées au logement des bêtes et des animaux : là, au bas, logeaient les bêtes sauvages et féroces et les serpents ; immédiatement au-dessus étaient les étables des animaux plus tranquilles ; enfin, au sommet, il y avait l’habitation des hommes, ce qui est bien normal puisque, par la dignité de sa raison, l’homme prévaut sur tout. Étant donné que l’homme par sa raison et par sa sagesse, tient le premier rang sur la TERRE, il doit être placé, dans l’arche, au lieu le plus haut, au-dessus de tous les animaux. Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Mais ce ne sont pas les moyens humains qui assurent la protection définitive de la porte. Car, quand la porte fut fermée et qu’il n’y eut plus personne hors de l’arche, comment aurait-on pu l’enduire de bitume de l’extérieur ? Pour que les eaux ne pénètrent pas par l’orifice dont le travail de l’homme n’avait pu assurer la sécurité, il fallut sans conteste une opération divine. Aussi, après avoir, pour tout le reste, dit que c’est Noé qui fit l’arche et qui y fit entrer les animaux et ses fils avec les femmes de ses fils, l’Écriture ne dit pas, quand il s’agit de la porte, que Noé ferma la porte de l’arche, mais que « le Seigneur Dieu, du dehors, ferma la porte de l’arche et alors le déluge eut lieu ». Remarquons aussi qu’après le déluge, quand Noé envoya « le corbeau pour voir si l’eau avait diminué sur la surface de la TERRE », l’Écriture ne fait pas ouvrir à Noé la porte, mais « la fenêtre ». Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Dans ce texte, il apparaît bien que le Seigneur décrit d’une seule et même façon le déluge qui est passé et la fin du monde qu’il annonce. Jadis, il fut dit à l’antique Noé de faire une arche et d’y introduire avec lui non seulement ses fils et ses proches mais des animaux de toute espèce ; à la consommation des siècles, il a été dit par le Père au Seigneur Jésus-Christ, notre Noé , qui est véritablement le seul Juste et le seul Parfait, de se faire une arche de bois équarris et de lui donner des mesures pleines de mystères célestes. C’est ce qui est indiqué dans le Psaume qui dit : « Demande et je te donnerai les nations pour héritage et pour domaine les extrémités de la TERRE. » Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

C’est ainsi qu’en montant à travers les différents étages d’appartements, on arrive à Noé lui-même, – Noé veut dire « le repos » ou « le juste » – Noé qui est le Christ Jésus. Car ce n’est pas à l’antique Noé que conviennent ces paroles de Lamech son père : « Celui-ci nous reposera de nos fatigues, du travail pénible de nos mains et de la TERRE que le Seigneur a maudite. » Comment, en effet, l’antique Noé aurait-il pu en toute vérité « reposer » Lamech et le peuple qui se trouvait alors sur la TERRE, comment la fatigue et le travail pénible auraient-ils pu cesser à l’époque de Noé, comment aurait pu être supprimée la malédiction divine de la TERRE, quand on nous montre que c’est plutôt la colère divine qui s’accrut et que Dieu dit, selon le texte de l’Écriture : « Je me repens d’avoir fait l’homme sur la TERRE » et « je détruirai toute chair sur la TERRE », et surtout quand la destruction des vivants témoigne d’une souveraine disgrâce ? Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Mais considérez Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il est dit de lui : « Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde », et ailleurs : « Il s’est fait pour nous malédiction, pour nous racheter de la malédiction de la loi », et ailleurs encore : « Venez à moi, vous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous referai et vous trouverez le repos de vos âmes. » Vous voyez que c’est lui qui donne vraiment le repos aux hommes et qui délivre la TERRE de la malédiction portée contre elle par le Seigneur Dieu. Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Examinons après cela, pourquoi l’Écriture envisage séparément le bas « à double voûte » et le haut « à triple voûte ». Ne veut-elle pas suggérer par là, selon la parole de l’Apôtre, qu’ « au nom de Jésus tout genou fléchit au ciel, sur la TERRE et dans les enfers » ? Ainsi, dans l’arche, ce qui se trouve le plus bas est justement ce que l’Apôtre met dans les enfers, ce qui vient immédiatement au-dessus est ce qu’il met sur la TERRE, et les parties supérieures « à triple voûte » sont tout ce qu’il met pêle-mêle dans le ciel. Seulement, dans ce dernier cas, il faut faire une place à part à la conduite de ceux qui peuvent, selon l’Apôtre Paul, « mon-ter jusqu’au troisième ciel ». Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Quant aux cellules, dans l’arche, leur grand nombre fait penser qu’elles signifient qu’il y a « beaucoup de demeures auprès du Père ». Pour expliquer les animaux, les bêtes, le bétail et les divers autres vivants, quelle autre figure retenir que celle qu’Isaïe nous donne : « dans le royaume du Christ, le loup et l’agneau, le léopard et le chevreau, le lion et le boeuf iront ensemble au pâturage et leurs petits mangeront ensemble le même fourrage ; et même le jeune enfant – un de ceux, je pense, dont le Sauveur disait : « Si vous : ne vous convertissez et ne devenez comme l’un de ces petits, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » – le jeune enfant introduira la main dans le repaire des aspics sans en éprouver aucun mal ». – On peut aussi évoquer cette autre figure, que l’Église réalise actuellement selon l’enseignement de Pierre, et qui nous rapporte la vision de Pierre où tous les quadrupèdes, toutes les bêtes de la TERRE et les oiseaux du ciel apparaissaient contenus dans la nappe unique de la foi attachée par les quatre coins des Évangiles. Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

S’il y a quelqu’un de capable, malgré la poussée du mal et le débordement des vices, de se détourner des choses fragiles, périssables et caduques, pour écouter la parole de Dieu et les injonctions célestes, celui-là construit dans son coeur l’arche du salut et consacre, pour ainsi dire, en lui-même la bibliothèque de la parole divine ; il lui donne comme longueur, comme largeur et comme hauteur, la foi, la charité et l’espérance. La foi en la Trinité, il la déploie durant la longueur de la vie et l’immortalité ; la largeur de la charité, il l’établit par des sentiments de douceur et de bonté ; la hauteur de l’espérance, il la porte jusqu’aux réalités célestes, car s’il vit sur la TERRE, « c’est dans les cieux qu’il a sa demeure ». Il rapporte à l’unité l’ensemble de ses actes ; car il sait que « tous courent, mais qu’un seul reçoit la palme », celui qui n’est pas divisé par la multiplicité des pensées et l’instabilité de l’esprit. Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

– Pour nous, nous tenons que Dieu est incorporel, tout-puissant, invisible. Et nous professons semblablement, selon un enseignement certain et invariable, que Dieu s’occupe des êtres mortels et que rien ne se fait ni au ciel ni sur TERRE sans sa providence. Attention ! nous disons bien : sans sa providence, et non pas : sans sa volonté. Car si beaucoup de choses se font sans sa volonté, rien ne se fait sans sa providence. La providence est ce par quoi Dieu règle, gouverne et dispose toutes choses ; la volonté est ce par quoi Il veut ou ne veut pas quelque chose. Mais passons : ce sujet serait trop considérable et trop long. Homélies sur la Genèse: III – LA CIRCONCISION D’ABRAHAM Le premier jour.

« Lorsqu’Abraham fut arrivé à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparut et lui dit : Je suis Dieu ; mérite mes complaisances et sois irréprochable. J’établirai mon alliance entre moi et toi. Et Abraham tomba la face contre TERRE et adora Dieu. Alors Dieu lui parla ainsi : C’est moi. Voici mon alliance avec toi, tu seras le père d’une multitude de nations et toutes les nations seront bénies en toi. On ne te nommera plus Abram, mais ton nom sera Abraham. » Après lui avoir donné ce nom, il reprit aussitôt : « J’établirai mon alliance entre moi et toi et ta postérité après toi. » Puis il ajouta : « Tout mâle parmi vous sera circoncis, et vous vous circoncirez dans la chair de votre prépuce. » Homélies sur la Genèse: III – LA CIRCONCISION D’ABRAHAM Le premier jour.

– Puisque nous en sommes à ce passage, je veux examiner si le Dieu tout-puissant, qui gouverne le ciel et la TERRE, quand il voulut faire alliance avec un homme saint, fit consister l’essentiel d’une si grande affaire dans le retranchement d’un prépuce de chair chez cet homme et ceux de sa race. « Mon alliance, dit-il, sera dans ta chair. » La circoncision était-elle donc la chose que le « Maître du ciel et de la TERRE » conférait comme gage d’éternelle alliance à l’homme unique choisi entre tous les mortels ? Homélies sur la Genèse: III – LA CIRCONCISION D’ABRAHAM Le premier jour.

Telle est la circoncision que Josué a donnée « avec des couteaux de pierre » au peuple de Dieu. Mais quel est ce couteau de pierre, quel est ce glaive avec lequel on circoncit le peuple de Dieu ? Écoutez ce que dit l’Apôtre : « Elle est vivante la parole de Dieu, elle est efficace, plus acérée qu’aucun glaive à deux tranchants ; si pénétrante qu’elle va jusqu’à séparer l’âme et l’esprit, les jointures et les moelles ; elle démêle les sentiments et les pensées du coeur. » – Voilà le glaive qui doit nous circoncire, ce glaive qui fait dire au Seigneur Jésus : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la TERRE, mais le glaive. » Homélies sur la Genèse: III – LA CIRCONCISION D’ABRAHAM Le premier jour.

C’est qu’Abraham, guide et père des nations, vous enseigne la manière de recevoir vos hôtes et vous demande de leur laver les pieds. Dans cette demande, toutefois, il a enfermé un mystère. Car il savait que les mystères du Seigneur ne pouvaient trouver leur perfection à moins qu’on ne se laissât laver les pieds. Il ne lui échappait pas non plus la valeur du précepte à l’occasion duquel le Seigneur a dit : « S’ils ne vous reçoivent pas, secouez la poussière de vos pieds en témoignage contre eux. En vérité, je vous le dis, il y aura moins de rigueur au jour du jugement pour la TERRE de Sodome que pour cette cité. » Abraham voulait donc prendre les devants et laver les pieds, pour qu’il n’y restât pas de poussière qui pût être mise en réserve et secouée « au jour du jugement » en témoignage de son manque de foi. Homélies sur la Genèse: IV – L’APPARITION DE DIEU A ABRAHAM Le premier jour.

« Abraham les reconduisit, dit le texte, et marchait avec eux. Alors le Seigneur dit : Je ne cacherai pas à Abraham mon serviteur ce que je vais faire. Abraham deviendra une nation grande et forte et toutes les nations de la TERRE seront bénies en lui. Car il savait qu’il commanderait à ses fils de garder les voies du Seigneur en pratiquant l’équité et la justice, afin que le Seigneur accomplisse en faveur d’Abraham ce qu’il lui avait promis. Et il dit : Le cri qui s’élève de Sodome et de Gomorrhe est bien fort et leurs péchés bien grands. Je suis descendu pourvoir si, selon leur clameur qui est venue jusqu’à moi, leurs crimes sont arrivés au comble. Et s’il n’en est pas ainsi, je le saurai ». – Telles sont les paroles de l’Écriture sainte. Homélies sur la Genèse: IV – L’APPARITION DE DIEU A ABRAHAM Le premier jour.

« Je suis descendu pour voir », dit le texte. Quand c’est à Abraham que les paroles divines sont adressées, l’Écriture ne dit pas que Dieu descend, mais qu’il se tient « au-dessus de lui », comme nous avons expliqué plus haut dans le passage : « Trois hommes se tinrent au-dessus de lui ». Mais, maintenant qu’il s’agit de pécheurs, l’Écriture dit que Dieu descend. Prenez garde d’imaginer une montée ou une descente spatiale. Car on trouve souvent ces mots dans les saintes Lettres, par exemple dans le prophète Michée : « Voici, dit-il, que le Seigneur est sorti de sa sainte demeure et qu’il est descendu; et il remontera sur les hauteurs de la TERRE. » Homélies sur la Genèse: IV – L’APPARITION DE DIEU A ABRAHAM Le premier jour.

Il ne pouvait pas en effet, au sortir de Sodome, monter sur la montagne. Cependant il est écrit de Sodome qu’« elle était comme le jardin de Dieu et la TERRE d’Egypte », avant d’être détruite, à l’époque où Lot choisit d’y habiter. Si ce n’est pas forcer quelque peu, demandons-nous quel rapprochement l’on peut faire entre le jardin de Dieu et la TERRE d’Egypte pour, que tous deux soient également objet de comparaison pour Sodome. – Voici ma pensée : avant que Sodome eût péché, tant qu’elle gardait la simplicité d’une vie pure, elle était «comme le jardin de Dieu » ; mais quand elle commença de s’avilir et de se noircir dans la salissure de ses péchés, elle devint « comme la TERRE d’Egypte ». Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

Cependant le prophète dit encore : « Ta soeur Sodome sera rétablie dans son ancien état » ; cherchons si ce rétablissement comporte que Sodome redevienne comme le jardin de Dieu ou seulement comme la TERRE d’Egypte. – Je doute, pour ma part, que Sodome détruise ses péchés et expie ses crimes si complètement, qu’on puisse la comparer, une fois rétablie, avec le jardin de Dieu plutôt qu’avec la TERRE d’Egypte. Pourtant, ceux qui y tiennent viendront faire valoir l’expression qui s’ajoute, en quelque sorte, à la promesse – car l’Écriture n’a pas dit que « Sodome serait rétablie » tout court, mais « que Sodome serait rétablie dans son ancien état », – et ils assureront que son ancien état n’était pas d’être « comme la TERRE d’Egypte », mais « comme le jardin de Dieu ». Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

Aussi tient-il en quelque sorte le milieu entre les pécheurs et les justes. Car lui, qui était de la famille d’Abraham, habitait pourtant à Sodome ; et s’il a pu s’échapper de Sodome, comme l’indique l’Écriture, il le doit à la considération d’Abraham bien plus qu’à ses propres mérites. L’Écriture dit en effet : « Et il arriva que lorsque Dieu détruisit la ville de Sodome, il se souvint d’Abraham et fit sortir Lot de cette TERRE. » Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

– Quant au projet de ses filles, je crois qu’il faut l’examiner de plus près, pour ne pas leur attribuer toute la responsabilité qu’on serait tenté de croire. L’Écriture rapporte qu’elles se dirent l’une à l’autre : « Notre père est déjà vieux, et il n’y a pas d’homme dans le pays pour venir vers nous selon l’usage de toute la TERRE. Viens, faisons boire du vin à notre père et couchons avec lui, afin que nous recevions de notre père une postérité. » Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

En ce qui les concerne, il semble bien que l’Écriture les justifie d’une certaine manière, elles aussi ; car on voit que les filles de Lot avaient une certaine connaissance de la fin du monde qui viendrait par le feu, mais, comme celle des petites filles, leur connaissance est incomplète et imparfaite. Elles ne savaient pas qu’à côté du pays de Sodome ravagé par le feu il y avait encore beaucoup d’espace intact dans le monde. Elles avaient entendu dire qu’à la fin du siècle la TERRE et tous les éléments devaient être détruits par l’ardeur du feu. Elles voyaient le feu, elles voyaient les flammes de soufre, elles voyaient la dévastation de tout ; elles voyaient aussi que leur mère n’avait pas été sauvée. Alors elles s’imaginèrent qu’il se passait quelque chose de semblable à ce qu’elles savaient de l’époque de Noé, et qu’elles restaient seules avec leur père pour assurer la descendance humaine. Il leur vient le désir de perpétuer le genre humain et elles pensent que c’est d’elles que doit sortir le siècle nouveau. Aussi, sachant bien que c’est une grande faute de surprendre leur père et de s’unir avec lui, il leur paraît cependant que ce serait une impiété plus grande de détruire par leur chasteté, comme elles le croient, l’espoir de continuer la race humaine. C’est pourquoi elles prennent le parti – dont à mon avis, l’importance de l’espoir et la force des motifs diminuent la culpabilité – de dissiper le chagrin de leur père et de fléchir son austérité par le vin. Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

C’est alors que la maison d’Abimélech et ses servantes guéries par le Seigneur enfanteront des fils à l’Église. C’est le temps où « la stérile enfante » et où « beaucoup sont des enfants de la délaissée plutôt que de celle qui a un époux ». Car « le Seigneur a ouvert le sein de celle qui était Stérile » et en a fait une femme féconde qui enfante « toute une nation d’un coup ». Et les saints proclament bien haut : « Seigneur, en votre crainte nous avons conçu et enfanté, nous avons donné l’esprit du salut à la TERRE. » Et Paul dit semblablement : « Mes petits enfants que j’enfante à nouveau jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ». Voilà les fils qu’enfante toute l’Église de Dieu, voilà les enfants qu’elle engendre ! Car « celui qui sème dans la chair, moissonnera, de la chair, la corruption », mais les enfants de l’Esprit sont ceux dont l’Apôtre dit : « La femme sera sauvée par la descendance de ses fils, pourvu qu’ils persévèrent dans la foi et la chasteté. » Homélies sur la Genèse: VI – ABIMÉLECH ET SARA Le premier jour.

Mais si, «laissant de côté l’enseignement élémentaire sur le Christ », il se porte à la perfection et « cherche les choses d’en haut où le Christ est assis à la droite de Dieu et non les choses de la TERRE », si « ses regards ne s’attachent pas aux choses visibles mais aux choses invisibles », si dans les divines Écritures il ne s’en tient pas à « la lettre qui tue mais suit l’esprit qui vivifie », alors il appartient sans aucun doute au groupe de ceux qui ne reçoivent pas « un esprit de servitude pour être encore dans la crainte, mais un esprit d’adoption en qui ils crient Abba, Père ». Homélies sur la Genèse: VII – NAISSANCE ET SEVRAGE D’ISAAC Le premier jour.

– Donc, « Agar errait dans le désert » avec son enfant, et l’enfant pleurait. Agar le laissa par TERRE et dit : « Je ne veux pas voir mourir mon enfant. » Puis, comme l’enfant, abandonné presque mourant, pleurait, un ange du Seigneur s’approcha d’Agar « et lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d’eau vive ». Homélies sur la Genèse: VII – NAISSANCE ET SEVRAGE D’ISAAC Le premier jour.

Vous êtes ici, dans l’Église de Dieu, un grand nombre de pères à m’écouter. Voyons il y en a-t-il qui, au simple récit de cette histoire, aient acquis assez de fermeté et assez de force d’âme pour se proposer, au cas où la mort commune et inévitable leur ferait perdre un fils, ce fils fut-il unique et tendrement aimé, pour se proposer Abraham en exemple et se mettre sa générosité devant les veux ? On ne vous demande pas, il est vrai, le geste héroïque d’attacher vous-même votre enfant sur le bûcher, de le serrer, de préparer le glaive, d’écorcher votre fils unique. On ne réclame pas de vous tous ces offices. Du moins, ayez assez de résolution et de fermeté d’esprit pour offrir joyeusement, sans chanceler dans la foi, votre fils à Dieu. Soyez le prêtre de la vie de votre fils : un prêtre qui immole à Dieu ne doit pas pleurer. Voulez-vous être sûrs qu’on demande bien cela de vous ? Écoutez le Seigneur dans l’Évangile :« Si vous étiez les enfants d’Abraham, vous feriez les oeuvres d’Abraham. » EH bien ! voilà une oeuvre d’Abraham. Faites donc les oeuvres qu’Abraham a faîtes, et sans tristesse, « car Dieu aime celui qui donne avec joie ». Et si vous êtes, pour Dieu, autant que lui disponibles, on vous dira à vous aussi : « Monte sur un endroit élevé, sûr la montagne que je te montrerai ; et là, offre-moi ton fils. » « Offre-moi ton fils », non pas dans les profondeurs de la TERRE ni dans une « vallée de larmes », mais sur les sommets de montagnes élevées. Montrez que votre foi en Dieu est plus forte que vos affections charnelles. Car, au rapport de l’Écriture, tout en aimant son fils Isaac, Abraham préféra l’amour de Dieu à l’amour de la chair ; ce n’est pas dans les entrailles de la chair qu’il aima, mais « dans les entrailles du Christ », c’est-à-dire dans les entrailles du Verbe de Dieu, de la vérité et de la sagesse. Homélies sur la Genèse: VIII – LE SACRIFICE D’ABRAHAM Le premier jour.

L’Écriture répète, semble-t-il, les mêmes choses ; elles sont pourtant bien différentes. Les premières promesses, celles qui concernent le premier peuple, ont été faites sur la TERRE. L’Écriture dit en effet : « Il l’amena dehors – c’est-à-dire en dehors de la tente – et lui dit : Regarde les étoiles du ciel et vois si tu peux les compter dans leur multitude, et il ajouta : Ainsi en sera-t-il de ta race. » Mais quand la promesse est faite à nouveau, l’Écriture remarque que c’est « du haut du ciel » que vient la voix. Ainsi la première promesse vient de la TERRE et la seconde du ciel. Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Ne semble-t-il pas qu’il y ait là une évidente allusion à cette parole de l’Apôtre : « Le premier homme tiré de la TERRE est TERREstre, le second homme venu du ciel est céleste » ? La promesse qui concerne le peuple de la foi vient du ciel, l’autre de la TERRE. Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

L’Apôtre dit, comme nous l’avons déjà rappelé : « Le premier homme sorti de la TERRE est TERREstre, le second homme venu du ciel est céleste. Tel est le TERREstre, tels sont aussi les TERREstres ; et tel est le céleste, tels sont aussi les célestes. De même que nous avons porté l’image du TERREstre, nous porterons aussi l’image du céleste. » Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Vous voyez son raisonnement : si vous demeurez dans ce premier homme qui vient de la TERRE, vous serez rejetés, à moins que vous ne vous changiez, que vous ne vous convertissiez et que, devenus célestes, vous ne receviez en vous l’image de l’homme céleste. C’est ce qu’il dit ailleurs : « Dépouillant le vieil homme avec ses oeuvres et revêtant le nouveau qui a été créé selon Dieu. » Et ailleurs encore : « Voici que les choses anciennes sont passées ; tout est devenu nouveau. » Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Dieu renouvelle donc ses promesses pour vous montrer que vous devez, vous aussi, vous renouveler. S’il ne demeure pas, lui, dans les vieilles choses, c’est que vous ne devez pas demeurer, vous, de « vieux hommes ». Et s’il prononce ses paroles « du haut du ciel », c’est pour que vous receviez, vous aussi, « l’image de l’homme céleste ». Car à quoi bon, pour vous, que Dieu renouvelle ses promesses, si vous ne vous renouvelez pas ? qu’il parle du haut du ciel, si c’est à la TERRE que vous prêtez l’oreille ? A quoi bon qu’il se lie par un serment, si vous écoutez tout cela en passant comme une histoire ordinaire ? Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Quoi qu’il en soit, l’Apôtre explique notre texte en disant : « Dieu a donné la promesse à Abraham et à sa descendance. Il n’a pas dit : et à tes descendants, comme s’il s’agissait de plusieurs, mais il dit : et à ta descendance, comme ne parlant que d’un seul qui est le Christ. » C’est donc du Christ qu’il est écrit : « Je multiplierai ta descendance et elle deviendra aussi nombreuse que les étoiles du ciel ou que les grains de sable sur le bord de la mer. » A qui est-il besoin d’expliquer comment la descendance du Christ se multiplie, quand on voit la prédication de l’Évangile s’étendre « d’une extrémité de la TERRE à l’autre » et qu’il n’y a presque plus de lieu qui n’ait reçu la semence de la parole ? D’avance, cette vérité avait été figurée au début du monde, quand il avait été dit à Adam : « Croissez et multipliez », car c’est de cela que l’Apôtre énonce que « ce fut dit par rapport au Christ et à l’Église. » Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

– Le Christ est bien la descendance d’Abraham et le fils d’Abraham. Voulez-vous vous en convaincre par les paroles de l’Écriture ? Écoutez ce qui est écrit dans l’Évangile : « Livre de la généalogie de Jésus-Christ fils de David, fils d’Abraham. » C’est donc en lui que s’accomplit cette parole de l’Écriture : « Ta descendance recevra en héritage les cités de nos ennemis. » Comment le Christ a-t-il reçu en héritage les cités de ses ennemis ? Sous ce biais sans doute que « toute la TERRE est couverte du bruit » des Apôtres et « l’univers entier de leurs paroles ». Aussi la colère s’empara-t-elle de ces anges qui tenaient tous les peuples sous leur domination. « Car lorsque le Très-Haut sépara les peuples d’après le nombre des anges de Dieu, Jacob devint sa portion et Israël le lot de son héritage. » Le Christ, en effet, auquel son Père avait dit : « Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage, les extrémités de la TERRE comme possession », excite la colère des anges en leur ôtant la puissance et la domination qu’ils avaient sur les peuples. Aussi est-il écrit : « Les rois de la TERRE se sont dressés et les princes se sont coalisés contre le Seigneur et contre son Christ. » Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

Mais, je vous le demande : est-ce que le Seigneur a commis une injustice en arrachant les peuples à la puissance de ses ennemis et en les ramenant à la foi en lui et en son pouvoir ? Pas le moins du monde. Car autrefois « Israël était la portion du Seigneur », mais ses ennemis entraînèrent Israël dans le péché loin de son Dieu, et c’est à cause de ses péchés que Dieu lui dit : « Voici que vous avez été divisés par vos péchés. » Mais il leur dit encore : « Quand bien même vous auriez été dispersés d’un bout du ciel à l’autre, je vous rassemblerai, dit le Seigneur. » C’est parce que les « princes de ce monde » avaient envahi l’héritage du Seigneur, que le « bon pasteur » a dû laisser dans les hauteurs les quatre-vingt-dix-neuf brebis et descendre sur la TERRE chercher celle qui était perdue ; il lui fallait la trouver, la charger sur ses épaules et la ramener à la haute bergerie de la perfection. Homélies sur la Genèse: IX – SECONDES PROMESSES FAITES A ABRAHAM Le premier jour.

– Voyons plutôt maintenant ce que signifie cette parole :, « Rébecca s’en alla interroger le Seigneur ». Elle s’en alla. Où alla-t-elle ? D’un lieu où le Seigneur n’était pas à un lieu où il était ? C’est bien ce que semblent indiquer ces mots : « Elle s’en alla interroger le Seigneur. » Mais le Seigneur n’est-il pas partout ? N’a-t-il pas dit lui-même : « Je remplis le ciel et la TERRE » ? Où donc s’en alla Rébecca ? Homélies sur la Genèse: XII – RÉBECCA CONÇOIT ET ENFANTE Le premier jour.

Je pense que l’on peut dire de chacun de nous qu’il y a également au dedans de lui « deux nations et deux peuples ». Car, s’il y a le peuple des vertus en nous, il n’y a pas moins le peuple des vices : « c’est de notre coeur, en effet, que viennent les mauvaises pensées, les adultères, les vols, les faux témoignages », et aussi « les tromperies, les rivalités, les hérésies, les jalousies, les orgies et autres choses semblables. » Vous voyez par là l’importance du peuple du mal en nous. Mais si nous pouvons mériter de dire cette parole des saints : « Par l’effet de votre crainte, Seigneur, nous avons conçu, nous avons enfanté et nous avons fait paraître sur la TERRE l’esprit de votre salut », alors il y a en nous un autre peuple, de génération spirituelle celui-là. Car « les fruits de l’esprit sont la charité, la joie, la paix, la patience, l’humilité, la douceur, la continence, la charité ». Homélies sur la Genèse: XII – RÉBECCA CONÇOIT ET ENFANTE Le premier jour.

Ésaü sortit donc du sein de sa mère « tout entier comme un manteau de poil », Jacob au contraire lisse et nu. La lutte et la dispute valurent à celui-ci le nom de Jacob. Quant à Ésaü, au dire de ceux qui expliquent les noms hébreux, il aurait été ainsi nommé soit à cause de sa rousseur, soit à cause de la TERRE, et signifierait roussâtre ou TERREux, ou encore, selon d’autres interprètes, fabriqué (factura). Homélies sur la Genèse: XII – RÉBECCA CONÇOIT ET ENFANTE Le premier jour.

Pourquoi Jacob a-t-il supplanté son frère ; pourquoi est-il né lisse et nu, alors que tous les deux ont été conçus, comme dit l’Apôtre, « d’un seul homme, d’Isaac notre Père ; pourquoi Ésaü est-il au contraire tout entier velu et hirsute et comme recouvert de la saleté du péché et de l’injustice, ce n’est pas mon intention d’expliquer ces privilèges de naissance. Car, si je veux creuser profond et découvrir les filets d’eau vive qui se cachent, les Philistins ne vont pas manquer de me chercher querelle, ils vont me susciter des disputes et des chicanes et se mettront à remplir mes puits de leur TERRE et de leur boue. Si ces Philistins me laissaient faire, moi aussi, je m’approcherais de mon Seigneur, de mon très patient Seigneur, qui dit : « Je ne repousse pas celui qui vient à moi » ; je m’approcherais, et, semblable à ses disciples qui lui demandaient : « Seigneur, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit aveugle ? », je l’interrogerais de la sorte : Seigneur, qui a péché, Ésaü ou ses parents, pour qu’il soit né tout velu et hirsute et pour qu’il soit supplanté par son frère dans le sein de sa mère ? Mais si je fais mine d’interroger et de scruter là-dessus la parole divine, les Philistins ne manquent pas de s’en prendre à moi et de me chicaner. Aussi nous abandonnerons ce puits, nous l’appellerons « inimitié » et nous en creuserons un autre. Homélies sur la Genèse: XII – RÉBECCA CONÇOIT ET ENFANTE Le premier jour.

Essayez donc, vous qui m’écoutez, d’avoir un puits bien à vous et une source bien à vous ; de la sorte, quand vous prendrez le livre des Écritures, vous arriverez à découvrir, vous aussi, de votre propre chef, quelque explication. Oui, d’après ce que vous avez appris dans l’Église, essayez de boire, vous aussi, à la source de votre esprit, En vous-mêmes, naturellement, il y a « l’eau vive », il y a les canaux intarissables et les fleuves gonflés du sens raisonnable, à moins qu’ils ne soient obstrués de TERRE et de déblais. Dans ce cas, ce qu’il vous faut, c’est creuser votre TERRE et la nettoyer de sa saleté, c’est-à-dire chasser la paresse d’esprit et secouer la torpeur du coeur. Écoutez en effet ce que dit l’Écriture : « Tourmente un oeil et il en coulera des larmes ; tourmente un coeur et il en sortira de la vivacité d’esprit. » Homélies sur la Genèse: XII – RÉBECCA CONÇOIT ET ENFANTE Le premier jour.

L’Écriture rapporte, en effet, qu’Isaac, lorsque « Dieu l’eut béni et comblé de richesses », entreprit une grande oeuvre. : « Il se mit à creuser des puits, ces puits qu’avaient creusés ses serviteurs au temps de son père Abraham et que les Philistins avaient bouchés et remplis de TERRE. » Or « il campa d’abord ‘ près du puits de vision », et c’est illuminé par le puits de la vision qu’il entreprit de déboucher les autres puits. Non pas en premier lieu des puits nouveaux, mais ceux qu’avaient déjà creusés son père Abraham. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Lorsqu’il eut creusé un premier puits, «les Philistins lui portèrent envie ». Mais il ne se laissa pas intimider par leur jalousie et ne plia pas devant l’envie : « Il creusa de nouveau les puits qu’avaient creusés les serviteurs d’Abraham son père et qu’avaient obstrués les Philistins après la mort d’Abraham son père. Et il leur donna les mêmes noms que son père leur, avait donnés. » Ainsi creusa-t-il les puits que son père avait creusés et que les Philistins, par malveillance, avaient comblés de TERRE. Il en creusa aussi de nouveaux dans la vallée de Gérare ; pas lui toutefois, mais ses serviteurs : « Et il trouva là un puits d’eau vive. Mais les bergers de Gérare se querellèrent avec les bergers d’Isaac en disant que l’eau était à eux. Et il nomma le puits : Injustice, car ils avaient agi injustement envers lui. » Mais Isaac s’éloigne, échappant à leur méchanceté. « Et il creusa un autre puits au sujet duquel il y eut encore une querelle. Et il le nomma : Inimitié. Et il s’éloigna. Et il creusa encore un autre puits au sujet duquel il n’y eut pas de querelle. Il le nomma Abondance, car maintenant, dit-il, Dieu nous a mis au large et nous a fait croître dans le pays. » Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

– Il y a donc les puits que les serviteurs d’Abraham ont creusés, mais les Philistins les ont comblés de TERRE. C’est eux qu’Isaac entreprend d’abord de déblayer. Les Philistins détestent les eaux et aiment la TERRE. Isaac aime les eaux; il recherche les puits, déblaye les anciens, en ouvre de nouveaux. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Mais quels sont ceux qui remplissent les puits de TERRE ? – Ceux, à n’en pas douter, qui donnent à la loi un sens TERREstre et charnel et lui interdisent un sens spirituel et mystique, en sorte qu’ils ne s’y abreuvent pas ni ne permettent aux autres de le faire. Écoutez ce qu’Isaac, notre Sauveur Jésus-Christ, dit dans l’Évangile : « Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous avez enlevé la clé de la science ; vous-mêmes n’êtes point entrés et vous avez empêché ceux qui voulaient entrer. » Les voilà donc, ceux qui comblent de TERRE « les puits creusés par les serviteurs d’Abraham» ; ils enseignent la loi charnellement et ils souillent les eaux du Saint-Esprit. Ils possèdent des puits non pour en tirer de l’eau, mais pour y jeter de la TERRE. – Tels sont les puits qu’Isaac entreprend de creuser. Voyons maintenant comment il s’y prend. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Aussi lorsque (notre) Isaac voulut leur rendre leur pureté et montrer que tout ce que « la loi et les prophètes » avaient dit « était dit de lui-même », nos Philistins lui cherchèrent querelle. Mais il s’éloigne. Il ne peut rester avec ceux qui, au lieu d’eau dans leurs puits, veulent de la TERRE. Il leur dit : « Voici que votre maison vous sera laissée solitaire. » Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Vraiment, Isaac a été mis au large et son nom a grandi sur toute la TERRE quand il nous a remplis de la connaissance de la Trinité. Car autrefois « Dieu n’était connu qu’en Judée et c’était en Israël seulement que l’on invoquait son grand nom », tandis que maintenant « leur son parcourt toute la TERRE et leurs accents vont jusqu’aux extrémités du monde ». Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Les serviteurs d’Isaac se sont répandus sur toute la surface de la TERRE ils ont creusé des puits, ils ont montré « l’eau vive » à tous, « baptisant toutes les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », car « au Seigneur appartient la TERRE et tout ce qu’elle renferme ». Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Or, quiconque est parmi nous ministre de la parole de Dieu, creuse un puits et cherche de « l’eau vive » dont il réconforte ses auditeurs. Si donc je me mets, moi aussi, à expliquer les paroles des anciens, si j’y cherche un sens spirituel, si j’essaye d’enlever « le voile de la loi » et de montrer que l’Écriture a « un sens allégorique », pour ma part je creuse des puits. Mais aussitôt les amis de la « lettre » d’élever contre moi des calomnies, de m’attaquer, de manigancer sans trêve des oppositions et des poursuites, disant qu’il ne peut y avoir de vérité que sur la TERRE. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Pour nous, puisque nous sommes serviteurs d’Isaac, aimons les puits d’eau vive et les sources. Eloignons-nous de ces brouillons et de ces menteurs et laissons-les à la TERRE qu’ils aiment. Ne cessons jamais de creuser des puits d’eau vive. Et dans nos explications de l’ancien comme du nouveau, rendons-nous semblables à ce Scribe de l’Évangile dont le Seigneur a dit « qu’il tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes ». Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

A cela, je répondrai que toute TERRE contient des eaux, mais qu’un Philistin qui « n’a de goût que pour les choses TERREstres » ne sait pas, en toute TERRE, découvrir de l’eau ; il ne sait pas en toute âme découvrir la raison (rationabilem sensum) et l’image de Dieu ; il ne sait pas qu’il peut y avoir chez tous foi, piété, sens religieux. A quoi vous sert l’instruction si vous ne savez pas vous en servir, et la parole, si vous ne savez pas parler ? Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

C’est là justement l’oeuvre des serviteurs d’Isaac : en toute TERRE, ils creusent des puits d’eau vive, c’est-à-dire qu’à toute âme ils disent « la parole de Dieu » et ils en recueillent le fruit. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Voulez-vous voir maintenant les grands puits qu’un seul des serviteurs d’Isaac a creusés en TERRE étrangère ? Regardez Paul qui, « depuis Jérusalem et les pays voisins jusqu’à l’Illyrie, a porté partout l’Évangile de Dieu ». A chacun de ces puits, il a subi les persécutions des Philistins. Écoutez-le : « Que d’ennuis à Iconium, à Lystres », et « à Ephèse » ! Combien de fois a-t-il été battu et lapidé ? « Combien de fois a-t-il combattu contre les bêtes ? » Mais il a persévéré jusqu’à ce qu’il parvînt « à la plénitude », c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il eût établi les Églises sur toute la surface de la TERRE. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Ainsi donc les puits creusés par Abraham, c’est-à-dire les écrits de l’Ancien Testament, ont été remplis de TERRE par les Philistins, que ce fussent de mauvais docteurs, Scribes et Pharisiens, ou les puissances adverses : leurs ouvertures furent bouchées, pour qu’ils ne pussent donner à boire aux descendants d’Abraham, Oui, ce peuple ne peut pas boire aux Écritures, et « la soit de la parole de Dieu » le tourmente, jusqu’à la venue d’Isaac qui dégage les puits où boiront ses serviteurs. – Soyons donc pleins de reconnaissance pour le Christ fils d’Abraham – dont il est dit : « Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham », – qui est venu et nous a déblayé les puits. Il les déblayait pour ceux qui disaient : « Est-ce : que notre coeur n’était pas brûlant en nous quand il nous ouvrait les Écritures ? » Ainsi ouvrit-il ces puits et « il les nomma comme les avait nommés Abraham son père », car il ne les changea pas de nom. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Ainsi a-t-il ouvert les puits : il nous a enseigné que Dieu n’est pas à chercher en un lieu déterminé, et nous a appris qu’ « un sacrifice est offert à son nom en tout endroit de la TERRE ». C’est maintenant en effet « le temps où les vrais adorateurs adorent le Père », non plus à Jérusalem ni sur le mont Garizim, « mais en esprit et en vérité ». Ce n’est donc pas dans un lieu ni sur la TERRE que Dieu habite, mais dans le coeur. Vous cherchez alors où se trouve Dieu ? Dieu se trouve en un coeur pur. C’est là en effet qu’il fera sa demeure, selon qu’il l’a dit par le prophète : « J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux, et ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, dit le Seigneur. » Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Remarquez bien que chacune de nos âmes contient en quelque sorte un puits d’eau vive, il y a en elle un certain sens céleste, une image de Dieu enfouie ; c’est ce puits que les Philistins, c’est-à-dire les puissances adverses, ont obstrué de TERRE. De quelle TERRE ? Des comportements charnels (carnalibus sensibus), des pensées TERREstres, et c’est pourquoi « nous avons porté l’image de l’homme TERREstre ». C’est quand nous portions cette image de l’homme TERREstre que les Philistins obstruèrent nos puits de TERRE. Mais maintenant qu’est venu notre Isaac, accueillons sa venue et creusons nos puits ; rejetons-en la TERRE, purifions-les de toute ordure, de toute pensée fangeuse et TERREstre : nous trouverons en eux l’eau vive, cette eau dont le Seigneur dit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive sortiront de sa poitrine ». Et remarquez la libéralité du Seigneur ; ce sont des puits que les Philistins ont comblés et de maigres filets d’eau qu’ils nous ont disputés ; à leur place, il nous est rendu des sources et des fleuves. Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

– Si vous, qui m’écoutez aujourd’hui, vous recueillez fidèlement ce que vous entendez, Isaac travaille aussi en vous et purifie vos coeurs des comportements TERREstres. Sachant que de si profonds mystères sont cachés dans les divines Écritures, vous progressez en discernement, vous progressez en comportements spirituels. Vous deviendrez docteurs à votre tour, et il émanera de vous « des fleuves d’eau vive ». Car il est là, le Verbe de Dieu, et son opération actuelle est d’écarter la TERRE de votre âme à chacun, pour faire jaillir votre source. Cette source est en vous et ne vient pas du dehors, comme « le royaume de Dieu qui est en vous ». Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

Quand Dieu fit l’homme, au commencement, « il le fit à son image et ressemblance » ; et il n’imprima pas cette image à l’extérieur, mais au dedans de lui. On ne pouvait pas la voir en vous, tant que votre maison était sale, pleine d’ordures et de plâtras. Cette source de perfection était en vous, mais elle ne pouvait pas jaillir, puisque les Philistins l’avaient remplie de TERRE et vous avaient fait ressembler à l’ « homme TERREstre ». Ainsi vous avez porté, jadis, l’image de l’homme TERREstre ; mais après ce que vous venez d’entendre, débarrassés par le Verbe de Dieu de cette grande masse de TERRE qui vous oppressait, faites resplendir en vous, maintenant, « l’image de l’homme céleste ». Homélies sur la Genèse: XIII – LES PUITS D’ISAAC Le premier jour.

D’ailleurs, lorsque Siméon fut retenu prisonnier en Egypte et que ses neuf frères, une fois relâchés, revinrent, chez leur père, il n’est pas écrit qu’ils « montèrent » d’Egypte, mais qu’ « ils mirent le blé sur leurs ânes et s’en allèrent ». Il ne convenait pas de dire qu’ils « montèrent », puisque leur frère était retenu captif en Egypte et qu’eux, l’esprit et le coeur anxieux, lui restaient pour ainsi dire douloureusement attachés par les liens de l’amour. Mais quand ils ont recouvré leur frère, quand Joseph s’est fait connaître et que Benjamin lui a été présenté, quand ils repartent dans la joie, c’est alors qu’il est dit « qu’ils montèrent d’Egypte et vinrent dans la TERRE de Canaan chez leur père Jacob ». C’est le moment où ils disent à leur père : « Ton fils est vivant et c’est lui qui commande à toute la TERRE d’Egypte. » On ne peut en effet éviter de dire que ceux qui annoncent que Joseph est vivant et qu’il commande à toute l’Egypte montent de préoccupations bien humbles et bien basses à d’autres extrêmement élevées. Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

– La suite, maintenant : « Les Égyptiens, dit l’Écriture, vendirent leur TERRE à Pharaon, car la faim les pressait. » Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

C’est cette considération, je pense, qui, longtemps après cette époque, a fait dire au prophète : « J’ai été jeune et me Voilà vieux, je n’ai pas vu le juste abandonné ni sa postérité mendiant son pain » ; et ailleurs : « Le Seigneur ne fera pas périr le juste de faim. » Tous ces textes montrent que les victimes de la famine, c’est la TERRE et « ceux qui sont attachés aux choses de la TERRE. » Mais ceux dont « la nourriture est de faire la volonté du Père qui est dans les cieux » et qui nourrissent leur âme « du pain qui est descendu du ciel », ceux-là ne souffriront jamais des privations de la famine. Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Aussi est-ce à dessein que l’Écriture divine n’emploie pas l’expression d’ « être pressé par la faim » pour ceux qui, à sa connaissance, possèdent la science de Dieu et reçoivent la nourriture de la Sagesse céleste. Dans le troisième livre des Rois, on trouve la même précaution pour parler d’une famine : comme la famine s’appesantissait sur le pays, Élie dit à Achab : « Il est vivant, le Seigneur Dieu des vertus, le Dieu d’Israël, devant qui je me tiens, s’il n’y a ces années-ci de rosée et de pluie sur la TERRE qu’à ma parole »; à la suite de quoi le Seigneur charge des corbeaux de nourrir le prophète et commande à celui-ci de boire l’eau du torrent de Chorrat. Une autre fois, à Sarepta de Sidon, il charge une veuve de nourrir le prophète ; il ne restait à celle-ci que pour un jour de vivres. Mais le don généreux et l’abandon complet qu’elle en fit les rendirent inépuisables et les firent abondamment se multiplier. Car, selon la parole du Seigneur, le pot de farine et la cruche à huile ne se trouvèrent pas en défaut pour nourrir le prophète. Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Ainsi vous voyez ce qu’il faut retenir de tous ces textes : c’est que lorsque la famine ravage la TERRE, non seulement les justes ne la ressentent pas, mais au contraire, c’est eux qui indiquent le moyen d’échapper au désastre menaçant. Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

– Maintenant que vous voyez que presque tous les passages de la Sainte Écriture fournissent l’occasion des mêmes remarques, appliquez-les au sens tropique et allégorique dont l’enseignement ne nous est pas moins révélé par les paroles des prophètes eux-mêmes. Car c’est bien évidemment de faim spirituelle que parle sans détour l’un des douze prophètes, quand il dit : « Voici que des jours viennent, dit le Seigneur, et j’enverrai une faim sur la TERRE, non une faim de pain ni une soif d’eau, mais la faim d’entendre la parole de Dieu. » Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Ainsi vous voyez quelle est la faim qui presse les pécheurs et la famine qui s’appesantit sur la TERRE : ceux qui sont de la TERRE, « qui n’ont de goût que pour les choses TERREstres » et qui ne peuvent pas « recevoir les choses de l’Esprit de Dieu », Ont « faim de la parole de Dieu ». Ils n’écoutent pas les préceptes de la loi, ils méconnaissent les avertissements des prophètes, ils ignorent les encouragements des Apôtres, ils n’éprouvent pas les effets guérisseurs de l’Évangile. Aussi est-ce à juste titre qu’il est dit en parlant d’eux, que « la famine s’est appesantie sur la TERRE ». Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Tandis que pour les justes et pour ceux qui « méditent la loi du Seigneur jour et nuit », « la Sagesse dresse sa table, tue ses victimes, mêle son vin dans la coupe et appelle à haute voix ». Ce n’est pas pour que tous viennent, ni pour que les opulents ou les riches ou les sages de ce monde descendent chez elle, mais – dit l’Écriture – « que ceux qui sont dépourvus d’esprit viennent à moi ». Cela veut dire que ceux qui sont « humbles de coeur », qui ont appris du Christ à être « doux et humbles de coeur » (ailleurs ils sont appelés « pauvres en esprit », mais ils sont riches par la foi) viennent au festin de la Sagesse, se restaurent de ses nourritures et repoussent «la famine qui s’appesantit sur la TERRE ». Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

– Dans ce qui suit, il est dit que la TERRE des prêtres égyptiens ne passa pas sous la domination de Pharaon et que les prêtres ne se vendirent pas eux-mêmes comme fit le reste des Égyptiens. C’est que les prêtres recevaient du froment et des cadeaux qui venaient de Pharaon lui-même et non pas de Joseph. Aussi bien, considérés comme appartenant de plus près à la famille de Pharaon que les autres, ils ne vendirent pas leurs TERREs à Pharaon. Mais cela montre qu’ils étaient plus pervers ; puisque cette étroite liaison avec Pharaon leur vaut de ne pas recevoir d’ordre de changement et de garder une possession de mauvais aloi. Et de même que le Seigneur dit à ceux qui étaient avancés dans la foi et la sainteté : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais mes amis », de même Pharaon dit à ces prêtres, comme s’ils étaient parvenus au plus haut degré de la perversité et au sacerdoce de la perdition : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais mes amis. » Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Voulez-vous savoir ce qui distingue les prêtres de Dieu des prêtres de Pharaon ? C’est que Pharaon donne des TERREs à ses prêtres, tandis que le Seigneur ne donne pas à ses prêtres de part sur la TERRE, mais leur dit : « C’est moi qui suis votre part. » Vous qui lisez ce texte, observez tous les prêtres du Seigneur et faites la différence entre eux : ou dirait que ceux dont la part est sur la TERRE et qui s’adonnent aux occupations et aux soins TERREstres sont moins des prêtres du Seigneur que des prêtres de Pharaon. Car Pharaon veut que ses prêtres possèdent des TERREs et s’appliquent à la culture des champs, mais non de leur âme ; il veut qu’ils se consacrent à leur domaine et non à la loi. Tandis que le Christ notre Seigneur, ce qu’il enjoint à ses prêtres, écoutons-le plutôt : « Quiconque ne renonce à tout ce qu’il possède ne peut pas être mon disciple. » Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Et maintenant, profitons au moins de la leçon, hâtons-nous de la suivre, hâtons-nous de quitter les prêtres de Pharaon aux possessions TERREstres, pour passer du côté des prêtres du Seigneur dont la part n’est pas sur la TERRE , et dont « la portion est le Seigneur ». Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Voulez-vous entendre aussi les déclarations de Pierre sur lui-même ? Écoutez-le avec Jean faire cet aveu commun : « Je n’ai ni or ni argent, mais ce que j’ai je te le donne. Au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche. » Les voilà, les richesses des prêtres du Christ ; les voilà, les abondantes et précieuses largesses « de ceux qui n’ont rien ». Mais ces ressources-là, ce n’est pas la possession de la TERRE qui peut les procurer. Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.