LA CRÉATION DE L’HOMME
L’histoire biblique de la création du père du genre humain et de son séjour au Paradis est relatée dans le Coran dans les termes suivants :
Sourate II. — 28. Et lorsque ton Seigneur dit aux anges : « Je vais établir un vicaire sur la terre », ils dirent : « Y établiras-tu quelqu’un qui y fera le mal et qui répandra le sang, pendant que nous célébrons Tes louanges en Te glorifiant et que nous proclamons Ta sainteté ? » (Le Seigneur dit) : « Je sais ce que vous ne savez pas ».
29. — Il apprit à Adam les noms de tous les êtres ; puis Il les présenta aux anges et dit : « Appelez-les-Moi par leurs noms, si vous êtes véridiques ».
30. — Ils dirent : « Gloire à Toi ! Il n’y a pas en nous de savoir si ce n’est ce que Tu nous a appris. En vérité ! Tu es le Savant, le Sage ! »
31. — (Allah) dit : « O Adam ! Fais-leur connaître leurs noms ». Et lorsqu’il leur eut fait connaître leurs noms, Il dit : « Ne vous ai-je pas dit que Je connais les secrets des cieux et de la terre, et que je connais ce que vous montrez et ce que vous cachez ? »
Sourate VII. — 10. Et nous vous créâmes ensuite. Nous vous donnâmes votre forme. Alors nous dîmes aux Anges: « Prosternez-vous devant Adam. » Et ils se prosternèrent, excepté Iblîs, qui n’était pas de ceux qui se prosternent.
11. — Dieu dit : « Qu’est-ce qui t’empêche de te prosterner, lorsque Je te l’ordonne ? » Iblîs répondit : « Je suis meilleur que Lui. Tu m’as créé de feu, et Tu l’as créé de limon ».
12. — Dieu dit: « Va-t’en d’ici! Qu’as-tu à t’enorgueillir ici ? Sors ! En vérité, tu es du nombre des méprisés. »
15. — Iblîs dit : « Et parce que Tu m’as induit en erreur, je les guetterai sur Ton sentier droit.
16. — Puis je viendrai sûrement sur eux par devant et par derrière, à leur droite et à leur gauche, et Tu n’en trouveras pas de reconnaissants ».
17. — Dieu dit : « Sors d’ici, méprisé et chassé ! Et quant à celui d’entre eux qui te suivra. Je remplirai sûrement l’Enfer de vous tous. »
Sourate XX. — 115. Nous dîmes (alors) : O Adam ! en vérité celui-ci est un ennemi pour toi et pour ton épouse. Qu’il ne vous chasse pas du Paradis, sinon vous serez réduits à la misère.
La Chronique de Tahari (édition Zotenberg, t. I, Paris, 1867, pp. 72-94) et Mohammed ben’Abdallah al-Kissaï, dans sa Vitae Prophetarum (texte arabe édité par Dr Isaac Eisenberg, in-8°, Leyde, 1922-23), pp. 23, etc.), racontent l’histoire d’Adam, en s’inspirant des commentaires du Coran, et en y ajoutant certains détails dont nous allons rechercher l’origine.
Tabari dit que Dieu forma le corps d’Adam avec de l’argile ramassée dans différentes régions de la terre, et que la grandeur du corps était telle qu’il allait de l’Orient à l’Occident. Al-Kissaï ajoute que lorsque Dieu insuffla l’âme dans le corps d’Adam, ce dernier se dressa debout sur ses pieds et que sa tête atteignit le premier des sept cieux.
Ces détails sont d’origine aggadique. — Dans le Talmud babylonien (Sanhédrin, 38b) nous lisons :
« Le corps d’Adam fut formé d’argile prise en Babylone, « la tête, « avec de l’argile palestinienne; et les autres membres, avec l’argile « ramassée dans différents pays ».
Voici maintenant un passage midraschique (Genèse-Rabbah, VIII, 2)
« Lorsque Dieu créa Adam il fit d’abord un corps inerte, couché « par terre d’un bout du monde à l’autre bout ». Et un peu plus « loin (Ibid., XIV, 10)
« Il a placé debout le corps inerte d’Adam qui allait du sol jusqu’au « firmament, et il y insuffla l’âme ».
La conversation entre Dieu et les anges, relatée dans le texte coranique (II, 28-31), est tirée d’un passage rabbinique signalé par le Dr Geiger, Was hat Mohamed aus dem Judenthume aufgenommen ? (2e éd., Leipzig, 1902, p. 97), où l’on trouvera le texte hébreu avec sa traduction1. Le texte original se trouve dans le Midrasch Nombres-Rabbah (XIX, 3), et en partie également dans Genèse Rabbah (VIII, 3-5), et dans le Talmud Babylonien (Sanhédrin, 38b).
Geiger (l. c, p. 98) cite également un autre passage aggadique (Genèse-Rabbah, VIII, 9) d’où le Coran a tiré sans doute le fait que les Anges adoraient Adam. Ce savant fait remarquer que l’adoration de l’homme est une idée essentiellement chrétienne, et que le second texte midraschique cité par lui démontre précisément le contraire2. Mais Tabari (l. c, p. 77) fait remarquer que le terme « adorer » veut dire ici honorer la grandeur, témoigner du respect pour quelqu’un ; tandis que Vadoration vraie appartient à Dieu seulement.
Dans cet ouvrage si intéressant, il y a, malheureusement, de nombreuses erreurs dans les références rabbiniques, reproduites dans la seconde édition soi-disant revisée. Quelquefois, les textes aggadiques y sont reproduits sans aucune indication de sources. ↩
Cf. M. Grünbaum, Beiträge zur vergleichenden Mythologie aus der Haggada (Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Geselleschaft, t. XXXI, 1871, p. 233) signalant un autre texte midraschique concordant avec le Coran. ↩