Avance donc avec précaution dans cette considération de toi-même. Sois envers toi intransigeant. Évite, lorsqu’il s’agit de toi, l’excès de complaisance et d’indulgence. Tu pécherais par complaisance en t’attribuant des qualités que tu n’as pas ; et, tout autant, en te faisant mérite de celles que tu as. Fais donc soigneusement la part de ce que tu es par toi-même et de ce que tu n’es que par la grâce de Dieu. Qu’il n’y ait surtout dans ton esprit aucune fraude! Il faut que le partage soit loyal : à toi ce qui est tien ; à Dieu, et sans mauvaise foi, ce qui est à lui. Je crois inutile de te persuader que le mal provient de toi et que le bien est le fait du Seigneur !
Dans le même temps que tu te considéreras tel que tu es, il sera bon que tu fasses un retour en arrière pour te considérer aussi tel que tu as été. Compare le présent et le passé. As-tu fait des progrès dans la voie de la vertu, de la sagesse, de l’intelligence, de la bonté ; ou bien, ce qu’à Dieu ne plaise, y as-tu par hasard rétrogradé? Es-tu habituellement plus patient qu’autrefois ou plus impérieux, plus irascible ou plus doux, plus arrogant ou plus humble, plus bienveillant ou plus hautain, plus indulgent ou plus intraitable, plus étroit d’esprit ou plus généreux, plus sérieux ou plus dépravé ? Qu’as-tu développé en toi, crainte de Dieu ou hardiesse dangereuse?
Tu le vois : c’est un vaste champ qui s’ouvre devant toi pour cette considération particulière. Je n’ai énuméré qu’un petit nombre de points ; ce ne sont là que quelques graines. A toi et non à moi de les semer : je les dépose dans ta main. {{(La considération, 11, 20.)}}