Seigneur (Orígenes)

Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, victime d’un faux témoignage, « se taisait », accusé, « il ne répondait rien », bien persuadé que toute sa vie et ses actions parmi les Juifs surpassaient toute voix réfutant le faux témoignage et toutes paroles répondant aux accusations. Mais toi, pieux Ambroise, tu as voulu, je ne sais pourquoi, qu’aux faux témoignages de Celse contre les chrétiens dans son traité, et aux accusations contre la foi des églises dans son livre, j’oppose une défense : comme s’il n’y avait pas dans les faits une réfutation manifeste et un discours plus fort que tous les écrits, qui confond les faux témoignages et laisse les accusations sans vraisemblance et sans effet ! Or Jésus, victime d’un faux témoignage, se taisait : il suffit à présent de citer l’attestation de Matthieu, car celle de Marc est équivalente. Voici le texte de Matthieu : « Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus en vue de le faire mourir, et ils n’en trouvèrent pas, bien que plusieurs faux témoins se fussent présentés. Enfin il s’en présenta deux qui déclarèrent : ” Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. ” Le grand prêtre se leva et lui dit : ” Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? ” Mais Jésus se taisait. » En outre, accusé, il ne répondait pas, car il est écrit : « Jésus fut amené en présence du gouverneur. Celui-ci l’interrogea : ” Es-tu le roi des Juifs ? ” Jésus lui répliqua :” Tu le dis “. Mais quand il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondait rien. Alors Pilate lui dit : ” N’entends-tu pas tout ce qu’ils allèguent contre toi ? ” Mais il ne lui répondit sur aucun point, à l’extrême étonnement du gouverneur. » PRÉFACE

J’ose même dire que la défense que tu me demandes de composer peut affaiblir celle qui est dans les faits et la puissance de Jésus, manifeste à quiconque n’est pas stupide. Cependant, pour ne point paraître hésiter devant la tâche que tu m’as prescrite, j’ai fait de mon mieux pour répliquer à chacun des griefs écrits par Celse ce qui m’a paru propre à retourner ses discours, bien qu’ils soient incapables d’ébranler aucun fidèle. Puisse-t-il, du moins, ne se trouver personne qui, après avoir reçu cet amour infini de Dieu « dans le Christ Jésus », soit ébranlé dans sa détermination par les dires de Celse ou d’un de ses pareils ! Paul, dressant une liste des épreuves sans nombre qui d’ordinaire séparent l’homme de « l’amour du Christ » et de « l’amour de Dieu dans le Christ Jésus », toutes surmontées par l’amour de Dieu qui était en lui, n’a point rangé le discours parmi les causes de séparation. Note en effet qu’il commence par dire : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, la détresse, la persécution, la faim, la nudité, le péril, le glaive ? — selon le mot de l’Ecriture. A cause de toi l’on nous met à mort tout le long du jour nous avons passe pour des brebis d’abattoir — Mais en tout cela nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimes » Ensuite, donnant une autre série de causes qui sont de nature à séparer (de cet amour) les gens d’une piété instable, il dit « Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur » PRÉFACE

Pour nous, c’est un juste titre de gloire que «la tribulation » et ce qu’énumère la suite ne nous séparent point , mais non pour Paul, ou les apôtres et quiconque leur ressemble il est si au-dessus de tels obstacles qu’il dit « En tout cela nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimes », indiquant plus qu’une simple victoire. Et si même les apôtres doivent se glorifier de n’être point sépares « de l’amour de Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur », ils peuvent se glorifier de ce que « ni mort ni vie, ni anges ni principautés », ni quoi que ce soit du reste ne peut « les séparer de l’amour de Dieu dans le Christ-Jésus notre Seigneur ». Aussi je déplore qu’on puisse croire au Christ d’une foi susceptible d’être ébranlée par Celse, qui ne vit même plus la vie commune parmi les hommes, mais qui est mort depuis longtemps, ou par quelque force persuasive du discours. Et je ne sais dans quelle catégorie il faut ranger celui qui a besoin de discours écrits dans des livres en réponse aux charges de Celse contre les chrétiens, pour ressaisir et remettre debout une foi qui chancelle. Néanmoins, comme il se trouve peut-être, dans la foule de ceux qui passent pour fidèles, des gens que pourrait ébranler et retourner l’ouvrage de Celse, mais que la réponse par des raisons capables de ruiner les propos de Celse et d’établir la vérité pourrait guérir, j’ai décidé d’obéir à ton ordre et de répondre au traité que tu m’as envoyé : bien que, à mon avis, nul de ceux qui ont fait le moindre progrès en philosophie n’y reconnaisse un véritable discours, comme l’a intitulé Celse. PRÉFACE

Paul a bien vu que la philosophie grecque contient des raisons non négligeables, plausibles aux yeux du grand public, qui présentent le mensonge comme vérité. Il dit à leur sujet : « Prenez garde que personne ne vous réduise en esclavage par la philosophie et une vaine séduction, selon la tradition des hommes, selon les éléments du monde, et non selon le Christ. » Et parce qu’il voyait dans les discours de la sagesse du monde se manifester une certaine grandeur, il a dit que les discours des philosophes étaient « selon les éléments du monde ». Mais tout homme sensé nierait que les écrits de Celse soient de même « selon les éléments du monde ». Ceux-là ont quelque chose de séduisant, et Paul a parlé d’une vaine séduction peut-être pour la distinguer d’une séduction qui n’est pas vaine, celle qu’avait en vue Jérémie quand il eut l’audace de dire à Dieu : « Tu m’as séduit, Seigneur, et j’ai été séduit, tu as été plus fort que moi et plus puissant. » Mais ceux de Celse me paraissent n’avoir aucune séduction du tout, donc même pas la vaine séduction qu’offrent ceux des fondateurs d’écoles philosophiques, doués en ces matières d’une intelligence peu commune. Et de même que dans les spéculations géométriques, une faute banale ne peut être appelée « une donnée faussée », ou encore être proposée pour un exercice à partir de telles données, ainsi faut-il que ressemblent aux pensées des fondateurs d’écoles philosophiques celles qu’on pourrait qualifier comme les leurs de vaine séduction « selon la tradition des hommes, selon les éléments du monde ». PRÉFACE

Je pourrais l’inviter à comparer nos livres respectifs et dire : Allons, mon brave, apporte les poèmes de Linos, de Musée, d’Orphée, les écrits de Pherecyde, et confronte-les avec la loi de Moïse. Mets en parallèle les histoires avec les histoires, les préceptes de morale avec les lois et les commandements. Et vois lesquels d’entre eux sont plus capables de convertir d’emblée ceux qui les entendent, et lesquels d’entre eux de faire périr l’auditeur. Et remarque combien la cohorte de tes auteurs s’est peu inquiétée de ceux qui liraient sans préparation , c’est pour les seuls gens capables d’interprétation figurée et allégorique, qu’elle a écrit, dis-tu, sa propre philosophie. Moïse, au contraire, à procédé dans ses cinq livres comme un rhéteur de race qui soigne son style et veille a présenter partout le double sens des mots à la foule des Juifs soumis à ses lois, il ne donne pas d’occasions d’un dommage moral , à l’élite capable d’une lecture pénétrante, il ne présente pas de texte qui ne soit plein de spéculation pour qui peut chercher son intention profonde. Et les livres de tes sages poètes, à ce qu’il semble, ne sont même plus conservés, on les eût conservés si le lecteur en avait tiré profit. Mais les écrits de Moïse ont incité un grand nombre de gens, même étrangers à la culture juive, à croire, comme le proclament les écrits, que le premier auteur des lois données à Moïse, c’est Dieu le créateur du monde. Il convenait en effet que l’artisan de tout l’univers imposât ses lois à tout l’univers et donnât à ses paroles une puissance capable d’en soumettre tous les habitants. Et cela, je l’affirme sans traiter encore de Jésus, mais toujours de Moïse, qui est bien inférieur au Seigneur, et je montre, comme l’argument le prouvera, que Moïse est bien supérieur a tes sages poètes et philosophes. LIVRE I

C’est bien le moment, me semble-t-il, d’opposer aux paroles fictives du Juif la prophétie d’Isaïe que l’Emmanuel naîtrait d’une vierge. Celse ne l’a pas citée, soit qu’il l’ignorât, lui qui proclame tout savoir, soit qu’il l’ait lue mais volontairement passée sous silence pour ne point sembler établir malgré lui la doctrine contraire à son propos. Voici le passage : « Et le Seigneur s’adressa de nouveau à Achaz et lui dit : Demande pour toi au Seigneur ton Dieu un signe dans la profondeur ou sur la hauteur. Achaz répondit : Non, je ne demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur au défi. Ecoutez donc, maison de David : ne vous suffit-il pas de contrarier les hommes, que vous veniez à contrarier le Seigneur ? C’est donc le Seigneur lui-même qui va vous donner un signe. Voici : la vierge va concevoir et enfanter un fils qu’elle appellera du nom d’Emmanuel », nom qui se traduit : « Dieu avec nous. » Mais c’est par déloyauté que Celse n’a pas cité la prophétie : la preuve en est qu’il a mentionné plusieurs passages de l’Evangile selon Matthieu, comme “l’astre qui s’est levé à la naissance de Jésus”, et d’autres miracles, mais n’a pas fait la moindre allusion à celui-là. Et si un Juif veut chicaner sur l’expression et prétend que la leçon n’est pas : «Voici : la Vierge…», mais «Voici : la jeune fille…», je lui répliquerai : le terme « Aalma » que les Septante ont traduit par « la vierge », et d’autres par « la jeune fille », se trouve encore, ils l’avouent, dans le Deutéronome, et à propos d’une vierge. Le voici : « Si une jeune vierge est fiancée à un homme, et qu’un autre la rencontre dans la ville et couche avec elle, vous les conduirez tous deux à la porte de cette ville et vous les lapiderez jusqu’à ce que mort s’ensuive : la jeune fille, pour ce motif qu’elle n’a pas appelé au secours dans la ville, et l’homme, pour ce motif qu’il a humilié la femme de son prochain. » Et ensuite : « Mais si c’est dans la campagne que l’homme a rencontré la jeune fille fiancée, qu’il l’a violentée et a couché avec elle, tuez l’homme qui a couché avec elle et lui seul ; vous ne ferez rien à la jeune fille, il n’y a pas pour elle de faute digne de mort. » (Deut. 22, 25) LIVRE I

Mais ne donnons pas l’impression de dépendre d’un mot hébreu pour apporter à ceux qui ne savent pas s’il faut ou non l’admettre, la persuasion que le prophète a bien dit : d’une vierge sera enfanté celui à la naissance duquel il est dit : « Dieu avec nous ». Essayons de fonder notre conviction sur le sens même de la phrase. Le Seigneur, est-il écrit, dit à Achaz : « Demande pour toi au Seigneur ton Dieu un signe dans la profondeur ou sur la hauteur. LIVRE I

Et ensuite, le signe est donné : « Voici : la Vierge va concevoir et enfanter un fils. » Or, quel signe y aurait-il si c’était une jeune fille non vierge qui enfante ? Et à laquelle sied-il mieux d’enfanter Emmanuel, Dieu avec nous : à la femme qui a eu des relations sexuelles et qui a conçu par passion féminine, ou à celle qui est encore pure, sainte et vierge ? C’est à celle-ci, bien sûr, qu’il convient d’enfanter un enfant à la naissance duquel il soit dit : « Dieu avec nous ». Et si, même dans ce cas, on continue à chicaner en disant que c’est à Achaz que s’adresseraient les mots : « Demande pour toi au Seigneur un signe », je répliquerai : Qui donc est né au temps d’Achaz, à la naissance duquel il soit dit « Emmanuel », « Dieu avec nous » ? Si l’on ne trouve personne, il est évident que la parole dite à Achaz l’est à la maison de David, car le Seigneur, d’après l’Écriture, est né « de la postérité de David selon la chair ». De plus, ce signe est dit être « dans la profondeur ou sur la hauteur », puisque « Celui qui est descendu, c’est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses ». Voilà ce que je dis à l’adresse du Juif qui donne son adhésion à la prophétie. A Celse ou à l’un de ses adeptes de dire dans quel état d’esprit le prophète fait du futur cette prédiction ou d’autres, écrites dans les prophéties : est-ce bien en prévoyant le futur, oui ou non ? Si c’est en prévoyant le futur, les prophètes avaient un esprit divin ; si ce n’est pas en prévoyant le futur, qu’il explique l’état d’esprit de celui qui ose parler de l’avenir et que les Juifs admirent pour sa prophétie ! LIVRE I

Puisqu’on vient de toucher à la question des prophètes, ce qui va suivre ne sera pas inutile, non seulement pour les Juifs qui croient que les prophètes ont parlé par l’esprit divin, mais même pour les Grecs de bonne foi. Je leur dirai qu’il est nécessaire d’admettre que les Juifs aussi ont eu des prophètes, puisqu’ils devaient être maintenus rassemblés sous la législation qui leur a été donnée, croire au Créateur selon les traditions qu’ils avaient reçues, et n’avoir, en vertu de la loi, aucun prétexte de passer par apostasie au polythéisme des païens. Et cette nécessité, je l’établirai ainsi. « Les païens », comme il est écrit dans la loi même des Juifs, « écouteront augures et devins », tandis qu’à ce peuple il est dit : « Mais tel n’a pas été pour toi le don du Seigneur ton Dieu » ; et il est ajouté : « Le Seigneur ton Dieu suscitera pour toi parmi tes frères un prophète. » Les païens usaient de divinations par les augures, les présages, les auspices, les ventriloques, les aruspices, les Chaldéens tireurs d’horoscopes, toutes choses interdites aux Juifs ; les Juifs dès lors, s’ils n’avaient eu aucune consolation de connaître le futur, sous la poussée de cet insatiable appétit humain de connaître l’avenir, auraient méprisé leurs propres prophètes comme n’ayant en eux rien de divin, et n’auraient pas reçu de prophètes après Moïse, ni inscrit leurs paroles dans les Écritures, mais se seraient tournés spontanément vers la divination et les oracles des païens ou auraient tenté d’établir chez eux quelque chose de semblable. Aussi n’y a-t-il rien d’étrange à ce que leurs prophètes aient fait des prédictions même sur des événements quotidiens, pour la consolation de ceux qui désiraient de tels oracles : ainsi la prophétie de Samuel même sur des ânesses perdues, et celle qu’on mentionne dans le troisième livre des Rois, sur la maladie du fils du roi. Sinon, comment ceux qui veillaient à l’observation des commandements de la loi auraient-ils condamné le désir d’obtenir un oracle des idoles ? C’est ainsi qu’on trouve Élie faisant à Ochosias cette réprimande : « N’y a-t-il pas de Dieu en Israël que vous alliez consulter en Baal une mouche, dieu d’Akkaron ? » LIVRE I

Mais, pour ne point sembler omettre ses griefs volontairement par manque de réponse, j’ai décidé de réfuter de mon mieux chacune de ses objections, me souciant non de l’enchaînement naturel et de la suite logique des sujets, mais de l’ordre des objections notées dans son livre. Voyons donc ce qu’il dit en attaquant l’apparition corporelle, pour ainsi dire, du Saint-Esprit au Sauveur, sous la forme d’une colombe. C’est toujours le Juif qui s’adresse en ces termes à Celui que nous reconnaissons pour notre Seigneur Jésus : “Tu prétends que, lors de ton baptême près de Jean, une apparition d’oiseau venant du ciel a volé sur toi”, dit-il ; puis il interroge : “Quel témoin digne de créance a-t-il vu cette apparition ? Qui a entendu une voix du ciel t’adoptant comme Fils de Dieu ? Qui, sinon toi, et un de tes compagnons de supplice que tu peux produire comme témoin.” LIVRE I

Je dirai donc d’abord : si celui qui refuse de croire en l’apparition du Saint-Esprit sous la forme d’une colombe était présenté comme épicurien, ou partisan de Démocrite, ou péripatéticien, le propos conviendrait au personnage. Mais en fait le très docte Celse n’a même pas vu qu’il attribuait une telle parole à un Juif qui croit en bien des récits des écritures prophétiques plus extraordinaires que l’histoire de la forme de la colombe. On pourrait dire en effet au Juif incrédule sur l’apparition, qui pense pouvoir l’accuser de fiction : mais toi, mon brave, comment pourrais-tu prouver que le Seigneur Dieu a dit à Adam, Eve, Caïn, Noé, Abraham, Isaac, Jacob ce que la Bible atteste qu’il a dit à ces êtres humains ? Et pour comparer cette histoire à une autre, je dirais volontiers au Juif : Ton Ézéchiel aussi a écrit ces paroles : « Le ciel s’ouvrit et je vis une vision de Dieu » ; et après l’avoir racontée, il ajoute : « C’était la vision d’un aspect de la gloire du Seigneur, et il me parla. » Si ce que l’on relate de Jésus est faux, puisqu’à ton avis nous ne pouvons pas prouver avec évidence la vérité de ce qu’il a seul vu et entendu, ainsi que, comme tu semblés y tenir, « l’un des suppliciés », pourquoi ne dirions-nous point à plus juste titre qu’Ézéchiel lui aussi est victime d’un prestige quand il dit : « Le ciel s’ouvrit… etc. » ? De plus, lorsqu’Isaïe affirme : « Je vis le Seigneur des armées assis sur un trône très élevé ; les Séraphins se tenaient autour de lui, ayant six ailes l’un, six ailes l’autre…» etc., d’où tiens-tu la preuve qu’il l’a réellement vu ? Car tu as cru, Juif, que ces visions sont véridiques, et que le prophète, sous l’influence de l’Esprit de Dieu, les a non seulement vues, mais encore racontées et écrites. Mais qui donc est plus digne de foi quand il affirme que le ciel lui a été ouvert, et qu’il a entendu une voix ou qu’il a vu « le Seigneur des armées assis sur un trône très élevé » ? Isaïe, Ézéchiel, ou bien Jésus ? Des premiers on ne trouve aucune oeuvre aussi sublime, tandis que la bonté de Jésus pour les hommes ne s’est pas bornée à la seule période de son incarnation ; même jusqu’à ce jour sa puissance opère la conversion et l’amélioration des moeurs de ceux qui croient en Dieu par lui. Et la preuve manifeste qu’elles sont dues à sa puissance, comme il le dit lui-même et que l’expérience le montre, c’est, nonobstant le manque d’ouvriers qui travaillent à la moisson des âmes, la moisson si abondante de ceux qui sont récoltés et introduits dans les aires de Dieu partout répandues, les églises. LIVRE I

Mais puisque c’est un Juif qui élève des doutes sur le récit de la descente du Saint-Esprit vers Jésus sous la forme d’une colombe, on pourrait lui riposter : dis-moi, mon brave, qui déclare en Isaïe : « Et maintenant le Seigneur m’a envoyé et aussi son Esprit » ? Dans le texte, l’expression est ambiguë : est-ce que le Père et l’Esprit Saint ont envoyé Jésus, ou est-ce que le Père a envoyé le Christ et l’Esprit Saint ? C’est la seconde interprétation qui est vraie Et après la mission du Sauveur eut lieu celle de l’Esprit Saint, pour que la parole du prophète fût accomplie , mais il fallait que l’accomplissement de la prophétie fût connu aussi de la postérité, et c’est pourquoi les disciples de Jésus ont écrit ce qui était advenu. LIVRE I

Je voudrais dire à Celse quand il met en scène un Juif admettant d’une certaine manière Jean comme un baptiste baptisant Jésus l’existence de Jean-Baptiste qui baptisait pour la rémission des pèches est relatée par un de ceux qui ont vécu peu après Jean et Jésus. Dans le dix-huitième livre de “l’Antiquité des Juifs”, en effet, Josèphe a témoigne que Jean baptisait en promettant la purification aux baptisés. Et le même auteur, bien que ne croyant pas que Jésus fût le Christ, cherche la cause de la chute de Jérusalem et de la ruine du temple. Il aurait dû dire que l’attentat contre Jésus avait été la cause de ces malheurs pour le peuple, parce qu’on avait mis à mort le Christ annoncé par les prophètes. Mais, comme malgré lui, il n’est pas loin de la vérité quand il affirme que ces catastrophes arrivèrent aux Juifs pour venger Jacques le Juste, frère de Jésus appelé le Christ, parce qu’ils l’avaient tué en dépit de son éclatante justice. Ce Jacques, Paul le véritable disciple de Jésus dit l’avoir vu, et il l’appelle « frère du Seigneur », moins pour leur parente de sang ou leur éducation commune que pour ses moeurs et sa doctrine. Si donc Josèphe dit que les malheurs de la dévastation de Jérusalem sont arrivés aux Juifs à cause de Jacques, combien n’eut-il pas été plus raisonnable d’affirmer qu’ils survinrent à cause de Jésus-Christ , lui dont la divinité est attestée par tant d’églises, composées d’hommes qui se sont détournes du débordement des vices, attachés au Créateur et qui rapportent tout a son bon plaisir LIVRE I

Le Juif peut bien demeurer sans réponse sur Ézéchiel et Isaïe, lorsque je rattache le récit de l’ouverture du ciel au-dessus de Jésus et de la voix entendue par lui à des récits semblables que l’on trouve dans Ézéchiel, Isaïe ou quelque autre prophète, pour moi du moins, j’étaierai autant que possible mon argumentation. C’est une croyance générale qu’en songe beaucoup se représentent certaines réalités divines et certains signes annonçant des événements futurs de cette vie, clairement ou par énigmes, et la chose est évidente pour tous ceux qui admettent une providence ; aussi pourquoi serait-il absurde que ce qui affecte l’esprit dans un songe puisse encore l’affecter dans une vision pour l’utilité du sujet affecté ou de ceux qui l’entendront de sa bouche ? Et de même qu’en songe nous recevons l’impression que nous entendons et que des sons frappent notre oreille physique ou que nous voyons avec nos yeux, sans que rien n’atteigne ni les yeux du corps, ni l’oreille, mais parce que l’esprit reçoit ces impressions, ainsi n’y a-t-il aucune absurdité que tel ait été le cas des prophètes, quand l’Écriture rapporte qu’ils ont eu des visions merveilleuses, entendu les paroles du Seigneur, vu le ciel s’entrouvrir. Car je ne pense pas que le ciel sensible ait été ouvert et que sa réalité physique, en s’entrouvrant, se soit partagée pour permettre à Ézéchiel de décrire une telle vision. Peut-être faut-il donc que dans le cas du Sauveur aussi le lecteur sensé des Evangiles admette la même chose, fût-ce au scandale des simples qui dans leur grande naïveté remuent le monde et fendent l’immense masse unifiée de tout le ciel. LIVRE I

Un examen approfondi de la question fera dire : suivant le terme de l’Écriture, il existe une sorte de genre, un sens divin, que le bienheureux seul trouve à présent, au dire de Salomon « Tu trouveras un sens divin » Et ce sens comporte des espèces, la vue, qui peut fixer les réalités supérieures aux corps, dont font partie les Chérubins et les Séraphins , l’ouïe, percevant des sons dont la réalité n’est pas dans l’air , le goût, pour savourer le pain vivant descendu du ciel et donnant la vie au monde ; de même encore l’odorat, qui sent ces parfums dont parle Paul qui se dit être « pour Dieu la bonne odeur du Christ » , le toucher, grâce auquel Jean affirme avoir touche de ses mains « le Logos de vie ». Ayant trouvé le sens divin, les bienheureux prophètes regardaient divinement, écoutaient divinement, goûtaient et sentaient de même façon, pour ainsi dire d’un sens qui n’est pas sensible , et ils touchaient le Logos par la foi, si bien qu’une émanation leur arrivait de lui pour les guérir. Ainsi voyaient-ils ce qu’ils écrivent avoir vu, entendaient-ils ce qu’ils disent avoir entendu, éprouvaient-ils des sensations de même ordre lorsqu’ils mangeaient, comme ils le notèrent, « le rouleau » d’un livre qui leur était donné. Ainsi encore Isaac « sentit l’odeur des vêtements » divins de son fils et put ajouter à sa bénédiction spirituelle : « Voici l’odeur de mon fils, pareille à l’odeur d’un champ fertile béni par le Seigneur. » De la même manière que dans ces exemples et de façon plus intelligible que sensible, Jésus « toucha » le lépreux pour le guérir doublement, à mon avis, en le délivrant non seulement, comme l’entend la foule, de la lèpre sensible par son toucher sensible, mais encore de l’autre lèpre par son toucher véritablement divin. C’est donc ainsi que « Jean rendit témoignage en disant : J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’avait dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est Lui le Fils de Dieu. » De plus, c’est bien pour Jésus que le ciel s’est ouvert ; et à ce moment là, de nul autre que Jean il n’est écrit qu’il vit le ciel ouvert. Mais le Sauveur prédit à ses disciples que de cette ouverture du ciel ils seront plus tard les témoins, et dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme. » Ainsi encore Paul fut ravi au troisième ciel, après l’avoir vu d’abord ouvert, puisqu’il était disciple de Jésus. Mais expliquer maintenant pourquoi Paul dit : ” Etait-ce en son corps ? Je ne sais ; était-ce hors de son corps ? Je ne sais. Dieu le sait “, est hors de propos. LIVRE I

Puisque cet homme, prétendant tout savoir de l’Écriture, reproche au Sauveur de n’avoir dans sa passion ni été secouru par son Père, ni pu se porter secours à lui-même, il faut établir que cette passion avait été prophétisée avec sa raison d’être : il était avantageux aux hommes qu’il mourût pour eux et subît les meurtrissures dues à sa condamnation. Il avait été prédit que même les peuples des Gentils, bien que les prophètes n’aient pas vécu chez eux, le reconnaîtraient, et annoncé qu’on le verrait offrir aux yeux des hommes une apparence misérable. Le passage est le suivant : « Voici que mon Serviteur sera plein d’intelligence, de grandeur et d’exaltation souveraine. Autant, à ta vue, la multitude sera stupéfaite, tellement ta forme sera sans gloire parmi les hommes et ta gloire leur sera inconnue, autant des multitudes de peuples t’admireront et des rois resteront bouche close : car ceux qui n’ont pas reçu de message à ton sujet te verront, ceux qui n’ont pas entendu d’annonce te connaîtront. Seigneur, qui a cru en nous entendant parler, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été dévoilé ? Nous l’avions annoncé comme un enfant devant sa face, comme une racine en terre desséchée ; il était sans forme et sans éclat. Nous l’avons vu, et il n’avait ni forme ni beauté, mais sa forme était objet de mépris et rebut de l’humanité ; c’était un homme dans la calamité, sachant supporter la faiblesse, et parce qu’il avait détourné la face, méprisé et déconsidéré. C’est lui qui porte nos péchés et endure pour nous les douleurs, et nous, nous le considérions comme affligé, frappé, maltraité. Mais il a été blessé à cause de nos péchés, affaibli à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous rend la paix était sur lui, par ses meurtrissures, nous avons été guéris. Tous, nous errions comme des brebis, chaque homme dans sa voie particulière ; et le Seigneur l’a livré pour nos péchés, et lui, maltraité, n’ouvre pas la bouche. Comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant celui qui la tond, ainsi n’ouvre-t-il pas la bouche. Dans son humiliation, son jugement s’est élevé. Mais qui décrira sa génération ? Car sa vie est ôtée de la terre, par les iniquités de son peuple il a été conduit à la mort. » LIVRE I

Je rétorque : un examen sensé et judicieux de la conduite des apôtres de Jésus montre que par la puissance divine ils enseignaient le christianisme et réussissaient à soumettre les hommes à la parole de Dieu. Ils ne possédaient ni éloquence naturelle ni ordonnance de leur message selon les procèdes dialectiques et rhétoriques des Grecs, qui entraînent les auditeurs. Mais il me semble que si Jésus avait choisi des hommes savants au regard de l’opinion publique, capables de saisir et d’exprimer des idées chères aux foules, pour en faire les ministres de son enseignement, il eût très justement prête au soupçon d’avoir prêche suivant une méthode semblable à celle des philosophes chefs d’école, et le caractère divin de sa doctrine n’aurait plus paru dans toute son évidence. Sa doctrine et sa prédication auraient consisté en discours persuasifs de la sagesse avec le style et la composition littéraire. Notre foi, pareille à celle qu’on accorde aux doctrines des philosophes de ce monde, reposerait sur « la sagesse des hommes » et non sur « la puissance de Dieu ». Mais à voir des pêcheurs et des publicains sans même les premiers rudiments des lettres — selon la présentation qu’en donne l’Évangile, et Celse les croit véridiques sur leur manque de culture —, assez enhardis non seulement pour traiter avec les Juifs de la foi en Jésus-Christ, mais encore pour le prêcher au reste du monde et y réussir, comment ne pas chercher l’origine de leur puissance de persuasion ? Car ce n’était pas celle qu’attendent les foules. Et qui n’avouerait que sa parole : « Venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes », Jésus l’ait réalisée par une puissance divine dans ses apôtres. Paul aussi, je l’ai dit plus haut, la propose en ces termes : « Ma doctrine et ma prédication ne consistaient pas en des discours persuasifs de la sagesse, mais dans une démonstration de l’Esprit et de la puissance, pour que notre foi reposât, non point sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » Car, selon ce qui est dit dans les prophètes quand ils annoncent avec leur connaissance anticipée la prédication de l’Évangile, « le Seigneur donnera sa parole aux messagers avec une grande puissance, le roi des armées du bien-aimé », pour que soit accomplie cette prophétie : « afin que sa parole courre avec rapidité ». Et nous voyons, de fait, que « la voix » des apôtres de Jésus « est parvenue à toute la terre, et leurs paroles, aux limites du monde ». Voilà pourquoi sont remplis de puissance ceux qui écoutent la parole de Dieu annoncée avec puissance, et ils la manifestent par leur disposition d’âme, leur conduite et leur lutte jusqu’à la mort pour la vérité. Mais il y a des gens à l’âme vide, même s’ils font profession de croire en Dieu par Jésus-Christ ; n’étant pas sous l’influence de la puissance divine, ils n’adhèrent qu’en apparence à la parole de Dieu. LIVRE I

Celse a traité les apôtres de Jésus d’hommes décriés, en les disant « publicains et mariniers fort misérables ». Là encore je dirai : il semble tantôt croire à son gré aux Écritures, pour critiquer le christianisme, et tantôt, pour ne pas admettre la divinité manifestement annoncée dans les mêmes livres, ne plus croire aux Evangiles. Il aurait fallu, en voyant la sincérité des écrivains à leur manière de raconter ce qui est désavantageux, les croire aussi en ce qui est divin. Il est bien écrit, dans l’épître catholique de Barnabé, dont Celse s’est peut-être inspiré pour dire que les apôtres de Jésus étaient des hommes décriés et fort misérables, que « Jésus s’est choisi ses propres apôtres, des hommes qui étaient coupables des pires péchés ». Et, dans l’Évangile selon Luc, Pierre dit à Jésus : « Seigneur, éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. » De plus, Paul déclare dans l’épître à Timothée, lui qui était devenu sur le tard apôtre de Jésus : « Elle est digne de foi la parole : Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, entre lesquels je tiens moi, le premier rang. » Mais je ne sais comment Celse a oublié ou négligé de mentionner Paul fondateur, après Jésus, des églises chrétiennes. Sans doute voyait-il qu’il lui faudrait, en parlant de Paul, rendre compte du fait que, après avoir persécuté l’Église de Dieu et cruellement combattu les croyants jusqu’à vouloir livrer à la mort les disciples de Jésus, il avait été ensuite assez profondément converti pour « achever la prédication de l’Évangile du Christ, depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie », tout en « mettant son point d’honneur de prédicateur de l’Évangile », pour éviter de « bâtir sur les fondations posées par autrui », à ne prêcher que là où n’avait pas du tout été annoncée la bonne nouvelle de Dieu réalisée dans le Christ. Qu’y a-t-il donc d’absurde à ce que Jésus, dans le dessein de montrer au genre humain quelle puissance il possède de guérir les âmes, ait choisi des hommes décriés et fort misérables, et les ait fait progresser jusqu’à devenir l’exemple de la vertu la plus pure pour ceux qu’ils amènent à l’évangile du Christ ? LIVRE I

Il faut donc examiner ce qu’il dit contre les croyants venus du judaïsme. Il affirme qu’« abandonnant la loi de leurs pères, à cause de la séduction exercée par Jésus, ils ont été bernés de la plus ridicule façon et ont déserté, changeant de nom et de genre de vie ». Il n’a pas remarqué que ceux des Juifs qui croient en Jésus n’ont pas abandonné la loi de leurs pères. Car ils vivent en conformité avec elle, et doivent leur appellation à la pauvreté d’interprétation de la loi. « Ebion » est en effet le nom du pauvre chez les Juifs et « Ebionites », l’appellation que se donnent ceux des Juifs qui ont reçu Jésus comme Christ. De plus, Pierre paraît avoir gardé longtemps les coutumes juives prescrites par la loi de Moïse, comme s’il n’avait pas encore appris de Jésus à s’élever du sens littéral de la loi à son sens spirituel. Nous l’apprenons des Actes des Apôtres. Car, « le lendemain » de l’apparition à Corneille de l’ange de Dieu lui enjoignant d’envoyer « à Joppé » vers Simon surnommé Pierre, « Pierre monta sur la terrasse vers la sixième heure pour prier. Il sentit la faim et voulut manger. Or, pendant qu’on préparait un repas, il lui survint une extase : il voit le ciel ouvert, et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans, il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre, et tous les oiseaux du ciel. Une voix lui dit alors : Debout, Pierre, immole et mange ! Mais Pierre répondit : Oh ! non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. Et de nouveau la voix lui dit : Ce que Dieu a purifié, toi ne le dis pas souillé ». Vois donc ici comment on représente que Pierre garde encore les coutumes juives sur la pureté et l’impureté. Et la suite montre qu’il lui fallut une vision pour communiquer les doctrines de la foi à Corneille qui n’était pas israélite selon la chair, et à ses compagnons : car, resté juif, il vivait selon les traditions ancestrales et méprisait ceux qui étaient hors du judaïsme. Et dans l’épître aux Galates, Paul montre que Pierre, toujours par crainte des Juifs, cessa de manger avec les Gentils, et, à la venue de Jacques vers lui, « se tint à l’écart » des Gentils « par peur des circoncis » ; et le reste des Juifs ainsi que Barnabé firent de même. LIVRE II

Il était bien logique que ceux qui étaient envoyés aux circoncis ne s’écartent pas des coutumes juives, quand « ceux que l’on considérait comme des colonnes donnèrent en signe de communion la main » à Paul et à Barnabé, et partirent « eux vers les circoncis », afin que les autres aillent prêcher aux Gentils. Mais, que dis-je, ceux qui prêchent aux circoncis se retiraient des Gentils et se tenaient à l’écart ? Paul lui-même se fit « Juif pour gagner les Juifs ». C’est la raison pour laquelle, comme il est encore écrit dans les Actes des Apôtres, il présenta même une oblation à l’autel, afin de persuader les Juifs qu’il n’était point un apostat de la loi. Si Celse avait su tout cela, il n’aurait pas mis en scène un Juif qui dit aux croyants issus du judaïsme : “Quel malheur vous est donc survenu, mes compatriotes, que vous ayez abandonné la loi de nos pères, et que, séduits par celui avec qui je discutais tout à l’heure, vous ayez été bernés de la plus ridicule façon, et nous ayez désertés pour changer de nom et de genre de vie ?” Puisque j’en suis à parler de Pierre et de ceux qui ont enseigné le christianisme aux circoncis, je ne crois pas hors de propos de citer une déclaration de Jésus, tirée de l’Évangile selon Jean, et de l’expliquer. Voici donc ce qu’il dit d’après l’Écriture : « J’ai encore un grand nombre de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il entendra, il le dira. » La question est de savoir quel était ce « grand nombre de choses » que Jésus avait à dire à ses disciples, mais qu’ils n’étaient pas encore en état de porter. Je réponds : parce que les apôtres étaient des Juifs, instruits de la loi de Moïse prise à la lettre, il avait peut-être à dire quelle était la loi véritable, de quelles « réalités célestes » le culte des Juifs était l’accomplissement « en figure et en image », quels étaient les « biens à venir » dont l’ombre était contenue dans la loi sur les aliments, les boissons, les fêtes, les nouvelles lunes et les sabbats. Voilà « le grand nombre de choses » qu’il avait à leur dire. Mais il voyait l’extrême difficulté d’arracher de l’âme des opinions pour ainsi dire congénitales et développées jusqu’à l’âge mûr, ayant laissé ceux qui les avaient reçues persuadés qu’elles étaient divines et qu’il était impie de les en dépouiller. Il voyait la difficulté de prouver, jusqu’à en persuader les auditeurs, qu’en comparaison de la suréminence de la « connaissance » selon le Christ, c’est-à-dire selon la vérité, elle n’étaient que « déchets » et « dommages ». Il remit donc cette tâche à une occasion plus favorable, après sa passion et sa résurrection. Et en effet, il était vraiment hors de propos d’apporter du secours à ceux qui n’étaient pas encore capables de le recevoir ; cela pouvait détruire l’impression, qu’ils avaient déjà reçue, que Jésus était le Christ, le Fils du Dieu vivant. Considère s’il n’y a pas un sens respectable à entendre ainsi le passage : « J’ai encore un grand nombre de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant » : par un grand nombre de choses, il entendait la méthode d’explication et d’éclaircissement de la loi dans un sens spirituel ; et les disciples ne pouvaient en quelque sorte les porter, parce qu’ils étaient nés et avaient été jusqu’alors élevés parmi les Juifs. Et, je pense, c’est parce que les pratiques légales étaient une figure, et que la vérité était ce que le Saint-Esprit allait leur enseigner, qu’il a été dit : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière » ; comme s’il disait : vers la vérité intégrale des réalités dont, ne possédant que les figures, vous croyiez adorer Dieu de l’adoration véritable. Conformément à la promesse de Jésus, l’Esprit de vérité vint sur Pierre et lui dit, à propos des quadrupèdes et des reptiles de la terre et des oiseaux du ciel : « Debout, Pierre, immole et mange ! » Il vint à lui, bien qu’il fût encore imbu de superstition, car même à la voix divine il répond : « Oh ! non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. » Et il lui enseigna la doctrine sur les aliments véritables et spirituels par ces mots : « Ce que Dieu a purifié, toi ne le dis pas souillé. » Et après cette vision, l’Esprit de vérité, conduisant Pierre « vers la vérité tout entière », lui dit « le grand nombre de choses » qu’il ne pouvait pas « porter » alors que Jésus lui était encore présent selon la chair. LIVRE II

Le Juif continue :” Comment pouvions-nous considérer comme Dieu celui qui, entre autres choses qu’on lui reprochait, n’exécuta rien de ce qu’il promettait; qui, quand nous l’eûmes convaincu, condamné, jugé digne du supplice, alors qu’il se cachait et cherchait la fuite la plus honteuse, fut pris, livré par ceux qu’il nommait ses disciples ? Pourtant il ne lui était pas possible, s’il était Dieu, ni de s’enfuir, ni de se laisser emmener enchaîné; et encore bien moins, s’il était considéré comme le Sauveur, le Fils et l’Envoyé du Dieu très grand, d’être abandonné et trahi par ses compagnons qui avaient partagé en tout point son intimité et le tenaient pour maître.” A quoi je répondrai : nous ne pensons pas non plus que le corps de Jésus, visible alors et perceptible aux sens, est Dieu. Et que dis-je, le corps ? Pas même l’âme, dont il est dit : « Mon âme est triste à en mourir. » Mais, selon la doctrine des Juifs, on croit que c’est Dieu, usant de l’âme et du corps du prophète comme d’un instrument, qui dit : « C’est moi, le Seigneur, Dieu de toute chair », et : « Avant moi aucun Dieu n’a existé, et il n’y en aura pas après moi. » Selon les Grecs, on tient que c’est un dieu qui parle et qu’on entend par l’entremise de la Pythie, et qui déclare : « Je sais le nombre des grains de sable et les dimensions de la mer, je comprends le sourd-muet, j’entends celui qui ne parle pas. » De la même manière selon nous, c’est le Logos Dieu et Fils du Dieu de l’univers qui, en Jésus, disait : « Je suis la voie, la vérité, la vie », « Je suis la porte », « Je suis le pain vivant descendu du ciel » et autres expressions semblables. LIVRE II

Nous reprochons donc aux Juifs de ne l’avoir pas tenu pour Dieu, alors que les prophètes ont souvent attesté qu’il est une grande puissance et un dieu au-dessous du Dieu et Père de l’univers. A lui, disons-nous, dans l’histoire de la création racontée par Moïse, le Père a donné l’ordre : « Que la lumière soit », « Que le firmament soit » et tout le reste dont Dieu a ordonné la venue à l’existence. A lui, il a été dit : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance. » Et le Logos, l’ordre reçu, a fait tout ce que le Père lui avait commande. Nous le disons en nous fondant non sur des conjectures, mais sur la foi aux prophéties reçues chez les Juifs, ou il est dit en propres termes de Dieu et des choses créées : « Il a dit et les choses furent, il a ordonné et elles furent créées. » Si donc Dieu donna l’ordre et les créatures furent faites, quel pourrait être, dans la perspective de l’esprit prophétique, celui qui fut capable d’accomplir le sublime commandement du Père, sinon Celui qui est, pour ainsi dire, Logos vivant et Vérité ? D’autre part, les Evangiles savent que celui qui dit en Jésus « Je suis la voie, la vérité, la vie » n’est pas circonscrit au point de n’exister en aucune manière hors de l’âme et du corps de Jésus. Cela ressort de nombreux passages dont nous citerons le peu que voici Jean-Baptiste, prophétisant que le Fils de Dieu allait bientôt paraître, sans se trouver seulement dans ce corps et cette âme mais présent partout, dit de lui « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, qui vient après moi. » Or s’il avait pensé que le Fils de Dieu est là seulement ou se trouvait le corps visible de Jésus, comment eut-il affirme : « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas » ? De plus, Jésus lui-même élevé l’intelligence de ses disciples à de plus hautes conceptions du Fils de Dieu, quand il dit : « Là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis présent au milieu d’eux. » Et telle est la signification de sa promesse à ses disciples : « Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » Lorsque nous disons cela, nous ne séparons point le Fils de Dieu de Jésus, car c’est un seul être, après l’incarnation, qu’ont formé avec le Logos de Dieu l’âme et le corps de Jésus. Si en effet, selon l’enseignement de Paul qui dit : « Celui qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui », quiconque a compris ce que c’est qu’être uni au Seigneur et s’est uni à lui est un seul esprit avec le Seigneur, de quelle manière bien plus divine et plus sublime le composé dont nous parlions est-il un seul être avec le Logos de Dieu ! Il s’est, de fait, manifesté parmi les Juifs comme « la Puissance de Dieu », et cela par les miracles qu’il accomplit, n’en déplaise à ceux qui le soupçonnent comme Celse de mettre en oevre la sorcellerie, et comme les Juifs d’alors, instruits à je ne sais quelle source sur Béelzébul, de chasser les démons « par Béelzébul prince des démons ». Notre Sauveur les convainquit alors de l’extrême absurdité de leurs dires par le fait que le règne du mal n’avait pas encore pris fin. Ce sera évident à tous les lecteurs sensés du texte évangélique ; il est hors de propos de l’expliquer maintenant. LIVRE II

A ce propos, je dirai encore aux gens mieux disposés et surtout au Juif . « il y avait beaucoup de lépreux aux jours d’Elisée le prophète, et aucun d’eux ne fut guéri, mais bien Naaman le Syrien », « il y avait beaucoup de veuves aux jours d’Élie le prophète, il ne fut envoyé a aucune d’entre elles, mais bien a celle de Sarepta au pays de Sidon », rendue digne, d’après une décision divine, du prodige que le prophète accomplit sur les pains , de même il y avait beaucoup de morts aux jours de Jésus, mais seuls ressuscitèrent ceux que le Logos a jugé convenable de ressusciter , afin que les miracles du Seigneur, non seulement soient des symboles de certaines ventes, mais qu’ils attirent sur-le-champ beaucoup d’hommes a l’admirable enseignement de l’Évangile. J’ajouterai que, selon la promesse de Jésus, les disciples ont accompli des oevres plus grandes que les miracles sensibles qu’accomplit Jésus. Car c’est continuellement que s’ouvrent les yeux des aveugles spirituels, et les oreilles des gens sourds aux discours sur la vertu écoutent avec empressement les enseignements sur Dieu et la vie bienheureuse près de lui. De plus, beaucoup, qui étaient boiteux en ce que l’Écriture appelle « l’homme intérieur », maintenant guéris par la doctrine, bondissent, non pas au sens propre, mais « à l’instar du cerf » animal ennemi des serpents et immunisé contre tout venin des vipères. Oui, ces boiteux guéris reçoivent de Jésus le pouvoir de passer, dans leur marche autrefois claudicante, sur « les serpents et les scorpions » du vice, et d’un mot, sur « toute la puissance de l’ennemi » ; ils les foulent aux pieds et n’en éprouvent aucun mal, car eux aussi ont été immunisés contre toute malice et venin des démons. LIVRE II

Jésus n’entendait pas détourner ses disciples de l’attachement aux sorciers en général, qui promettent d’accomplir des prodiges par n’importe quel moyen – ils n’avaient pas besoin d’une telle mise en garde -, mais de l’attachement à ceux qui se présenteraient comme le Christ de Dieu et s’efforceraient, grâce à des prestiges, de tourner vers eux les disciples de Jésus. Il dit donc : « Alors, si l’on vous dit : Tenez, voici le Christ ! ou le voilà ! n’en croyez rien. Il surgira en effet de faux christs et de faux prophètes qui produiront des signes et des prodiges considérables, capables d’abuser si c’était possible les élus eux-mêmes : telle est ma prédiction. Si donc on vous dit : le voici au désert, n’y allez pas ; le voilà dans les cachettes, n’en croyez rien. Comme l’éclair, en effet, part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il à l’avènement du Fils de l’homme. » Et ailleurs : « Beaucoup me diront en ce jour : Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons mangé, en ton nom que nous avons bu, en ton nom que nous avons chassé les démons et accompli nombre de miracles ? Et moi je leur dirai : écartez-vous de moi : vous êtes des artisans d’injustice. » Mais Celse, dans le désir d’assimiler les prodiges de Jésus à la sorcellerie humaine, dit littéralement ceci : ” O lumière et vérité ! De sa propre voix il annonce ouvertement, même vos écrits l’attestent, que d’autres encore viendraient à vous, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers. Et il nomme un certain Satan, habile à contrefaire ces prodiges; il ne nie même pas en eux tout caractère divin, mais il y voit l’oevre de méchants. Sous la contrainte de la vérité, il a en même temps démasqué la conduite des autres et confondu la sienne. N’est-ce donc pas un argument misérable de conclure des mêmes oevres à la divinité de l’un et à la sorcellerie des autres ? Pourquoi donc, d’après ces oevres, faut-il croire à leur méchanceté plutôt qu’à la sienne sur son propre témoignage ? Elles sont en fait, et lui-même en convint, des signes distinctifs non d’une nature divine, mais de gens trompeurs et fort méchants. ” Voilà bien la preuve manifeste de la perfidie de Celse à l’égard de l’Évangile : ce que dit Jésus de ceux qui accompliront signes et prodiges diffère totalement de ce qu’affirmé le Juif de Celse. Bien sûr, si Jésus avait simplement dit à ses disciples de se mettre en garde contre ceux qui promettent des prodiges, sans ajouter de quel titre ils se pareraient, peut-être y aurait-il place pour le soupçon du Juif. Mais les gens dont Jésus veut que nous nous gardions professent qu’ils sont le Christ, ce que ne font pas les sorciers , il dit en outre qu’au nom de Jésus des gens à la vie déréglée feront certains miracles, expulseront des hommes les démons. Dés lors, s’il faut le dire, voilà bannie des personnages en question la sorcellerie et tout soupçon à leur adresse, et bien établie au contraire la puissance divine du Christ et celle de ses disciples car il était possible à qui usait de son nom, sous l’impulsion de je ne sais quelle puissance, de prétendre qu’il était le Christ, de paraître accomplir des actes comparables à ceux du Christ, et à d’autres de faire au nom de Jésus des prodiges apparemment voisins de ceux de ses authentiques disciples. LIVRE II

Paul aussi, dans sa deuxième Epître aux Thessaloniciens, fait connaître de quelle manière sera révèlé un jour « l’homme impie, le Fils de perdition, l’Adversaire, celui qui s’élève au dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui même comme Dieu ». Et il redit aux Thessaloniciens « Et vous savez ce qui le retient présentement de façon a ne se révéler qu’à son moment. Des maintenant, oui, le mystère de l’impiété est à l’oevre. Mais que seulement celui qui le retient soit d’abord écarté, alors l’Impie se révélera, et le Seigneur le fera disparaître par le souffle de sa bouche, l’anéantira par le resplendissement de sa Venue. Sa venue à lui, l’Impie, aura été marquée, sous l’influence de Satan, par toute espèce de miracles, de signes et de prodiges mensongers, ainsi que toutes les séductions du mal sévissant sur ceux qui sont voués à la perdition. » Il indique également la cause pour laquelle l’Impie a permission de vivre : « Parce qu’ils ont refusé d’accepter pour leur salut l’amour de la vérité. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une influence qui les égare et les pousse à croire le mensonge, pour la condamnation de tous ceux qui auront refusé de croire la vérité et pris parti pour le mal. » LIVRE II

Après cela, le Juif de Celse, à notre adresse sans doute – pour maintenir son propos initial -, déclare dans le discours à ses compatriotes devenus croyants : “Quelle raison, en fin de compte, vous a conduits, sinon qu’il a prédit qu’après sa mort il ressusciterait ? ” Question que j’appliquerai au cas de Moïse, comme ce que j’ai précédemment transposé, et je lui dirai : quelle raison, en fin de compte, vous a conduits, sinon qu’il a écrit sur sa mort en ces termes : « C’est là que mourut Moïse, serviteur du Seigneur, en terre de Moab, selon l’ordre du Seigneur ; on l’enterra en terre de Moab près de la maison de Phogor. Et jusqu’à ce jour, nul n’a connu son tombeau. » Car si notre Juif accuse Jésus d’avoir prédit qu’après sa mort il ressusciterait, à cette objection, usant du même procédé pour Moïse, on répondra : Moïse écrivit dans le Deutéronome dont il est l’auteur : « Jusqu’à ce jour nul n’a connu son tombeau », pour célébrer la gloire de son tombeau qui serait ignoré du genre humain. LIVRE II

Mais je crois utile à la justification de ce point de vue cette parole sur Jésus : « Le Christ est mort et ressuscité pour devenir le Seigneur des morts et des vivants. » Remarque en effet ici que Jésus « est mort… pour devenir le Seigneur des morts », et qu’« il est ressuscité » pour devenir le Seigneur non seulement « des morts », mais « aussi des vivants ». L’Apôtre entend bien par les morts dont le Christ est le Seigneur ceux que désigne ainsi la Première aux Corinthiens : « Car la trompette sonnera et les morts ressusciteront incorruptibles » ; et par les vivants, eux et ceux qui seront transformés, étant autres que les morts qui ressusciteront. Voici le passage qui les concerne : « Et nous nous serons transformés », qui fait suite à : « Les morts ressusciteront d’abord ». En outre, dans la Première aux Thessaloniciens, il exprime en mots différents la même distinction, en déclarant qu’autres sont ceux qui dorment et autres les vivants : « Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez ignorants sur ceux qui dorment, pour vous éviter la désolation des autres qui n’ont pas d’espérance. En effet, si nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, de même, ceux-là aussi qui se sont endormis en Jésus, Dieu les amènera avec lui. Car voici ce que j’ai à vous dire sur la parole du Seigneur : Nous, les vivants, qui serons encore là pour l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. » Mais l’interprétation que j’ai trouvée de ces passages, je l’ai exposée dans mon commentaire de la Première aux Thessaloniciens. LIVRE II

C’est bien en vain que Celse ajoute : Car assurément il ne craignait plus personne puisqu’il avait subi la mort et, dites-vous, qu’il était Dieu, et il ne fut pas envoyé principalement pour demeurer caché. En fait, il fut envoyé non seulement pour être connu, mais aussi pour demeurer cache. Car la totalité de son être n’était pas connue même de ceux qui le connaissaient, mais quelque chose leur en échappait, et à certains, il restait absolument inconnu. Mais il ouvrit les portes de la lumière à ceux qui étaient fils des ténèbres et de la nuit, et qui se consacrèrent à devenir fils du jour et de la lumière. Et le Seigneur vint en Sauveur comme un bon médecin, plutôt pour nous pleins de pèche que pour les justes. LIVRE II

Mais je veux établir qu’il n’était pas plus utile pour l’ensemble de l’Économie que « c’est du haut de la croix que Jésus aurait dû soudain disparaître » corporellement. La simple lettre et le récit de ce qui est arrivé à Jésus ne laissent point voir la vérité totale. Car à une lecture plus pénétrante de la Bible, chaque événement se révèle de plus symbole d’une vérité. Ainsi en est-il du crucifiement : il contient la vérité qu’exprimé ce mot : « Je suis crucifié avec le Christ » », et cette idée : « Pour moi, que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de mon Seigneur Jésus-Christ, qui a fait du monde un crucifié pour moi et de moi un crucifié pour le monde. » Ainsi, de sa mort : elle était nécessaire pour que l’on pût dire : « Car sa mort fut une mort au péché une fois pour toutes », et pour que le juste ajoute qu’« il lui devient conforme dans la mort », et : « Si en effet nous sommes morts avec lui, avec lui aussi nous vivrons ». Ainsi encore, de son ensevelissement : il s’étend à ceux qui lui sont devenus conformes dans la mort, crucifiés avec lui, morts avec lui, suivant ces autres mots de Paul : « Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême », nous sommes aussi ressuscites avec lui. LIVRE II

Mais pour quelle raison le Juif de Celse a-t-il dit que Jésus se cachait ? Car il dit de lui : Quel messager envoyé en mission se cacha-t-il jamais au lieu d’exposer l’objet de son mandat ? Non, il ne se cachait pas, puisqu’il dit à ceux qui cherchaient à le prendre : « Chaque jour j’étais dans le temple à enseigner librement, et vous n’osiez m’arrêter. » A la suite, où Celse ne fait que se répéter, j’ai déjà répondu une fois, je me bornerai donc à ce qui est déjà dit. Car plus haut se trouve écrite la réponse à l’objection : Est-ce que, de son vivant, alors que personne ne le croyait, il prêchait à tous sans mesure, et, quand il aurait affermi la foi par sa résurrection d’entre les morts, ne se laissa-t-il voir en cachette qu’à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie ? Ce n’est pas vrai : il n’est pas apparu seulement à une femmelette, car il est écrit dans l’Évangile selon Matthieu : « Après le sabbat, dès l’aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent visiter le sépulcre. Alors il se fit un grand tremblement de terre : l’ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre. » Et peu après, Matthieu ajoute : « Et voici que Jésus vint à leur rencontre ? évidemment, les Marie déjà nommées ?, et il leur dit : « Je vous salue ». Elles s’approchèrent, embrassèrent ses pieds et se prosternèrent devant Lui. » On a également répondu à sa question : Est-ce donc que, durant son supplice, il a été vu de tous, mais après sa résurrection, d’un seul – en réfutant l’objection qu’il n’a pas été vu de tous. Ici j’ajouterai : ses caractères humains étaient visibles de tous ; ceux qui étaient proprement divins – je ne parle pas de ceux qui le mettaient en relation avec les autres êtres, mais de ceux qui l’en séparaient – n’étaient pas intelligibles à tous. De plus, note la contradiction flagrante où Celse s’empêtre. A peine a-t-il dit : « Il s’est laissé voir en cachette à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie », qu’il ajoute : « durant son supplice, il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu. » Entendons ce qu’il veut dire par « durant son supplice il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu». A en juger par son expression, il voulait une chose impossible et absurde : que, durant son supplice, il soit vu d’un seul, après sa résurrection, de tous ! Ou comment expliquer : « c’est le contraire qu’il aurait fallu »? Jésus nous a enseigné qui l’avait envoyé, dans les paroles : « Personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils », « Personne n’a jamais vu Dieu : mais le Fils unique, qui est Dieu, qui est dans le sein du Père, lui, l’a révélé» . C’est lui qui, traitant de Dieu, annonça à ses disciples véritables les caractéristiques de Dieu. Les indices qu’on en trouve dans les Écritures nous offrent des points de départ pour parler de Dieu : on apprend, ici, que « Dieu est lumière et il n’y a point en lui de ténèbres », là, que « Dieu est esprit, et ses adorateurs doivent l’adorer en esprit et en vérité ». De plus, les raisons pour lesquelles le Père l’a envoyé sont innombrables : on peut à son gré les apprendre soit des prophètes qui les ont annoncées d’avance, soit des évangélistes ; et on tirera bien des connaissances des apôtres, surtout de Paul. En outre, si Jésus donne sa lumière aux hommes pieux, il punira les pécheurs. Faute d’avoir vu cela, Celse écrit : Il illuminera les gens pieux et aura pitié des pécheurs ou plutôt de ceux qui se sont repentis. Après cela, il déclare : S’il voulait demeurer caché, pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? Il pense par là montrer la contradiction entre ce qui est écrit de lui, sans voir que Jésus ne voulait ni que tous ses aspects fussent connus de tous, même du premier venu, ni que tout ce qui le concerne demeurât caché. En tout cas, la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu », au témoignage de l’Écriture, n’a pas été dite de façon à être entendue de la foule, comme l’a cru le Juif de Celse. De plus, la voix venant de la nuée, sur la haute montagne, a été entendue de ceux-là seuls qui avaient fait l’ascension avec lui ; car c’est le propre de la voix divine d’être entendue seulement de ceux à qui il « veut » faire entendre sa parole. Et je n’insiste pas sur le fait que la voix de Dieu, mentionnée dans l’Écriture, n’est certainement pas de l’air en vibration, ou un ébranlement d’air, ou tout autre définition des traites sur la voix : elle est donc entendue par une oreille supérieure et plus divine que l’oreille sensible Et comme Dieu qui parle ne veut pas que sa voix soit audible à tous, qui a des oreilles supérieures entend Dieu, mais qui est sourd des oreilles de l’âme est insensible à la parole de Dieu. Voilà pour répondre à la question : « Pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? » Et la suivante : « S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? » trouve une réponse suffisante dans ce qu’on a dit longuement de sa passion dans les pages précédentes. LIVRE II

En mettant le Juif en scène, Celse n’a rien trouvé à glisser dans son argumentation qui ne lui soit reproché par la Loi et les Prophètes. Il blâme Jésus en tenant sur lui ces propos : Il use à la légère de menaces et d’invectives chaque fois qu’il dit: « Malheur à vous, Je vous prédis.» C’est avouer là ouvertement son impuissance à persuader, ce qui n’est guère le fait d’un Dieu, ni même d’un homme de bon sens. Mais vois si ces propos ne se retournent pas ouvertement contre le Juif. Car dans les textes de la Loi et des Prophètes, chaque fois qu’il dit : Malheur, Dieu use de menaces et d’invectives, qui n’ont pas moins de force que celles de l’Évangile. Par exemple les passages d’Isaïe que voici : « Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison et joignent champ à champ » ; « Malheur à ceux qui se lèvent dès le matin et courent après des boissons fortes » ; « Malheur à ceux qui traînent les péchés comme au bout d’un licou » ; « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal » ; « Malheur à ceux d’entre vous qui mettent leur vaillance à boire le vin » ; et d’autres qu’on trouverait à foison ! N’y a-t-il pas l’équivalent des menaces dont il parle dans le mot : « Malheur à vous, nation pécheresse, peuple chargé de crimes, race malfaisante, fils d’iniquité », etc. A quoi il ajoute des menaces si terribles qu’elles valent bien celles qu’il accuse Jésus d’avoir lancées. N’est-ce pas une menace terrible que de dire : « Votre terre est déserte, vos villes sont incendiées ; votre pays, sous vos yeux, des étrangers le dévorent, il est devenu un désert comme après la dévastation de peuples étrangers » ? Et n’y a-t-il pas des invectives contre le peuple dans Ézéchiel, quand le Seigneur dit au prophète : « Tu habites au milieu de scorpions » ? Est-ce donc sérieusement, Celse, que tu as fait dire par ton Juif contre Jésus : « Il use à la légère de menaces et d’invectives chaque fois qu’il dit : Malheur, Je vous prédis » ? Ne vois-tu pas que toutes les accusations proférées par ton Juif contre Jésus pourraient lui être rétorquées à propos de Dieu ? Car c’est ouvertement que Dieu, chez les prophètes, se trouve exposé, aux yeux du Juif, aux mêmes griefs d’impuissance à persuader. LIVRE II

De plus, je pourrais dire à ceux qui croient qu’en ces matières le Juif de Celse fait à Jésus de justes griefs : il y a dans le Lévitique et le Deutéronome un grand nombre d’imprécations ; dans la mesure où le Juif les défendra en avocat de l’Écriture, dans cette même mesure ou mieux encore, nous défendrons ces prétendues invectives et menaces de Jésus. Bien plus, de la loi de Moïse elle-même nous pourrons présenter une meilleure défense que celle du Juif, pour avoir appris de Jésus à comprendre plus intelligemment que lui les textes de la loi. En outre, si le Juif a vu le sens des discours prophétiques, il pourra montrer que Dieu n’use pas à la légère de menaces et d’invectives, quand il dit : « Malheur, Je vous prédis », et comment Dieu a pu employer pour la conversion des hommes ces expressions, qu’au jugement de Celse n’imaginerait même pas un homme de bon sens. Mais les chrétiens aussi, sachant que le même Dieu parle par les prophètes et par le Seigneur, prouveront le caractère raisonnable de ce que Celse juge des menaces et nomme des invectives. On fera sur la question une courte réplique à Celse qui se vante d’être philosophe et de savoir nos doctrines : Comment, mon brave, quand Hermès dans Homère dit à Ulysse : « Pourquoi donc, malheureux, t’en vas-tu seul le long de ces coteaux ? » tu supportes qu’on le justifie en disant qu’Hermès chez Homère interpelle Ulysse de la sorte pour le ramener au devoir ? car les paroles flatteuses et caressantes sont le fait des Sirènes, près de qui s’élève « tout autour un tas d’ossements », elles qui disent : « Viens ici, viens à nous, Ulysse tant vanté, l’honneur de l’Achaïe. » ? Mais lorsque mes prophètes et Jésus même, pour convertir les auditeurs, disent : « Malheur à vous ! » et ce que tu prends pour des invectives, ils ne s’adaptent point à la capacité des auditeurs par ces expressions, et ne leur appliquent pas cette manière de parler comme un remède de Péon ? A moins peut-être que tu ne veuilles que Dieu, ou Celui qui participe à la nature divine, conversant avec les hommes, n’ait en vue que les intérêts de sa nature et le respect qu’on lui doit, sans plus considérer ce qu’il convient de promettre aux hommes gouvernés et conduits par son Logos et de proposer à chacun d’une manière adaptée à son caractère fondamental ? De plus, comment n’est-elle pas ridicule cette impuissance à persuader qu’on attribue à Jésus ? Car elle s’applique aussi, non seulement au Juif qui a beaucoup d’exemples de ce genre dans les prophéties, mais encore aux Grecs : parmi eux, chacun de ceux que leur sagesse a rendus célèbres auraient été impuissants à persuader les conspirateurs, les juges, les accusateurs de quitter la voie du vice pour suivre, par la philosophie, celle de la vertu. LIVRE II

Ensuite, son Juif dit, évidemment pour s’accommoder aux croyances des Juifs : Oui certes ! nous espérons ressusciter un jour dans notre corps et mener une vie éternelle, et que Celui qui nous est envoyé en sera le modèle et l’initiateur, prouvant qu’il n’est pas impossible à Dieu de ressusciter quelqu’un avec son corps. Je ne sais pas si le Juif dirait que le Christ attendu doit montrer en lui-même un modèle de la résurrection. Mais soit ! Accordons qu’il le pense et le dise. De plus, quand il dit nous avoir fait des citations de nos écrits, je réponds : n’as-tu pas, mon brave, en lisant ces écrits grâce auxquels tu prétends nous accuser, trouvé l’explication détaillée de la résurrection de Jésus, et qu’il est « le premier-né d’entre les morts » ? Ou, de ce que tu refuses de le croire, s’ensuit-il qu’il n’en ait rien été dit ? Mais puisque le Juif continue en admettant chez Celse la résurrection des corps, je pense que ce n’est pas ici l’occasion d’en traiter avec un homme qui croit et avoue qu’il y a une résurrection des corps, soit qu’il se l’explique nettement et puisse en fournir convenablement la preuve, soit qu’il ne le puisse pas mais donne à la doctrine une adhésion superficielle. Voilà donc notre réponse au Juif de Celse. Et puisqu’il dit encore : Où donc est-il, pour que nous puissions voir et croire ? nous lui répondrons : où donc est maintenant celui qui parle par les prophètes et qui a fait des prodiges, pour que nous puissions voir et croire que le Juif « est la part de Dieu ». Ou bien vous est-il permis de vous justifier du fait que Dieu ne s’est pas continuellement manifesté au peuple juif, tandis qu’à nous la même justification n’est pas accordée pour le cas de Jésus qui, une fois ressuscité, persuada ses disciples de sa résurrection ? Et il les persuada au point que par les épreuves qu’ils souffrent, ils montrent à tous que, les yeux fixés sur la vie éternelle et la résurrection, manifestée à eux en parole et en acte, ils se rient de toutes les épreuves de la vie. Après cela, le Juif dit : N’est-il descendu que pour nous rendre incrédules ? On lui répondra : il n’est pas venu pour provoquer l’incrédulité de Juifs ; mais, sachant d’avance qu’elle aurait lieu, il l’a prédite et il a fait servir l’incrédulité des Juifs à la vocation des Gentils. Car, par la faute des Juifs le salut est venu aux Gentils, à propos desquels le Christ dit chez les prophètes : « Un peuple que je ne connaissais pas s’est soumis à moi ; l’oreille tendue, il m’obéit » ; « Je me suis laissé trouver par ceux qui ne me cherchaient pas, j’ai apparu à ceux qui ne m’interrogeaient pas. » Et il est manifeste que les Juifs ont subi en cette vie le châtiment d’avoir traité Jésus comme ils l’ont fait. Les Juifs peuvent dire, s’ils veulent nous critiquer : Admirable est à votre égard la providence et l’amour de Dieu, de vous châtier, de vous avoir privés de Jérusalem, de ce qu’on nomme le sanctuaire, du culte le plus sacré ! Car s’ils le disent pour justifier la providence de Dieu, nous aurions un argument plus fort et meilleur ; c’est que la providence de Dieu est admirable, d’avoir fait servir le péché de ce peuple à l’appel par Jésus des Gentils au Royaume de Dieu, de ceux qui étaient étrangers aux alliances et exclus des promesses. Voilà ce que les prophètes ont prédit, disant qu’à cause du péché du peuple hébreu, Dieu appellerait non pas une nation, mais des élites de partout, et qu’ayant choisi « ce qu’il y a de fou dans le monde », il ferait que la nation inintelligente vienne aux enseignements divins, le Règne de Dieu étant ôté à ceux-là et donné à ceux-ci. Il suffît, entre bien d’autres, de citer à présent cette prophétie du cantique du Deutéronome sur la vocation des Gentils, attribuée à la personne du Seigneur : « Ils m’ont rendu jaloux par ce qui n’est pas Dieu, ils m’ont irrité par leurs idoles. Et moi je les rendrai jaloux par ce qui n’est pas un peuple, je les irriterai par une nation inintelligente.» Enfin, pour tout conclure, le Juif dit de Jésus : Il ne fut donc qu’un homme, tel que la vérité elle-même le montre et la raison le prouve. Mais s’il n’eût été qu’un homme, je ne sais comment il eût osé répandre sur toute la terre sa religion et son enseignement, et eût été capable sans l’aide de Dieu d’accomplir son dessein et de l’emporter sur tous ceux qui s’opposent à la diffusion de son enseignement, rois, empereurs, Sénat romain, et partout les chefs et le peuple. Comment attribuer à une nature humaine qui n’aurait eu en elle-même rien de supérieur la capacité de convertir une si vaste multitude ? Rien d’étonnant s’il n’y avait eu que des sages ; mais il s’y ajoutait les gens les moins raisonnables, esclaves de leurs passions, d’autant plus rebelles à se tourner vers la tempérance qu’ils manquaient de raison. Et parce qu’il était puissance de Dieu et sagesse du Père, le Christ a fait tout cela et le fait encore, malgré les refus des Juifs et des Grecs incrédules à sa doctrine. LIVRE II

Il déclare aussi que tous étaient animés par la même pensée. Il ne voit même pas là que dès l’origine il y eut désaccord entre croyants sur l’interprétation des livres regardés comme divins. Du moins, pendant que les apôtres prêchaient encore et que les témoins oculaires de Jésus enseignaient ce qu’ils avaient appris de lui, un débat important s’éleva entre les Juifs croyants concernant les Gentils qui venaient à l’Évangile : fallait-il leur faire observer les coutumes juives ou leur enlever le fardeau des aliments purs et impurs, qui ne devait pas charger ceux qui avaient laissé les coutumes ancestrales dans la Gentilité et qui croyaient en Jésus. De plus, dans les épîtres de Paul, contemporain de ceux qui avaient vu Jésus, on trouve des allusions à certaines disputes sur la question de savoir si la résurrection avait déjà eu lieu, et si « le Jour du Seigneur » était proche ou lointain. Il y a en outre ce passage : « Evite les discours creux et profanes, et les contradictions de la pseudo-science. Pour l’avoir professée, certains ont fait naufrage dans la foi » ; il montre que dès l’origine, il y eut des interprétations différentes, lorsque les croyants, au dire de Celse, n’étaient pas encore nombreux. LIVRE III

Mais le Logos entend que nous soyons sages, et on peut le montrer soit par les anciennes Écritures juives dont nous gardons l’usage, soit aussi par celles qui sont postérieures à Jésus dont les églises reconnaissent l’inspiration divine. Or il est écrit, au cinquantième psaume, que David dit dans sa prière à Dieu : « Tu m’as révélé les secrets et les mystères de ta sagesse. » Et en lisant les psaumes, on trouve ce livre rempli d’un grand nombre de sages doctrines. De plus, Salomon demanda et obtint la sagesse ; et de sa sagesse, on peut reconnaître les marques dans ses écrits, quand il enferme en peu de mots une grande profondeur de pensée : on y trouverait, entre autres, nombre d’éloges de la sagesse et d’exhortations sur le devoir de l’acquérir. Et telle était même la sagesse de Salomon que la reine de Saba, ayant appris sa « renommée et la renommée du Seigneur », vint « le mettre à l’épreuve en lui posant des énigmes. Elle lui dit tout ce qui était dans son coer. Et Salomon répondit à toutes ses questions ; et il n’y eut pas une question qui resta cachée au roi, sur laquelle il ne lui fournit de réponse. La reine de Saba vit toute la sagesse de Salomon » et toutes ses ressources. « Et hors d’elle-même, elle dit au roi : C’est donc la vérité que j’ai entendu dire dans mon pays sur toi et sur ta sagesse ; je n’ai pas voulu y croire quand on m’en faisait part, avant de venir et de voir de mes yeux. Et voici qu’on ne m’en avait pas dit la moitié. Tu surpasses en sagesse et en magnificence tout ce que j’ai appris par ouï-dire. » Et justement il est écrit de lui : « Dieu donna à Salomon une intelligence et une sagesse extrêmement grandes, et un coer aussi vaste que le sable du rivage de la mer. Et la sagesse de Salomon surpassait de beaucoup l’intelligence de tous les anciens et de tous les sages d’Egypte. Il fut plus sage que tous les hommes, plus sage que Gétan l’Ezrahite, et qu’Emad, Chalcad, Aradab, fils de Mad. Il était renommé dans toutes les nations d’alentour. Salomon prononça trois mille paraboles, et ses cantiques étaient au nombre de cinq mille. Il a parlé des plantes, depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope qui se fraye un chemin dans la muraille. Il a parlé des poissons comme du bétail. Tous les peuples venaient entendre la sagesse de Salomon, et on venait de la part de tous les rois de la terre qui avaient entendu parler de sa sagesse. » LIVRE III

Comme nous enseignons : « La sagesse n’entrera pas dans une âme perverse, et n’habitera pas dans un corps tributaire du péché », nous disons aussi : « Quiconque a les mains pures » et, pour cette raison, élève vers Dieu « des mains innocentes », et parce qu’offrant des sacrifices sublimes et célestes, peut dire : « L’élévation de mes mains est un sacrifice du soir » : qu’il vienne à nous ! Quiconque a la langue avisée, parce qu’il médite « jour et nuit » la loi du Seigneur, et que « ses facultés ont été formées par la pratique au discernement du bien et du mal », qu’il ne craigne pas d’en venir aux solides nourritures spirituelles qui conviennent aux athlètes de la piété et de toutes les vertus. Et comme « la grâce de Dieu est avec tous ceux qui aiment d’un amour incorruptible » le Maître qui enseigne l’immortalité, quiconque a les mains pures, non seulement de toute souillure, mais encore des fautes regardées comme plus légères, qu’il se fasse hardiment initier aux mystères de la religion de Jésus, qui ne sont raisonnablement transmis qu’aux saints et aux purs. Le myste de Celse peut dire : Que celui dont l’âme n’a conscience d’aucun mal vienne ; mais celui qui, selon Jésus, conduit les initiés à Dieu, dira à ceux dont l’âme est purifiée : Celui dont l’âme n’a conscience d’aucun mal depuis longtemps, et surtout depuis qu’il est venu se faire guérir par le Logos, que celui-là entende aussi ce que Jésus a découvert en particulier à ses véritables disciples. Ainsi donc, dans le contraste qu’il établit entre l’initiation des Grecs et celle que donnent les maîtres de la doctrine de Jésus, Celse n’a pas vu la différence entre l’appel des méchants à la guérison de leurs âmes et l’appel des hommes déjà très purs à de plus profonds mystères. LIVRE III

Ce n’est donc pas aux mystères et à la participation de la sagesse « mystérieuse et demeurée cachée que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour la gloire » de ses justes, que nous appelons l’injuste, le voleur, le perceur de murailles, l’empoisonneur, le pilleur de temples, le violateur de tombeaux, ni tous les autres que par amplification peut y joindre Celse ; mais, c’est à la guérison. Il y a dans la divinité du Logos des aspects qui aident à guérir les malades dont il parle : « Les bien portants n’ont pas besoin de médecins, mais les malades » ; il y en a d’autres qui découvrent à ceux qui sont purs de corps et d’esprit « la révélation du mystère, enveloppé de silence aux siècles éternels, mais aujourd’hui manifesté tant par les écrits des prophètes que par l’apparition de Notre Seigneur Jésus-Christ » qui se manifeste à chacun des parfaits, illuminant leur esprit pour une connaissance véridique des réalités. Mais, comme, amplifiant ses griefs contre nous, il termine son énumération de vauriens par ce trait : « Quels autres un brigand appellerait-il dans sa proclamation ? », je répliquerai : un brigand appelle bien de tels individus pour utiliser leur perversité contre les hommes qu’il veut tuer et dépouiller ; mais le chrétien, en appelant les mêmes individus que le brigand, leur lance un appel différent, pour bander leurs blessures par le Logos, et verse dans l’âme enflammée de maux les remèdes du Logos qui, comme le vin, l’huile, le lait, et les autres médicaments, soulagent l’âme. Il calomnie ensuite nos exhortations orales ou écrites à ceux qui ont mal vécu, les appelant à se convertir et à réformer leur âme, et il assure que nous disons : Dieu a été envoyé aux pécheurs. C’est à peu près comme s’il reprochait à certains de dire : c’est pour les malades habitant dans la ville qu’un médecin y a été envoyé par un roi plein d’humanité. Or « le Dieu Logos a été envoyé », médecin « aux pécheurs », maître des divins mystères à ceux qui, déjà purs, ne pèchent plus. Mais Celse, incapable de faire la distinction – car il n’a pas voulu approfondir -, objecte : Pourquoi n’a-t-il pas été envoyé à ceux qui sont sans péché ? Quel mal y a-t-il à être sans péché ? A quoi je réplique : si par ceux qui sont sans péché il veut dire ceux qui ne pèchent plus, notre Sauveur Jésus leur a été envoyé à eux aussi, mais non comme un médecin ; mais si par ceux qui sont sans péché il entend ceux qui n’ont jamais péché – car il n’y a pas de distinction dans son texte -, je dirai qu’il est impossible qu’il y ait dans ce sens un homme sans péché, à l’exception de l’homme que l’esprit discerne en Jésus, « qui n’a pas commis de péché ». Méchamment donc, Celse nous attribue l’affirmation : Que l’injuste s’humilie dans le sentiment de sa misère, Dieu l’accueillera ; mais que le juste dans sa vertu originelle lève les yeux vers lui, il refusera de l’accueillir. Nous soutenons en effet qu’il est impossible qu’un homme dans sa vertu originelle lève les regards vers Dieu. Car la malice existe nécessairement d’abord dans l’homme, comme le dit Paul : « Le précepte est venu, le péché a pris vie, et moi, je suis mort. » De plus, nous n’enseignons pas qu’il suffise à l’injuste de s’humilier dans le sentiment de sa misère pour être accueilli par Dieu, mais que s’il se condamne lui-même pour ses actes antérieurs, et s’il s’avance humble pour le passé, rangé pour l’avenir, Dieu l’accueillera. LIVRE III

Ensuite, il ne comprend pas le sens de l’expression : « Quiconque s’élève sera abaissé », il n’a même pas appris de Platon que l’honnête homme s’avance « humble et rangé », il ne sait même pas que nous disons : « Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu pour qu’il vous élève au bon moment », et il déclare : Des hommes, qui président correctement à un procès, ne tolèrent pas qu’on déplore les fautes en discours à lamentations, de peur que la pitié plus que la vérité ne dicte leur sentence; Dieu, donc, juge en fonction non de la vérité mais de la flatterie. Quelle flatterie, quel discours à lamentations y a-t-il dans les divines Écritures? Le pécheur dit dans sa prière à Dieu : « Je t’ai fait connaître mon péché, je ne t’ai point caché mon iniquité ; j’ai dit : je veux m’accuser de mon iniquité au Seigneur, etc. » Peut-il prouver qu’un tel aveu de pécheurs qui s’humilient devant Dieu dans leurs prières n’est pas capable d’obtenir la conversion ? De plus, troublé par son ardeur à accuser, il se contredit. Tantôt il semble connaître un homme sans péché et juste qui, dans sa vertu originelle lève ses regards vers Dieu, tantôt il approuve ce que nous disons : « Quel est l’homme parfaitement juste, quel est l’homme sans péché ? » car c’est bien approuver cela que d’ajouter : Il est probablement vrai que la race humaine a une propension native à pécher. Ensuite, comme si tous les hommes n’étaient point appelés par le Logos, il objecte : Il eût donc fallu appeler tous les hommes sans exception, si en fait tous sont pécheurs. Mais j’ai montré plus haut que Jésus a dit : « Venez, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. » Tous les hommes donc, « qui peinent et ployent sous le fardeau » à cause de leur nature pécheresse, sont appelés au soulagement près du Logos de Dieu, car Dieu envoya « son Logos, les guérit et les préserva de leurs corruptions ». LIVRE III

J’en viens à un quatrième livre contre les objections qui suivent, après avoir prié Dieu par le Christ. Puissent m’être données de ces paroles dont il est écrit dans Jérémie, quand le Seigneur parlait au prophète : « Voici que j’ai mis dans ta bouche mes paroles comme un feu, voici que je t’ai établi en ce jour sur les nations et les royaumes, pour déraciner et pour détruire, pour perdre et pour abattre, pour bâtir et pour planter. » J’ai besoin désormais de paroles capables de déraciner les idées contraires à la vérité de toute âme trompée par le traité de Celse ou par des pensées semblables aux siennes. J’ai aussi besoin d’idées qui renversent les édifices de toute opinion fausse et les prétentions de l’édifice de Celse dans son traité, pareilles à la construction de ceux qui disent : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet atteigne le ciel. » J’ai encore besoin d’une sagesse qui abatte toutes les puissances altières qui s’élèvent « contre la connaissance de Dieu », et la puissance altière de la jactance de Celse qui s’élève contre nous. Et puisque je ne dois pas me borner à déraciner et à détruire toutes ces erreurs, mais, à la place de ce qui est déraciné, planter la plantation du champ de Dieu, à la place de ce qui est détruit, construire l’édifice de Dieu et le temple de la gloire de Dieu, voilà autant de raisons pour lesquelles je dois prier le Seigneur, dispensateur des dons mentionnés dans Jérémie, de me donner à moi aussi des paroles efficaces pour bâtir l’édifice du Christ et planter la loi spirituelle et les paroles des prophètes qui s’y rapportent. Il me faut surtout établir, contre les objections actuelles de Celse faisant suite aux précédentes, que l’avènement du Christ a bel et bien été prédit. En effet, il se dresse à la fois contre les Juifs et les chrétiens : les Juifs qui refusent que la venue du Christ soit déjà réalisée mais espèrent qu’elle aura lieu, et les chrétiens qui professent que Jésus est le Christ prédit, et il affirme : Voici la prétention de certains chrétiens et des Juifs : un Dieu ou Fils de Dieu, selon les uns est descendu, selon les autres descendra sur la terre pour en juger les habitants : propos si honteux qu’il n’est pas besoin d’un long discours pour le réfuter. Il semble bien parler avec exactitude quand il dit, non pas certains Juifs, mais tous les Juifs croient que quelqu’un descendra sur la terre, tandis que certains chrétiens seulement disent qu’il est descendu. Il veut indiquer ceux qui établissent par les Écritures juives que la venue du Christ a déjà eu lieu, et il paraît connaître l’existence de sectes qui nient que le Christ Jésus soit la personne prophétisée. Or j’ai déjà établi plus haut de mon mieux que le Christ avait été prophétisé ; aussi ne reviendrai-je pas sur les nombreuses preuves qui pourraient être fournies sur ce point, afin d’éviter les redites. Vois donc que s’il avait voulu, avec une logique au moins apparente, renverser la foi aux prophéties ou à l’avènement futur ou passé du Christ, il devait citer les prophéties mêmes auxquelles, chrétiens ou Juifs, nous avons recours dans nos débats. Ainsi il eût, du moins en apparence, détourné ceux qui sont attirés, à l’en croire, par leur caractère spécieux, de l’adhésion aux prophéties et de la foi, fondée sur elles, en Jésus comme au Christ. LIVRE IV

Après quoi le très noble Celse, je ne sais pour quelle raison, nous fait une difficulté de ce que nous dirions : Dieu en personne descendra vers les hommes. Selon lui il en résulte qu’il abandonne son trône. C’est qu’il ignore la puissance de Dieu, et que « l’Esprit du Seigneur remplit l’univers, et que, lien de toutes choses, il sait tout ce qui se dit ». LIVRE IV

Il ne peut pas comprendre la parole : « Est-ce que le ciel et la terre, je ne les remplis pas, moi, dit le Seigneur ». Il ne voit pas que, selon la doctrine des chrétiens, tous ensemble « nous avons en lui la vie, le mouvement et l’être » comme Paul l’a enseigné dans son discours aux Athéniens. Alors, même quand le Dieu de l’univers par sa propre puissance descend avec Jésus dans l’existence humaine, même quand le Logos, « au commencement près de Dieu » et Dieu lui-même, vient vers nous, il ne quitte pas sa place et n’abandonne pas son trône, comme s’il y avait d’abord un lieu vide de lui, puis un autre plein de lui, qui auparavant ne le contenait pas. Au contraire la puissance et la divinité de Dieu vient par celui qu’il veut et en qui il trouve une place, sans changer de lieu ni laisser sa place vide pour en remplir une autre. LIVRE IV

Il n’est pas étonnant qu’en certaines générations des prophètes, à cause de leur vie plus généreuse et plus active, surpassent dans leur capacité à recevoir Dieu d’autres prophètes, les uns de leur époque, d’autres avant ou après eux. Il n’est pas étonnant non plus qu’à un temps déterminé soit venu au genre humain un être extraordinaire, supérieur à ceux qui l’ont précédé ou ceux qui viendraient plus tard. Mais la raison de ces dispositions a trop de profondeur et de mystère pour être pleinement accessible à l’entendement commun. Pour élucider la question et répondre à l’objection sur la venue du Christ : « Est-ce donc maintenant, après tant de siècles, que Dieu s’est souvenu de juger la race humaine, alors qu’auparavant il n’en avait cure ? », il faut aborder le sujet des divisions de peuples, et dire clairement pourquoi « quand le Très-Haut assigna aux nations leur héritage, quand il répartit les fils d’Adam, il fixa les limites des nations suivant le nombre des anges de Dieu ; et la part du Seigneur fut son peuple Jacob, et le lot de son héritage, Israël ». Et il faudra dire la cause de la naissance des hommes dans chaque région, sous la domination de celui qui a reçu la région en héritage ; et comment il était logique que « son peuple Jacob fût la part du Seigneur, et Israël le lot de son héritage » ; et pourquoi, alors qu’auparavant « son peuple Jacob était la part du Seigneur, et Israël le lot de son héritage », pour les siècles à venir il est dit au Sauveur par son Père : « Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage et pour domaine les extrémités de la terre. » Il y a, de fait, pour les économies différentes concernant les âmes humaines, des raisons logiques et enchaînées qui sont indicibles et inexplicables. LIVRE IV

Ensuite, il veut établir que nous ne disons rien de remarquable ni de neuf sur le déluge et l’embrasement, bien plus, que c’est pour avoir mal compris ce qu’on en dit chez les Grecs ou les barbares que nous avons cru au récit qu’en font nos Écritures, et il déclare : Pour avoir mal compris ces doctrines, il leur est venu l’idée qu’après des cycles de longues durées et des retours et des conjonctions d’étoiles ont lieu des embrasements et des déluges, et qu’après le dernier déluge au temps de Deucalion, le retour périodique selon l’alternance de l’univers exige un embrasement. De là vient l’opinion erronée qui leur faire dire: Dieu va descendre en bourreau armé de feu. Je répliquerai : je ne sais comment Celse, homme d’une ample lecture, montrant qu’il connaît beaucoup d’histoires, n’a point prêté attention à l’antiquité de Moïse, dont certains écrivains grecs entre bien d’autres : « Qu’est-ce qui a été ? ? Cela même qui sera. Qu’est-ce qui s’est fait ? ? Cela même qui se refera », etc., ce n’est pas le moment d’en traiter. Il suffit de remarquer simplement que Moïse et quelques-uns des prophètes, auteurs très anciens, n’ont pas emprunté à d’autres leur doctrine de l’embrasement ; mais plutôt, en tenant compte des dates, les autres les ont mal compris et, faute de savoir exactement ce qu’ils avaient dit, ont imaginé dans chaque cycle des répétitions toutes semblables dans leurs caractéristiques essentielles et accidentelles. Pour nous, loin d’attribuer le déluge et l’embrasement aux cycles et aux retours périodiques des étoiles, nous leur donnons pour cause le débordement du vice, détruit par le déluge ou l’embrasement. Et les expressions prophétiques sur Dieu qui descend et dit : « Est-ce que le ciel et la terre, je ne les remplis pas, moi ? dit le Seigneur », nous les entendons au figuré. Car Dieu descend de sa propre grandeur et majesté en prenant soin des affaires humaines et surtout des méchants. Et comme le langage usuel dit que les maîtres descendent au niveau des enfants, et les sages ou les progressants à celui des jeunes gens qui viennent de se tourner vers la philosophie, sans qu’il s’agisse d’une descente corporelle, de même, s’il est dit quelque part dans les saintes Écritures que Dieu descend, on le comprend d’après cet emploi habituel du terme ; et il en est de même pour monter. LIVRE IV

Puisqu’il a fait dire aux chrétiens qu’il regarde comme des vers : Dieu néglige le monde entier et le mouvement du ciel et, sans souci de la vaste terre, c’est pour nous seuls qu’il gouverne, avec nous seuls qu’il communique par ses messagers, ne cessant de les envoyer et de chercher par quel moyen nous lui serons unis pour toujours, il faut répondre : c’est nous prêter des propos que nous ne tenons pas, car nous lisons et savons que « Dieu aime tous les êtres et n’a de dégoût pour rien de ce qu’il a fait ; car s’il avait haï quelque chose, il ne l’aurait pas formé ». Nous avons lu aussi : « Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, ô Ami de la vie. Car ton souffle impérissable est en toutes choses. Aussi peu à peu tu châties ceux qui tombent, tu les avertis et tu leur rappelles en quoi ils pèchent. » Comment pourrions-nous dire : Dieu néglige le mouvement du ciel et le monde entier, et sans souci de la vaste terre pour nous seuls il gouverne ? Nous savons que, dans les prières, il faut dire en le pensant : « La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur » ; « La miséricorde du Seigneur s’étend à toute chair » ; Dieu dans sa bonté « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, pleuvoir sur les justes et les injustes » ; et pour que nous soyons ses fils, il nous exhorte à la même attitude et nous enseigne à étendre autant que possible nos bienfaits à tous les hommes. LIVRE IV

Peut-être Celse a-t-il mal compris une phrase de certains, qu’il a nommés vers : Il y a Dieu, et immédiatement après, nous. Méprise analogue à celle de reprocher à toute une école philosophique les propos d’un jeune inconsidéré qui, pour avoir fréquenté trois jours un philosophe, s’élève contre le reste des hommes pour leur nullité et leur manque de philosophie. Nous savons bien qu’il y a beaucoup d’êtres d’une plus haute valeur que l’homme. Nous avons lu : « Dieu s’est dressé dans l’assemblée des dieux », et non point des dieux qu’adorent les autres hommes, « car tous les dieux des nations sont des démons ». Nous avons lu encore : « Dieu, dressé dans l’assemblée des dieux, au milieu d’eux juge les dieux. » Nous le savons : « Bien qu’il y ait au ciel et sur la terre de prétendus dieux, comme il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs, pour nous du moins il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et par qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » Nous savons les anges à ce point supérieurs aux hommes que seuls les hommes parfaits deviennent semblables aux anges : « Car à la résurrection des morts, il n’y a plus ni maris, ni femmes, mais les justes sont comme les anges des cieux », et deviennent « les égaux des anges ». Nous savons que dans l’ordonnance de l’univers se trouvent des êtres nommés Trônes, d’autres Dominations, d’autres Principautés, d’autres Puissances. Nous le voyons, nous les hommes, laissés bien loin d’eux, nous avons l’espérance, fondée sur une vie vertueuse et une conduite en tout conforme au Logos, de nous élever jusqu’à leur devenir semblables à tous. Enfin, puisque « n’est pas encore apparu ce que nous serons, nous savons que, lorsque cela apparaîtra, nous serons semblables à Dieu, et nous le verrons tel qu’il est ». Que si l’on maintient les propos de certains qui, intelligents ou stupides, ont mal compris une saine doctrine : Il y a Dieu, et immédiatement après, nous, même cela, je pourrais l’interpréter en disant : « nous » désigne les êtres raisonnables, et mieux encore les êtres raisonnables vertueux ; car selon nous, la même vertu appartient à tous les bienheureux, et par conséquent, la même vertu est à l’homme et à Dieu. Aussi nous instruit-on à devenir « parfaits comme notre Père céleste est parfait ». Concluons : aucun honnête homme n’est un vers nageant dans un bourbier, aucun homme pieux n’est une fourmi, aucun juste n’est une grenouille, aucun homme dont l’âme resplendit de l’éclatante lumière de la vérité ne peut raisonnablement être comparé à une chauve-souris. LIVRE IV

Ensuite, comme s’il avait quelques secrets sur l’origine du mal, mais les taisait pour ne dire que ce qui est adapté aux foules, il ajoute qu’il suffit de dire à la foule sur l’origine du mal que le mal ne vient pas de Dieu, qu’il est inhérent à la matière et réside dans les êtres mortels. Or il est bien vrai que le mal ne vient pas de Dieu. Car selon notre Jérémie il est clair que : « De la bouche du Seigneur ne sortent pas le mal et le bien. » Mais pour nous il n’est pas vrai que la matière qui réside dans les êtres mortels soit la cause du mal. L’esprit de chacun est cause de sa malice personnelle : c’est elle le mal ; les maux sont seulement les actions qu’elle commande, et pour nous, à parler en rigueur de termes, rien d’autre n’est un mal. Mais je sais que le sujet requiert une discussion et une argumentation développées : grâce à un don de Dieu illuminant l’esprit, elles peuvent être menées à bien par celui que Dieu juge digne de pareille connaissance. LIVRE IV

Après cela, faute de les avoir compris, Celse tourne en ridicule les passages de la Bible prêtant à Dieu des sentiments humains, des paroles de colère contre les impies, et des menaces contre les pécheurs. Il faut répondre : dans la conversation avec de très petits enfants, on ne vise point à déployer son éloquence, mais on s’adapte à leur faiblesse, disant et faisant ce qu’on juge utile à la conversion et à la correction de ces enfants, considérés comme tels. Le Logos de Dieu, lui aussi, semble avoir dispensé les Écritures en proportionnant l’exposé qui convient à la capacité des auditeurs et au bienfait qu’ils en retireront. C’est bien, en général, cette manière d’annoncer les réalités divines qui est exprimée dans le Deutéronome : « Le Seigneur ton Dieu s’est adapté à toi comme un père s’adapte à son fils. » Le Logos parle de la sorte, adoptant les manières humaines pour le bien des hommes. Car il n’était pas nécessaire aux foules que Dieu mis en scène exprimât de la façon qui lui convient en propre les paroles destinées à elles. Mais celui qui prend à coeur l’élucidation des divines Écritures, comparant les choses spirituelles aux spirituelles, découvrira à partir d’elles la signification de ce qui est dit à l’adresse des plus faibles et de ce qui est exposé aux plus intelligents, l’un et l’autre souvent exprimé dans la même phrase à qui sait la comprendre. LIVRE IV

Quand donc on parle de la colère de Dieu, il s’agit non d’une passion qu’il éprouve, mais d’un procédé qu’il adopte pour corriger par une méthode d’éducation plus sévère ceux qui ont commis de nombreux et graves péchés. Parler de la colère de Dieu et de sa fureur est un procédé pédagogique ; et telle est la pensée du Logos, clairement exprimée par le psaume sixième : « Seigneur ne me reprends point dans ta fureur, ne me corrige point dans ta colère », et dans Jérémie : « Corrige-nous Seigneur, mais selon ta justice et non dans ta fureur, pour ne pas trop nous réduire. » Mais, en lisant dans le second livre des Rois, que la colère de Dieu persuada David de dénombrer le peuple, et dans le premier des Paralipomènes que ce fut « le diable », et en comparant les expressions de l’un à l’autre, on verra ce que désigne « la colère » : cette colère dont tous les hommes sont enfants, au dire de Paul : « Nous étions par nature enfants de colère tout comme les autres. » Que la colère n’est point une passion de Dieu, et que chacun l’attire sur lui par les péchés qu’il commet, Paul le montrera dans ce passage : « Ou bien mépriseras-tu ses trésors de bonté, de patience, de longanimité, sans reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse au repentir ? Par ton endurcissement et l’impénitence de ton coeur, tu amasses contre toi un trésor de colère pour le jour de colère où doit se révéler le juste jugement de Dieu. » Comment donc chacun peut-il amasser contre lui-même un trésor de colère pour le jour de colère, si la colère est considérée comme une passion ? Et comment la passion de colère peut-elle être un moyen d’éducation? De plus, le Logos nous enseigne à ne pas du tout nous mettre en colère, et déclare dans le psaume trente-sixième : « Laisse la colère, abandonne la fureur », et dit chez Paul : « Vous aussi rejetez tout cela : colère, fureur, méchanceté, diffamation, vilains propos. » Elle ne saurait donc avoir attribué à Dieu lui-même la passion dont elle nous demande l’abandon total. Il est bien clair que les expressions sur la colère de Dieu sont à prendre au sens figuré, à en juger par ce qui est écrit de son sommeil : comme s’il voulait l’éveiller, le prophète dit : « Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ? » et ajoute : « Le Seigneur s’éveilla comme un dormeur, comme un guerrier terrassé par le vin. » Si donc le mot sommeil a une autre signification que le sens usuel du terme, pourquoi ne pas entendre aussi la colère de la même manière ? LIVRE IV

Elle était divine, tandis que le grand Ulysse, l’ami de l’Athéna d’Homère, n’était pas divin, mais il se réjouit quand il comprit le présage annoncé par la meunière divine, au dire du poète : « Et le divin Ulysse fut plein de joie à ce présage. » Considère donc que si les oiseaux ont l’âme divine et sentent Dieu, ou, comme le dit Celse, les dieux, manifestement, nous aussi les hommes, quand nous éternuons nous le faisons parce qu’une divinité est présente en nous qui accorde à notre âme une puissance divinatrice. C’est chose attestée par un grand nombre. D’où ces mots du poète : « Mais lui éternua en faisant un voeu » ; et ces mots de Pénélope : « Ne vois-tu pas ? Mon fils a éternué à toutes tes paroles. » La véritable Divinité n’emploie, pour la connaissance de l’avenir, ni les animaux sans raison, ni les hommes quelconques, mais les plus saintes et les plus pures des âmes humaines qu’elle inspire et fait prophétiser. C’est pourquoi, entre autres admirables paroles contenues dans la Loi de Moïse, il faut placer celle-ci : « Gardez-vous de prendre des auspices et d’observer les oiseaux » ; et ailleurs : « Car les nations que le Seigneur ton Dieu anéantira devant toi écouteront présages et divinations ; mais tel n’a pas été pour toi le don du Seigneur ton Dieu. » Et il ajoute immédiatement : « Le Seigneur ton Dieu te suscitera un prophète parmi tes frères. » Et Dieu, voulant un jour détourner par un devin de la pratique de la divination, fit parler son esprit par la bouche d’un devin : « Car il n’y a pas de présage en Jacob, ni de divination en Israël ; mais en son temps il sera dit à Jacob et à Israël ce que Dieu voudra. » Reconnaissant donc la valeur de telles injonctions et d’autres semblables, nous tenons à garder ce commandement qui a un sens mystique : « Avec grand soin garde ton coeur », afin qu’aucun des démons ne pénètre dans notre esprit, et qu’aucun des esprits hostiles ne tourne à son gré notre imagination. Mais nous prions pour que resplendisse « dans nos coeurs la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu », l’Esprit de Dieu résidant dans notre imagination et nous suggérant des images dignes de Dieu : car « ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu ». LIVRE IV

Ensuite, il a ce passage sur les Juifs : ” Voici un premier trait surprenant chez les Juifs : ils vénèrent le ciel et les anges qui s’y trouvent, mais les parties du ciel les plus respectables et les plus puissantes, le soleil, la lune et les autres astres, étoiles et planètes, ils n’en ont cure: comme s’il était admissible que le tout soit dieu et que ses parties ne soient pas divines; ou que l’on rende un culte suprême à des êtres apparaissant, dit-on, je ne sais dans quelles ténèbres, à ceux qu’aveugle une magie suspecte ou qui voient en rêve des fantômes indistincts, tandis que ceux qui prédisent avec tant de clarté et d’éclat pour tout le monde, par qui sont dispensés les pluies, les chaleurs, les nuées, les tonnerres que les Juifs adorent, les éclairs, les fruits et tous les produits de la terre, ceux par qui Dieu se révèle à eux, les hérauts les plus manifestes d’en haut, les véritables messagers célestes, on les tienne pour rien ! ” Celse me semble là être tombé dans la confusion et avoir écrit des choses apprises par ouï-dire, qu’il ne comprenait pas. Car l’examen du judaïsme et sa comparaison avec le christianisme le manifestent clairement : les Juifs observent la loi disant au nom de Dieu : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne te feras pas d’image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans le ciel là-haut, ni à ce qui est sur la terre ici-bas, ou dans les eaux en-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne les serviras pas. » Ils n’adorent que le Dieu suprême Créateur du ciel et de tout le reste. Il est clair que ceux qui vivent selon la loi, s’ils adorent celui qui a fait le ciel, n’adorent point en même temps le ciel et Dieu. De plus, aucun observateur de la loi de Moïse n’adore les anges qui sont au ciel. N’adorant pas le soleil, la lune, les étoiles, « le monde du ciel », ils évitent aussi bien d’adorer le ciel et les anges qui s’y trouvent, par obéissance à leur loi : « Quand tu lèveras les yeux vers le ciel, quand tu verras le soleil, la lune, les étoiles et tout le monde du ciel, ne va pas te laisser entraîner à les adorer et à les servir : le Seigneur ton Dieu les a donnés en partage à tous les peuples. » LIVRE V

Puisque j’ai signalé la confusion qui résulte de ses méprises, tâchons de mettre au clair ce point du mieux possible, et d’établir que Celse a beau considérer comme juive la pratique d’adorer le ciel et les anges qui s’y trouvent, une telle pratique, loin d’être juive, est au contraire une transgression du judaïsme, tout comme celle d’adorer le soleil, la terre, les étoiles et encore les statues. Du moins on trouve en particulier dans Jérémie que le Logos de Dieu, par le prophète, reproche au peuple juif d’adorer ces êtres et de sacrifier « à la reine du ciel » et « à toute l’armée du ciel ». De plus, lorsque les chrétiens dans leurs écrits accusent ceux des Juifs qui ont péché, ils montrent que si Dieu abandonne ce peuple c’est entre autres à cause de ce péché. Car il est écrit dans les Actes des Apôtres à propos des Juifs : « Alors Dieu se détourna d’eux et les livra au culte de l’armée du ciel, ainsi qu’il est écrit au livre des prophètes : M’avez-vous offert victimes et sacrifices pendant quarante ans au désert, maison d’Israël ? Et vous avez porté la tente de Moloch, et l’étoile du dieu Rompha, les figures que vous aviez faites pour les adorer. » Et chez Paul, scrupuleusement élevé dans la pratique des Juifs, et plus tard converti au christianisme par une apparition miraculeuse de Jésus, voici une parole de l’Épître aux Colossiens : « Que personne n’aille vous frustrer, se complaisant dans son humilité et dans son culte des anges : visions d’illuminés qui, tout enflés du sot orgueil de leur intelligence charnelle, ne s’attachent pas à la Tête, d’où le corps tout entier, par le jeu des ligaments et jointures, tire nourriture et cohésion, pour réaliser la croissance voulue par Dieu. » Mais Celse qui n’a ni lu ni appris cela a imaginé, je ne sais pourquoi, que les Juifs ne transgressent pas leur loi en adorant le ciel et les anges qui s’y trouvent. C’est encore la confusion et la vue superficielle du sujet qui lui fait croire que les Juifs furent incités à adorer les anges du ciel par les incantations de la magie et de la sorcellerie qui font apparaître des fantômes aux incantateurs. Il n’a pas remarqué que c’eût été enfreindre la loi qui dit précisément à ceux qui veulent le faire : « Ne suivez pas les ventriloques, ne vous attachez pas aux incantateurs pour être souillés par eux : je suis le Seigneur votre Dieu». » Il lui fallait donc ou bien s’abstenir totalement d’attribuer ces pratiques aux Juifs, s’il continuait à voir en eux des observateurs de la loi et à dire qu’ils vivent selon la loi ; ou bien les leur attribuer en prouvant qu’elles étaient le fait des Juifs transgresseurs de la loi. Bien plus, si c’est déjà transgresser la loi que de rendre un culte à des êtres cachés dans je ne sais quelles ténèbres, parce qu’on est aveuglé par l’effet de la magie et qu’on voit en rêves des fantômes indistincts, et que d’adorer ces êtres qui, dit-on, alors vous apparaissent, de même aussi sacrifier au soleil, à la lune et aux étoiles, c’est commettre la transgression suprême de la loi. Donc le même homme ne pouvait dire que les Juifs se gardent d’adorer le soleil, la lune et les étoiles, mais ne se gardent pas d’adorer le ciel et ses anges. LIVRE V

Pour nous qui n’adorons pas plus les anges que le soleil, la lune et les étoiles, s’il faut justifier notre refus d’adorer ceux que les Grecs nomment des dieux visibles et sensibles, nous dirons : même la loi de Moïse sait que ces êtres ont été donnés par Dieu en partage « à toutes les nations qui sont sous le ciel », mais non plus à ceux qui ont été pris par Dieu pour sa part choisie de préférence à toutes les nations qui sont sur la terre. Du moins il est écrit dans le Deutéronome : « Quand tu lèveras les yeux vers le ciel, quand tu verras le soleil, la lune et les étoiles, et toute l’armée du ciel, ne va pas te laisser entraîner à les adorer et à les servir. Le Seigneur ton Dieu les a donnés en partage à toutes les nations qui sont sous le ciel. Mais vous, le Seigneur Dieu vous a pris et vous a fait sortir du creuset, l’Egypte, pour que vous deveniez le peuple de son héritage, comme vous l’êtes encore aujourd’hui. » Le peuple des Hébreux a donc été appelé par Dieu à être « une race choisie », « un sacerdoce royal », « une nation sainte », « un peuple qu’il s’est acquis » : lui dont il avait été prédit à Abraham par la parole du Seigneur s’adressant à lui : « Lève les yeux au ciel et compte les étoiles si tu peux les compter. Et il lui dit : Ainsi sera ta postérité. » Un peuple qui avait l’espérance de devenir comme les étoiles du ciel n’allait pas adorer celles à qui il allait devenir semblable parce qu’il comprenait et observait la loi de Dieu. En effet, il a été dit aux Juifs : « Le Seigneur votre Dieu vous a multipliés et vous êtes aujourd’hui comme les étoiles du ciel. » Voici encore, dans Daniel, une prophétie sur la résurrection : « En ce temps là, ton peuple sera sauvé, quiconque est inscrit dans le livre. Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour une vie éternelle, les autres pour une réprobation et une honte éternelles. Les sages resplendiront comme la splendeur du firmament, et du fait des justes en grand nombre, comme les étoiles pour toujours et à jamais. » De là vient aussi que Paul traitant de la résurrection dit : « Il y a des corps célestes et des corps terrestres ; mais autre est l’éclat des célestes, autre celui des terrestres. Autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat des étoiles. Car une étoile diffère en éclat d’une étoile. Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts. » LIVRE V

Je donnerai même ici à leur propos cet exemple. Notre Sauveur et Seigneur, ayant entendu un jour qu’on l’appelait : « Bon Maître », renvoya son interlocuteur à son Père : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu le Père seul. » Avec raison, en sa qualité d’Image de la bonté de Dieu, le Fils de l’amour du Père a prononcé cette parole ; mais avec combien plus de raison le soleil ne pourrait-il pas dire à ceux qui l’adorent : Pourquoi m’adores-tu ? « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. » C’est lui que, moi aussi et tous ceux qui m’accompagnent, nous adorons et nous servons. Serait-on loin de cette hauteur, qu’on n’en prie pas moins le Logos de Dieu, capable de nous guérir, et bien davantage son Père qui même aux justes d’autrefois « envoya son Logos et les guérit, et les fit échapper à leurs corruptions. » LIVRE V

Dieu donc, dans sa bonté, descend vers les hommes non par mouvement local mais par sa providence2 ; et le Fils de Dieu non seulement était présent jadis avec ses disciples, mais il l’est encore sans cesse, accomplissant la parole : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » Et si « un sarment ne peut porter de fruit s’il ne demeure sur la vigne », il est bien clair que les disciples du Logos, sarments spirituels de la Vigne véritable, le Logos, ne peuvent porter les fruits de la vertu s’ils ne demeurent sur la Vigne véritable, le Christ de Dieu. Il est avec nous qui sommes localement ici-bas sur la terre, étant avec ceux qui partout adhèrent à lui ; mais déjà il est partout même avec ceux qui ne le connaissent pas. Voilà ce que montre Jean l’Evangéliste par ces mots de Jean-Baptiste : « Au milieu de vous se tient Celui que vous ne connaissez pas, qui vient après moi. » Il a rempli le ciel et la terre, et il a dit : « Est-ce que le ciel et la terre, je ne les remplis pas moi ? dit le Seigneur » ; il est avec nous et proche de nous, car je le crois lorsqu’il dit : « Je suis un Dieu de près et non un Dieu de loin », dit le Seigneur. » Il serait donc absurde de chercher à prier le soleil, la lune ou quelque étoile, dont la présence ne s’étend pas au monde entier. LIVRE V

Accordons même qu’ils soient ses hérauts, ses messagers véritablement célestes : n’est-il pas évident, même alors, qu’il faut adorer Dieu qui proclame et annonce par eux, plutôt que ses hérauts et ses messagers ? Celse suppose que nous tenons pour rien le soleil, la lune et les étoiles. Mais eux aussi, nous reconnaissons qu’ils « aspirent à la révélation des fils de Dieu », ayant été présentement soumis « à la vanité » des corps matériels « par l’autorité de celui qui les a soumis avec l’espérance ». Si Celse avait lu tout ce que nous disons encore du soleil, de la lune et des étoiles, entre autres : « Etoiles et lumière, louez-le toutes ! » et « Cieux des cieux louez-le ! », il n’aurait pas déclaré que nous tenons pour rien ces corps sublimes qui louent si hautement le Seigneur. Mais Celse ne connaît même point la parole : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu ; car la création a été soumise à la vanité, non de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a soumise, avec l’espérance d’être elle aussi libérée de l’esclavage de la corruption pour parvenir à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » LIVRE V

Vois donc tout d’abord comme il tourne en ridicule dans ce passage l’embrasement du monde, admis même par des philosophes grecs de valeur, lorsqu’il prétend qu’en admettant la doctrine de l’embrasement, nous faisons de Dieu un cuisinier. Il n’a pas vu que, selon l’opinion de certains Grecs qui l’ont peut-être empruntée à la très ancienne nation des Hébreux, le feu est infligé en purification au monde et vraisemblablement aussi à chacun de ceux qui ont besoin d’être à la fois châtiés et guéris par le feu. Il brûle mais ne consume pas ceux en qui il n’y aurait pas de matière exigeant cette destruction par le feu, mais il brûle et consume ceux qui ont bâti, comme on dit au sens figuré, « en bois, en foin, en chaume », l’édifice de leurs actions, de leurs paroles, de leurs pensées. Les divines Écritures disent que le Seigneur visitera « comme le feu du fondeur, comme l’herbe du foulon » chacun de ceux qui ont besoin, à cause du mélange pour ainsi dire d’une malice mauvaise découlant du vice, – ont besoin, dis-je, du feu comme pour affiner les âmes mélangées d’airain, d’étain, de plomb. Voilà ce que n’importe qui peut apprendre du prophète Ézéchiel. On ne veut pas dire que Dieu applique le feu, tel un cuisinier, mais que Dieu agit en bienfaiteur de ceux qui ont besoin d’épreuve et de feu, et c’est ce que le prophète Isaïe attestera dans la sentence contre une nation pécheresse : « Puisque tu as des charbons de feu, assieds-toi sur eux, ils te seront un secours. » Le Logos, qui dispense des enseignements adaptés aux foules de ceux qui liront l’Écriture, dit avec une sagesse cachée des choses sévères pour effrayer ceux qui ne peuvent autrement se convertir du flot de leurs péchés. Même dans ces conditions, l’observateur perspicace trouvera une indication du but visé par ces châtiments sévères et douloureux à ceux qui les endurent : il suffit de citer ici le passage d’Isaïe : « A cause de mon nom, je te montrerai ma colère, et j’amènerai sur toi ma gloire pour ne pas t’exterminer. » J’ai été contraint de rapporter en termes obscurs les vérités dépassant la foi des simples qui ont besoin d’une instruction simple dans les termes ; je ne voulais point paraître laisser sans réfutation l’accusation de Celse qui dit : Lorsque Dieu, tel un cuisinier, appliquera le feu. De ce qu’on vient de dire ressortira pour les auditeurs intelligents la manière dont il faut répondre aussi à la parole : Toute autre race sera grillée, et ils seront les seuls à survivre. Rien d’étonnant que telle soit la pensée de ceux qui, parmi nous, sont appelés par l’Écriture : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, ce qui est sans naissance et que l’on méprise, ce qui n’est pas, qu’il a plu à Dieu de sauver, eux qui croient en lui, par la folie de la prédication puisque le monde par le moyen de la sagesse n’a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu ». Ils ne peuvent pénétrer le sens du passage et ne veulent pas consacrer leurs loisirs à chercher le sens de l’Écriture, en dépit de la parole de Jésus : « Scrutez les Écritures » ; et ils ont conçu une telle idée du feu appliqué par Dieu et du sort destiné au pécheur. Et sans doute convient-il de dire aux enfants des choses proportionnées à leur condition puérile à dessein, si petits qu’ils soient, de les convertir au mieux ; ainsi, à ceux que l’Écriture nomme fous dans le monde, sans naissance, objets de mépris, convient l’interprétation obvie des châtiments, puisque seules la crainte et la représentation des châtiments peuvent les convertir et les éloigner de nombreux maux. Aussi, l’Écriture déclare-t-elle que seront les seuls à survivre, sans goûter le feu et les châtiments, ceux qui sont tout à fait purs dans leurs opinions, leurs m?urs, leur esprit ; tandis que ceux qui ne le sont pas, mais, selon leur mérite, ont besoin du ministère des châtiments par le feu, elle déclare qu’ils y seront soumis jusqu’à un certain terme qu’il convient à Dieu d’assigner à ceux qui ont été créés « à son image », et ont vécu contrairement à la volonté de la nature qui est « selon l’image ». Voilà ma réponse à sa remarque : Toute autre race sera grillée, et ils seront les seuls à survivre. LIVRE V

Ensuite, pour avoir mal compris les saintes Écritures, ou entendu ceux qui ne les avaient pas pénétrées, il nous fait dire que seront seuls à survivre au moment où la purification par le feu sera infligée au monde non seulement les vivants d’alors, mais même ceux qui seront morts depuis longtemps. Il n’a pas saisi la sagesse cachée qu’enfermé la parole de l’Apôtre de Jésus : « Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, en un instant, en un clin d’oeil, au son de la trompette finale ; car la trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés. » Il aurait dû savoir la pensée qui portait l’auteur à s’exprimer de la sorte : à ne pas se présenter comme un mort, à se distinguer des morts, lui-même et ceux qui lui ressemblent, et, après avoir dit que « les morts ressusciteront incorruptibles », à ajouter : « et nous, nous serons transformés ». Pour confirmer que telle avait été la pensée de l’Apôtre, quand il a écrit ce que j’ai cité de la Première aux Corinthiens, je présenterai encore le passage de la Première aux Thessaloniciens, où Paul, en homme vivant, éveillé, distinct de ceux qui sont endormis, déclare : « Voici, en effet, ce que nous avons à vous dire sur la parole du Seigneur : nous, les vivants, qui serons encore là lors de l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas les morts. Car au signal donné, à la voix de l’Archange, au son de la trompette divine, le Seigneur en personne descendra du ciel. » Et de nouveau, après cela il ajoute, sachant que les morts dans le Christ sont différents de lui et de ceux qui sont dans le même état que lui : « Ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Ensuite, nous, les vivants, qui serons encore là, nous serons emportés ensemble avec eux dans les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs. » LIVRE V

Nous affirmons que Moïse, pour nous le prophète de Dieu et son véritable serviteur, retrace ainsi le partage des peuples de la terre dans le Cantique du Deutéronome : « Quand le Très-Haut divisait les nations, quand il répartissait les fils d’Adam, il fixa les limites des nations suivant le nombre d’anges de Dieu, mais le lot du Seigneur, ce fut son peuple Jacob, et le lot de son héritage Israël. » Sur la division des nations, le même Moïse, dans son livre de la Genèse, raconte sous la forme d’une histoire : « Et toute la terre n’avait qu’une langue, avec les mêmes mots pour tous. Et il advint que, se déplaçant du Levant, ils trouvèrent une plaine au pays de Sennaar et ils s’y établirent. » Et peu après : « Le Seigneur descendit voir la ville et la tour que les fils des hommes avaient bâtie. Et le Seigneur dit : ” Voici qu’ils ne forment qu’une seule race avec une seule langue pour tous. Ils ont commencé là leurs entreprises, et maintenant, ils n’auront de cesse qu’ils n’aient accompli tout ce qu’ils désirent. Allons ! Descendons ! Et là confondons leur langage, pour que chacun ne comprenne plus la parole de son voisin. ” Et le Seigneur les dispersa de là sur la face de toute la terre, et ils cessèrent de bâtir la ville et la tour. Voilà pourquoi on lui donna le nom de Confusion, car c’est là que le Seigneur confondit la langue de toute la terre, et c’est de là que le Seigneur les dispersa sur la face de toute la terre “. Dans le livre intitulé la Sagesse de Salomon traitant de la sagesse et de ceux qui vivaient lors de la confusion des langues, quand eut lieu le partage des peuples de la terre, il est ainsi parlé de la sagesse : « Et lorsque, unanimes en leur perversité, les nations eurent été confondues, c’est elle qui discerna le juste, le conserva sans reproche devant Dieu, et le garda fort contre sa tendresse pour son enfant.» Le sujet comporte une profonde doctrine mystique à laquelle s’applique la parole : « Il est bon de cacher le secret du roi. » Il ne faut pas livrer aux oreilles profanes la doctrine sur l’entrée des âmes dans le corps qui n’est pas due à la métensomatose ; il ne faut pas donner aux chiens les choses sacrées, ni jeter les perles aux pourceaux. Ce serait une impiété impliquant une trahison des secrets oracles de la sagesse de Dieu, d’après la belle sentence : « La sagesse n’entrera pas dans une âme perverse, elle n’habitera pas dans un corps tributaire du péché. » Pour les vérités cachées sous la forme d’une histoire, il suffît de les présenter selon la forme de cette histoire pour permettre à ceux qui le peuvent de dégager pour eux-mêmes la signification du passage. Qu’on se représente donc tous les peuples sur la terre, usant d’une même langue divine et, aussi longtemps du moins qu’ils vivent en accord les uns avec les autres, persistant à user de cette langue divine. Ils restent sans s’éloigner du Levant tant qu’ils ont l’esprit sensible aux effets de la lumière et du rayonnement « de la lumière éternelle ». Et quand, l’esprit rempli de préoccupations étrangères au Levant, ils se sont éloignés du Levant, ils trouvent « une plaine dans le pays de Sennaar », ce qui s’interprète ébranlement des dents pour indiquer symboliquement qu’ils ont perdu les moyens de se nourrir ; et ils y habitent. Ils veulent ensuite rassembler des matériaux et unir au ciel ce qui ne peut naturellement y être uni, pour conspirer avec la matière contre ce qui est immatériel. LIVRE V

Ensuite, dans la mesure où le permet la forme du récit qui, tout en ayant en lui-même une certaine vérité historique, manifeste en outre un sens caché, il faut voir que certains ont conservé leur langue originelle, parce qu’ils ne se sont pas éloignés du Levant mais restent au Levant et dans la langue du Levant ; il faut comprendre que ceux-là seuls sont devenus la part du Seigneur et son peuple du nom de Jacob, et devenus aussi « le lot de son héritage, Israël » ; ceux-là seuls ont été soumis à un souverain qui n’a pas reçu comme les autres ses sujets pour les punir. Que l’on observe, autant qu’on le peut humainement, que dans la société de ceux qui ont été attribués au Seigneur comme sa part de choix des péchés ont été commis, d’abord tolérables et ne méritant pas à leurs auteurs un complet abandon, ensuite plus nombreux mais encore tolérables. Comprenons que cette situation dura assez longtemps et qu’alors il y avait toujours un remède, et qu’ils se convertissaient par intervalles. Il faut voir qu’en proportion des péchés qu’ils commettaient, ils ont été abandonnés aux puissances maîtresses des autres contrées. D’abord modérément frappés de châtiments et de peines pour ainsi dire éducatrices, ils sont revenus dans leur patrie ; mais ensuite, il faut considérer qu’ils ont subi la tyrannie très rude des Assyriens, puis des Babyloniens comme les nomme l’Écriture. Ensuite il faut voir que, malgré l’application de ces remèdes, ils ont néanmoins multiplié leurs péchés et, pour cette raison, ont été dispersés dans les autres parties de la terre par les chefs des autres nations qui ravagèrent leur pays. Mais leur chef les laisse à dessein démembrer par les chefs du reste des nations afin qu’à son tour, comme par vengeance personnelle, ayant reçu la faculté d’arracher au reste des nations ceux qu’il pourrait, il l’exerçât avec raison, leur donnât des lois et leur proposât le genre de vie à suivre, afin de les conduire au but où il a conduit ceux du premier peuple qui n’ont pas péché. LIVRE V

Ces remarques non seulement réfutent sa théorie des puissances tutélaires, mais dans une certaine mesure préviennent ce que dit Celse contre nous : Mais que paraisse le second choeur: je leur demanderai d’où ils viennent, quel est l’auteur de leurs lois traditionnelles. Ils ne pourront désigner personne. En fait, c’est de là qu’ils sont venus eux aussi, ils ne peuvent indiquer pour leur maître et chef de choeur une autre origine. Néanmoins, ils se sont séparés des Juifs. Eh bien ! nous venons tous, « en ces derniers jours » où notre Jésus nous a visités, « à la splendide montagne du Seigneur », sa Parole, « bien au-dessus » de toute autre parole, et à la maison de Dieu, « qui est l’Église du Dieu vivant, colonne et soutien de la vérité ». Nous la voyons bâtie « sur les sommets des montagnes », les paroles de tous les prophètes qui lui servent de fondation. Cette maison s’élève « bien au-dessus des collines », ces hommes qui paraissent promettre une supériorité en sagesse et en vérité. Et nous, « toutes les nations », nous montons vers elle, nous avançons, nations en foule, nous exhortant mutuellement à l’adoration de Dieu qui, « en ces derniers jours », a resplendi par Jésus-Christ : « Allons et montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob. Il nous annoncera sa voie, et nous avancerons par elle. » Car « la loi » est sortie des habitants de « Sion », et elle est passée à nous toute spirituelle. De plus, « la parole du Seigneur » est sortie de cette « Jérusalem » pour être partout répandue et pour juger « chacun au milieu des nations » en se réservant ceux qu’elle voit dociles, mais pour condamner « la multitude » indocile. LIVRE V

Puisque Celse entend assimiler les lois sacrées des Juifs aux lois de certains peuples, qu’on me laisse examiner encore ce point. Il pense que la doctrine sur le ciel n’est pas différente de la doctrine sur Dieu, et il dit que les Perses, comme les Juifs, offrent des sacrifices à Zeus, en montant sur les plus hauts sommets. Il ne voit pas que les Juifs ne reconnaissent qu’un seul Dieu, et de même n’ont qu’une sainte maison de la prière, qu’un autel des holocaustes, qu’un encensoir pour l’encens, qu’un grand-prêtre de Dieu. Les Juifs n’avaient donc rien de commun avec les Perses qui montent sur les plus hauts sommets qui sont en grand nombre, et accomplissent des sacrifices qui n’ont rien de comparable à ceux de la loi mosaïque. D’après celle-ci, les prêtres juifs célébraient un culte « qui était l’image et l’ombre des réalités célestes », mais exposaient en secret la signification de la loi sur les sacrifices et les réalités dont ils étaient les figures. Que les Perses appellent donc Zeus tout le cercle du ciel ; pour nous, nous déclarons que le ciel n’est ni Zeus, ni Dieu, car nous savons qu’il y a aussi des êtres inférieurs à Dieu, élevés au-dessus des cieux et de toute nature sensible. Voilà dans quel sens nous comprenons les paroles : « Louez Dieu, cieux des cieux, et eaux par-dessus les cieux : qu’ils louent le nom du Seigneur ! » LIVRE V

S’il en va ainsi des noms humains, que faut-il penser des noms attribués pour une raison ou l’autre à la divinité ? Par exemple, il y a en grec une traduction du mot Abraham, une signification du nom Isaac, un sens évoqué par le son Jacob. Et si, dans une invocation ou un serment, on nomme « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », la formule produit son effet, soit par la qualité naturelle de ces noms, soit par leur puissance. Car les démons sont vaincus et dominés par celui qui prononce ces noms. Mais si l’on dit : le Dieu du père choisi de l’écho, le Dieu du rire, le Dieu du supplanteur, on n’obtient pas plus d’effet qu’avec un autre nom dépourvu de puissance. On n’aurait pas plus de résultat en traduisant en grec ou dans une autre langue le nom d’Israël ; mais, en le conservant et en lui adjoignant ceux auxquels ont coutume de l’unir les gens experts en la matière, on peut réaliser l’effet promis à ces invocations faites dans cette langue. On dira la même chose du mot Sabaoth, fréquemment employé dans les incantations. A traduire ce nom : Seigneur des puissances, Seigneur des Armées, Tout-Puissant – car ses traducteurs lui donnent différentes acceptions ?, l’effet en sera nul ; alors que si on lui garde sa sonorité propre, on obtiendra de l’effet, au dire des spécialistes. On dira la même chose du mot Adonaï. Si donc ni Sabaoth, ni Adonaï, dans la traduction grecque de ce qu’ils semblent signifier n’ont aucun effet, combien plus seront-ils dépourvus d’efficacité et de puissance quand on croit qu’il est indifférent d’appeler Zeus Très-Haut, Zen, Adonaï, Sabaoth ! Instruits de tels secrets et d’autres semblables, Moïse et les prophètes ont interdit de prononcer « les noms d’autres dieux » par une bouche habituée à ne prier que le Dieu suprême, et de se ressouvenir d’eux dans un c?ur exercé à se garder de toute vanité de pensées et de paroles. C’est aussi la raison pour laquelle nous préférons supporter tous les mauvais traitements plutôt que de reconnaître Zeus pour Dieu. Car nous pensons que Zeus n’est pas identique à Sabaoth mais que, loin d’être une divinité, il n’est qu’un démon prenant plaisir à être ainsi nommé, ennemi des hommes et du Dieu véritable. Et même si les Égyptiens nous proposent Amon en nous menaçant de châtiments, nous mourrons plutôt que de proclamer Amon dieu : c’est un nom probablement usité dans certaines incantations égyptiennes qui évoquent ce démon. Libre aux Scythes de nommer Papaeos le Dieu suprême : nous ne le croirons pas. Nous admettons bien le Dieu suprême, mais refusons de donner à Dieu le nom propre de Papaeos, qui n’est qu’un nom agréable au démon ayant en partage le désert, la race et la langue des Scythes. Mais ce n’est pas pécher que de donner à Dieu le nom commun en langue scythe, égyptienne, ou toute autre langue maternelle. LIVRE V

Celse ajoute encore :” C’est donc le même Dieu qu’ont les Juifs et ces gens-là, ” évidemment les chrétiens. Et comme s’il tirait une conclusion qu’on ne saurait lui accorder, il dit :” C’est bien ce que reconnaissent ouvertement ceux de la grande Église qui reçoivent pour véridique la tradition courante parmi les Juifs sur la création du monde, par exemple sur les six jours et sur le septième. Ce jour-là,” dit l’Écriture, ” Dieu arrêta ses travaux, se retirant dans la contemplation de lui-même. Celse, ne remarquant pas ou ne comprenant pas ce qui est écrit, traduit se reposa, ce qui n’est pas écrit. Mais la création du monde et le repos sabbatique réservé après elle au peuple de Dieu offrent matière à une doctrine ample, profonde et difficile à expliquer. Il me paraît ensuite gonfler son livre et lui donner quelque importance en ajoutant des traits au hasard, par exemple l’histoire du premier homme que nous disons identique à celui que nommèrent les Juifs; et la généalogie de ses descendants que nous déterminons comme eux. Quant au complot que les frères ont ourdi l’un contre l’autre, je l’ignore. Je connais celui de Caïn contre Abel et celui d’Esaü contre Jacob. Mais il n’y en eut pas d’Abel contre Caïn, ni de Jacob contre Esaü. S’il y en avait eu, Celse aurait raison de dire que nous racontons après les Juifs les mêmes complots que les frères ont ourdis l’un contre l’autre. Accordons encore que nous parlons, eux et nous, de la même descente en Egypte, et du même exode de ce pays, et non pas d’une fuite comme pense Celse. Y a-t-il là de quoi fonder une accusation contre nous ou contre les Juifs ? Quand il pensait nous ridiculiser par l’histoire des Hébreux, il parlait de fuite ; mais quand il s’agissait d’examiner l’histoire des plaies que Dieu infligea à l’Egypte, il a préféré se taire. S’il faut préciser ma réponse à Celse, pour qui nous avons les mêmes opinions que les Juifs sur ces questions, je dirai : nous reconnaissons comme eux que ces livres ont été écrits par inspiration divine, mais nous ne sommes plus d’accord sur l’interprétation de leur contenu. Nous ne vivons pas comme les Juifs, car nous pensons que le sens de la législation dépasse l’interprétation littérale des lois. Et nous disons : « Toutes les fois que Moïse est lu, un voile est étendu sur leur c?ur », car l’intention de la loi de Moïse est cachée à ceux qui ne sont pas engagés avec ardeur sur la voie indiquée par Jésus-Christ. Nous savons que, « quand on se convertit au Seigneur – et le Seigneur c’est l’Esprit -, le voile » tombe ; l’on réfléchit pour ainsi dire comme en un miroir « à visage découvert la gloire du Seigneur » qui est dans les pensées cachées sous la lettre, et l’on participe pour sa propre gloire à ce qu’on appelle la gloire divine. Le mot visage, employé au figuré, est tout simplement ce qu’on pourrait dire entendement, et tel est le visage « selon l’homme intérieur », rempli de lumière et de gloire par la vérité contenue dans ces lois. LIVRE V

Loin de moi la pensée de critiquer Platon : de lui aussi la grande foule des hommes a retiré des avantages ; mais je veux mettre en lumière l’intention de ceux qui ont dit : « Ma doctrine et ma prédication n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c’était une démonstration de l’Esprit et de la puissance, afin que notre foi reposât non point sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu. » Le divin Logos déclare que prononcer un mot, fut-il en lui-même vrai et très digne de foi, n’est pas suffisant pour toucher l’âme humaine sans une puissance donnée par Dieu à celui qui parle et une grâce qui rayonne dans ses paroles, véritable don de Dieu à ceux dont la parole est efficace. C’est bien ce que dit le prophète dans le psaume soixante-septième : « Le Seigneur donnera sa parole à ceux qui prêchent avec grande puissance. » LIVRE VI

5. Ensuite, que soudain comme d’une flamme jaillissante surgit une lumière dans l’âme, le Logos l’a su le premier, au dire du prophète : « Illuminez-vous vous-mêmes de la lumière de la connaissance. » Et Jean, qui a vécu après lui, dit encore : « Ce qui fut fait » était « vie » dans le Logos, « et la vie était la lumière des hommes, lumière véritable, qui éclaire tout homme qui vient dans le monde » véritable et intelligible, et qui le constitue « lumière du monde ». Car « il a fait luire cette lumière dans nos coeurs pour qu’y resplendisse l’Évangile de la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ ». C’est pourquoi un prophète très ancien, dans ses prédictions antérieures de plusieurs générations au règne de Cyrus qu’il précède de quatorze générations, a pu dire : « Le Seigneur est mon illumination et mon Sauveur : qui craindrai-je ? » ; « Ta loi est un flambeau sur mes pas, une lumière sur mon sentier » ; « La lumière de ta face est scellée sur nous, Seigneur » ; « Par ta lumière nous voyons la lumière. » C’est à cette lumière que le Logos nous exhorte dans Isaïe : « Illumine-toi, illumine-toi, Jérusalem ; car voici ta lumière, et sur toi s’est levée la gloire du Seigneur. » Et ce même auteur prophétise sur la venue de Jésus qui détournerait du culte des idoles, des statues et des démons : « Une lumière s’est levée pour ceux qui se tenaient dans le pays et l’ombre de la mort » ; et de nouveau : « Le peuple qui se tenait dans les ténèbres a vu une grande lumière. » LIVRE VI

En voici le texte : « Jurez aussi par le Dieu de l’univers, chef de ce qui est et de ce qui sera, Père et Seigneur de celui qui est la raison et la cause, ce Dieu que, par l’exercice de la vraie philosophie, nous connaîtrons tous avec toute la clarté possible aux bienheureux. » LIVRE VI

Toujours le suit de près Justice, qui venge la loi divine de ceux qui s’en écartent; et qui veut le bonheur s’attache à elle pour la suivre de près, humble et rangé. » Il n’a pas vu que chez des sages bien antérieurs à Platon il est dit dans une prière : « Seigneur, mon coeur n’est pas devenu hautain, ni mes regards altiers ; je n’aurais point marché dans des chemins sublimes et admirables qui me dépassent, si je ne m’étais humilié. » Ce texte montre bien d’emblée qu’il n’est pas du tout nécessaire que celui qui s’humilie s’abaisse d’une manière inconvenante et déshonorante, se précipite à terre sur les genoux et se prosterne, se revête de haillons et se couvre de cendre. Car, selon le prophète, celui qui s’humilie en marchant dans des chemins sublimes et admirables qui le dépassent, dans des doctrines véritablement sublimes et admirables, s’humilie lui-même « sous la puissante main de Dieu ». LIVRE VI

De plus, notre Sauveur et Seigneur, le Logos de Dieu montre la sublimité de la connaissance de son Père, car il n’est compris et connu comme il le mérite que de lui seul principalement, et secondairement de ceux qui ont l’esprit illuminé par lui-même, qui est Logos et Dieu. Il déclare donc : « Nul n’a connu le Fils si ce n’est le Père, ni le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils le révélera . » Personne en effet ne peut connaître dignement l’Incréé, Premier-né de toute la nature créée, comme le Père qui l’a engendré, ni le Père comme le Logos vivant, sa Sagesse et sa Vérité. En se communiquant, il écarte du Père ce qui est appelé les ténèbres dont il fait sa retraite et l’abîme présenté comme son vêtement : il révèle ainsi le Père et quiconque a la capacité de le connaître connaît le Père. LIVRE VI

Celse dit ensuite : Pour avoir mal compris les expressions platoniciennes, certains chrétiens exaltent le Dieu supracéleste et s’élèvent au-dessus du ciel des Juifs. Mais il ne précise pas s’ils s’élèvent même au-dessus du Dieu des Juifs, ou seulement du ciel par lequel jurent les Juifs. Or, le sujet présent n’est point de parler de ceux qui annoncent un autre Dieu que celui qui est aussi adoré par les Juifs, mais de nous défendre et de montrer que les prophètes des Juifs, reconnus parmi nous, ne peuvent avoir appris quelque chose de Platon : car ils étaient plus anciens que lui. Nous n’avons pas non plus emprunté à Platon le passage : « Autour du Roi de l’univers gravitent toutes choses ; c’est pour lui qu’elles sont toutes. » Mais nous avons appris des prophètes une doctrine mieux exprimée que celle-là ; car Jésus et ses disciples ont clairement expliqué l’intention de l’Esprit qui était dans les prophètes, et qui n’est autre que l’Esprit du Christ. Et le philosophe n’est pas le premier à parler d’un lieu supracéleste : depuis longtemps David avait noté la profondeur et l’abondance des pensées sur Dieu que possèdent ceux qui s’élèvent au-dessus du sensible, en disant au livre des Psaumes : « Louez Dieu, cieux des cieux, et eaux de dessus les cieux ; qu’ils louent le nom du Seigneur ! » LIVRE VI

Ainsi, à qui peut comprendre, Paul présente sans ambages les choses sensibles, sous le nom de visibles et les réalités intelligibles que l’esprit seul peut saisir, sous le nom d’invisibles. Il sait que les choses sensibles ou visibles n’ont qu’un temps, que les réalités intelligibles ou invisibles sont éternelles. Pour parvenir à leur contemplation, soutenu par l’ardent désir qui le porte vers elles, il regarde toute tribulation comme un rien ou une chose bien légère. Au temps même de la tribulation et des épreuves, loin d’en être accablé, il regarde comme légère toute vicissitude, grâce à la contemplation de ces réalités. Car nous avons « un Grand-Prêtre insigne qui a pénétré les cieux » par la grandeur de sa puissance et de son esprit, « Jésus le Fils de Dieu ». Il a promis à ceux qui ont véritablement appris les choses divines et qui ont vécu d’une manière digne d’elles, de les conduire aux biens qui sont au-delà du monde. Car il dit : « Afin que là où je suis, vous soyez vous aussi ». C’est pourquoi nous espérons après les peines et les luttes d’ici-bas, parvenir aux sommets célestes, et recevoir des sources « d’eau jaillissant en vie éternelle » suivant l’enseignement de Jésus, contenir des fleuves de contemplations et être avec ces eaux dites supracélestes qui louent le nom du Seigneur. Tant que durera notre louange, nous ne serons pas emportés loin du cercle du ciel, mais nous nous appliquerons à contempler les oeuvres invisibles de Dieu : elles nous seront perceptibles non plus comme « depuis la création du monde grâce aux choses créées », mais comme l’a indiqué le véritable disciple de Jésus en disant : « mais alors, face à face », et « Quand viendra ce qui est parfait, ce qui est imparfait disparaîtra. » LIVRE VI

Les Écritures reçues dans les églises de Dieu ne rapportent pas qu’il y ait sept deux, ou même un nombre nettement défini ; mais la Bible paraît enseigner qu’il y a plusieurs cieux, qu’il s’agisse des sphères de ce que les Grecs nomment des planètes ou de quelque chose d’autre plus mystérieux. Celse, après Platon, dit que la route des âmes pour aller vers la terre et en revenir passe par les planètes. Mais Moïse, notre prophète le plus ancien, raconte la vision de notre patriarche Jacob : dans un songe envoyé de Dieu, lui apparut une échelle arrivant jusqu’au ciel, par où les anges de Dieu montaient et descendaient, tandis que le Seigneur s’appuyait à son somme». Peut-être à propos de cette échelle suggérait-il les vues précédentes, ou quelques vérités supérieures. Cette échelle a fourni le sujet d’un livre de Philon qui mérite l’examen réfléchi et intelligent de ceux qui aiment la vérité. LIVRE VI

Ayant trouvé dans l’Évangile la Géhenne décrite comme le lieu des châtiments, j’ai cherché si elle est nommée en quelque endroit des anciennes Écritures, d’autant plus que les Juifs emploient ce nom. J’ai trouvé un passage dans l’Écriture où on nomme le Ravin « du fils d’Ennom », mais j’ai appris qu’en hébreu, au lieu de Ravin, il était dit dans le même sens « le Ravin d’Ennom et la Géhenne ». Par une observation attentive des leçons du texte je trouve aussi mentionnée, dans le lot de la tribu de Benjamin, la Géhenne ou le Ravin d’Ennom, où était aussi Jérusalem. Recherchant quelle conclusion tirer du fait que la Jérusalem céleste était du lot de Benjamin ainsi que le Ravin d’Ennom, je trouve une allusion au lieu des châtiments que certaines âmes subissent pour être purifiées par l’épreuve. Car il est écrit : « Voici le Seigneur qui vient comme le feu du fondeur, comme la potasse du foulon. Et il s’assiéra, fondant et purifiant comme s’il s’agissait d’or et d’argent. » LIVRE VI

L’expression une nouvelle descente étroite pourrait venir de ceux qui admettent la métensomatose. Vraisemblablement la phrase : les portes qui s’ouvrent d’elles-mêmes, a été employée par ceux qui expliquent en termes obscurs le texte : « Ouvre-moi les portes de la justice, que j’y entre et confesse le Seigneur ; voici la porte du Seigneur, par elle entreront les justes. » Ou encore, dans le psaume neuvième : « Tu me fais remonter des portes de la mort, pour que je publie toutes tes louanges aux portes de la fille de Sion. » Par portes de la mort, l’Écriture désigne les péchés conduisant à la perdition, au contraire, par « portes de Sion » elle désigne les bonnes actions ; et ainsi, « portes de la justice » équivaut à « portes de la vertu » : elles s’ouvrent d’emblée à ceux qui s’appliquent aux actes de vertu. LIVRE VI

Après cela, comme s’il oubliait son propos d’écrire contre les chrétiens, il déclare avoir ouï dire à un certain Denys d’Egypte, musicien, que les pratiques de la magie n’ont de pouvoir que sur les gens sans culture et aux moeurs corrompues, mais restent sans effet sur les philosophes parce qu’ils ont à coeur de mener une vie saine. S’il était question pour moi de discuter ici de magie, j’aurais à ajouter quelques remarques à ce que j’en ai dit plus haut ; mais puisqu’il faut répondre du mieux possible au traité de Celse, je dis : pour savoir si même les philosophes sont séduits ou non par la magie, il n’y a qu’à lire ce qu’a écrit Méragène des mémoires d’Apollonius de Tyane, mage et philosophe. L’auteur, non chrétien mais philosophe, a observé que certains philosophes de valeur, séduits par le pouvoir magique d’Apollonius, étaient venus à lui le regardant comme un sorcier ; de ce nombre il mentionne, je crois, le fameux Euphratès et un Epicurien. Mais nous, nous affirmons avec énergie et savons par expérience que ceux qui servent le Dieu suprême selon la doctrine chrétienne et vivent en conformité avec son Évangile, s’acquittant des prières prescrites continuellement et avec la révérence exigée de nuit et de jour, ne sont séduits ni par la magie ni par les démons. Car en vérité, « l’ange du Seigneur établit ses tentes autour de ceux qui le craignent et il les protège » de tout mal. Et les anges des petits enfants de l’Église, préposés à leur garde, est-il dit, « voient sans cesse la face du Père qui est au ciel », quel que soit le sens du mot « face » et le sens du mot « voir ». LIVRE VI

Vois donc si manifestement il ne s’égare pas lui-même quand il nous accuse de nous égarer dans une impiété extrême très loin des énigmes divines : il n’a pas remarqué que les écrits de Moïse, bien antérieurs non seulement à Héraclite et Phérécyde mais encore à Homère, ont introduit la doctrine de cet esprit pervers tombé du ciel. Car cette doctrine est suggérée par l’histoire du serpent, origine de l’Ophionée de Phérécyde, serpent qui provoqua l’expulsion de l’homme du Paradis de Dieu : il avait trompé la femme en lui promettant la divinité et les biens supérieurs, et on nous dit que l’homme l’avait suivie. Et l’Exterminateur dont parle l’Exode de Moïse, quel autre peut-il être sinon celui qui cause la perte de ceux qui lui obéissent sans résister à sa malice ni la combattre ? Et le bouc émissaire du Lévitique, nommé par l’écriture hébraïque Azazel, c’est encore lui : il fallait que celui sur qui était tombé le sort fût chassé et offert en sacrifice expiatoire dans le désert ; tous ceux en effet qui par leur malice font partie du mauvais lot, ennemis de ceux qui forment l’héritage de Dieu, sont désertés de Dieu. Et « les fils de Bélial », dans les Juges, de quel autre sinon de lui sont-ils dits les fils à cause de leur perversité ? Outre tous ces exemples, dans le livre de Job, plus ancien que Moïse lui-même, il est dit clairement que « le diable » s’est présenté à Dieu et a demandé la puissance sur Job, afin de lui infliger de très lourdes épreuves : la première, la perte de tous ses biens et de ses enfants, la seconde, de couvrir tout le corps de Job d’une cruelle éléphantiasis, comme on appelle cette maladie». Je laisse de côté les récits évangéliques des tentations que le diable fit subir au Sauveur, je ne veux pas sembler prendre dans les Écritures plus récentes les arguments de la discussion avec Celse. Mais encore dans les dernières pages de Job, où du milieu de l’ouragan et des nuées le Seigneur adressa à Job le discours rapporté au livre qui porte son nom, il est possible de prendre plusieurs renseignements sur le dragon. Et je ne parle pas encore des indications tirées d’Ézéchiel, comme sur « Pharaon ou Nabuchodonosor » ou le prince de Tyr ; ou d’Isaïe où on se lamente sur le roi de Babylone ; on peut en tirer bien des renseignements sur la malice, son origine et son commencement, et la manière dont cette malice résulta de ce que certains êtres perdirent leurs ailes et prirent la suite du premier qui avait perdu ses ailes. LIVRE VI

Si elle fait défaut à quelqu’un c’est pour sa négligence à recevoir le pain vivant et la boisson véritable : nourri et désaltéré par eux, l’être ailé se restaure, suivant le mot de Salomon le très sage sur le véritable riche : « Il s’est fait les ailes comme l’aigle et s’en retourne vers la maison de son Seigneur. » Car il fallait que Dieu, qui sait utiliser pour le bien même les conséquences de la malice, assignât quelque place dans l’univers aux êtres à ce point méchants, et instituât une arène pour la vertu, destinée à ceux qui désirent lutter « selon les règles » pour la reconquérir ; il entendait que, après avoir été éprouvés par la malice des démons comme l’or par le feu, après avoir tout fait pour éviter la moindre dégradation de leur nature raisonnable, ils se révèlent dignes de monter jusqu’aux réalités divines et soient élevés par le Logos à la béatitude qui surpasse tout et, si j’ose dire, au sommet des biens. LIVRE VI

Paul nous parle de l’« Antéchrist », enseigne et établit, non sans quelque réserve mystérieuse, la manière, la date et la raison de sa venue au genre humain. Et vois si l’exposé qu’il en donne n’est pas du plus grand sérieux, sans mériter la moindre raillerie. Il s’exprime en ces termes : « Nous vous le demandons, frères, à propos de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et de notre rassemblement auprès de lui, ne vous laissez pas trop vite troubler l’intelligence ni alarmer par un esprit, une parole, une lettre soi-disant de nous, annonçant que le Jour du Seigneur est déjà là. Que personne ne vous abuse d’aucune manière ; car il faut d’abord que vienne l’apostasie, et que se révèle l’homme impie, l’être perdu, l’Adversaire, celui qui s’élève au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui-même comme Dieu. Ne vous souvient-il pas que je vous le disais quand j’étais encore près de vous ? Et vous savez que ce qui le retient présentement de façon qu’il ne se révèle qu’à son moment. LIVRE VI

Dès maintenant, oui, le mystère de l’impiété est à l’oeuvre, seulement jusqu’à ce que celui qui le retient encore ait disparu. Et alors l’Impie se révélera, et le Seigneur Jésus le détruira du souffle de sa bouche, l’anéantira par l’éclat de sa venue. La venue de l’Impie se fera, par l’action de Satan, avec toutes sortes d’oeuvres de puissance, de signes, de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l’injustice pour ceux qui se perdent, faute d’avoir accueilli l’amour de la vérité pour être sauvés. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une influence qui les égare, pour qu’ils croient au mensonge, afin que soient condamnés tous ceux qui, ayant refusé de croire à la vérité, se sont complus dans l’injustice. » LIVRE VI

Et il n’y a rien d’étonnant si, déclarant que l’âme de Jésus est unie au très grand Fils de Dieu par une participation suprême avec lui, nous ne la séparons plus de lui. Les saintes paroles des divines Écritures connaissent également d’autres exemples d’êtres qui, tout en étant deux par leur propre nature, se trouvent cependant considérés et constitués l’un avec l’autre en un seul. Par exemple, il est dit de l’homme et de la femme : « Ils ne sont plus deux, mais une seule chair » ; et de l’homme parfait uni au Seigneur véritable, Logos, Sagesse, Vérité : « Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit avec lui. » Or, si « celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit », qui donc mieux ou autant que l’âme de Jésus se trouve uni au Seigneur, le Logos en personne, la Sagesse en personne, la Vérité en personne, la Justice en personne ? S’il en est ainsi, l’âme de Jésus et le Dieu Logos, « Premier-né de toute créature», ne sont pas deux. LIVRE VI

Pour expliquer le récit mosaïque de la création, il faudrait un long commentaire : je l’ai fait de mon mieux, bien avant d’entreprendre ce traité contre Celse, en discutant durant plusieurs années selon ma capacité d’alors les six jours du récit mosaïque de la création du monde. Il faut bien savoir pourtant que le Logos promet aux justes par Isaïe qu’il y aura encore des jours à la restauration où « le Seigneur » lui-même et non plus le soleil sera « leur lumière éternelle et où Dieu sera leur gloire ». Mais pour avoir mal compris, je pense, une secte pernicieuse qui explique à tort le mot « que la lumière soit ! » comme exprimant un souhait de la part du Créateur, Celse ajouta : Ce n’est tout de même pas de la manière dont on allume sa lampe à celle du voisin que le Créateur a emprunté d’en haut la lumière ! Et, pour avoir mal compris une autre secte impie, il dit encore : S’il y avait un dieu maudit ennemi du Grand Dieu, créant contre sa volonté, pourquoi lui prêterait-il sa lumière ? Loin de moi l’idée de répondre à ces critiques ! Je veux au contraire plus nettement convaincre ces gens d’erreur et me dresser, non pas à la manière de Celse contre celles de leurs affirmations dont je n’ai pas connaissance, mais contre celles que je connais avec précision soit pour les avoir entendues d’eux-mêmes, soit pour avoir lu soigneusement leurs traités. LIVRE VI

Ensuite il mélange les sectes, je pense, et ne précise pas les doctrines d’une secte et celles d’une autre. Ce sont nos propres critiques à Marcion qu’il nous oppose ; peut-être les a-t-il mal comprises de la bouche de certains qui s’en prennent à la doctrine d’une manière vulgaire et triviale, et assurément sans aucune intelligence. Il cite donc les attaques faites à Marcion et, omettant d’indiquer qu’il parle contre lui, il déclare : Pourquoi envoyer secrètement détruire les oeuvres du démiurge ? Pourquoi l’irruption clandestine, la séduction, la tromperie? Pourquoi ramener les âmes que, d’après vous, le démiurge a condamnées ou maudites, et les dérober comme un marchand d’esclave ? Pourquoi leur enseigner à se soustraire à leur Seigneur ? Pourquoi, à fuir leur Père ? Pourquoi les adopter contre la volonté du Père? Pourquoi se proclamer le Père d’enfants étrangers ? A quoi il ajoute, feignant la surprise : Le beau dieu, en vérité, qui désire être le père de pécheurs condamnés par un autre, d’indigents ou, comme ils disent eux-mêmes, de déchets ! Le dieu incapable de reprendre et de punir celui qu’il a envoyé pour les dérober ! Après quoi, comme s’il s’adressait à nous qui confessons que ce monde n’est pas l’oeuvre d’un dieu étranger ou hostile, il déclare : Si ces oeuvres sont de Dieu, comment pouvait-il créer le mal ? Comment est-il incapable de persuader, de réprimander ? Comment peut-il, quand les hommes sont devenus ingrats et pervers, se repentir, blâmer et haïr son oeuvre, menacer et détruire ses propres enfants ? Sinon, où donc peut-il les reléguer hors de ce monde qu’il a lui-même créé ? Là encore, faute d’élucider la question du mal, alors que même parmi les Grecs il y a plusieurs écoles sur le bien et le mal, il me semble bien faire une pétition de principe : de notre affirmation que même ce monde est l’oeuvre du Dieu suprême, il conclut que, d’après nous, Dieu serait l’auteur du mal. LIVRE VI

Voyons donc brièvement la question du bien et du mal à la lumière des divines Écritures, et la réponse à faire à l’objection : Comment Dieu pouvait-il créer le mal ? Comment est-il incapable de persuader, de réprimander ? D’après les divines Écritures, le bien au sens propre consiste dans les vertus et les actions vertueuses, et le mal au sens propre, dans leurs contraires. Je me contenterai ici des paroles du psaume trente-troisième qui établissent ce point : « Qui cherche le Seigneur ne manque d’aucun bien. Venez, mes enfants, écoutez-moi, je vous apprendrai la crainte du Seigneur. Quel est l’homme qui désire la vie, qui aime voir des jours heureux ? Garde ta langue du mal, tes lèvres des paroles trompeuses. Détourne-toi du mal et fais le bien. » En effet, l’injonction « détourne-toi du mal et fais le bien » n’a en vue ni le bien et le mal physiques, comme les nomment certains, ni les choses extérieures, mais le bien et le mal de l’âme. Car justement, celui qui s’est détourné de ce genre de mal et accomplit ce genre de bien par désir de la vie véritable y parviendra ; « Celui qui aime voir des jours heureux » où le Logos est le soleil de justice les atteindra, Dieu le délivrant « du monde présent qui est mauvais » et de ces mauvais jours dont Paul disait : « Mettez à profit le temps présent ; car les jours sont mauvais. » LIVRE VI

Mais on trouverait, au sens impropre, que, dans l’ordre des choses physiques et extérieures, ce qui concourt à la vie naturelle est estimé bien et ce qui s’y oppose est jugé mal. Ainsi Job dit à sa femme : « Si nous avons reçu le bien de la main du Seigneur, ne supporterions-nous pas le mal» ? » Aussi trouve-t-on dans les divines Écritures ce passage attribué à Dieu : « C’est moi qui fais la paix et qui crée le mal », et cet autre où on dit de lui : « Le mal est descendu d’auprès du Seigneur contre les portes de Jérusalem, bruit de chars et de cavaliers. » Ces textes ont troublé bien des lecteurs de l’Écriture, incapables de discerner ce qu’elle désigne par bien et mal. De là provient sans doute l’objection de Celse : Comment pouvait-il créer le mal ? ou bien, c’est à la suite d’une explication simpliste de ces passages qu’il a formulé l’objection. LIVRE VI

Mais, à prendre le terme au sens impropre de maux physiques et extérieurs, on accorde que parfois Dieu en crée un certain nombre qu’il fait servir à la conversion. Et qu’y a-t-il d’absurde dans cette doctrine ? Si l’on entend par maux au sens impropre les peines qu’infligent les pères, les maîtres et les pédagogues à ceux qu’ils éduquent, ou les médecins à ceux qu’ils amputent ou cautérisent pour les guérir, on peut dire que le père fait mal à ses enfants comme les maîtres, les pédagogues ou les médecins, sans accuser le moins du monde ceux qui frappent ou qui amputent. Ainsi, la doctrine n’a-t-elle rien d’absurde quand l’Écriture dit que Dieu applique de pareils traitements pour convertir et guérir ceux qui ont besoin de ces peines, ni quand elle dit que « les maux descendent d’auprès du Seigneur contre les portes de Jérusalem », puisque ces maux consistent dans des peines infligées par les ennemis pour la conversion ; ou qu’il châtie « avec la verge les iniquités » de ceux qui ont transgressé la loi de Dieu, et « leurs péchés avec les fouets » ; ou quand Dieu dit : « Tu as des charbons de feu ; assieds-toi sur eux, ce sera ton secours. » De cette manière aussi nous expliquons : « C’est moi qui fais la paix et qui crée le mal. » Il crée les maux physiques et extérieurs pour purifier et pour élever ceux qui ont refusé l’éducation par une doctrine et un enseignement sains. Voilà pour répondre à sa question : Comment Dieu pouvait-il créer le mal ? LIVRE VI

En effet, pour vouloir ce que dit la personne qui réprimande et, en y obtempérant, mériter les promesses divines, il faut la libre détermination de l’auditeur et l’assentiment à ce qui est dit. De là, me semble-t-il, cette parole solennelle dans le Deutéronome : « Et maintenant, Israël, que demande de toi le Seigneur ton Dieu, si ce n’est de craindre le Seigneur ton Dieu, de marcher dans toutes ses voies, de l’aimer et de garder ses commandements ? » LIVRE VI

Il faut ensuite répondre à la question : Comment peut-il, quand les hommes sont devenus ingrats et pervers, se repentir, blâmer et haïr son oeuvre, menacer et détruire ses propres enfants ? C’est là une falsification calomnieuse du texte de la Genèse qui dit : « Le Seigneur Dieu vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que son coeur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée. Dieu s’irrita d’avoir créé l’homme sur la terre. Dieu médita dans son coeur et dit : Je vais effacer de la surface de la terre l’homme que j’ai créé, de l’homme aux bestiaux, des serpents aux oiseaux du ciel ; car je suis irrité de les avoir créés. » Il cite comme étant de l’Écriture des mots qui ne s’y trouvent pas ; on ne parle pas ici d’un repentir de Dieu, on ne dit pas qu’il blâme et hait son oeuvre. LIVRE VI

Peut-être par une méprise sur le sens des mots : « Car la bouche du Seigneur a proféré ces paroles », ou peut-être à cause de l’interprétation téméraire donnée par les simples à de pareils textes, Celse n’a point saisi en quel sens on applique aux puissances de Dieu ce qu’expriment les noms des membres du corps, et il dit : Dieu n’a ni bouche ni voix. Il est vrai que Dieu n’aurait point de voix, si la voix n’était que de l’air en vibration ou un ébranlement d’air ou une espèce d’air ou toute autre réalité qu’attribuent à la voix les hommes compétents en la matière. Mais cette voix de Dieu est présentée comme une voix de Dieu vue par le peuple dans le passage : « Et tout le peuple voyait la voix de Dieu », le mot vision étant compris au sens spirituel selon l’usage constant de l’Écriture. Or il ajoute : En Dieu il n’est rien d’autre des choses que nous connaissons; mais il ne précise pas ces choses que nous connaissons. S’agit-il de membres, nous sommes d’accord avec lui, en sous-entendant : des choses que nous connaissons corporellement, dans l’acception la plus commune des termes. Mais à prendre « les choses que nous connaissons » en général, nous connaissons beaucoup de ce qu’on lui attribue : sa vertu, sa béatitude, sa divinité. A prendre « les choses que nous connaissons » au sens le plus élevé, comme Dieu dépasse tout ce que nous connaissons, il n’y a rien d’absurde à admettre, nous aussi, qu’en Dieu il n’est rien d’autre des choses que nous connaissons. Car les attributs de Dieu sont supérieurs à tout ce que connaît non seulement la nature de l’homme, mais encore celle des êtres qui la dépassent. Mais s’il avait lu les paroles des prophètes, de David : « Mais toi, tu es toujours le même », et de Malachie, je crois : « Je ne change jamais », il aurait vu qu’aucun d’entre nous ne dit qu’il y a du changement en Dieu, ni en action, ni en pensée. C’est en restant « le même » qu’il gouverne les choses qui changent, selon leur nature, et comme la raison elle-même exige qu’elles soient gouvernées. LIVRE VI

Celse n’a pas vu la différence qu’il y a entre les expressions «à l’image de Dieu » et «son image » : L’image de Dieu est « le premier-né de toute créature », le Logos en personne, la Vérité en personne, et encore la Sagesse en personne, « image de sa bonté »; tandis que l’homme a été créé « à l’image de Dieu », et en outre tout homme dont le Christ « est la tête » est image et gloire de Dieu. Il n’a même pas su en quelle partie de l’homme s’imprime un caractère « à l’image de Dieu » : c’est dans l’âme qui n’a pas eu ou qui n’a plus « le vieil homme avec ses agissements » et, du fait qu’elle ne les a point, possède la qualité d’être « à l’image » du Créateur. Il dit donc : Dieu n’a pas non plus fait l’homme à son image ; car il n’est pas tel que l’homme et il ne ressemble à aucune autre forme. Mais pourrait-on croire que, dans la partie inférieure du composé humain, je veux dire dans le corps, existe ce qui est « à l’image de Dieu » et que, comme Celse l’a compris, le corps soit « à son image » ? Car si ce qui est « à l’image de Dieu » est dans le corps seul, l’élément supérieur, l’âme, se trouve privé de ce qui est « à l’image » et qui se trouve dans le corps corruptible : nul d’entre nous ne le prétend. Mais si ce qui est « à l’image de Dieu » se trouve dans les deux ensemble, il est nécessaire que Dieu soit composé et pour ainsi dire constitué lui-même d’une âme et d’un corps, pour que l’élément supérieur qui est « à l’image » soit dans l’âme, et que l’inférieur correspondant au corps soit dans le corps : nul d’entre nous ne le prétend. Il reste donc à comprendre que ce qui est « à l’image de Dieu » se réalise dans ce que nous nommons l’homme intérieur, renouvelé, apte à devenir « à l’image du Créateur », quand l’homme devient « parfait comme le Père céleste est parfait » ; quand il entend : « Vous serez saints, car moi le Seigneur votre Dieu, je suis saint »; quand il apprend le commandement : « Soyez les imitateurs de Dieu » et qu’il reçoit dans son âme vertueuse les traits de Dieu. Alors aussi le corps de celui qui a reçu les traits de Dieu dans la partie qui est faite « à l’image de Dieu » est « un temple », puisqu’il possède une âme de cette qualité et dans l’âme, Dieu, à cause de l’élément « à son image ». LIVRE VI

De nouveau Celse accumule ses remarques en présentant comme accordé par nous ce que n’accepte aucun chrétien intelligent. Car aucun d’entre nous ne dit que Dieu participe à la figure et à la couleur. Pas davantage il ne participe au mouvement2 lui qui, en vertu de sa nature ferme et stable, invite aussi le juste à lui ressembler sur ce point : « Mais toi, tiens-toi ici avec moi ». Et si quelques locutions semblent lui attribuer du mouvement, comme celle-ci : « Ils entendirent le Seigneur Dieu se promener dans le jardin à la fraîcheur du soir », il faut comprendre ces expressions dans le sens que les pécheurs s’imaginaient Dieu en mouvement, ou bien il faut entendre ces mots au sens figuré, comme le sommeil de Dieu, sa colère ou tout autre chose du même genre. LIVRE VI

Il en va de même pour l’expression « Dieu est esprit ». Parce que et les Samaritains et les Juifs pratiquaient les préceptes de la loi d’après la lettre et en figures, le Sauveur dit à la Samaritaine : « L’heure vient où ce n’est ni à Jérusalem, ni sur cette montagne qu’on adorera le Père ; Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer. » Il nous a enseigné par là que ce n’est pas charnellement, ni par des victimes charnelles qu’il faut adorer Dieu, mais « en esprit ». En effet, lui-même sera compris comme Esprit dans la mesure où on lui rendra une adoration intelligible et « en esprit ». En outre, ce n’est plus en figures qu’il faut adorer le Père, mais dans la vérité qui est venue par le Christ Jésus, après que la loi eut été donnée par Moïse. C’est « quand on se convertit au Seigneur, et le Seigneur est Esprit, que le voile est enlevé qui était posé sur le coeur lors de la lecture de Moïse. » LIVRE VI

Or de l’aveu général, les Écritures disent que le corps de Jésus était laid, mais non pas vulgaire, comme l’a expliqué Celse, et il n’est pas d’indication claire qu’il était petit. Voici en quels termes Isaïe annonce qu’il ne viendrait pas aux foules dans une forme agréable et une beauté supérieure : « Seigneur, qui a cru à ce que nous entendons dire ? Et le bras du Seigneur, à qui a-t-il été révélé ? Nous l’avons annoncé devant lui, comme un jeune enfant, comme une racine dans une terre desséchée ; nulle forme pour lui, nulle gloire ; nous l’avons vu, il n’avait ni forme ni beauté ; mais sa forme était méprisable, inférieure à celle des enfants des hommes. » Celse a-t-il donc retenu ces paroles parce qu’il les croyait utiles à son accusation contre Jésus, mais n’a-t-il plus prêté attention aux paroles du psaume quarante-quatrième, et à la manière dont il est dit : « Ceins ton épée sur ta cuisse, héros, dans ta splendeur et ta beauté tends ton arc, avance, et règne » ? Accordons qu’il n’a pas lu la prophétie, ou qu’il l’a lue mais fut égaré par ceux qui l’interprètent à tort comme si elle n’était pas une prophétie sur Jésus-Christ : que dira-t-il du passage même de l’Évangile où Jésus, « ayant gravi une haute montagne », « fut transfiguré devant » ses disciples et apparut en gloire pendant que « Moïse et Élie » « apparus en gloire parlaient de sa sortie du monde qu’il allait accomplir à Jérusalem». » Qu’un prophète dise : « Nous l’avons vu, il n’avait ni forme ni beauté » etc., Celse lui-même accepte que cette prophétie se rapporte à Jésus, bien qu’il s’aveugle sur son interprétation et ne voie pas que, du fait que bien des années avant sa naissance même sa forme a été l’objet d’une prophétie, il y a une forte preuve que ce Jésus, quoique sans forme en apparence, est le Fils de Dieu. Et qu’un autre prophète parle de sa grâce et de sa beauté, Celse ne veut-il plus admettre que cette prophétie se rapporte à Jésus-Christ ? Si l’on pouvait tirer clairement de l’Évangile qu’il « n’avait ni forme ni beauté, mais que sa forme était méprisable, inférieure à celle des enfants des hommes », on conviendrait que les dires de Celse s’inspirent non des prophètes mais de l’Évangile. Mais en fait, comme ni les Évangiles ni les apôtres ne déclarent qu’il n’avait ni forme ni beauté, le voilà manifestement contraint d’admettre que la prophétie s’est réalisée dans le Christ : ce qui coupe court aux critiques contre Jésus. LIVRE VI

Les péchés du peuple relatés dans l’Écriture seraient-ils une preuve qu’ils ont méprisé la loi, sans doute parce qu’il l’ont méprisée comme mensongère ? Il faudrait répondre qu’on doit également lire les circonstances où il est écrit que le peuple entier, après avoir fait le mal en présence du Seigneur, s’est converti à uns vie meilleure et à la piété selon la loi. LIVRE VI

De plus, si la parole de la loi « Tu domineras des nations nombreuses, mais elles ne te domineront pas » n’avait été, sans une signification plus profonde, que la promesse qu’ils seraient puissants, le peuple eût évidemment méprisé bien davantage les promesses de la loi. Celse paraphrase le sens de certaines expressions déclarant que la postérité des Hébreux remplirait toute la terre. Historiquement cela eut lieu après la venue de Jésus, mais pour ainsi dire comme un effet du courroux de Dieu plutôt que de sa bénédiction. De plus, si dans la promesse il est dit aux Juifs de massacrer les ennemis, il faut dire qu’une lecture et une étude soigneuses des termes révèle qu’une interprétation littérale est impossible. Il suffira pour l’instant d’extraire entre autres des Psaumes ces paroles mises dans la bouche du juste : « Chaque matin, j’exterminais tous les pécheurs de la terre, afin de retrancher de la cité du Seigneur tous les artisans d’iniquité. » A considérer les termes et l’intention de l’auteur est-il possible que, après avoir rappelé ses exploits faciles à lire par le premier venu, il ajoute ce qui peut ressortir du texte pris littéralement : qu’en aucun autre moment du jour que le matin il n’a détruit « tous les pécheurs de la terre » sans en laisser survivre un seul, et si vraiment il supprimait sans exception de Jérusalem tout homme qui commît l’iniquité ? On peut encore trouver dans la loi beaucoup d’exemples comme celui-ci : « Nous n’avons laissé à aucun d’eux la vie sauve ». LIVRE VI

S’il faut expliquer en même temps le massacre des ennemis et le pouvoir du juste sur toutes choses, on peut dire : en affirmant « Chaque matin j’exterminais tous les pécheurs de la terre, afin de retrancher de la cité du Seigneur tous les artisans d’iniquité », le prophète appelait terre au sens figuré la chair « dont le désir est ennemi de Dieu », et cité du Seigneur, son âme dans laquelle était un temple de Dieu ; car il possédait de Dieu une opinion et une conception justes et admirées de tous ceux qui les observent. En même temps donc, rempli pour ainsi dire de puissance et de force par les rayons du Soleil de « la justice » qui illuminaient son âme, il supprimait tout « désir de la chair », nommé par le texte « pécheurs de la terre », et exterminait, de la cité du Seigneur qui était dans son âme, tous les raisonnements artisans d’iniquité et les désirs ennemis de la vérité. LIVRE VI

En revanche la recherche de la gloire auprès des hommes, nous la déclarons interdite non seulement par l’enseignement de Jésus, mais aussi par l’Ancien Testament. Ainsi un des prophètes, se maudissant lui-même de s’être asservi aux péchés, dénonce comme le plus grand mal qui pourrait lui arriver la gloire de cette vie. Il s’exprime en ces termes : « Seigneur mon Dieu, si j’ai fait cela, s’il y a de l’injustice dans mes mains, si j’ai rendu le mal à ceux qui m’en rendaient, que je tombe impuissant devant mes ennemis, que l’ennemi poursuive et capture mon âme, qu’il foule à terre ma vie, qu’il relègue ma gloire dans la poussière ! » LIVRE VI

Pour se convaincre que cette interprétation de la terre bonne et spacieuse dont parle Moïse n’a rien de contraire au sens de l’Esprit divin, qu’on prête attention à tous les prophètes : ils enseignent le retour à Jérusalem de ceux qui se sont écartés et sont tombés loin d’elle, et en général, le rétablissement dans la place et la cité de Dieu, ainsi que les nomme celui qui a dit : « Il a sa place dans la paix sainte », ou encore : « Il est grand le Seigneur, très digne de louanges dans la cité de notre Dieu, sa montagne sainte, bien enracinée pour l’allégresse de toute la terre. » LIVRE VI

Il suffira de citer ici les passages du psaume trente-sixième sur la terre des justes : « Ceux qui attendent le Seigneur hériteront la terre » ; et peu après : « Les doux hériteront la terre et jouiront d’une abondante paix » ; et peu après : « Ceux qui le bénissent hériteront la terre » ; et de nouveau : « Les justes hériteront la terre et ils y habiteront pour toujours. » Et n’est-ce pas l’existence de la terre pure dans la partie pure du ciel qui est indiquée à ceux qui sont capables de comprendre ce que dit ce même psaume : « Attends le Seigneur, observe sa voie ; il t’exaltera pour que tu hérites la terre. » En outre, l’idée que l’éclat des pierres considérées ici-bas comme précieuses serait un reflet de celui des pierres de la terre supérieure, me paraît empruntée par Platon à la description faite par Isaïe de la cité de Dieu, dont il est écrit : « Je ferai tes créneaux de jaspe, tes pierres de cristal, ton enceinte de pierres précieuses » ; et encore : « Je ferai tes fondations de saphir ». » Or les partisans les plus sérieux du philosophe expliquent le mythe de Platon comme une allégorie. Et les prophéties, auxquelles selon moi Platon a emprunté son mythe, c’est à ceux qui ont, sous l’inspiration divine, mené une vie pareille à celle des prophètes et consacré tout leur temps à scruter les saintes Écritures, de les exposer à ceux qui y sont préparés par la pureté de leur vie et leur désir d’apprendre les secrets de Dieu. LIVRE VI

Ainsi, Isaïe reproche à certains : « Ils ne prennent point garde aux ?uvres du Seigneur, ils ne comprennent pas les ?uvres de ses mains. » Mais en voilà assez sur ce point. LIVRE VI

Jamais non plus on ne poserait la question, comme si Dieu était dans un lieu : comment aller à lui ? Car Dieu est supérieur à tout lieu et contient tout ce qui peut être, et il n’est rien qui contienne Dieu. Ce n’est point d’aller à Dieu corporellement que nous ordonne le précepte : « Marche à la suite du Seigneur ton Dieu » ; ce n’est pas corporellement que le prophète veut adhérer à Dieu, quand il dit, dans la prière : « Mon âme adhère à toi. » Celse nous calomnie donc en disant que nous espérons voir Dieu des yeux de notre corps, entendre sa voix de nos oreilles, le toucher de nos mains sensibles. Nous savons au contraire que les divines Écritures emploient des termes homonymes pour des yeux autres que les yeux du corps, de même que pour les oreilles ou les mains ; et, ce qui est plus remarquable, pour un sens divin et d’un autre ordre que le sens désigné communément par ce mot. Car lorsque le prophète dit : « Ouvre mes yeux et je contemplerai les merveilles de ta loi » ; « Le commandement du Seigneur est plein de lumière, il illumine mes yeux » ; « Illumine mes yeux afin que je ne m’endorme pas dans la mort », personne n’est assez stupide pour penser que les yeux du corps comprennent les merveilles de la loi divine, ou que le commandement du Seigneur illumine les yeux du corps, ou qu’il puisse leur survenir un sommeil qui cause la mort. LIVRE VI

De plus, quand notre Sauveur dit : « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende », même le premier venu comprend qu’il s’agit d’oreilles d’ordre spirituel. Et quand il est dit que « la parole du Seigneur » est dans la main du prophète Jérémie ou de quelque autre, ou la loi « dans la main » de Moïse, ou « J’ai cherché Dieu de mes mains et je n’ai pas été trompé », personne n’est assez sot pour ne pas comprendre qu’il s’agit de mains au sens figuré. C’est d’elles encore que Jean déclare : « Nos mains ont touché le Logos de vie. » Et pour apprendre des saintes Écritures qu’il existe un sens supérieur et non corporel, il faut entendre le mot de Salomon dans les Proverbes : « Tu trouveras un sens divin. » LIVRE VI

En disant que le Dieu de l’univers est esprit, ou qu’il est au delà de l’esprit et de l’essence, simple, invisible, incorporel, nous affirmons que Dieu n’est pas compris par un autre que par celui qui a été créé à l’image de cet esprit ; maintenant, pour employer l’expression de Paul, « dans un miroir, d’une manière confuse, mais alors, face à face. » Si je dis « face », qu’on ne vienne point, à cause du terme, critiquer le sens qu’il comporte. Mais cette phrase : « Le visage découvert, nous réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image de plus en plus resplendissante », doit nous apprendre qu’il n’est point question ici d’une face perceptible aux sens, mais entendue au figuré, comme quand il s’agit des yeux, des oreilles et, on l’a montré plus haut, de tout ce qui porte le même nom que les organes du corps. LIVRE VI

Et ils ajoutent : « J’ai été conçu dans l’iniquité, ma mère m’a enfanté dans le péché ». » De plus, ils déclarent que « les pécheurs sont devenus étrangers dès le sein de leur mère », et font cette remarque étonnante : « Ils se sont égarés dès le sein, ils ont dit des mensonges. » Mais nos sages ont un tel dédain pour la nature des choses sensibles qu’ils qualifient les corps tantôt de vanité : « Car la création fut soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de Celui qui l’a soumise avec l’espérance » ; tantôt, de vanité de vanités, selon le mot de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités, tout est vanité. » Où trouver un tel discrédit jeté sur la vie de l’âme humaine ici-bas que chez l’auteur qui dit : « Vanité cependant que toutes choses, que tout homme vivant ! » Il ne met pas en doute la différence pour l’âme entre la vie d’ici-bas et la vie hors de ce monde, il ne dit pas : « Qui sait si vivre n’est pas mourir, et si mourir n’est pas vivre ? » Mais il a le courage de la vérité dans ces paroles : « Notre âme a été humiliée dans la poussière » ; « Tu m’as fait descendre dans la poussière de la mort ». Et comme il est dit : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ainsi encore : « Qui transformera notre corps de misère ? » Il y a aussi la parole du prophète : « Tu nous a humiliés dans un lieu d’affliction », où « lieu d’affliction désigne le lieu terrestre dans lequel vient Adam, qui est l’homme, après avoir été pour son péché expulsé du paradis. Et considère la profondeur de vue que possédait sur la condition de vie différente pour les âmes celui qui a dit : « Aujourd’hui nos voyons dans un miroir, d’une manière confuse, mais alors ce sera face à face » ; et encore : « Tant que nous demeurons dans ce corps, nous vivons en exil loin du Seigneur », aussi « préférons-nous déloger de ce corps et aller demeurer près du Seigneur ». LIVRE VI

De même qu’on découvre dans cette attitude, l’abstention de l’adultère, bien qu’elle semble la même, une diversité provenant des doctrines et des intentions diverses, ainsi en va-t-il du refus d’honorer la divinité dans les autels, les temples et les statues. Les Scythes, les Nomades de la Libye, les Sères peuple sans dieu, les Perses fondent leur attitude sur d’autres doctrines que celles pour lesquelles les chrétiens et les Juifs ne tolèrent pas ce culte qu’on prétend offert à la divinité. Car aucun de ces peuples ne peut tolérer les autels et les statues parce qu’il refuserait de dégrader et d’avilir l’adoration due à la divinité en l’adressant à une matière ainsi modelée. Ce n’est pas non plus parce qu’ils ont compris que des démons hantent ces images et ces localités, appelés par des sortilèges, ou ayant d’eux-mêmes pu d’une autre manière prendre possession des lieux où ils reçoivent gloutonnement le tribut des victimes et sont en quête de plaisir illicite et d’individus sans loi. Mais les chrétiens et les Juifs ont ces commandements : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul » ; «Tu n’auras point d’autres dieux que moi » ; « Tu ne te feras point d’idole, ni rien qui ressemble à ce qui est dans le ciel là-haut, ni à ce qui est sur la terre ici-bas, ni à ce qui est dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant ces images, ni ne les serviras » ; « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul » ; et bien d’autres de même sens. A cause d’eux, non seulement ils se détournent des temples, des autels, des statues, mais encore ils vont avec empressement à la mort quand il le faut, pour éviter de souiller leur notion du Dieu de l’univers par une infraction de ce genre à sa loi. LIVRE VI

Me voici parvenu à la fin de sept livres et je veux en aborder un huitième. Que Dieu et son Fils unique le Logos daignent m’assister pour que les mensonges de Celse, vainement intitulés ” Discours véritable “, y trouvent une réfutation pertinente, et les vérités du christianisme, dans la mesure où le comporte le sujet, une démonstration inébranlable. Je demande de pouvoir dire avec la sincérité de Paul : « Nous sommes en ambassade pour le Christ, comme si Dieu exhortait par nous » ; et de pouvoir être en ambassade pour le Christ auprès des hommes dans l’esprit où le Logos de Dieu les appelle à son amitié : car il veut unir intimement à la justice, à la vérité, aux autres vertus ceux qui, avant de recevoir les doctrines de Jésus-Christ, avaient passé leur vie dans les ténèbres au sujet de Dieu et dans l’ignorance du Créateur. Et je dirai encore : que Dieu nous donne son noble et véritable Logos, le Seigneur puissant et fort « dans la guerre » contre le mal. Maintenant, il me faut aborder le texte suivant de Celse et y répondre. LIVRE VIII

Sa justification nous conduit à une profonde et mystérieuse doctrine au sujet des dieux et des seigneurs. Car la divine Écriture sait que le souverain Seigneur est « au-dessus de tous les dieux ». Par le mot dieux, nous n’entendons pas ceux qui sont adorés par les païens, car nous avons appris que « tous les dieux des païens sont des démons. » Il s’agit de dieux qui, d’après la parole prophétique, forment une sorte d’assemblée : le Dieu suprême les juge, assignant à chacun son ” oeuvre propre. Car « Dieu se tient dans l’assemblée des dieux, et au milieu d’eux il jugera les dieux. » De plus, « le Seigneur est Dieu des dieux », c’est lui qui, par son Fils « a appelé la terre du levant au couchant » ; et nous avons l’ordre de « confesser le Dieu des dieux », sachant aussi que Dieu « n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ». Voilà ce qu’affirment non seulement ces passages mais encore une infinité d’autres. LIVRE VIII

Telles sont les idées concernant le Seigneur et les seigneurs que les divines Écritures proposent à notre recherche et à notre réflexion, disant ici : « Célébrez le Dieu des dieux, car sa pitié est éternelle, célébrez le Seigneur des seigneurs », et là : « Dieu est Roi des rois et Seigneur des seigneurs ». Et l’Écriture distingue les prétendus dieux de ceux qui le sont en effet, qu’ils en aient ou non le titre. Paul enseigne la même doctrine sur les seigneurs authentiques ou non : « Bien qu’il y ait au ciel et sur la terre de prétendus dieux, et de fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs.» Puis, comme «le Dieu des dieux », par Jésus, appelle du levant et du couchant ceux qu’il veut à son héritage, comme le Christ de Dieu qui est Seigneur prouve qu’il est supérieur à tous les seigneurs, du fait qu’il a pénétré les territoires de tous et qu’il appelle à lui les gens de tous ces territoires, Paul, parce qu’il savait tout cela, dit après le passage cité : « Mais pour nous il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » Et, percevant là une doctrine admirable et mystérieuse, il ajoute : « Mais tous n’en ont pas la science. » Or, en disant : « Mais pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe », il désigne par « nous » lui-même et tous ceux qui se sont élevés jusqu’au suprême Dieu des dieux et au Seigneur des seigneurs. On s’est élevé jusqu’au Dieu suprême lorsqu’on l’adore sans séparation, division ni partage, par son Fils, Logos de Dieu et Sagesse que l’on contemple en Jésus, qui seul Lui amène ceux qui s’efforcent en toutes manières de s’unir au Créateur de l’univers par la qualité de leurs paroles, de leurs actions et de leurs pensées. Pour cette raison, je crois, et d’autres semblables, le Prince de ce monde, se transformant en ange de lumières, a fait écrire : « A sa suite vient toute une armée de dieux et de démons, répartis en onze sections », dans l’ouvrage où à propos de lui-même et des philosophes il dit : « Nous sommes, nous, avec Zeus, et d’autres sont avec d’autres démons. » LIVRE VIII

Puisqu’il y a nombre de dieux prétendus ou réels, comme aussi de seigneurs, nous faisons tout pour nous élever au-dessus, non des seuls êtres honorés comme dieux par les nations de la terre, mais encore même de ceux qui sont appelés dieux par les Écritures. Ces derniers sont ignorés de ceux qui sont étrangers aux alliances de Dieu données par Moïse et notre Sauveur Jésus, et de ceux qui sont exclus de ses promesses qu’ils ont rendues manifestes. On s’élève au-dessus de l’esclavage de tous les démons quand on s’abstient de toute ” oeuvre chère aux démons. On s’élève au-dessus de la catégorie de ceux que Paul nomme des dieux, quand on regarde comme eux, ou de toute autre manière, « non aux choses visibles, mais aux invisibles ». Et, à voir comment « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu, car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de Celui qui l’a soumise, avec l’espérance », à bénir la création et à considérer comment elle sera toute entière « libérée de l’esclavage de la corruption » et parviendra « à la liberté de la gloire des enfants de Dieu », on ne peut être entraîné à servir Dieu et un autre avec lui, ni à servir deux maîtres. Il ne s’agit donc point d’un cri de révolte, chez ceux qui ont compris les réflexions de ce genre et qui refusent de servir plusieurs maîtres. Aussi se contentent-ils du Seigneur Jésus-Christ qui enseigne par lui-même ceux qui le servent, pour que, une fois instruits et devenus un royaume digne de Dieu, il les remette à son Dieu et Père. De plus, ils se séparent et ils rompent avec ceux qui sont étrangers à la cité de Dieu, exclus de ses alliances, pour vivre en citoyens du ciel en s’avançant vers le Dieu vivant et « la cité de Dieu, la Jérusalem céleste, ses myriades d’anges en réunion de fête, et l’église des premiers-nés qui sont inscrits au ciel. » LIVRE VIII

De plus, si nous refusons de servir un autre que Dieu par son Logos et sa Vérité, ce n’est point parce que Dieu subirait un tort comme paraît en subir l’homme dont le serviteur sert encore un autre maître. C’est pour ne pas subir de tort nous-mêmes en nous séparant de la part d’héritage du Dieu suprême, où nous menons une vie qui participe à sa propre béatitude par un exceptionnel esprit d’adoption. Grâce à sa présence en eux, les fils du Père céleste prononcent dans le secret, non en paroles mais en réalité, ce cri sublime : « Abba, Père ! » Sans doute, les ambassadeurs de Lacédémone refusèrent d’adorer le roi de Perse, malgré la vive pression des gardes, par révérence pour leur unique seigneur, la loi de Lycurgue. Mais ceux qui s’acquittent pour le Christ d’une ambassade bien plus noble et plus divine refuseraient d’adorer aucun prince de Perse, de Grèce, d’Egypte ou de toute autre nation, malgré la volonté qu’ont les démons, satellites de ces princes et messagers du diable, de les contraindre à le faire et de les persuader de renoncer à Celui qui est supérieur à toutes les lois terrestres. Car le Seigneur de ceux qui sont en ambassade pour le Christ, c’est le Christ dont ils sont les ambassadeurs, le Logos qui est « au commencement », qui est près de Dieu, qui est Dieu. Celse a cru bon ensuite d’avancer, parmi les opinions qu’il fait siennes, une doctrine très profonde sur les héros et certains démons. Ayant remarqué, à propos des relations de service entre les hommes, que ce serait infliger un tort au premier maître qu’on veut servir que de consentir à en servir un second, il ajoute qu’il en irait de même pour les héros et les démons de ce genre. Il faut lui demander ce qu’il entend par les héros et quelle nature il attribue aux démons de ce genre, pour que le serviteur d’un héros déterminé doive éviter d’en servir un autre, et celui d’un de ces démons, d’en servir encore un autre : comme si le premier démon subissait un tort comme font les hommes quand on passe de leur service à celui d’autres maîtres. Qu’il établisse en outre le tort qu’il juge ainsi causé aux héros et aux démons de ce genre ! Il lui faudra alors répéter son propos en tombant dans un océan de niaiseries et réfuter ce qu’on a dit ou, s’il se refuse aux niaiseries, avouer ne connaître ni les héros, ni la nature des démons. Et quand il dit des hommes que les premiers subissent un tort du service rendu à un second, il faut demander comment il définit le tort subi par le premier quand son serviteur consent à en servir un autre. En effet, s’il entendait par là, comme un homme vulgaire et sans philosophie, un tort concernant les biens que nous appelons extérieurs, on le convaincrait de méconnaître la belle parole de Socrate : « Anytos et Mélètos peuvent me faire mourir, mais non me faire du tort ; car il n’est point permis que le supérieur subisse un tort de la part de l’inférieur. » S’il définit ce tort par une motion ou un état concernant le vice, il est évident, puisqu’aucun tort de ce genre n’existe pour les sages, qu’on peut servir deux sages vivant en des lieux séparés. Et quand ce raisonnement ne serait pas plausible, c’est en vain qu’il argue de cet exemple pour critiquer la parole : « Nul ne peut servir deux maîtres » : et elle n’aura que plus de force si on l’applique au service du Dieu de l’univers par son Fils qui nous conduit à Dieu. De plus, nous ne rendons pas un culte à Dieu dans la pensée qu’il a en besoin et qu’il se chagrinerait qu’on ne le lui rende pas, mais pour l’avantage que nous retirons de ce culte rendu à Dieu, étant libérés de chagrin et de passion en servant Dieu par son Fils unique Logos et Sagesse. LIVRE VIII

Après quoi, il déclare : En vérité, celui qui affirme qu’un seul être a été appelé Seigneur, en parlant de Dieu, commet une impiété : il divise le Royaume de Dieu et y introduit la révolte, comme s’il y avait une faction et un autre dieu son adversaire. Cette réflexion serait de mise s’il établissait avec des preuves rigoureuses que ceux qui sont adorés comme dieux chez les païens sont réellement dieux, et que les êtres qui hantent, croit-on, les statues, les temples et les autels ne sont pas des mauvais démons. De plus, ce Royaume de Dieu continuellement prêché dans nos discours et nos écrits, nous aspirons à le comprendre et à devenir tels que nous ayons Dieu seul pour roi et que le Royaume de Dieu devienne aussi le nôtre. Celse, au contraire, qui nous enseigne à adorer plusieurs dieux, pour être conséquent avec lui-même, aurait dû parler de royaume des dieux plutôt que de Dieu. Il n’y a donc pas chez Dieu de factions ni un autre dieu son adversaire ; et cela, en dépit de ceux qui, à l’instar des Géants et des Titans, veulent par leur perversité batailler contre Dieu avec Celse et les autres qui ont déclaré la guerre à Dieu qui a établi par tant de moyens la vérité sur Jésus, et à Celui-là même qui pour le salut de notre race s’est livré lui-même, en Logos qu’il est, au monde entier dans son ensemble, selon la capacité de chacun. LIVRE VIII

Quant à l’interdiction de servir deux maîtres, j’en ai donné la raison d’après nous, quand j’ai montré qu’on ne peut découvrir aucune faction autour du Seigneur Jésus, parmi ceux qui font profession de s’être élevés au-dessus de tout seigneur et qui servent comme seul Seigneur le Fils de Dieu, Logos de Dieu. LIVRE VIII

Par ailleurs, les divines Écritures ont une manière mystérieuse d’enseigner la doctrine de la résurrection à ceux qui sont capables d’entendre avec une oreille plus divine les paroles de Dieu. En disant que le temple sera reconstruit de pierres vivantes et très précieuses, elles insinuent que chacun de ceux à qui le même Logos inspire de tendre à la piété qu’il enseigne est une pierre précieuse intégrée au temple de Dieu. C’est la déclaration de Pierre : « Mais vous êtes édifiés, tels des pierres vivantes et une maison spirituelle, en un sacerdoce saint, en vue d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ. » C’est celle de Paul : « Vous êtes édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, et la pierre d’angle est Jésus-Christ notre Seigneur. » C’est le sens mystérieux renfermé dans le passage d’Isaïe adressé à Jérusalem : « Voici que je vais te préparer comme pierre de l’escarboucle et comme fondations du saphir, je ferai tes créneaux de rubis, tes portes de cristal, ton enceinte de pierres précieuses ; tous tes fils seront instruits par Dieu ; tes enfants habiteront dans une grande paix, et tu seras édifiée dans la justice. » LIVRE VIII

On objectera nos célébrations des dimanches, de la Parascève, de Pâques, de la Pentecôte ? Il faut répondre : si l’on est un chrétien parfait, quand on ne cesse de s’appliquer aux paroles, aux actions, aux pensées du Logos de Dieu qui par nature est le Seigneur, on vit sans cesse dans les jours du Seigneur, on célèbre sans cesse les dimanches. De plus, quand on se prépare sans cesse à la vie véritable, et qu’on s’éloigne des plaisirs de la vie qui trompent la multitude, sans nourrir « le désir de la chair », mais châtiant au contraire son corps et le réduisant à la servitude, on ne cesse de célébrer la Parascève. En outre, quand on a compris que « le Christ notre Pâque a été immolé » et qu’on doit célébrer la fête en mangeant la chair du Logos, il n’est pas d’instant où on n’accomplisse la Pâque, terme qui veut dire sacrifice pour un heureux passage : car par la pensée, par chaque parole, par chaque action on ne cesse de passer des affaires de cette vie à Dieu en se hâtant vers la cité divine. Enfin, si l’on peut dire avec vérité : « Nous sommes ressuscites avec le Christ », et aussi : « Il nous a ressuscites ensemble et nous a fait asseoir ensemble au ciel dans le Christ », on se trouve sans cesse aux jours de la Pentecôte, surtout lorsque, monté dans la chambre haute comme les apôtres de Jésus, on vaque à la supplication et à la prière pour devenir digne « du souffle impétueux qui descend du ciel » anéantir par sa violence la malice des hommes et ses effets, et pour mériter aussi d’avoir part à la langue de feu qui vient de Dieu. LIVRE VIII

Voyons les paroles de Celse qui nous exhorte à manger des viandes offertes aux idoles et à participer aux sacrifices publics au cours des fêtes publiques. Les voici : Si ces idoles ne sont rien, quel danger y a-t-il à prendre part au festin? Et si elles sont des démons, il est évident qu’eux aussi appartiennent à Dieu, qu’il faut croire en eux et leur offrir selon les lois des sacrifices et des prières pour les rendre bienveillants. En réponse, il sera utile de prendre en main la Première aux Corinthiens et d’expliquer tout le raisonnement de Paul sur les idolothytes. Là, contre l’opinion qu’une idole n’est rien dans le monde, il établit le préjudice causé par les idolothytes. Il montre à ceux qui sont capables d’entendre ses paroles que recevoir une part des idolothytes est un acte tout aussi criminel que de verser le sang, car c’est faire périr des frères pour lesquels le Christ est mort. Ensuite, posant le principe que les victimes des sacrifices sont offertes aux démons, il déclare que participer à la table des démons est entrer en communion avec les démons et il affirme l’impossibilité « d’avoir part en même temps à la table du Seigneur et à la table des démons. » Mais comme l’explication détaillée de ces points de l’épître aux Corinthiens demanderait tout un traité d’amples discussions, je me contenterai de ces brèves remarques. A bien les examiner, on verra que même si les idoles ne sont rien, il n’en est pas moins dangereux de prendre part au festin des idoles. J’ai suffisamment prouvé aussi que même si les sacrifices sont offerts à des démons, nous ne devons pas y prendre part, nous qui savons la différence qu’il y a entre la table du Seigneur et celle des démons et qui, le sachant, faisons tout pour avoir toujours part à la table du Seigneur, mais évitons de toute manière d’avoir jamais part à la table des démons. LIVRE VIII

Celse, ici, dit que les démons appartiennent à Dieu et que, pour cette raison, il faut croire en eux et leur offrir selon les lois des sacrifices et des prières afin de les rendre bienveillants. Il faut donc enseigner sur ce point à qui le désire que le Logos de Dieu refuse de déclarer propriété de Dieu des êtres mauvais, car il les juge indignes d’un si grand Seigneur. C’est pourquoi tous les hommes ne sont pas nommés hommes de Dieu, mais seuls ceux qui sont dignes de Dieu : tels étaient Moïse, Élie, et tout autre qui reçoit dans l’Écriture le titre d’homme de Dieu, ou qui est semblable à ceux qui le reçoivent. Et de même, tous les anges ne sont point appelés anges de Dieu, mais seuls les bienheureux, alors que ceux qui se sont tournés vers le mal sont nommés anges du diable, comme les hommes mauvais sont appelés hommes de péché, fils de pestilence, fils d’iniquité. C’est parce que les hommes sont les uns bons, les autres mauvais, que l’on dit des uns qu’ils sont de Dieu, des autres qu’ils sont du diable, et les anges aussi sont les uns de Dieu, les autres mauvais ; mais la division en deux ne vaut plus pour les démons : il est prouvé qu’ils sont tous mauvais. Aussi déclarerons-nous fausse la parole de Celse : Si ce sont des démons, il est évident qu’eux aussi appartiennent à Dieu. Ou alors montre qui voudra qu’il n’y a pas de raison valable de faire la distinction dans le cas des hommes et des anges, ou bien qu’on peut fournir une raison de même valeur au sujet des démons. LIVRE VIII

En effet, même si l’on n’a pas obtenu la bienveillance des démons, on ne peut rien souffrir de leur part. On est sous la protection du Dieu suprême que la piété rend bienveillant et qui charge ses anges divins de protéger ceux qui le méritent, pour qu’ils ne subissent aucun mal des démons. Mais quand on a obtenu la bienveillance du Dieu suprême à cause de la piété qu’on lui porte et parce qu’on a reçu le Seigneur Jésus qui est l’Ange du Grand Conseil de Dieu, fort de la bienveillance de Dieu par le Christ-Jésus, n’ayant rien à souffrir de toute l’armée des démons, on peut dire hardiment : « Le Seigneur est ma lumière et mon Sauveur, de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie, de qui aurais-je peur ? » On dira encore : « Qu’une armée vienne camper contre moi, mon coeur ne craindra rien. » Voilà qui répond à son objection : Si les idoles sont des démons, il est évident qu’eux aussi appartiennent à Dieu, qu’il faut croire en eux et leur offrir selon les lois des sacrifices et des prières pour les rendre bienveillants. LIVRE VIII

Et si nous désirons avoir un grand nombre d’êtres dont nous voulons la bienveillance, nous apprenons que « mille milliers se tenaient devant lui, et des myriades de myriades le servaient ». Ces êtres, regardant comme des parents et des amis ceux qui imitent leur piété envers Dieu, collaborent au salut de ceux qui invoquent Dieu et le prient véritablement ; ils leur apparaissent et croient de leur devoir d’exaucer et de visiter, comme par suite d’une convention pour leur apporter service et salut, ceux qui prient Dieu, qu’ils prient eux-mêmes. Car « ils sont tous des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter le salut. » Libre donc aux sages de la Grèce de dire que les démons ont reçu en partage l’âme humaine dès la naissance ! Mais Jésus nous a enseigné à ne pas mépriser même les petits qui sont dans l’Église, en disant : « Leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux. » Et le prophète déclare : « L’ange du Seigneur établira ses tentes autour de ceux qui le craignent et il les délivrera. » LIVRE VIII

Considérons cet autre passage de Celse : Quoi ! Le satrape, le gouverneur, le général, le procurateur du roi de Perse ou de l’empereur de Rome, voire ceux qui exercent les charges, offices ou services inférieurs, auraient le pouvoir de causer de graves dommages si on les néglige, tandis que les satrapes et ministres de l’air ou de la terre n’en causeraient que de légers si on les outrage ? Vois donc de quelle façon il représente comme auteurs de graves dommages pour ceux qui les outragent des ministres humains du Dieu suprême : satrapes, gouverneurs, généraux procurateurs et ceux qui exercent des charges, offices et services inférieurs ! Il ne voit pas que même un homme sage ne voudrait nuire à quiconque, mais ferait son possible pour convertir et améliorer jusqu’à ceux qui l’outragent. A moins peut-être que ceux que Celse présente comme les satrapes, gouverneurs, généraux du Dieu suprême ne soient pires que Lycurgue, législateur de Lacédémone, et Zénon de Cittium ! Car Lycurgue, ayant en son pouvoir l’homme qui lui avait crevé un oeil, non seulement ne se vengea pas, mais ne cessa de l’amadouer jusqu’à ce qu’il l’ait persuadé de se mettre à l’étude de la philosophie. De même Zénon : quelqu’un lui disait : « Que je meure si je ne tire vengeance de toi ! » Il répondit : « Et moi, si je ne gagne ton amitié ! » Et je ne dis rien encore de ceux qui ont été formés par l’enseignement de Jésus et qui ont entendu le commandement : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui cherchent à vous nuire, afin de devenir fils de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, pleuvoir sur les justes et les injustes. » Et dans les paroles du prophète, le juste dit : « Seigneur, si j’ai fait cela, si j’ai commis de mes mains l’injustice, si j’ai rendu aux autres le mal qu’ils me causaient, que je tombe alors impuissant devant les ennemis ; que l’ennemi alors poursuive mon âme et l’atteigne, et qu’il foule à terre ma vie » LIVRE VIII

Mais il n’est pas vrai, comme le croit Celse, que les anges, véritables satrapes, gouverneurs, généraux, procurateurs de Dieu, causent des dommages à ceux qui les outragent. Si certains démons causent des dommages, ces démons dont même Celse a une idée, ils le font parce qu’ils sont mauvais et sans avoir reçu de Dieu aucune mission de satrape, général, procurateur ; et ils causent des dommages à ceux qui leur sont soumis et se sont livrés à eux comme à des maîtres. C’est peut-être la raison pour laquelle ceux qui, en chaque région, enfreignent les lois établies sur les aliments qu’il est interdit de manger éprouvent des dommages, s’ils sont parmi les sujets de ces démons. Mais s’il y en a qui ne sont pas de leurs sujets et ne se sont pas livrés au démon de ce lieu, ils restent exempts de tout sévice de leur part et se rient de ces puissances démoniaques. Cependant si, à cause de leur ignorance sur d’autres points, ils se sont soumis à d’autres démons, ils peuvent souffrir de leur part. Mais non pas le chrétien, le véritable chrétien qui s’est soumis à Dieu seul et à son Logos : il ne saurait souffrir quoi que ce soit des êtres démoniaques, puisqu’il est supérieur aux démons. Et il ne saurait souffrir puisque « l’ange du Seigneur établira ses tentes autour de ceux qui le craignent», et que son ange, « qui voit sans cesse la face du Père qui est dans les cieux », sans cesse présente ses prières par le seul Grand-Prêtre au Dieu de l’Univers et s’unit lui-même à la prière de celui qui est sous sa tutelle. Que Celse ne nous effraie donc pas en nous menaçant de dommage à subir de la part de démons que nous aurions négligés. Car il n’est aucun dommage que les démons qu’on néglige puissent nous causer : nous appartenons à Celui qui seul est capable de secourir ceux qui le méritent, et qui a néanmoins préposé aussi ses anges à la garde de ceux qui ont de la piété envers lui, afin que ni les anges adversaires ni leur chef appelé « prince de ce monde » ne puissent rien exécuter contre ceux qui sont consacrés à Dieu. LIVRE VIII

Ensuite, il oublie qu’il s’adresse à des chrétiens qui seuls prient Dieu par Jésus, il mélange des doctrines différentes et les attribue sans raison aux chrétiens en disant : Si on prononce leurs noms dans une langue barbare, ils auront de la puissance, mais si c’est en grec ou en latin, ils n’en ont plus. Qu’on nous montre donc celui dont nous invoquons le nom dans une langue barbare pour l’appeler à l’aide ! On verra bien l’insanité de cette critique de Celse en constatant que la foule des chrétiens n’use même pas dans ses prières des noms qui sont littéralement dans les divines Écritures pour désigner Dieu, mais que les Grecs se servent de mots grecs, les Romains de mots latins et ainsi chacun selon sa propre langue, pour prier Dieu et le louer comme il peut. Et le Seigneur de toute langue écoute ceux qui prient en chaque langue, comme s’il écoutait une voix pour ainsi dire unique en ce qu’elle veut signifier, bien qu’elle s’exprime en diverses langues. Car le Dieu suprême n’est pas un de ceux qui ont en héritage une langue barbare ou grecque, ignorant les autres et n’ayant aucun souci de ceux qui parlent d’autres langues. LIVRE VIII

Quelque forme que prenne notre prédication du châtiment, nous convertissons beaucoup d’hommes de leurs péchés en leur enseignant le châtiment. Mais considérons ce qu’au dire de Celse répond le prêtre d’Apollon ou de Zeus: « Lentement tournent les meules des dieux, dit-il, même sur les fils des fils qui naîtront dans l’avenir. » Vois combien est supérieur ce qu’on enseigne : « Les pères ne seront pas mis à mort pour les enfants, ni les fils mis à mort pour les pères, chacun sera mis à mort pour son péché » ; « Tout homme qui mangera des raisins verts, ses dents seront agacées » ; « Le fils ne portera pas l’iniquité du père, le père ne portera pas l’iniquité du fils ; la justice du juste sera sur lui, la méchanceté du méchant sera sur lui. » Et si, comme équivalent au vers : « Sur les fils des fils qui naîtront dans l’avenir », on cite le texte : « Punissant l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération pour ceux qui me haïssent », qu’on apprenne que c’est là un proverbe cité dans Ézéchiel lorsqu’il reprend ceux qui disent : « Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des fils ont été agacées. » A quoi il ajoute : « Je suis vivant, dit le Seigneur, chacun mourra pour son péché. » Mais il n’est pas opportun d’expliquer maintenant ce que signifie la parabole sur les péchés qui sont punis jusqu’à la troisième et quatrième génération. LIVRE VIII

En conséquence, nous n’insultons pas les démons d’ici-bas, mais nous condamnons leurs activités qui visent la perte du genre humain, car leur dessein est, sous prétexte d’oracles et de guérisons des corps et d’autres prodiges, de séparer de Dieu l’âme qui est tombée dans « le corps de misère ». Ceux qui ont compris cette misère s’écrient : « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? » Il n’est pas vrai non plus que nous livrons en vain notre corps à la torture et au supplice. On ne leur livre pas en vain son corps quand, parce qu’on refuse de proclamer dieux les démons qui entourent la terre, on est en butte à leurs attaques et à celles de leurs dévots. Il nous a même paru raisonnable de croire que c’est plaire à Dieu que se livrer à la torture pour la vertu, au supplice pour la piété, et à la mort pour la sainteté. Car « elle est précieuse aux yeux du Seigneur la mort de ses saints. » Et nous affirmons qu’il est bon de ne pas aimer la vie. Mais Celse nous compare aux malfaiteurs qui méritent bien les souffrances qu’on leur inflige pour leur brigandage, et il ne rougit pas d’assimiler notre si beau dessein à celui des brigands. Par ces propos il est bien le frère de ceux qui comptèrent Jésus au nombre des scélérats, accomplissant l’oracle de l’Écriture : « Il a été mis au nombre des scélérats. » LIVRE VIII

Donc, malgré l’injonction de Celse de nous faire quitter la vie tous ensemble afin, pense-t-il, que notre engeance débarrasse totalement la surface de la terre, nous vivrons dans la dépendance de notre Créateur selon les lois de Dieu, ne voulant à aucun prix être esclaves des lois du péché. Nous prendrons femme si nous voulons et accepterons les enfants nous venant de ces mariages. Et s’il le faut, nous prendrons part aux joies de cette vie, supportant les maux qu’elle comporte comme des épreuves de l’âme. C’est le terme employé couramment par les divines Écritures pour désigner les afflictions des hommes. Par elles, comme l’or dans le feu, l’âme mise à l’épreuve est ou condamnée ou manifestée dans son admirable vertu. Et nous sommes si bien préparés aux maux dont nous parle Celse que nous allons jusqu’à dire : « Examine-moi Seigneur, éprouve-moi, brûle mes reins et mon coeur. » Car personne « ne sera couronné s’il n’a combattu selon les règles » dès maintenant sur terre avec son corps de misère. LIVRE VIII

Par ailleurs, nous refusons de rendre les honneurs habituels aux êtres que Celse dit préposés aux choses d’ici-bas. Nous adorons le Seigneur notre Dieu et nous le servons lui seul, priant pour devenir les imitateurs du Christ. Car, à la suggestion du diable : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes et m’adores », il répondit : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. » Voilà donc pourquoi nous refusons de rendre les honneurs habituels aux êtres que Celse dit préposés aux choses d’ici-bas, puisque « Personne ne peut servir deux maîtres », et que nous ne pouvons à la fois « servir Dieu et Mammon », que ce mot désigne un seul être ou plusieurs. De plus, si « en transgressant la lois » n refuse d’honorer le législateur, il nous paraît manifeste que, devant l’opposition des deux lois, celle de Dieu et celle de Mammon, il est préférable pour nous de refuser l’honneur à Mammon en transgressant la loi de Mammon afin d’honorer Dieu en observant la loi de Dieu, au lieu de refuser l’honneur à Dieu en transgressant la loi de Dieu, afin d’honorer Mammon en observant la loi de Mammon. LIVRE VIII

Ainsi donc Celse tente de soumettre notre âme aux démons, comme s’ils avaient obtenu la charge de nos corps. Il soutient que chacun préside à une partie de notre corps. Il veut que nous croyons à ces démons qu’il mentionne, et que nous leur rendions un culte pour être en bonne santé plutôt que malade, pour avoir une vie heureuse plutôt que misérable et, dans toute la mesure du possible, échapper aux tortures. Il méconnaît l’honneur indivise et indivisible qui s’adresse au Dieu de l’univers, jusqu’à ne pas croire que Dieu seul, adoré et hautement honoré suffît à fournir à qui l’honore, et par le fait même de cette adoration, un pouvoir qui arrête les attaques des démons contre le juste. Car il n’a pas vu comment la formule « au nom de Jésus », prononcée par les authentiques croyants, a guéri maintes personnes de maladies, de possessions diaboliques et d’autres afflictions. Il est bien probable que nous ferons rire un partisan de Celse en disant : « Au nom de Jésus tout genou fléchira au ciel, sur terre, aux enfers, et toute langue est tenue de confesser que Jésus-Christ est Seigneur pour la gloire de Dieu le Père. » Mais ce rire ne peut empêcher notre invocation d’avoir des preuves de son efficacité plus manifestes que ce qu’il raconte à propos des noms de Chnoumen, Chnachoumen, Knat, Sikat et les autres de la liste égyptienne, dont l’invocation guérirait les maladies des diverses parties du corps. Vois en outre de quelle façon, en nous détournant de croire au Dieu de l’univers par Jésus-Christ, il nous invite à croire, pour guérir notre corps, en trente-six démons barbares que les magiciens d’Egypte sont seuls à invoquer en nous promettant je ne sais quelles merveilles. D’après lui, il serait temps pour nous d’être magiciens et sorciers plutôt que chrétiens, de croire à un nombre infini de démons plutôt que de croire au Dieu suprême de lui-même évident, vivant et manifeste, par Celui qui avec une grande puissance a répandu la pure doctrine de la religion par tout le monde des hommes et même, ajouterai-je sans mentir, le monde des autres êtres raisonnables qui ont besoin de réforme, de guérison et de conversion du péché. LIVRE VIII

Or nous disons : pour bénir le soleil, nous n’attendons pas qu’on nous l’ordonne, nous qui avons appris à bénir non seulement ceux qui se rangent sous le même ordre que nous, mais encore les ennemis. Nous bénirons donc le soleil comme une belle créature de Dieu qui garde les lois de Dieu, entend la parole : « Soleil et mer, louez le Seigneur ! » et de toute sa puissance chante un hymne au Père et Créateur de l’univers. Toutefois, en rangeant Athènè avec le soleil, les traditions des Grecs ont inventé la fable, avec ou sans significations allégoriques, qu’elle est née toute armée du cerveau de Zeus et que, poursuivie un jour par Hèphaestos qui voulait corrompre sa virginité, elle lui échappa ; mais elle en aima la semence, dans l’ardeur du désir tombée à terre ; et elle éleva sous le nom d’Érichthonios, comme on le dit, « l’enfant de la glèbe féconde qu’Athènè, fille de Zeus, jadis éleva. « On voit ainsi que pour reconnaître Athènè, fille de Zeus, on doit admettre bien des mythes et des fictions que ne peut admettre celui qui fuit les mythes et cherche la vérité. LIVRE VIII

Il se demande ce qui arriverait si les Romains étaient convaincus par la doctrine chrétienne, négligeaient les honneurs à rendre aux prétendus dieux et les coutumes autrefois en usage chez les hommes, et adoraient le Très-Haut. Qu’il entende notre opinion sur ce point. Nous disons : « Si deux ou trois d’entre vous s’accordent sur la terre à demander quoi que ce soit, cela sera accordé par le Père des justes qui est dans les cieux. » Car Dieu prend plaisir à l’accord des êtres raisonnables et se détourne de leur désaccord. Que faut-il penser pour le cas où l’accord existerait non seulement comme aujourd’hui entre très peu de personnes mais dans tout l’empire romain ? Alors ils prieront le Logos qui autrefois dit aux Hébreux poursuivis par les Égyptiens : « Le Seigneur combattra pour vous et vous n’aurez qu’à vous taire. » Et l’ayant prié d’un accord total, ils pourront détruire un bien plus grand nombre d’ennemis lancés à leur poursuite que n’en détruisit la prière de Moïse poussant des cris vers Dieu en même temps que ceux qui étaient avec lui. Si les promesses de Dieu à ceux qui observent la loi ne sont pas réalisées, ce n’est pas que Dieu aurait menti, mais que les promesses étaient faites sous cette condition qu’ils garderaient la loi et y conformeraient leur vie. Et si les Juifs qui avaient reçu ces promesses conditionnelles n’ont plus ni feu ni lieu, il faut en accuser toutes leurs transgressions de la loi et singulièrement leur faute contre Jésus. Mais, comme Celse le suppose, que tous les Romains, convaincus, se mettent à prier, ils triompheront de leurs ennemis ; ou plutôt, ils n’auront même plus de guerre du tout, car ils seront protégés par la puissance divine qui avait promis, pour cinquante justes, de garder intactes cinq villes entières. Car les hommes de Dieu sont le sel du monde assurant la consistance des choses de la terre, et les choses terrestres se maintiennent tant que le sel ne s’affadit pas : « Car si le sel perd sa saveur, il n’est plus bon ni pour la terre, ni pour le fumier, mais on le jette dehors et les hommes le foulent aux pieds. Que celui qui a des oreilles entende » le sens de cette parole. Pour nous, quand Dieu, laissant la liberté au Tentateur, lui donne tout pouvoir de nous persécuter, nous sommes persécutés. Mais lorsqu’il veut nous soustraire à cette épreuve, en dépit de la haine du monde qui nous entoure, nous jouissons d’une paix miraculeuse, nous confiant en Celui qui a dit : « Courage, moi j’ai vaincu le monde. » En toute vérité, il a vaincu le monde, et le monde n’a de force que dans la mesure où le veut son vainqueur qui tient de son Père sa victoire sur le monde. Notre courage repose sur sa victoire. LIVRE VIII

S’il veut que reprennent nos luttes et nos combats pour la religion, les adversaires peuvent se présenter, nous leur dirons : « Je puis tout en Celui qui me fortifie, le Christ Jésus notre Seigneur. » Car, ainsi que l’a dit l’Écriture, quoique deux passereaux ne vaillent pas une obole, « pas un seul ne tombe dans le filet sans la permission du Père qui est dans les cieux ». Et la divine Providence embrasse tellement toutes choses que même les cheveux de notre tête ne laissent pas d’être comptés par elle. LIVRE VIII

Sans doute les prophéties parlent beaucoup en termes obscurs de la totale destruction du mal et de la réforme de toutes les âmes, mais il suffit pour l’instant de faire état du passage suivant de Sophonie : « Tiens-toi prêt, debout dès l’aurore : ils ne sont que du grappillon gâté. Aussi, dit le Seigneur, attends-moi au jour où je me lèverai pour porter témoignage. Car mon décret est de rassembler les nations, d’y faire comparaître les rois, de déverser sur eux toute l’ardeur de ma colère. Oui, toute la terre sera consumée dans le feu de ma jalousie. Alors je redonnerai aux peuples une langue pour sa génération, afin qu’ils invoquent tous le nom du Seigneur, qu’ils le servent sous un seul joug. Des extrémités des fleuves d’Ethiopie, ils m’offriront des sacrifices. En ce jour-là, tu n’auras plus à rougir de tout ce que tu as commis d’impiété contre moi. Car alors je te délivrerai du mépris de ton arrogance et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je laisserai au milieu de toi un peuple doux et humble, et le reste d’Israël craindra le nom du Seigneur. Ils ne commettront plus d’injustices, ils ne prononceront plus de paroles vaines, et il n’y aura plus de langue trompeuse dans leur bouche. Aussi pourront-ils paître et se reposer sans que personne les inquiète. » LIVRE VIII

A celui qui peut saisir le sens profond de l’Écriture et comprendre tout ce passage, d’élucider la prophétie. Qu’il examine en particulier le sens de cette parole : après la destruction de toute la terre, sera redonnée « aux peuples une langue pour sa génération », comme elle était avant la Confusion. Qu’il considère les sens de ces paroles : « Afin qu’ils invoquent tous le nom du Seigneur, qu’ils le servent sous un seul joug », en sorte que soit ôté « le mépris de l’arrogance », et qu’il n’y ait plus d’injustice, de paroles vaines, de langue trompeuse. Voilà ce que j’ai cru bon de citer simplement et sans démonstration rigoureuse, à cause de Celse qui croit impossible que les habitants de l’Asie, de l’Europe, de la Libye, Grecs et barbares, s’accordent pour observer une seule loi. Peut-être en effet est-ce impossible pour ceux qui sont toujours dans les corps, mais non pour ceux qui en sont délivrés. Aussitôt après, Celse nous exhorte à secourir l’empereur de toutes nos forces, collaborer à ses justes entreprises, combattre pour lui, servir avec ses soldats s’il l’exige, et avec ses stratèges. LIVRE VIII