SERMON DE NOËL.

Nous avons trouvé le Messie (Joa., I, 41). O voix pleine de joie et de réjouissance ! Un frère annonce à son frère, un apôtre à un autre apôtre, le protoclète André au très ardent Pierre : « Nous avons trouvé le Messie. » Mais, ô saints apôtres, nos aimables maîtres, dites-nous : où trouverons-nous un tel trésor ? Car nous aussi, nous voulons le trouver. Nous l’avions trouvé dans le saint baptême, mais, ô misère extrême, par notre négligence nous avons perdu ce trésor inestimable. On nous dit : cherchez et vous trouverez. Cherchons-le donc, avec assiduité. Car sans lui, notre vie est au plus haut degré misérable et impie. Cherchons celui avec lequel le malheur est bonheur, les pleurs sont joie, les larmes sont réjouissance. Cherchons celui avec qui nous trouverons toute sécurité, tous les biens temporels et éternels. Mais où donc le chercher ?

Nous savons qu’il n’habite pas là où ont établi leur règne les Hérode fourbes et assoiffés de gloire, qui ne craignent pas de perdre tant d’âmes et de verser tant de sang, pour ne pas être privés d’un honneur passager ; au contraire, il fuit avec précipitation les endroits où l’on cherche à le tuer, lui-même et des enfants innocents qui lui ressemblent. L’humble et doux Jésus, notre sauveur, ne réside pas là où l’orgueil et la suffisance ont leur demeure. N’est-ce pas devenu un proverbe que ceux qui se ressemblent s’assemblent ? Le pauvre s’entend avec le pauvre, le riche avec le riche, le noble avec le noble. Nulle part on ne voit s’accorder le sobre et l’ivrogne, le continent et le voluptueux, le juste avec l’injuste, le généreux avec l’avare avide ; non, l’un fuit l’autre, car le noir ne convient pas au blanc, le doux à l’amer, la lumière à l’obscurité. De même, pour le Christ, doux et humble de cœur, il n’y a pas de place là où les cœurs se gaussent, pleins d’orgueil et de prétention, font des plans grandioses…

L’éternelle vérité ne s’accommode pas de la flatterie, de l’astuce, de la tromperie, de l’intrigue, de la duplicité, de celui qui a du miel sur la langue et du fiel au cœur, qui en paroles promet la paix et en action prépare le glaive, qui s’approche par la bouche et de cœur est distant, qui par les lèvres salue, baise, félicite, et en fait cherche à s’entendre sur le prix de la trahison, qui a l’intention de livrer son prochain aux ennemis et prépare la voie aux déshonneurs, à l’insulte, aux crachats, à la croix et à la mort. Le Christ abandonne un tel homme, comme un Judas hypocrite. Il ne veut pas que l’agneau s’associe avec le renard, il chasse le renard du milieu de ses brebis d’élection.

Il abandonne aussi et ordonne à ses disciples d’abandonner les endroits d’où l’on chasse ses apôtres ; si l’on vous chasse, dit-il, de cette ville, allez dans une autre. Il se retire de la localité où l’on tient son Evangile et sa sainte prédication pour une invention du diable, son royaume éternel pour une fable ; où l’on se délecte du péché, où l’on dit à son âme : « Mange, bois, réjouis-toi, tu es très riche. »

De même, nous ne le trouverons pas dans une demeure balayée et ornée où s’installent les esprits impurs, ces esprits de haine, de méchanceté, d’envie, de luxure, d’adultère et d’hostilité ; car quelle part la lumière a-t-elle avec les ténèbres, le Christ avec Bélial… ?

Que faire ? De quel côté tournerons-nous nos regards ? Où devons-nous chercher notre lumière, notre trésor ? Sans le moindre doute, il est quelque part parmi ses serviteurs. Il est monté au ciel, il est assis à la droite du Père, c’est vrai. Mais il a promis de ne pas quitter les hommes sur la terre : « Je suis avec vous, dit-il, jusqu’à la fin des siècles. » Cherchons-le donc avec application ; allumons une chandelle, comme la veuve de l’Evangile. Seigneur, montrez-nous votre face ! Notre maître très doux, où habitez-vous ?

Venez, dit-il, et voyez. Ah oui, nous entendons la voix de notre maître, nous l’entendons : « Où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis parmi eux. » Le voilà qui nous répond, voilà où est son habitation, où réside notre très douce lumière…

Maintenant, il ne nous reste plus qu’à savoir comment nous pouvons faire venir le Christ dans notre maison. Nous savons qu’il ne dédaigne pas même une chaumière. Il va même chez les publicains quand ils l’appellent avec des sentiments sincères. Plus encore : il se tient à la porte et frappe, comme il le dit dans l’Apocalypse. Pour nous, il est venu dans un sein virginal et, s’étant formé un corps du sang de la Vierge, il est né d’une façon miraculeuse. Pour nous, il ne dédaigna point une crèche de bestiaux, où il voulut bien reposer enveloppé de langes. Il n’abhorrera pas non plus notre misérable hutte, si nous le prions avec humilité, car il est miséricordieux et il aime l’homme, il cède aux demandes humbles. Il s’abaissera aussi jusqu’à notre humilité ; tombons seulement à ses pieds, en imitant la sagesse des mages. Tombons aux pieds de celui qui n’est plus enveloppé de langes, mais assis sur le trône de gloire avec le Père et l’Esprit-Saint. Au lieu d’or, d’encens et de myrrhe, présentons-lui une humble prière. Et puisqu’il trouve son repos dans la charité chrétienne, entourons-nous de charité, préparons-nous. En voyant notre frère affamé, donnons-lui à manger ; en voyant qu’il a soif, donnons-lui à boire ; s’il est nu, habillons-le ; s’il est un voyageur sans abri, introduisons-le dans notre maison et donnons-lui l’hospitalité ; s’il est malade, visitons, consolons et servons-le ; montrons de la charité aussi envers le détenu et servons-le selon nos moyens. En un mot, aimons nos frères comme nous-mêmes. Après cela, tombons aux pieds de Jésus-Christ et avec humilité prions-le ainsi : Roi des Cieux, Fils de Dieu, qui avez daigné vous incarner pour nous autres, pécheurs, ayez pitié de nous, n’ayez pas horreur de nous, pécheurs et pauvres esclaves. Nous le savons, pour nous, vos esclaves, vous avez pris la nature d’un esclave. Pour nous, vous vous êtes rendu semblable à nous en tout, excepté le péché. Vous avez voulu être mendiant avec nous autres, mendiants ; faible avec nous, hommes faibles ; avec nous, prisonniers et pèlerins, vous avez pérégriné en cette vallée de larmes ; avec nous, vous avez passé par des épreuves, vous avez pleuré. Et vous avez daigné souffrir et mourir seul pour tous. Ainsi vous nous avez amenés à votre Père immortel et incréé. Seigneur, vous êtes venu vous-même à nous, vos esclaves, sous forme d’esclave, parce que nous ne pouvions pas venir à vous. Dieu Créateur, vous êtes venu vous-même à votre créature, car nous n’osions pas nous approcher de vous ; ainsi, vous nous avez donné une sainte audace : n’ayez pas horreur de notre impiété. Nous savons, nous le reconnaissons de tout cœur que nous ne pouvons rien vous offrir en retour. Les anges vous offrent leurs chants, les cieux une étoile, les mages des dons, le désert une crèche. Et nous ? Nous n’avons rien, car ce que nous avons est à vous. Nous-mêmes nous sommes à vous, nous sommes votre temple, édifié par vos mains, restauré par votre sang très pur. Hélas ! Ce temple est profané par notre volonté criminelle ; il a été construit pour vous, notre Dieu, et maintenant pour vous il ne vaut plus rien. Qu’avons-nous donc ? Nos péchés. C’est notre propre fruit, notre enfant. Nous sommes riches de péchés, nous en sommes chargés comme d’un lourd fardeau que nous portons sans honte. Et néanmoins, avec crainte et humilité nous venons à vous, Agneau de Dieu, qui avez pris sur vous les péchés du monde entier, nous déposons à vos pieds ce temple de chair, profané par nos péchés. Comme la pécheresse, nous touchons pieusement, en esprit, de nos bouches vos très saints pieds, et, comme le publicain, en n’osant pas lever sur vous nos yeux, nous implorons : Agneau de Dieu, prenez le lourd fardeau de nos péchés et montrez-nous votre généreuse miséricorde. Pauvres et misérables, comme don, nous vous présentons votre Mère, la Vierge pure, qui vous a enfanté, vous, notre Dieu. Elle est plus digne de vénération que toutes les créatures du ciel et de la terre ; vous-même, vous l’avez choisie comme un don très agréable offert par le genre humain. Par son intercession, ayez pitié de nous. Par votre grâce très efficace, restaurez notre temple profané, purifiez-le par votre feu immatériel. Créez en nous, Seigneur, un cœur pur, et renouvelez en notre sein l’esprit de justice ; et ainsi venez et habitez en nous. Vous seul, régnez en nous et sur nous avec le Père et votre très saint Esprit, ne permettant pas qu’un autre nous possède. Alors avec grande joie nous nous exclamerons : « Nous avons trouvé le Messie, c’est-à-dire le Christ ! » Amen.