Or donc, prêtez attention maintenant ! Qui étaient les gens qui là achetaient et vendaient, et qui sont-ils encore ? Maintenant prêtez-moi grande attention ! Je ne veux pour ce coup prêcher maintenant qu’à propos de gens de bien. Néanmoins je veux montrer pour cette fois qui étaient là et qui sont encore les marchands qui achetaient et vendaient et le font encore, eux que Notre Seigneur chassa et jeta dehors. En cela il le fait encore à tous ceux qui là achètent et vendent dans ce temple : il n’en veut laisser un seul au-dedans. Voyez, ce sont tous des marchands ceux qui se préservent de péchés grossiers et seraient volontiers de gens de bien et font leurs bonnes oeuvres pour honorer Dieu, comme de jeûner, veiller, prier, et quoi que ce soit, toutes sortes d’oeuvres bonnes, et ils les font cependant pour que Notre Seigneur leur donne quelque chose en retour, ou pour que Dieu leur fasse en retour quelque chose qui leur soit agréable : ce sont tous des marchands. Il faut l’entendre en ce sens grossier, car ils veulent donner une chose pour l’autre, et veulent ainsi commercer avec Notre Seigneur. En ce commerce ils sont trompés. Car tout ce qu’ils ont et tout ce qu’ils sont en mesure d’opérer, donneraient-ils pour Dieu tout ce qu’ils ont et se livreraient-ils pleinement pour Dieu, pour autant Dieu ne serait en rien de rien tenu envers eux de donner ou de faire, à moins qu’il ne veuille le faire gratuitement de bon gré. Car ce qu’ils sont ils le sont de par Dieu et ce qu’ils ont ils l’ont de par Dieu, et non par eux-mêmes. C’est pourquoi Dieu n’est en rien de rien tenu par leurs oeuvres et leurs dons, à moins que de bon gré il ne veuille le faire de par sa grâce et non en raison de leurs oeuvres ni en raison de leur don, car ils ne donnent rien qui soit leur et n’opèrent pas non plus à partir d’eux-même, ainsi que dit Christ lui-même : « Sans moi vous ne pouvez rien faire. » Ce sont des fous fieffés ceux qui veulent ainsi commercer avec Notre Seigneur ; ils ne connaissent de la vérité que peu de chose ou rien. C’est pourquoi Notre Seigneur les chassa hors du temple et les jeta dehors. Il ne se peut que demeure ensemble la lumière et les ténèbres. Dieu est la vérité et une lumière dans soi-même. Lors donc que Dieu vient dans ce temple, il rejette au-dehors l’ignorance, c’est-à-dire les ténèbres, et se révèle soi-même avec lumière et avec vérité. Alors les marchands sont partis lorsque la vérité se trouve connue et la vérité n’a nulle envie de mercantilisme. Dieu ne cherche pas ce qui est sien ; dans toutes ses oeuvres il est dépris et libre et les opère par juste amour. Ainsi aussi fait cet homme qui est uni à Dieu ; il se tient lui aussi dépris et libre dans toutes ses oeuvres, et les opère seulement pour honorer Dieu, et ne recherche pas ce qui est sien, et Dieu l’opère en lui. Sermon 1
En second lieu, Jésus se révèle dans l’âme avec une sagesse sans mesure, qui est lui-même, dans cette sagesse le Père se connaît soi-même avec toute sa seigneurie paternelle et cette même Parole qui est aussi la sagesse même et toute ce qui est dedans comme étant le même un. Lorsque cette sagesse se trouve unie à l’âme, alors tout doute et toute erreur et toutes ténèbres lui sont pleinement ôtés et ( elle ) est posée dans une lumière claire limpide qui est Dieu même, ainsi que dit le prophète : « Seigneur, dans ta lumière on connaîtra la lumière. » Alors c’est Dieu avec Dieu qui se trouve connu dans l’âme ; alors elle connaît avec cette sagesse soi-même et toute chose, et cette même sagesse elle la connaît avec lui-même, et c’est avec la même sagesse qu’elle connaît la seigneurie paternelle dans sa puissance génératrice féconde, et l’étantité essentielle selon la simple unicité sans aucune différence. Sermon 1
Saint Jean dit : « Ceux qui le reçurent, à ceux-là il donna pouvoir de devenir fils de Dieu. Ceux qui sont fils de Dieu, ceux-là ne sont pas ( nés ) de la chair et du sang ; ils sont nés de Dieu », non pas hors ( de lui ) mais en ( lui ). Notre aimable Dame dit : « Comment cela peut-il être que je devienne Mère de Dieu ? Alors l’ange dit : le Saint Esprit doit venir en toi d’en haut. » David dit : « Aujourd’hui je t’ai engendré. » Qu’est-ce qu’aujourd’hui ? Eternité. Je me suis éternellement engendré ( comme ) toi et toi ( comme ) moi. Néanmoins, il ne suffit pas à l’homme noble humble d’être le fils unique engendré, que le Père a éternellement engendré, il veut encore être Père et entrer dans la même égalité de la paternité éternelle, et engendrer celui dont je suis éternellement engendré, ainsi que je l’ai dit au Mariengarten ; c’est là que Dieu en vient à ce qui lui est propre. Approprie-toi à Dieu, ainsi Dieu est-il ton propre, comme il est le propre de soi-même. Ce qui se trouve engendré en moi, cela demeure ; Dieu ne se sépare jamais de l’homme où que l’homme se tourne. L’homme peut se détourner de Dieu ; aussi loin de Dieu que l’homme aille, Dieu se tient ( là ) et l’attend et le prévient avant qu’il ne le sache. Veux-tu que Dieu soit ton propre, tu doit alors être son propre, comme ( le sont ) ma langue ou ma main, en sorte que je puis faire de lui ce que je veux. Aussi peu puis-je agir sans lui, aussi peu peut-il opérer quelque chose sans moi. Veux-tu donc que Dieu soit ainsi ton propre, fais-toi son propre, et ne garde rien que lui dans ta visée ; alors il est un commencement et une fin de tout ton opérer, de même que sa déité tient en ce qu’il est Dieu. L’homme qui ainsi en toutes ses oeuvres ne vise et n’aime rien que Dieu, à celui-là Dieu donne sa déité. Tout ce que l’homme opère, ( Dieu l’opère ), car mon humilité donne à Dieu sa déité. « La lumière luit dans les ténèbres, et la lumière, les ténèbres ne l’ont pas saisie » ; cela veut dire que Dieu n’est pas seulement un commencement de toutes nos oeuvres et de notre être, il est aussi une fin et un repos de tout être. Sermon 14