Sur la prière “Notre Père”

{{Fr. 73 – Lc, 11, 2}}

Personne, à mon avis, ne peut appeler Dieu « Père », s’il n’est rempli de l’« esprit d’adoption » ; un fils peut donner ce titre à Dieu en le glorifiant et en observant le commandement : « Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs, afin de devenir les fils de votre Père qui est aux cieux, qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et pleuvoir sur les justes et les injustes. » On est encore né de Dieu, quand « on pratique la justice » ; ou peut alors prononcer ce mot : « Père », après avoir reçu en soi-même, parce qu’on ne peut plus pécher, « la semence » de Dieu. On est encore né de Dieu, « non d’une semence périssable, mais grâce au Verbe du Dieu vivant qui demeure à jamais », selon ce qui est écrit par Jean : « A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de celle de l’homme, mais de Dieu. » Ces paroles ne signifient pas que le Christ nous élève à la nature de Dieu, mais qu’il nous communique sa grâce et nous confère sa propre dignité. En effet, il nous demande d’appeler Dieu : Père. Aux mots : « Notre Père », Matthieu ajoute : « Qui êtes aux cieux s » : car il parle du Royaume des cieux et il décrit le Sauveur lorsqu’il révèle à tous les assistants les Béatitudes et leur apprend à prier. Luc, qui parle du Royaume de Dieu dans tout son évangile, a omis ce membre de phrase, pour montrer que le divin est une réalité au-delà de toute expression locale. Selon Luc, le passage sur la prière est adressé par le Christ aux Apôtres en particulier, car ils sont plus avancés que la foule ; et il n’ajoute pas la demande : « Délivrez-nous du malin », comme le fait Matthieu.

{{Fr. 74 – Lc, 11, 2}}

« Que ton règne arrive », pour voir la destruction « de toute principauté, domination et puissance », et même de toute royauté du monde, ainsi que celle du péché qui domine sur nos corps mortels, et que Dieu règne sur tout cela.

{{Fr. 75 – Lc, 11, 3}}

Les disciples de Marcion retiennent le texte suivant : « Donne-nous ton pain super-substantiel , celui de chaque jour. » Nous leur demanderons donc, puisqu’ils refusent les sens allégoriques et spirituels : quel est le pain de Dieu ? S’ils expliquent le texte comme nous l’avons interprété, ils allégorisent sans aucun doute. Mais s’ils entendent par là le pain corporel, comment vient-il alors du Dieu qu’ils considèrent comme bon ? Il est nécessaire dans ce cas d’ajouter l’expression : « Celui de chaque jour. » Car notre vraie vie doit être restaurée, pour que vive, selon Dieu, « l’homme intérieur. »