Robert Fludd (1574-1637), célèbre médecin et alchimiste rosicrucien. Dans ses nombreux ouvrages, volontiers ornés de planches symboliques hors texte, il prétend exposer les divers secrets, aux ramifications si diverses, de la mystérieuse philosophie occulte des Rose-Croix. Nous avouons d’ailleurs, en complète opposition avec le point de vue de nombreux historiens, croire à l’appartenance effective de Robert Fludd à une société secrète de type rosicrucien. Fludd ne se pose nullement en innovateur : il n’aspire à rien de plus qu’à être un fidèle porte-parole de la philosophie secrète des Rose-Croix, elle-même héritière d’une partie de la tradition alchimique et de celle des rabbins kabbalistes.
Toute la vision fludienne du monde se trouve rassemblée sur le diagramme symbolique qui sert de frontispice à son dernier ouvrage, paru un an après sa mort. Mais sa pensée n’avait pas varié en fait depuis sa jeunesse. N’est-ce pas le propre de tout ésotérisme que d’éviter systématiquement de se présenter comme une pensée originale, inédite ? Ses représentants — Robert Fludd comme tous les autres — ne visent qu’à exposer plus ou moins habilement (c’est là seulement que résiderait l’originalité de tel ou tel de ces auteurs) une tradition qu’ils n’ont nullement inventée, mais qui leur a été transmise. Avec le frontispice symbolique de la Philosophia Moysaica, Robert Fludd a systématisé ce qu’il nomme la « Philosophie de Moïse », c’est-à-dire les secrets (ceux-là mêmes de la Kabbale) originellement transmis par le législateur des Hébreux. On y voit la Divinité suprême inconnaissable, l’Absolu, se manifester par le jeu des principes cosmiques, opposés mais strictement complémentaires : la lumière et les ténèbres, le positif et le négatif, le bien et le mal, « Apollon (le dieu solaire) et Dionysos ». Chez Robert Fludd, c’est cette complémentarité des deux principes divins, dont l’opposition est nécessaire pour la manifestation cosmique, qui joue le rôle décisif pour expliquer l’existence même du monde.
Serge Hutin, CHKC