signes (Orígenes)

Le Juif peut bien demeurer sans réponse sur Ézéchiel et Isaïe, lorsque je rattache le récit de l’ouverture du ciel au-dessus de Jésus et de la voix entendue par lui à des récits semblables que l’on trouve dans Ézéchiel, Isaïe ou quelque autre prophète, pour moi du moins, j’étaierai autant que possible mon argumentation. C’est une croyance générale qu’en songe beaucoup se représentent certaines réalités divines et certains signes annonçant des événements futurs de cette vie, clairement ou par énigmes, et la chose est évidente pour tous ceux qui admettent une providence ; aussi pourquoi serait-il absurde que ce qui affecte l’esprit dans un songe puisse encore l’affecter dans une vision pour l’utilité du sujet affecté ou de ceux qui l’entendront de sa bouche ? Et de même qu’en songe nous recevons l’impression que nous entendons et que des sons frappent notre oreille physique ou que nous voyons avec nos yeux, sans que rien n’atteigne ni les yeux du corps, ni l’oreille, mais parce que l’esprit reçoit ces impressions, ainsi n’y a-t-il aucune absurdité que tel ait été le cas des prophètes, quand l’Écriture rapporte qu’ils ont eu des visions merveilleuses, entendu les paroles du Seigneur, vu le ciel s’entrouvrir. Car je ne pense pas que le ciel sensible ait été ouvert et que sa réalité physique, en s’entrouvrant, se soit partagée pour permettre à Ézéchiel de décrire une telle vision. Peut-être faut-il donc que dans le cas du Sauveur aussi le lecteur sensé des Evangiles admette la même chose, fût-ce au scandale des simples qui dans leur grande naïveté remuent le monde et fendent l’immense masse unifiée de tout le ciel. LIVRE I

A sa question ” Pourquoi donc, s’il ne l’a pas fait avant, du moins maintenant ne manifeste-t-il pas quelque chose de divin, ne se lave-t-il pas de cette honte, ne se venge-t-il de ceux qui l’outragent lui et son Père ? “, il faut répondre que c’est équivalemment poser aux Grecs qui admettent la Providence et acceptent l’existence de signes divins, la question : pourquoi enfin Dieu ne punit-il pas ceux qui outragent la divinité et qui nient la Providence ? Car si les Grecs ont une réponse à cette objection, nous aussi nous en aurons une semblable et même supérieure. Mais il y eut bien un signe divin venu du ciel, l’éclipse de soleil, et les autres miracles . preuves que le crucifié avait quelque chose de divin et de supérieur au commun des hommes. Celse continue :” Que déclare-t-il même lorsque son corps est fixé à la croix ? Son sang est-il l’ichôr tel qu’il coule aux veines des divinités bienheureuses ? “. Le voilà donc qui badine. Mais nous, grâce aux Evangiles qui, quoi que prétende Celse, sont des écrits sérieux, nous établirons ceci l’ichôr de la fable et d’Homère ne s’écoula point de son corps, mais, alors qu’il était déjà mort, « l’un des soldats, de sa lance, lui perça le côte, et il sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu en rend témoignage, son témoignage est véridique, et il sait qu’il dit vrai » Or, pour les autres cadavres, le sang est coagulé, et il ne peut couler d’eau pure , mais pour le cadavre de Jésus, le miracle était que même de son cadavre « du sang et de l’eau » se soient écoulés du côte. Mais Celse, qui tire des griefs contre Jésus et les chrétiens de textes évangéliques qu’il ne sait même pas interpréter correctement et tait ce qui établit la divinité de Jésus, veut-il se rendre attentif aux manifestations divines ? Qu’il lise alors l’Évangile et qu’il y voie entre autres ce passage « Le centurion et les hommes qui gardaient Jésus avec lui, témoins du séisme et des prodiges survenus, furent saisis d’une grande frayeur et dirent Celui-là était Fils de Dieu ! » Ensuite, extrayant de l’Évangile les passages qu’il ose lui opposer, il reproche à Jésus son ” avidité à boire le fiel et le vinaigre, sans savoir dominer une soif que même le premier venu domine d’ordinaire “. Ce texte, pris a part, comporte une interprétation allégorique , mais ici on peut donner une réponse plus commune aux objections : même cela les prophéties l’ont prédit. Il est écrit en effet dans le psaume soixante-huitième cette parole rapportée au Christ : « Pour me nourrir, ils m’ont donné du fiel, pour apaiser ma soif, fait boire du vinaigre. » C’est aux Juifs de dire qui le prophète fait parler de la sorte et d’établir, d’après l’histoire, qui a reçu du fiel en nourriture et du vinaigre pour boisson. Ou s’ils se hasardent à dire qu’il est question du Christ dont ils croient la venue future, alors je répondrai : qu’est-ce qui empêche la prophétie d’être déjà réalisée ? Le fait que cela ait été dit si longtemps d’avance, avec les autres prévisions des prophètes, si l’on fait un examen judicieux de toute la question, est capable d’amener à reconnaître Jésus comme le Christ prophétisé et le Fils de Dieu. LIVRE II

Jésus n’entendait pas détourner ses disciples de l’attachement aux sorciers en général, qui promettent d’accomplir des prodiges par n’importe quel moyen – ils n’avaient pas besoin d’une telle mise en garde -, mais de l’attachement à ceux qui se présenteraient comme le Christ de Dieu et s’efforceraient, grâce à des prestiges, de tourner vers eux les disciples de Jésus. Il dit donc : « Alors, si l’on vous dit : Tenez, voici le Christ ! ou le voilà ! n’en croyez rien. Il surgira en effet de faux christs et de faux prophètes qui produiront des signes et des prodiges considérables, capables d’abuser si c’était possible les élus eux-mêmes : telle est ma prédiction. Si donc on vous dit : le voici au désert, n’y allez pas ; le voilà dans les cachettes, n’en croyez rien. Comme l’éclair, en effet, part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il à l’avènement du Fils de l’homme. » Et ailleurs : « Beaucoup me diront en ce jour : Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons mangé, en ton nom que nous avons bu, en ton nom que nous avons chassé les démons et accompli nombre de miracles ? Et moi je leur dirai : écartez-vous de moi : vous êtes des artisans d’injustice. » Mais Celse, dans le désir d’assimiler les prodiges de Jésus à la sorcellerie humaine, dit littéralement ceci : ” O lumière et vérité ! De sa propre voix il annonce ouvertement, même vos écrits l’attestent, que d’autres encore viendraient à vous, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers. Et il nomme un certain Satan, habile à contrefaire ces prodiges; il ne nie même pas en eux tout caractère divin, mais il y voit l’oevre de méchants. Sous la contrainte de la vérité, il a en même temps démasqué la conduite des autres et confondu la sienne. N’est-ce donc pas un argument misérable de conclure des mêmes oevres à la divinité de l’un et à la sorcellerie des autres ? Pourquoi donc, d’après ces oevres, faut-il croire à leur méchanceté plutôt qu’à la sienne sur son propre témoignage ? Elles sont en fait, et lui-même en convint, des signes distinctifs non d’une nature divine, mais de gens trompeurs et fort méchants. ” Voilà bien la preuve manifeste de la perfidie de Celse à l’égard de l’Évangile : ce que dit Jésus de ceux qui accompliront signes et prodiges diffère totalement de ce qu’affirmé le Juif de Celse. Bien sûr, si Jésus avait simplement dit à ses disciples de se mettre en garde contre ceux qui promettent des prodiges, sans ajouter de quel titre ils se pareraient, peut-être y aurait-il place pour le soupçon du Juif. Mais les gens dont Jésus veut que nous nous gardions professent qu’ils sont le Christ, ce que ne font pas les sorciers , il dit en outre qu’au nom de Jésus des gens à la vie déréglée feront certains miracles, expulseront des hommes les démons. Dés lors, s’il faut le dire, voilà bannie des personnages en question la sorcellerie et tout soupçon à leur adresse, et bien établie au contraire la puissance divine du Christ et celle de ses disciples car il était possible à qui usait de son nom, sous l’impulsion de je ne sais quelle puissance, de prétendre qu’il était le Christ, de paraître accomplir des actes comparables à ceux du Christ, et à d’autres de faire au nom de Jésus des prodiges apparemment voisins de ceux de ses authentiques disciples. LIVRE II

Paul aussi, dans sa deuxième Epître aux Thessaloniciens, fait connaître de quelle manière sera révèlé un jour « l’homme impie, le Fils de perdition, l’Adversaire, celui qui s’élève au dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui même comme Dieu ». Et il redit aux Thessaloniciens « Et vous savez ce qui le retient présentement de façon a ne se révéler qu’à son moment. Des maintenant, oui, le mystère de l’impiété est à l’oevre. Mais que seulement celui qui le retient soit d’abord écarté, alors l’Impie se révélera, et le Seigneur le fera disparaître par le souffle de sa bouche, l’anéantira par le resplendissement de sa Venue. Sa venue à lui, l’Impie, aura été marquée, sous l’influence de Satan, par toute espèce de miracles, de signes et de prodiges mensongers, ainsi que toutes les séductions du mal sévissant sur ceux qui sont voués à la perdition. » Il indique également la cause pour laquelle l’Impie a permission de vivre : « Parce qu’ils ont refusé d’accepter pour leur salut l’amour de la vérité. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une influence qui les égare et les pousse à croire le mensonge, pour la condamnation de tous ceux qui auront refusé de croire la vérité et pris parti pour le mal. » LIVRE II

Qu’on nous dise dès lors si un trait du texte de l’Évangile ou de l’Apôtre peut prêter au soupçon que la sorcellerie soit prédite dans ce passage ! Et quiconque le désire pourra extraire en outre de Daniel la prophétie sur l’Antéchrist. Mais Celse calomnie les paroles de Jésus : il n’a pas dit que d’autres se présenteraient, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers, comme Celse le lui fait dire. En effet, la puissance des incantations d’Egypte n’est point pareille à la grâce miraculeuse dont disposait Moïse : l’issue a manifesté que les actions des Egyptiens étaient des sorcelleries, et celles de Moïse des oevres divines. De la même façon, les actions des antéchrists et de ceux qui prétendent faire des miracles à l’égal des disciples de Jésus sont qualifiées de « signes et de prodiges mensongers, sévissant dans toutes les séductions du mal à l’adresse de ceux qui sont voués à la perdition » ; celles du Christ et de ses disciples, au contraire, ont pour fruit non la séduction mais le salut des âmes. Qui donc peut raisonnablement soutenir que la vie vertueuse qui réduit chaque jour à un plus petit nombre les actions mauvaises provient d’une séduction ? Celse a deviné un trait de l’Écriture, quand il fait dire à Jésus qu’un certain Satan serait habile à contrefaire ces prodiges. Mais il ajoute une pétition de principe en affirmant que Jésus ne nie pas en eux tout caractère divin, mais qu’il y voit l’oevre de méchants. C’est renfermer dans une même catégorie des choses de catégorie différente. Comme le loup n’est pas de même espèce que le chien, malgré une ressemblance apparente dans la forme du corps et dans la voix, ni le pigeon ramier de même espèce que la colombe, ainsi une oevre de la puissance de Dieu n’a rien de pareil à ce qui provient de la sorcellerie. Autre réponse aux déloyautés de Celse : est-ce que des méchants démons feraient des miracles par sorcellerie, sans que la nature divine et bienheureuse en accomplisse aucun ? L’existence humaine est-elle accablée de maux, sans la moindre place pour les biens ? Or voici mon avis : dans la mesure où l’on doit admettre le principe général que là où l’on suppose un mal de même espèce que le bien, il existe nécessairement en face de lui un bien, de même aussi, en regard des actes exécutés par sorcellerie il en existe nécessairement qui sont dus à l’activité divine dans l’existence. En conséquence du même principe on peut ou supprimer les deux membres de l’affirmation et dire que ni l’un m l’autre ne se réalise, ou, posé l’un, ici le mal, reconnaître aussi le bien. Mais admettre les effets de la sorcellerie et nier les effets de la puissance divine équivaut, me semble-t-il, à soutenir qu’il y a des sophismes et des arguments plausibles éloignés de la vérité bien qu’ils feignent de l’établir, mais que la vérité et la dialectique étrangère aux sophismes n’ont aucun droit de cité parmi les hommes. Admet-on l’existence de la magie et de la sorcellerie exercée par les méchants démons, charmés par des incantations spéciales et dociles aux invitations des sorciers ? Il s’ensuit que doivent exister parmi les hommes les effets de la puissance divine. Alors pourquoi ne pas examiner soigneusement ceux qui prétendent faire des miracles et voir si leur vie, leurs moers, les résultats de ces miracles nuisent aux hommes ou redressent leurs moers ? Qui donc, au service des démons, obtient de tels effets au moyen de pratiques incantatoires et magiques. Qui au contraire, après s’être uni à Dieu, dans un lieu pur et saint, par son âme, son esprit et je croîs aussi par son corps, et avoir reçu un esprit divin, accomplit de tels actes pour faire du bien aux hommes et les exhorter à croire au vrai Dieu ? Admet-on la nécessité de chercher, sans tirer une conclusion précipitée des miracles, qui accomplit ces prodiges par un principe bon et qui, par un principe mauvais, de manière à éviter soit de tout déprécier, soit de tout admirer et accueillir comme divin ? Comment alors ne sera-t-il pas évident, d’après les événements du temps de Moïse et du temps de Jésus, puisque des nations entières se sont constituées à la suite de leurs miracles, que c’est par une puissance divine qu’ils ont accompli les oevres que la Bible atteste ? Car la méchanceté et la magie n’auraient pas constitué une nation entière qui a dépasse non seulement les idoles et les monuments construits par les hommes, mais encore toute nature créée, et qui s’élève jusqu’au principe incréé du Dieu de l’univers. LIVRE II

Et comme c’est un Juif qui tient ces propos chez Celse, on pourrait lui dire et toi donc, mon brave, pourquoi enfin cette différence tu croîs divines les oevres que d’après tes Écritures Dieu accomplit par Moïse, et tu tâches de les justifier contre ceux qui les calomnient comme des effets de la sorcellerie, analogues à ceux qu’accomplissent les sages d’Egypte ; tandis que celles de Jésus dont tu reconnais l’existence, suivant l’exemple des Egyptiens qui te critiquent, tu les accuses de n’être pas divines ? Si en effet le résultat final, la nation entière constituée par les prodiges de Moïse, prouve évidemment que c’était Dieu l’auteur de ces miracles au temps de Moïse, comment cet argument ne sera-t-il pas plus démonstratif pour le cas de Jésus, auteur d’une plus grande oevre que celle de Moïse ? Car Moïse a pris ceux de la nation formée de la postérité d’Abraham qui avaient gardé le rite traditionnel de la circoncision, observateurs décidés des usages d’Abraham, et il les conduisit hors d’Egypte en leur imposant les lois que tu croîs divines. Jésus, avec une autre hardiesse, substitua au régime antérieur, aux habitudes ancestrales, aux manières de vivre d’après les lois établies, le régime de l’Évangile. Et, tout comme les miracles que Moïse fit d’après les Écritures étaient nécessaires pour lui obtenir l’audience non seulement de l’assemblée des Anciens, mais encore du peuple, pourquoi Jésus lui aussi, pour gagner la foi d’un peuple qui avait appris à demander des signes et des prodiges, n’aurait-il pas eu besoin de miracles capables, par leur grandeur et leur caractère divin supérieurs si on les compare à ceux de Moïse, de les détourner des fables juives et de leurs traditions humaines, et de leur faire accepter que l’auteur de cette doctrine et de ces prodiges était plus grand que les prophètes ? Comment donc n’était-il pas plus grand que les prophètes, lui que les prophètes proclament Christ et Sauveur du genre humain ? Bien plus, toutes les attaques du Juif de Celse contre ceux qui croient en Jésus peuvent se retourner en accusation contre Moïse , en sorte qu’il n’y a pas ou presque pas de différence à parler de la sorcellerie de Jésus et de celle de Moïse, tous deux pouvant, à s’en tenir a l’expression du Juif de Celse, être l’objet des mêmes critiques. Par exemple le Juif de Celse dit a propos du Christ « O lumière et vérité ! De sa propre voix, il annonce ouvertement, même vos écrits l’attestent, que d’autres encore viendraient à vous, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers ». Mais a propos de Moïse, celui qui ne croît pas à ses miracles, qu’il soit d’Egypte ou de n’importe ou, pourrait dire au Juif « O lumière et vérité ! De sa propre voix, Moïse annonce ouvertement, même vos écrits l’attestent, que d’autres encore viendraient à vous, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers » Car il est écrit dans votre loi : « Que surgisse en toi un prophète ou un faiseur de songes qui te propose un signe ou un prodige, et qu’ensuite ce signe ou ce prodige annoncé arrive, s’il te dit alors « Allons suivre d’autres dieux que vous ne connaissez pas et servons les », vous n’écouterez pas les paroles de ce prophète ni les songes de ce songeur » etc… L’un, dans sa critique des paroles de Jésus, dit encore « Et il nomme un certain Satan, habile à contrefaire ces prodiges » L’autre, dans l’application de ce trait à Moïse, dira « Et il nomme un prophète faiseur de songes habile à contrefaire ces prodiges ». Et de même que le Juif de Celse dit de Jésus : « Il ne nie pas en eux tout caractère divin, mais il y voit l’oevre de méchants » , ainsi, qui ne croît pas aux miracles de Moïse lui dira la même chose en citant la phrase précédente « Il ne nie même pas en eux tout caractère divin, mais il y voit l’oevre de méchants » Et ainsi fera-t-il pour cette parole « Sous la contrainte de la vérité, Moïse a en même temps démasqué la conduite des autres et confondu la sienne ». Et quand le Juif déclare « N’est-ce donc pas un argument misérable de conclure, des mêmes oevres, à la divinité de l’un et a la sorcellerie des autres ? » on pourrait lui répondre à cause des paroles de Moïse déjà citées « N’est-ce donc pas un argument misérable de conclure, des mêmes oevres, à la qualité de prophète et serviteur de Dieu de l’un et a la sorcellerie des autres ? » Mais insistant davantage, Celse ajoute aux comparaisons que j’ai citées « Pourquoi donc, d’après ces oevres, faut-il croire à leur méchanceté plutôt qu’à la sienne sur son propre témoignage ? » On ajoutera à ce qui était dit « Pourquoi donc, d’après ces oevres, faut-il croire à la méchanceté des gens auxquels Moïse défend de croire malgré leur étalage de signes et de prodiges, et non plutôt à la méchanceté de Moïse, quand il attaque les autres pour leurs signes et leurs prodiges ? » Il multiplie les paroles dans le même sens pour avoir l’air d’amplifier sa brève argumentation : « Elles sont en fait, et lui-même en convint, des signes distinctifs non d’une nature divine, mais de gens trompeurs et fort méchants. » Qui donc désigne ce « lui-même » ? Toi, Juif, tu dis que c’est Jésus ; mais celui qui t’accuse comme sujet aux mêmes critiques rapportera ce « lui-même » à Moïse. LIVRE II

La signification de l’ensevelissement, du tombeau, de celui qui l’ensevelit, je l’expliquerai d’une manière plus opportune et plus développée en d’autres écrits qui auront pour but essentiel d’en traiter. Pour l’instant, il suffit de mentionner le linceul pur où il fallait que le corps pur de Jésus fût enveloppé, et le sépulcre neuf que Joseph « avait taillé dans le roc, où personne n’avait encore été déposé », ou bien comme dit Jean, « dans lequel personne n’avait encore été placé ». Considère si l’accord des trois Evangélistes n’est pas impressionnant ! Ils ont pris la peine de noter le fait que le tombeau était taillé ou creusé dans le roc, pour qu’en examinant les paroles de la Bible, on puisse contempler là encore un aspect qui mérite réflexion, soit le caractère neuf du tombeau que Matthieu et Jean ont noté, soit d’après Luc et Jean, le fait que personne n’y eût été mis. Il fallait, en effet, que Celui qui n’était pas semblable aux autres morts, ayant montré jusque dans son état de mort des signes de vie dans l’eau et le sang, et qui, pour ainsi dire, était un mort d’un genre nouveau, fût déposé dans un tombeau neuf et pur. Ainsi, comme sa naissance avait été plus pure que toute autre, provenant non d’une union des sexes, mais d’une vierge, son tombeau aurait aussi la pureté symbolisée par la déposition de son corps dans un tombeau resté neuf, non point construit de pierres ramassées, dépourvues d’unité naturelle, mais taillé ou creusé dans un seul roc, tout d’une pièce. LIVRE II

Tout cela, le Juif de Celse le conclut par ces mots : Toutes nos objections sont tirées de vos écrits, nous n’avons que faire d’autres témoins : vous tombez vous-mêmes dans vos pièges. Mais j’ai prouvé que c’est en déformant les textes de nos Évangiles que le Juif déclare tant de sornettes dans ses propos contre Jésus et contre nous. A mon sens, il n’a pas montré comment nous tombons dans nos pièges, il ne fait que l’imaginer. Et comme son Juif ajoute : O Très-Haut ou Céleste, quel dieu se présentant aux hommes les trouve-t-il complètement incrédules ? il faut lui répondre : il est écrit que, même au temps de la loi de Moïse, Dieu s’est présenté aux Hébreux dans le plus grand éclat, non seulement dans les signes et prodiges en Egypte, ensuite dans le passage de la Mer Rouge, la colonne de feu et la nuée lumineuse, mais encore dans la proclamation du décalogue à tout le peuple : et il trouva les témoins incrédules. Car s’ils avaient cru à celui qu’ils avaient vu et entendu, ils n’auraient pas élevé le veau d’or, ni « échangé leur gloire pour l’image d’un mangeur d’herbes », et ne se seraient pas dit mutuellement en parlant de ce veau : « Voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter de la terre d’Égypte ». Et vois si la caractéristique de ce peuple ne fut pas, autrefois, d’avoir été incrédule aux prodiges éclatants et aux multiples manifestations de Dieu pendant toute la période du désert, comme il est écrit dans la loi des Juifs, puis, au temps de la venue miraculeuse de Jésus, de ne pas s’être laissé convaincre par ses paroles dites avec autorité et ses actions miraculeuses faites à la vue de tout le peuple ? LIVRE II

Que Celse donc, et ceux qui se plaisent à ses attaques contre nous le disent : quel rapport y a-t-il entre l’ombre d’un âne et le fait que les prophètes juifs ont prédit le lieu de naissance du futur chef de ceux à qui leur vie vertueuse mériterait d’être appelés « la part d’héritage » de Dieu ; qu’une vierge concevrait l’Emmanuel ; que tels signes et prodiges seraient accomplis par le personnage prédit et que « sa parole courrait si vite » que la voix de ses apôtres « parviendrait à toute la terre » ; quelles souffrances il subirait après sa condamnation par les Juifs et comment il ressusciterait ? Peut-on voir en ces paroles un effet du hasard sans qu’aucun motif plausible incitât les prophètes non seulement à les prononcer mais à les juger dignes d’être notées ? Est-ce que la puissante nation des Juifs qui s’était emparée depuis longtemps d’une contrée particulière pour l’habiter, n’avait pas de motif plausible pour proclamer certains d’entre eux prophètes et rejeter les autres comme faux prophètes ? Est-ce que rien ne les engageait à joindre aux livres de Moïse qu’ils tenaient pour sacrés les discours de ceux que dans la suite ils ont considérés comme des prophètes ? Et peuvent-ils nous prouver, ceux qui reprochent leur sottise aux Juifs et aux chrétiens, que la nation juive aurait pu subsister sans qu’il y ait eu chez elle aucune annonce d’événements connus d’avance ? Les nations dont elle était environnée croyaient chacune selon ses traditions recevoir des oracles et des divinations de ceux qu’elles vénéraient comme dieux ; eux au contraire avaient été élevés dans le mépris de tous ceux que les nations tenaient pour dieux et y voyaient non pas des dieux mais des démons puisque leurs prophètes disaient : « Tous les dieux des nations sont des démons » : auraient-ils été les seuls à n’avoir personne qui fît profession de prédire et fût capable de retenir ceux qui, par désir de prévision des événements futurs, voulaient s’en aller vers les démons des autres nations ? Juge, dès lors, s’il n’était pas nécessaire qu’une nation entière, élevée dans le mépris pour les dieux des autres nations, eût en abondance des prophètes manifestant d’emblée leur excellence et leur supériorité sur les oracles de tout pays. LIVRE III

Mais il veut encore montrer plus longuement que même les notions de la divinité dans le genre humain ne sont pas supérieures à celles de tous les êtres mortels, bien plus, que certains animaux sans raison ont manifestement des notions sur Dieu, tandis qu’il y a de si graves désaccords sur Dieu entre les plus pénétrants des hommes de tous les pays, Grecs ou barbares, et il dit : Si l’on pense que l’homme, pour avoir des notions divines, est supérieur au reste des animaux, que les tenants de cette thèse le sachent : même ce litre, beaucoup d’autres animaux le revendiqueront. Et non sans de bonnes raisons. Que peut-on, en effet, déclarer plus divin que la prévision et la prédiction de l’avenir ? Eh bien! c’est ce que les hommes apprennent des autres animaux et spécialement des oiseaux : et tous ceux qui entendent les signes qu’ils donnent, sont des devins. LIVRE IV

Donc, si les oiseaux et tous les autres animaux divinateurs prévoient par don de Dieu l’avenir et nous l’enseignent par des signes, ils semblent être par nature d’autant plus proches de l’union avec Dieu, plus savants et plus chers à Dieu. Des hommes intelligents disent même qu’il y a entre les oiseaux des entretiens, évidemment plus saints que les nôtres; eux-mêmes comprennent quelque peu leurs paroles; la preuve qu’ils donnent en pratique de cette compréhension est que, quand ils ont prévenu que les oiseaux leur ont annoncé qu’ils iraient à tel endroit pour y faire une chose ou l’autre, ils montrent qu’ils y vont bien et font ce qu’en fait ils avaient prédit. En outre, nul ne semble plus fidèle au serment, plus docile à la divinité que les éléphants, sans aucun doute parce qu’ils ont quelque connaissance de Dieu. Voilà bien comme il tranche et donne comme avérés bien des points en question chez les philosophes tant grecs que barbares, qui ont découvert ou appris de certains démons les secrets des oiseaux et des autres animaux par qui, dit-on, certains pouvoirs de divination ont été communiqués aux hommes. LIVRE IV

Mais quelle impiété pour qui nous accuse d’impiété d’oser dire, non seulement que les animaux sans raison sont plus savants que la nature humaine, mais encore qu’ils sont plus chers à Dieu ! Et qui ne détournerait son attention d’un homme pour qui dragon, renard, loup, aigle, épervier sont plus chers à Dieu que la nature humaine ? Il suivrait de son propos que si vraiment ces animaux sont plus chers à Dieu que les hommes, évidemment ces animaux sont plus chers à Dieu que Socrate, Platon, Pythagore, Phérécyde, et ces théologiens qu’il a célébrés peu auparavant. Et on pourrait bien lui exprimer ce souhait : si vraiment ces animaux sont plus chers à Dieu que les hommes, puisses-tu devenir cher à Dieu dans leur compagnie, et ressembler à ceux qui, d’après toi, sont plus chers à Dieu que les hommes ! Et qu’on ne prenne pas ce voeu comme une malédiction ! Qui donc ne souhaiterait ressembler entièrement à ceux dont il est persuadé qu’ils sont plus chers à Dieu, et de devenir autant qu’eux lui aussi cher à Dieu ? Pour prouver que les entretiens des animaux sans raison sont plus saints que les nôtres, Celse n’attribue pas cette histoire aux premiers venus, mais aux intelligents. Or ce sont les vertueux qui sont en réalité intelligents, aucun homme mauvais n’est intelligent. Voici donc la manière dont il s’exprime : « Des hommes intelligents disent même qu’il y a entre les oiseaux des entretiens, évidemment plus saints que les nôtres ; eux-mêmes comprennent quelque peu leurs paroles ; la preuve qu’ils donnent en pratique de cette compréhension est que, quand ils ont prévenu que les oiseaux leur ont annoncé qu’ils iraient à tel endroit pour y faire une chose ou l’autre, ils montrent qu’ils y vont bien et font ce qu’ils avaient déjà prédit. » Mais en vérité, aucun homme intelligent n’a raconté de telles histoires, et aucun sage n’a dit que les entretiens des animaux sans raison sont plus saints que ceux des hommes. Et si pour apprécier les vues de Celse on en examinait les conséquences, il est évident que selon lui les entretiens des animaux sans raison seraient plus saints que les entretiens respectables de Phérécyde, Pythagore, Socrate, Platon et autres philosophes. Ce qui, de soi, est non seulement invraisemblable, mais tout à fait absurde. En acceptant de croire que certains aient appris du ramage indistinct des oiseaux que les oiseaux déclarent d’avance qu’ils iraient à tel endroit faire une chose ou l’autre, je dirais que cela encore les démons l’indiquent aux hommes par des signes : leur but est de tromper l’homme et de rabaisser son esprit du ciel et de Dieu vers la terre et plus bas encore. LIVRE IV

Délibérément je m’abstiendrai de revenir aux mots que j’ai déjà cités en enseignant d’où nous venons, quel est notre chef, quelle est sa loi. La prétention de Celse à ne mettre aucune différence entre nous et les Égyptiens qui adorent le bouc, le bélier, le crocodile, le b?uf, l’hippopotame, le cynocéphale, le chat, ne regarde que lui-même et ceux qui sur ce point se rangent à son opinion. Mais par les nombreux arguments qui précèdent, j’ai justifié de mon mieux l’honneur rendu à notre Jésus, et montré que nous avons trouvé un bien supérieur. Et lorsque, seuls, nous affirmons que la vérité pure et sans mélange d’erreur est dans l’enseignement de Jésus-Christ, ce n’est pas nous-mêmes que nous exaltons, c’est notre Maître à qui le Dieu suprême a rendu témoignage par tant de signes, par les discours prophétiques des Juifs, et par l’évidence elle-même. Car il est manifeste qu’il n’a pu accomplir sans l’aide de Dieu de pareilles oeuvres. LIVRE V

Est-il donc absurde qu’il y ait dans l’humanité pour ainsi dire deux extrêmes, l’un de bien, l’autre de son contraire, l’extrême du bien étant dans l’homme que l’esprit discerne en Jésus, lequel est source inépuisable pour le genre humain de conversion, de guérison et d’amélioration, et l’extrême opposé étant dans l’Antéchrist? Dieu, dont la prescience embrasse toutes choses, voyant ce qui les concerne tous deux, a voulu les faire connaître aux hommes par les prophètes, pour que ceux qui comprendraient leurs paroles s’unissent intimement au bien et se défendent du contraire. Il fallait que l’un des deux extrêmes, le meilleur, fût appelé Fils de Dieu, à cause de sa suréminence, et l’autre, diamétralement contraire, fils du démon pervers, de Satan, du diable. Ensuite, comme le propre du mal est que la malice se répande au maximum en prenant l’apparence du bien, pour cette raison le mauvais est environné de signes, de prodiges, de miracles mensongers grâce à la coopération de son père le diable. Car l’aide donnée aux sorciers par les démons qui trompent les hommes pour leur plus grand mal est dominée par cette coopération du diable en personne pour tromper le genre humain. LIVRE VI

Dès maintenant, oui, le mystère de l’impiété est à l’oeuvre, seulement jusqu’à ce que celui qui le retient encore ait disparu. Et alors l’Impie se révélera, et le Seigneur Jésus le détruira du souffle de sa bouche, l’anéantira par l’éclat de sa venue. La venue de l’Impie se fera, par l’action de Satan, avec toutes sortes d’oeuvres de puissance, de signes, de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l’injustice pour ceux qui se perdent, faute d’avoir accueilli l’amour de la vérité pour être sauvés. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une influence qui les égare, pour qu’ils croient au mensonge, afin que soient condamnés tous ceux qui, ayant refusé de croire à la vérité, se sont complus dans l’injustice. » LIVRE VI

Il n’est pas d’étrangers à la foi qui aient rien fait de semblable à ce que firent les prophètes ; il n’en est pas de plus récents, même postérieurs à la venue de Jésus, dont l’histoire dise qu’ils aient prophétisé parmi les Juifs. Car, de l’aveu de tous, le Saint-Esprit a abandonné les Juifs coupables d’impiété envers Dieu et envers Celui qui avait été prédit par leurs prophètes. Mais les signes du Saint-Esprit sont apparus, d’abord au temps de l’enseignement de Jésus, et en plus grand nombre après son ascension, mais par la suite en moins grand nombre. Cependant il en reste encore aujourd’hui des vestiges chez quelques-uns dont les âmes ont été purifiées par le Logos et les actions qu’il inspire. « Car l’Esprit Saint qui nous éduque fuit la duplicité, il s’éloigne des pensées sans intelligence. » Celse promet d’indiquer la manière dont se font les divinations en Phénicie et en Palestine, comme une chose dont il est instruit et qu’il sait de première main. Examinons donc ce point. Il dit d’abord qu’il y a plusieurs espèces de prophéties, mais sans les indiquer : il en était incapable, ce n’était là qu’une hâblerie. Mais voyons celle qu’il présente comme le type le plus achevé chez les hommes de celte région. LIVRE VI